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Mérovée avait quitté la salle du Trône d'Okord et pris la route de ses terres à grand train et en bel équipage.
Aux côtés de Mérovée chevauchait le brun Armate de Goulcelet, fier et ardent patrice d'Illyrie. Derrière Lindel de Cylariel à peine douze années et déjà le feu paternel.
Suivant à vive allure venaient Foulques et Isambard, les fils du seigneur de Vermeil.
Et en enfilade derrière eux quelques dizaines de cavaliers et les écuyers de la compagnie.
En vue de la nouvelle cité d'Écarlate l'on pressa encore le pas. Chevaux et hommes tout fourbu d'avoir couru tant de lieux. Traversant les bois giboyeux, les forêts et les landes et les nouveaux champs du Grand Duché Rouge. Pas un seul de ces hommes ne dépassaient la trentaine et les plus vieux des Nortmannais croyaient voir revivre les premières chevauchée de Bohémont et ses compagnons.
À peine démonté Mérovée, toujours suivi par sa jeune garde, se rua jusqu'à la salle du conseil.
Une mesnie bigarrée s'y tenait. les Seigneurs de Vermeil et de Bourg-Carmin, en vif échange avec les prélats de Cuivre et les maîtres marchands des Rousses et des compagnies du Domaine Rouge. Trois représentant du Clergé et de l'ordre rouge alimentaient l'échange de remarques acerbe et critique mesquine.
Comme depuis plusieurs semaines les mots acerbes et les critiques se faisaient l'écho des tensions internes du Duché.
Balayant d'une main autoritaire les questions qui fusait. Faisant naître le silence d'un regard. Le jeune duc s'assit sur son fauteuil ducal.
"Faites sonnez le Tocsin et courir des messagers aux quatres coins du Domaine. Je lève Ban et arrière ban. Nous partons en guerre.
Les Armées Dorées ont réussi à rallier Cylariel pour défier l'Autriche. Les trois plus grandes armées vont s'offrir une danse terrible. Et le Roi Trof nous envoie chercher noise à Valdor. Dans notre sillage, une vassal de Norbury."
Déjà conseillers et courtisans veulent trouver à y redire mais Mérovée se lève. Son air furieux a remplacé l'apathie des derniers jours. Peut être voit il dans cette guerre le délicieux prétexte pour s'échapper de ces intrigues.
"Suffit, je suis maître en mon domaine et mon verbe ne souffre aucun délai. Allez partout et faites préparer l'intendance."
Quelques jours plus tard, c'est une armée forte de seize milles hommes qui établi le siège devant Valdor.
Dans le pavillon du Duc, la jeune garde est en débat. Tous de fer-vêtu, la longue chevauchée à creusé leurs joues et raffermit leur mine.
"Valdor peut aligner quinze milles chevaliers et presque six milles cavaliers, trois compagnies d'archers viennent compléter le tableau."
C'est Lindel, le fils du grand Denryl, qui parle. Lisant les rapports des espions et éclaireurs.
"Les forces de Dusel ne seront pas là avant plusieurs heures et leur arrivée juste avant le choc va nécessiter que nous ouvrions la ligne. Le vassal de Norbury vient avec trois lances de chevaliers, à peu près autant de cavaliers et deux compagnies d'archers."
Sur la table, plans et pions dressent un tableau peu engageant pour les forces du Duc. Celui ci prends la parole. Disposant sur la carte les pions.
"Nous ne passerons pas, leur chevalerie seule suffirait à nous enfoncer mais Valdor envoie des vivres à l'Ogre et notre présence seule suffira à ralentir l'intendance. Et puis nous nous devons de punir. Et par quelques mouvements nous pourrions peut être en apprendre plus sur la présence de l'enfant idiot dans la cité. Qui sait, les généraux de Karl n'ont jamais été d'une grande clairvoyance."
Plusieurs heures plus tard, Mérovée est devant son pavillon. Déjà en selle sa brillante compagnie l'attend. Seul manque l'Illyrien, reparti à la capitale royale pour s'assurer des positions. Lindel, l'enfant, est là.
"Restez avec moi jeune prince. Nous allons servir une musique terrible aux jouvencelles d'en face."
Enfourchant son cheval, levant haut l'épée, Mérovée d'une voix que l'habitude du commandement rend puissante en appel à tous ses hommes.
"Pour Morvayn ! Pour Le Roi !"
Et la clameur d'être reprise en cœur par l'armée entière se ruant aux murailles de Valdor.
Duc de Nortmannie, Seigneur de l'Ouest
"Ce qu'avons, Gardons ! "
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Prologue — Balthazar, soldat de Verdelaine
J’m’appelle Balthazar. Pas de nom de famille, non. Juste Balthazar. Ma mère disait qu’un nom, c’est bon pour ceux qu’on doit retrouver après la mort. Moi, y’a personne qui m’attend là-haut, alors ça sert à rien. J’suis né dans un village paumé entre deux collines, au nord du comté, là où les vaches sont plus nombreuses que les hommes. J’ai jamais connu mon père, mais d’après ma mère, il était soldat lui aussi. Ou voleur, elle savait plus trop à la fin. Disons qu’il avait une passion pour les épées et les choses qu’on pique.
Quand j’étais gamin, j’rêvais de gloire, comme tous les idiots. Les chansons de taverne me faisaient croire qu’un jour, moi aussi, j’porterais un casque brillant et qu’on scanderait mon nom dans les rues. J’ai vite compris qu’les chansons oublient de parler des cloques, de la faim, et de la merde qu’on gratte sous ses ongles après une semaine dans la boue. Mais bon, à l’époque, j’me disais : faut bien faire quelque chose de sa vie, alors autant la risquer.
Je me suis engagé à Verdelaine y’a trois ans, après que les recruteurs ont promis “du pain, une solde et un toit sec”. Trois mensonges, mais j’étais déjà trop content d’être pris. On m’a collé dans la 3e garnison du château, celle qui sert à tout : nettoyer, surveiller, courir quand on sonne la cloche. Pas glorieux, mais j’aimais bien. Les pierres de Verdelaine ont une odeur à elles, un mélange de pluie et de poussière, comme si le château lui-même respirait.
Y’a pas longtemps, les rumeurs ont commencé à courir dans la garnison. Deux seigneurs d’Okord, le Duc Mérovée de Vaux et le Marquis Guy Dusel, s’étaient alliés pour venir chercher le jeune Roi Morvayn. Un môme de huit ans, un gamin qui prie plus qu’il parle. On disait qu’ils allaient frapper Verdelaine, et qu’on devait se tenir prêts. Prêts… à quoi, j’sais pas. Moi, j’pensais que c’était juste des histoires pour nous faire dormir moins bêtes.
Et puis, y’a eu cette pluie. Une pluie froide, qui tombait sans fin depuis trois jours. Mais c'est aujourd'hui que tout a commencé, avec cette odeur...
Verdelaine sous la pluie – récit de Balthazar, soldat du 3e bataillon
J’aime bien cette odeur de pluie. Ça donne un côté propre aux choses. Même la guerre, sous la pluie, ça sent un peu moins la merde. Les gars râlent souvent, disent que la boue les freine, que les arcs tirent moins droit, que les chevaux s’enfoncent. Moi, j’trouve que la pluie a quelque chose de juste. Elle lave tout, le sang comme les mensonges. Ce matin-là, Verdelaine s’était réveillée au son des cors et de la pluie battante, et j’me suis dit que ce serait pas une journée comme les autres.
Sur les remparts, on voyait plus grand-chose. Le ciel était lourd, gris, et la brume avalait les collines. On disait que deux seigneurs d’Okord, le Duc Mérovée de Vaux et le Marquis Guy Dusel, avaient rassemblé des milliers d'hommes pour nous attaquer. Leur mission ? Prendre Verdelaine et capturer le Roi Morvayn. Huit ans. Un gamin. Un foutu gamin aveugle. Et pourtant, y’avait dans ses prières plus de courage que dans bien leurs épées.
Louise d’Épannes, notre commandante, était déjà dehors, droite comme un pieu planté dans la tempête. C’était pas une femme qu’on regardait longtemps dans les yeux. Quand elle passait, même les plus anciens des gardes baissaient la tête. Elle parlait peu, mais quand elle ouvrait la bouche, on sentait que même les murs du château l’écoutaient. Elle s’est arrêtée devant nous, le visage ruisselant de pluie, l’épée à la main.
- Tenez vos positions. Laissez-les venir. Qu’ils croient qu’on tremble.
Qu’elle a dit.
Et moi, j’étais d’accord. Trembler, j’sais faire. J’ai toujours su faire.
On disait que la bataille allait se jouer dans les plaines au sud. Louise avait fait installer un mur de tireurs : des archers, des arbalétriers, tous planqués derrière les talus et les murets de pierre. Elle avait prévu des failles dans la ligne, des trous qu’on laisserait exprès pour que les cavaliers ennemis s’y engouffrent, croyant trouver une brèche. Ce serait leur tombe.
- On les attire, on les encercle, et on les finit.
Qu’elle disait. Et elle disait toujours vrai.
Quand les cors ont sonné, on a vu les silhouettes s’avancer dans la brume. Les chevaux piaffaient, la pluie faisait luire les cuirasses. Et soudain, tout s’est mis à bouger : les tambours, les bannières, les cris. Mérovée avait chargé avant même que Dusel n’arrive. L’impatience d’un orgueilleux, disaient certains. Une bénédiction, disaient les autres. Louise, elle, n’a rien dit. Elle a juste levé le bras.
Et alors, le ciel est tombé.
Des milliers de flèches ont traversé la brume, sifflant comme des abeilles furieuses. Les premiers cavaliers se sont effondrés dans la boue, les suivants ont glissé sur leurs corps. On n’entendait plus que le fracas du métal et les hennissements. Moi, depuis la cour intérieure, j’entendais les échos de la bataille, les cors qui répondaient aux cors, les cris étouffés par la pluie. À chaque fois qu’un bruit de fer résonnait dans le vent, je me disais : tiens, encore un qui a glissé.
On a appris plus tard que Dusel avait été retardé et qu'il arrivait par le nord, mais Louise avait déplacé ses lignes à temps et avait percé les troupes au centre. Verdelaine tenait, la ruse avait marché, et pendant un instant, on a cru que tout était fini. Mais les grandes batailles, ça finit jamais proprement.
L’alerte a retenti quand le vent a tourné. Des éclaireurs sont arrivés, haletants, trempés jusqu’aux os :
- Mérovée a percé ! Ils ont franchi les faubourgs !
On aurait dit un mauvais présage, un coup de dés qu’on n’avait pas prévu. Les portes secondaires de la ville, sous la pluie et la confusion, avaient cédé.
La troupe du Duc — environ cent cinquante cavaliers — avait réussi à approcher du donjon royal sans être repérée. Ils avaient contourné les patrouilles, profité du brouillard, et désormais, ils galopaient dans la grande cour.
La boue éclaboussait les murailles. Les trompettes sonnaient. Et puis, une seule silhouette s’est avancée, bannière teutonique au vent : Louise d’Épannes. L’épée levée, elle a juré par le Père que nul ne toucherait au Roi. C’est là que tout s’est joué.
Moi, j’étais dans le château. Je gardais la chapelle où priait le petit Morvayn. Il était à genoux, les mains jointes, les yeux vides mais le visage calme.
- Père, pardonne-leur, ils ne savent pas, qu’il murmurait.
Et j’me disais : il a tort. Ils savent très bien.
Le fracas des sabots a retenti dans la cour. Des hommes hurlaient, des torches passaient par les fenêtres brisées. Louise a chargé, l’épée brandie. J’ai entendu sa voix, plus forte que la pluie.
- Pour le Roi !
Et tous ont crié derrière elle, un cri de guerre, de peur, d’instinct. Même les pierres vibraient.
On s’est battus dans le couloir, torche à la main, l’eau coulant sur nos visages. Les cavaliers avaient réussi à forcer la grande porte du donjon. Des hommes, couverts de boue, hurlaient, frappaient, tombaient. Je ne savais plus où était le haut ou le bas, le bien ou le mal. Tout se mélangeait : la pluie, la sueur, le sang.
Louise était là, au milieu, frappant comme si la foudre lui-même guidait sa lame. Elle a pris un coup à l’épaule, une entaille si profonde que j’ai cru la voir tomber. Mais non. Elle s’est relevée. Elle s’est relevée, par Père.
Verdelaine tenait encore. Le Roi était sauf. Les ennemis reculaient, traînant leurs blessés dans la boue. Le tonnerre s’éloignait peu à peu, comme un animal repu. On respirait enfin.
Et moi, je me suis dit que c’était fini.
Puis j’ai entendu un pas. Un seul. Lent. Derrière moi.
Je me suis retourné. Un homme. Trempé, sale, un de ceux de Mérovée sans doute. Je n’ai pas eu le temps de dire “Halte”. Il a levé son épée et je l’ai senti me traverser la gorge.
Un froid terrible. La surprise, surtout. Je suis tombé à genoux, les mains pleines de sang. Je voyais flou. J’entendais plus rien, juste la pluie.
Je me suis dit que j’aurais préféré rester sur les remparts, à regarder la boue, plutôt que de mourir là, dans un couloir. Et puis plus rien. Le sol. La pluie. Et le silence.
On dit que Verdelaine a tenu. Que le Roi est vivant. Que Louise d’Épannes a juré sur ma tombe qu’elle vengerait chaque soldat tombé.
Moi, j’en sais rien. Je suis mort.
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Lunor, 3e phase du printemps de l'an XI de l'ère 25
Messire de Frontenay ,le Roi m'a fait savoir ce jour même que l'Autriche déposait les armes face à la couronne . Par ailleurs vous devez savoir que les forces du Lys ont été défaites en plusieurs endroits . Vous ne pourrez donc bientôt plus compter sur aucun soutien de la part du Lys . Le Roi me fait savoir également que les armées dorées sont quasiment intactes et que dès demain elles pourront prendre la direction du Valdor afin d'y mettre fin à votre rébellion par la force s'il le faut .
Je vous recommande de suivre la voie tracée par l'Autriche elle même , qui devant l'inéluctable a choisi de déposer les armes plutôt que de continuer un massacre qui ne pouvait servir que les intérêts des ennemis d'Okord . Le temps n'est plus à l'entêtement et à la rébellion contre le royaume . La sécession de votre domaine doit maintenant prendre fin , par la raison ou par la force .
Je vous enjoins , Messire , de retrouver raison . Okord n'est pas un enfer à fuir et laisse large autonomie de décision et d'action à ses nobles , vous en avez été vous même le Roi très récemment . Rejoignez maintenant pleinement la communauté de vos pairs en mettant fin à votre rébellion , en faisant allégeance au Roi et en appliquant à nouveau les lois de notre royaume en vos terres .
La voie de la sagesse préservera vos gens et votre domaine . Poursuivre inutilement et sans espoir dans la folie ne laissera qu'un champ de ruines derrière votre cadavre .
Le Roi et le Conseil Royal attendent votre réponse .
Aguilar de Vivesource . Grand Chambellan du Roi Kap Hital" .
Lunor, 3e phase du printemps de l'an XI de l'ère 25
"À l’Étranger, Aguilar de Vivesource,
Tu parles au nom d’un royaume qui croit encore pouvoir dicter la raison aux autres. Très bien alors écoutez ceci, et que vos oreilles retiennent la vérité :
Le Royaume de Valdor veut garder son isolement. Nous n’avons jamais cherché à être les agitateurs ; nous avons voulu protéger notre peuple, notre foi et notre Roi. Et qu’a fait Okord ? Il a attaqué pour prendre la vie d’un enfant — un putain d’enfant de huit ans. On ne négocie pas l’honneur d’une famille, encore moins la vie d’un garçon. Ceux qui ont levé la main contre Morvayn l’Aveugle ont signé leur propre honte.
La famille royale de Valdor a trop souffert du déni et de l’inaction des seigneurs okordiens quand nous tenions encore le gouvernail d’un royaume pourri. Vous nous avez laissé seuls face aux menées et aux violences, et maintenant vous venez nous donner des leçons de raison ? Gardez vos leçons. Nous avons des mémoires. Nous avons des noms.
Tu parles de l’Autriche et de ses décisions. Qu’on le sache : l’Autriche s’est retirée avant d’affronter réellement Kap Hital et Denryl Altéria, et certains voudraient faire croire qu’elle a « perdu » face à eux. Croyez ce que vous voulez : vos racontars n’effaceront pas la réalité. Nous avons, de notre côté, vaincu des seigneurs qui ont cru pouvoir venir à nous en affichant moins de troupes que nécessaires. Que le Conseil royal et la tête couronnée d’Okord en tirent la leçon : Valdor ne pliera jamais.
Je n’irai pas jusqu’à vous insulter, par respect pour d’anciennes connaissances et quelques rares amis encore présents dans vos rangs. Mais sachez une chose : si vos messagers attendent de nous voir fléchir, ils se trompent lourdement. Nous rendrons coup pour coup à ceux qui ont voulu frapper nos maisons et nos enfants.
Que Kap Hital le traître vienne a Verdelaine. Nous lui ferons subir ce que le fils de Maria Wolfhart aurait pu vivre.
Ne confondez pas retenue et faiblesse.
Ne nous demandez pas de plier le genou.Fürst Jacques de Frontenay
Régent du Roi Morvayn Ier de Valdor"
Mardor, 4e phase du printemps de l'an XI de l'ère 25
Jacques de Frontenay,
J’ai été votre vassal et votre soutien puissant.
J’ai été votre conseillé pour vous aider à être un suzerain juste portant la couronne d’Okord.
Vous m’appelez le traître car j’ai refusé votre décision unilatérale de découper Okord en morceaux.
Sous votre gouvernance je vous ai aidé à maintenir un royaume d’une seule frontière, et c’est à cause de cet attachement que je vous ai quitté et que j’ai obtenu la couronne.Le lys est défait, il a plié dans de nombreuses batailles.
L’Autriche s’est rendue, elle ne peut plus vous soutenir.
Par mon attachement à ce qu’Okord conserve ses frontières je vais diriger mes troupes vers le Valdor.Vous avez donc le temps de réfléchir à tout ceci. Je ne souhaite que la fin de votre sécession. Vous pouvez être un domaine autonome comme chaque domaine l’est déjà grandement. Vous pouvez garder vos traditions locales comme chaque domaine. Vous pouvez faire en sorte que les lois d’Okord évoluent comme l’a fait l’Autriche.
Mais vous devez mettre fin à vos déclaration sécessionnistes. Vous faites partie d’Okord.
Mes troupes vont venir et je viendrais aussi. Nous discuterons et si malheureusement vous maintenez cette décision c’est par la force qu’il me faudra vous faire ployer le genou et déposer les armes.
Vous avez le temps de la réflexion, le domaine du Valdor peut être un grand domaine en Okord. Ne devenez pas un domaine détruit par l’arrogance d’un seul homme. Trouvons un compromis avant que la guerre ne ravage vos terres.
Pour la couronne d’Okord
--
Kap Hital
Maître architecte
Représentant du conseil des Trofs
Lignée des Trofs, et autres successeurs
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Un carrea éclata sur un moellons. Le ciel sombre déversait ses traits. D'eau mais aussi de bois et d'acier.
Mérovée et ses gens autour de lui s'accordaient quelques répits à l'abri d'une masure éventrée par un trébuchet.
Tout autour la guerre et son cortège de mort.
"Seigneur ! Ils ont percé !"
La voix était fluette, Findel, le rejeton de Cylariel avait passé sa tête par l'encadrement d'une fenêtre partiellement éboulée. Sa voix claire sonnant dans le couchant, pleine de résolution et chargée d'émotions. Son baptême du feu était un sacré pas de danse et le jeune héritier avait eu moults occasions de faire une mauvaise rencontre sans la garde vigilante des chevaliers autours de lui. Mérovée lui même avait pris un trait à l'épaule pour épargner le garçon.
Et l'âme bien née, la fougue encore vibrante le jeune écuyer montrait du doigt quelques cavaliers qui par d'habiles manœuvre s'était faufilé jusqu'à la barbacane du grand donjon. En maints endroit la muraille avait percé mais l'ennemi tenait bon.
Leur attention porté sur la cavalerie, Mérovée et ses gens suspendaient leur souffle. Qu'un seul cavaliers sortent avec l'enfant et la bataille était terminé. Mais les minutes passèrent et bientôt la désillusion fit place à l'espoir.
Enfin, le galop d'un cheval rendu fou quittant le donjon sans cavaliers et son flanc saignant de maints endroits les secoua.
"C'est terminé. La peste emporte Dusel et ses couards qui n'ont jamais chargé. Faites sonner la retraite Isambard."
Les grands cors donnèrent le signal tant attendu et de partout l'on tentait de fuir.
Mérovée et les siens n'eurent que la chance d'avoir d'excellents chevaux pour se tirer du bourbier.
Duc de Nortmannie, Seigneur de l'Ouest
"Ce qu'avons, Gardons ! "
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Vendor, 7e phase du printemps de l'an XI de l'ère 25
Le vent hurlait à travers les arbres tordus du nord-est de Verdelaine.
Sous la pluie fine qui voilait la forêt, les sabots des chevaux soulevaient une boue lourde, rythmant la montée vers la forteresse de bois perchée sur la colline. Les torches brillaient faiblement sur les palissades, comme des yeux de bêtes défiant la nuit.
Kap Hital, capuchon rabattue, menait sa petite escorte. Sa cape sombre aux reflets d’or terni se pliait au vent. Nul mot n’était échangé : seule la respiration des montures brisait le silence. Le roi sentait le froid mordre ses doigts, mais il accueillait cette morsure comme un rappel. Tant qu’il sentait le froid, il n’était pas mort.
Au sommet, les gardes s’inclinèrent en silence.
Un jeune soldat s’approcha, tenant un parchemin roulé d’une main hésitante.
« Sire, un messager de Valdor. »
Kap Hital prit la lettre, délia le sceau, et lut à la lueur vacillante d’une torche.
Chaque mot semblait une lame de plus. Traître.
Il relut la première ligne, lentement. Son visage resta impassible, mais son regard s’assombrit, profond comme un puits sans fond.
Lorsqu’il acheva la lecture, il referma le parchemin d’un geste sec et le tendit à un cavalier proche.
« Transmettez cette missive à Eremond de Trof, qu’il l’apporte en salle du trône au bientôt roi d’Okord, Mérovée de Vaux. »
Il marqua une pause, sa voix plus basse, plus dure.
« Qu’il comprenne, comme moi, que ce Jacques de Frontenay nous insulte tous et qu’il intercepte les communications de Morvayn l’enfant roi… s’il est encore véritablement en vie. »
Le messager s’inclina et partit aussitôt au galop, avalé par la brume.
Kap Hital resta un instant immobile, observant les remparts du fortin.
Les fraîches palissades grinçaient, mal jointes, trop récentes et probablement montées à la hâte sous la pluie. Il savait déjà qu’elles ne tiendraient pas un siège. Mais ce n’était pas la peur qui l’agitait, ce campement n’était pas durable.
Autrefois roi, bientôt supplanté, mais toujours maître de sa volonté, Kap Hital sentait en lui la colère monter à l’encontre du régent du Valdor. Trop de questions étaient sans réponses.
Il remonta lentement l’allée boueuse, inspectant les fossés, les tours de guet, les barricades. Chaque détail lui parlait : la hauteur des pieux, l’angle des meurtrières, la faiblesse du flanc nord. Son œil d’architecte notait tout. Même dans la disgrâce, Kap Hital bâtissait. Toujours.
Lorsqu’il atteignit la grande tente dressée au centre du camp, deux soldats écartèrent la toile. La chaleur du brasero l’accueillit avec un grondement discret.
Autour d’une carte, plusieurs officiers se levèrent.
« Où en est la situation ? » demanda-t-il d’une voix qui ne souffrait ni retard, ni erreur.
Un général, large d’épaules et couvert de boue, s’inclina légèrement.
« Sire, plus de quinze mille hommes sont arrivés dans la nuit. Mais leurs couleurs n’ont pu être repérées. Pas d’étendard, pas de blason. »
Kap Hital plissa les yeux.
« Des mercenaires… ou une maison qui ne veut pas encore se trahir. »
Il fit un pas vers la carte, son doigt suivant les lignes du terrain.
« Nous le saurons très vite. »
« Quand nos troupes seront-elles prêtes ? »
« Dès que vous l’ordonnerez, Sire. Quarante-cinq mille hommes en état de marche dans moins d’une heure. »
Kap Hital acquiesça lentement.
« Parfait. Alors assurez-vous que tout le monde se repose bien cette nuit. Nous partirons à l’aube. »
Il remit sa cape, la lourde étoffe retombant sur ses épaules comme une ombre. Le feu faisait luire le fil doré de ses broderies, comme des éclats d’un passé royal qu’il refusait d’abandonner.
Alors qu’il se dirigeait vers la sortie, le général demanda d’une voix hésitante :
« Voulez-vous que je vous accompagne dans votre revue des troupes, Sire ? »
Le roi s’arrêta, sans se retourner.
« Faites-le sans moi. »
Une courte pause. Puis, calmement :
« Je dois rendre visite à une connaissance non loin d’ici cette nuit. »
Il écarta la toile et sortit, avalé par le froid et la nuit.
Dehors, le vent soufflait toujours, portant avec lui l’odeur du bois et du fer.
Kap Hital remonta sa capuche et marcha vers son cheval.
Derrière lui, la colline s’embrasait lentement de torches, comme si la forêt elle-même retenait son souffle, consciente qu’à l’aube, la guerre reprendrait.
Lignée des Trofs, et autres successeurs
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L’aube ne balaya que lentement les dernières ombres quand la plaine se réveilla en un grondement sourd. Mille étendards d’or frémirent comme une mer métallique ; les casques brillèrent d’un pâle halo, et l’air lui-même vibra sous le pas compact de presque cinquante mille hommes. Au sommet de la crête, Kap Hital tenait sa monture, immobile comme une statue polie par l’acier des ans. Sa cape noire, ourlée d’or, fouettait le vent ; ses yeux bleu clair scrutaient la trame de la bataille comme on lit un plan.
Il ne s’agissait pas d’un mouvement hésitant : c’était une volonté lancée en masse. Kap Hital leva la main, et sa voix — brève, coupante — fendit l’air :
« Ne leur laissons pas le temps de s’organiser : chargeons droit sur leur flanc gauche ! Pénétrons leurs lignes et ouvrons un passage pour une puissante charge des chevaliers ! Archers, couvrez-nous ! »
La réponse fut un rugissement. Les trompettes s’époumonèrent, la terre trembla, et l’armée dorée se détacha de la colline en un bloc unique : piques, hallebardes, écus et bannières, une masse où l’individu se perdait pour ne laisser que l’élan. Les régiments se fondaient les uns aux autres comme une vague forcée par le bras d’un dieu. Archers rangés, cordes bandées, volées prêtes à tomber comme des nappes de pluie de fer.
Face à eux, la défense de Verdelaine avait plié son jeu sur la cité. Les généraux de la garde avaient aligné leurs meilleurs hommes pour protéger les murs, aménagé des redoutes, et réservé les réserves. Ils avaient accepté la logique avare : mieux tenir la ville que risquer tout en pleine plaine. Le flanc gauche, solide mais éparpillé derrière obstacles et fossés, se préparait à avaler le choc.
La pente transforma la charge en une bête sauvage : l’élan brisa le silence, et les lignes d’Okord, serrées, frappèrent le premier rideau de boucliers. Acier contre acier, cris, heurts — un mur humain fut poussé vers l’arrière. Les archers d’Okord versèrent leur pluie, des traits noirs creusant l’air ; les premières rangées ennemies tombèrent, pliées par la douleur, mais le bloc continua à avancer, animé par la volonté de son roi.
Pourtant, la défense n’était pas naïve. Les chefs de Verdelaine avaient ménagé des points d’ancrage : tranchées camouflées, palissades retravaillées, piques dissimulées. Là où la charge semblait promise à un succès net, la géographie et l’artifice ralentirent la bête. Les cohésions se rompirent, des poches se formèrent, et la violence se mua en boucherie ordonnée.
La cavalerie attendit le moment : quand Kap Hital vit la brèche, un couloir ouvert entre deux rangs affaiblis, il jeta ses chevaliers. Ils dévalèrent comme des massues, lances en avant, étendards flottant. L’impact fut cataclysmique, la ligne d’ennemis céda sous la poussée, et pour un instant, le cœur de la défense chancela. Des cris de triomphe jaillirent de la colonne d’Okord. Les chevaliers, dorés, traversèrent le champ et firent pleuvoir la discipline et le fer.
Dernière modification par K-lean (2025-11-08 19:37:05)
Lignée des Trofs, et autres successeurs
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Là où la brèche s’ouvrait, les défenseurs recréèrent des ancrages, envoyant jeunes contingents et mercenaires inconnus surgissant de la nuit pour colmater le trou. Les archers postés sur les tours trouvèrent des lignes à portée, et des volées meurtrières taillèrent en travers la charge qui se voulait irrésistible. Ce qui devait être une percée décisive se mua en duel d’usure : kap Hital gagna du terrain mais au prix d’un sanglant tribut. Les rangs du Valdor s'effritèrent, des espaces béants marquant la route que les armées dorées avaient forcée. Mais le maître stratège des armées Trof maintenait son attention au loin et observait les mouvements adverses. Par deux fois il fit changer de cap à la charge de la cavalerie alors qu'une plaie béante s'ouvrait devant eux. Les armées du Valdor, menées par leur intelligente cheffe Louise d'Epannes, tentaient de piéger l'impressionnante charge et de refermer sur eux les dernières forces de Verdelaine. Mais en s'exposant ainsi, les lanciers s'exposaient aux nombreux archers dorés. Le piège se retourna par deux fois contre un Valdor valeureux et résistant mais qui en paya un lourd tribu.
Quand le soleil monta plus haut, la plaine était une carte griffée de boue et de sang. Verdelaine tenait encore, son cœur battant sous la fumée ; la cité n’était pas brisée, mais son dispositif défensif montrait des fissures inquiétantes. Kap Hital, le souffle court, observait l’œuvre achevée : une ouverture faite, une promesse tenue. Il n’avait pas détruit la ville mais il avait forcé l’ennemi à révéler ses réserves, ses mercenaires et ses faiblesses. La question qui pesait comme un présage laissa une réponse nette : la stratégie de Verdelaine avait résisté mais tomberait bientôt. Kap Hital sut, dans le sang et le fracas, que la bataille approchait de son terme. La victoire n’était plus un geste grandiose, c’était désormais une conclusion qui arriverait à la suite d'une série d’ajustements, de sacrifices et de nerfs. Il serra la garde de son épée, et lança le dernier acte offensif de ce rude théâtre... Lorsqu'il vit au loin plusieurs cavaliers s'échapper de Verdelaine.
Le groupe, trop petit pour être une manoeuvre de contournement, trop grand pour être un simple messager, inquiéta Kap Hital. Etait ce un ultime recrutement de mercenaires, un signal à l'attention d'une armée sollicitée en renfort ? Le doute n'était pas permis, Kap Hital confia la direction de l'inéluctable chute de la cité à son général chevalier et se dirigea au triple galop vers le petit groupe en compagnie d'une demi colonne de cavaliers.
Dernière modification par K-lean (2025-11-11 19:19:50)
Lignée des Trofs, et autres successeurs
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La Chute du Roi (du point de vue de Jacques de Frontenay)
Le vent sentait la suie et le fer. Verdelaine, derrière eux, se consumait doucement, comme une bête blessée qui refusait de mourir. Jacques de Frontenay menait la fuite ou la retraite, comme il préférait l’appeler, sur les chemins de terre qui longeaient les collines. Les chevaux, trempés de sueur, haletaient à chaque pas. Derrière lui, Louise d’Épannes tenait l’enfant-roi Morvayn contre elle, ses doigts crispés sur les rênes.
Leur petite escorte, une poignée d’hommes, se taisait. Personne n’osait parler depuis qu’ils avaient franchi la dernière porte de Verdelaine. Dans leurs regards, Jacques voyait la même lueur mais pas celle de la peur, mais de l’épuisement.
Coulon n’était plus très loin. Un hameau perdu, invisible depuis la route, entouré de vergers et de haies hautes. Là-bas, pensait-il, ils pourraient se cacher quelques jours. Juste assez pour que les cavaliers de Kap Hital se détournent, pour que Verdelaine ait le temps de se rendre, ou de résister encore un peu.
Mais soudain, un cri monta depuis l’arrière-garde :
— Cavaliers à l’horizon !
Jacques tourna la tête. Sur la ligne des collines, une lueur d’or bougeait dans la brume. Des lances dressées, des bannières frappées du soleil de Trof. Kap Hital.
Son sang se glaça.
— Non… non, ce n’est pas possible. Pas déjà…
Louise accéléra, serrant l’enfant contre elle. Morvayn tremblait, mais ne pleurait pas. Il gardait ce silence étrange, presque royal, qui troublait Jacques. Cet enfant n’avait encore que dix ans, mais son regard, parfois, semblait bien plus vieux que celui des hommes.
— Jacques, dit Louise d’une voix blanche, il faut continuer. Coulon est proche.
Mais il ne répondit pas. Ses pensées tournaient en spirale, le ramenant sans cesse à la même image : celle des cavaliers de Kap Hital, ces chiens de guerre sans pitié, fondant sur eux. Et l’enfant… l’enfant tomberait entre leurs mains.
Jacques savait ce que cela signifiait.Il avait vu Kap Hital à l’œuvre, sur les champs de bataille. Il savait ce qu’il ferait du roi captif.
Il savait aussi ce que devenaient les symboles.
Et Morvayn était un symbole.
Le dernier fil qui tenait Valdor uni.
Si l’ennemi s’en emparait, le royaume plierait, ou se déchirerait à jamais.
La panique monta en lui, acide et brûlante.
Une voix intérieure murmurait — non, ordonnait.
« Mieux vaut qu’il meure libre que captif. Mieux vaut un roi mort qu’un roi enchainé. »
Jacques mit pied à terre.
Louise cria son nom, mais il ne l’entendit pas.
Il s’approcha de l’enfant, lentement, comme on s’approche d’un autel.
— Mon roi, murmura-t-il, je vous jure… je fais cela pour vous.
Morvayn leva vers lui ses yeux clairs, sans comprendre.
Louise bondit, tenta d’intercepter le geste.
Mais l’épée était déjà levée.
Le coup tomba, sec, implacable.
Le sang éclaboussa le sol.
Louise hurla.
Elle arracha sa lame, ses doigts tremblant de rage et de chagrin.
Jacques tenta de parler, de se justifier, mais aucun mot ne sortit. Il voulut dire qu’il avait voulu sauver le royaume, qu’il avait voulu protéger l’enfant d’un sort pire que la mort.
Mais déjà, l’acier de Louise lui transperçait la poitrine.
Son souffle se coupa net.
Il tomba à genoux, puis sur le côté, les yeux fixés sur le ciel — un ciel pâle, indifférent.
Avant que tout ne s’éteigne, il crut voir le visage de Morvayn, apaisé, presque endormi.
Louise, agenouillée dans la poussière, serrait l’enfant contre elle. Ses lèvres murmuraient une prière sans fin, mêlant le nom du roi à celui du régent.
Verdelaine tenait encore — mais Valdor venait de perdre son roi, et peut-être, son âme.
Dernière modification par Aokairu (2025-11-11 19:48:48)
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Point de vue de Guy Dusel ; Un peu tardif
La colline tremblait sous le galop des chevaux.
Sous un ciel bas saturé de pluie, Guy Dusel menait ses cavaliers d’Oléa à vive allure. L’averse fouettait les visages, les caparaçons luisaient d’eau, et les bannières frappées du blason des Dusel claquaient dans le vent froid. Lorsqu’ils atteignirent le sommet, Guy tira sur les rênes et arrêta sa monture. Un seul regard suffit pour comprendre la situation.
En contrebas, Verdelaine se dressait, sombre, hérissée de tours, cernée par la fumée et la boue. Devant ses murs, la bataille n’était plus qu’un amas confus de torches, de silhouettes aux prises, et de cris de douleur et d’agonie. Le son du métal qui s’entrechoquait résonnait par vagues, à peine étouffé par la pluie. Mérovée avait bien lancé l’assaut sans attendre.
Guy serra la mâchoire à la vue de la ligne du front.
Le flanc sud grouillait de mouvement. La cavalerie du duc y était engagée jusqu’aux lignes des défenseurs, tandis que l’infanterie, poussée à bout, soutenait la charge. Au nord, en revanche, le terrain se dégarnissait. Les hommes de Vaux s’étaient laissés aspirer vers le sud. C’est alors qu’il aperçut, dans les bois, à l’est, des éclats d’acier. Des troupes de Valdor contournaient le théâtre principal pour tomber sur le nord.
Il souffla entre ses dents :
« Par tous les saints... Il renforce le sud et abandonne le reste. »
Son capitaine s’approcha, l’eau ruisselant de son heaume.
- Vos ordres, seigneur ?
Guy ne répondit pas immédiatement. Il suivit du regard les mouvements autour de Verdelaine, évalua les distances, pesa ce qu’il avait d’hommes. Puis il parla d’un ton net.
- Le premier escadron avec moi. Tu prends le reste, tu descends par le vallon et tu verrouilles ce flanc avant qu’ils ne nous décapitent. Il faut tenir, coûte que coûte.
- Bien, seigneur.
Les trompettes d’Oléa sonnèrent. La colline s’ébranla dans un grondement de sabots. Les cavaliers dévalèrent vers la brume, lances basses, hennissements résonnant dans la plaine. Guy les regarda s’éloigner, le cœur serré par cette dépense nécessaire mais inutile d’hommes, puis tourna sa monture vers le camp du duc. Il devait comprendre ce qu’il avait en tête.
Le pavillon de Mérovée était dressé à l’abri d’un talus. Quand Guy entra, le duc de Vaux se tenait debout au centre, l’épée encore nue à la main, les yeux brillants d’une fièvre que le temps ne calmait pas.
- Seigneur Dusel ! lança Mérovée. Vous voilà enfin. Il faut charger avec tout ce que nous avons !
Guy s’inclina à peine.
- Vos troupes tiennent encore, monseigneur. Mais si nous poussons plus avant, le nord s’ouvrira.
- Qu’il s’ouvre ! rugit Mérovée. Verdelaine tombera aujourd’hui, ou nous avec !
Guy soutint son regard. Il aurait pu lui dire qu’une forteresse ne s’abat pas à la seule force de la volonté. Il se contenta de répondre :
- Comme il vous plaira.
Dehors, la bataille grondait encore. Dusel rejoignit ses chevaliers. Il tira son épée, et lança :
- Pour Oléa. Et pour le Roi !
La pente était glissante, la pluie martelait les heaumes, la boue éclaboussait les caparaçons. L’instant d’après, le sifflement des flèches couvrit tout. Le premier rang fut fauché net : les chevaux roulèrent dans la glaise, les hommes derrière trébuchèrent sur les corps. La charge d’Oléa vint s’écraser sur un mur de piques et de flèches.
Guy tenta de rallier les survivants, de remettre un ordre quelconque dans ce chaos. Mais déjà les archers de Verdelaine décochaient une nouvelle volée depuis les murs. Au sud, les bannières de Mérovée refluaient par saccades. Au nord, ses propres hommes cédaient pied à pied, couverts seulement par ses archers restés sur la hauteur.
Guy fit tourner son cheval pour mieux voir le champ de bataille. Ce qu’il vit alors le glaça plus que la pluie.Guy aperçut, en retrait, la suite de Mérovée qui s’éloignait déjà de la bataille, les chevaux encore frais, son escorte intacte. Ils partaient alors que le duc lui-même venait de donner l’ordre de charger avec tout ce qu’ils avaient.
Les idées se bousculaient dans sa tête. Quelle était la signification de tout ceci ? Soudain, le tumulte dans son esprit se calma :
- C’était donc un piège, dit-il simplement.
Il n’en savait ni le but ni l’auteur, mais il savait désormais qu’on avait envoyé Oléa se faire briser sur les murs de Verdelaine pendant que d’autres gardaient une porte de sortie sûre.
Il tira sur les rênes, tourna son cheval vers le nord.
- Repliez-vous. Gardez vos lances et vos boucliers levés ! On ramène les nôtres.
Et il entama la retraite sous la pluie, tandis que Verdelaine tenait encore.
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Le carrosse doré glissa dans la cour du château comme un éclat d’or tiré de la brume. Kap Hital, drapé dans son manteau noir bordé d’or, mit pied à terre avec la raideur d’un homme dont le voyage avait été long, la vigilance constante, et la charge du monde trop lourde.
La paix régnait sur Verdelaine, une paix discrète, construite pierre après pierre, loin des tambours et des gloires factices. Le roi déchu qui ne s’était jamais senti aussi vivant que depuis qu’il n’avait plus de couronne, laissa son regard errer sur les palissades réparées, les charrettes pleines de provisions, la fumée des ateliers qui s’élevait en colonnes dociles.
Et là, dans le potager, au milieu des gens de peu, travaillait la duchesse Louise d’Épannes.
Elle maniait ses outils comme d’autres maniaient une épée. Une force tranquille, une détermination presque guerrière, mais au sourire étonnamment doux lorsqu’elle aperçut Kap Hital.
Il s’inclina très légèrement, juste assez pour honorer leur pacte et rien de plus.
— Dame Louise d’Épannes, dit-il, la voix plus fatiguée qu’il ne l’aurait voulu. Je suis ravi de vous revoir. J’espère que vous allez bien… ainsi que notre ami, depuis notre opération ?
La duchesse essuya ses mains sur sa tunique simple et sourit avec une assurance qui n’appartenait qu’à ceux qui portaient un secret et savaient le protéger mieux que leur propre vie.
— Je peux vous assurer qu’il est entre de bonnes mains, répondit-elle. Il faudrait une armée entière pour compromettre notre fameuse opération.
Le roi hocha la tête, satisfait mais trop prudent pour le montrer. Ici, tout respirait la sérénité, mais Kap savait que la sérénité n’était qu’un voile tendu sur des failles encore vives.
— Bien. Très bien.
Il observa les murs, les outils, les travailleurs.
— Je voulais aussi savoir si vous aviez besoin de matériaux pour vos travaux. Nos mines fonctionnent parfaitement… nous avons des stocks de pierre en abondance.
Louise secoua la tête.
— Hélas, nous aussi. Les carrières ont tourné à plein régime tout l’hiver. Nous attendrons avant de formuler des demandes.
Kap franchit d’un pas la petite clôture du potager, la voix plus pensive.
— La pierre était si recherchée il y a un an… Aujourd’hui, tout le monde en déborde. Le cours s’effondre. Pourquoi attendre avant d’en vendre si vous en avez trop ?
Il marqua une pause puis aborda le sujet qui brûlait réellement ses lèvres :
— J’aimerais aussi savoir ce que vous pourriez me dire de la Banque de Givre.
Deux seigneurs, Ulfarks et Rainer, ont annoncé avoir imposé un embargo sur mon domaine. Puisque vous faites partie du groupement… peut-être pourriez-vous m’en dire davantage ?
Louise s’essuya les mains de nouveau, sourit d’un rire bref.
— Je ne suis dans la Maison de Givre que pour rembourser un emprunt, dit-elle. C’est avantageux.
Une pirouette. Douce, efficace, parfaitement maîtrisée.
Elle poursuivit d’une voix plus posée :
— Je n’y vois qu’un outil pour développer mon domaine. Quant à leurs ambitions véritables… je ne les connais pas.
Kap comprit immédiatement :
Elle savait beaucoup plus qu’elle ne le disait.
Elle parlait beaucoup moins qu’elle n’en pensait.
Exactement comme lui.
— Je respecte votre silence, dit-il avec une inclinaison. Si cela vous assure stabilité et sécurité… c’est une bonne chose pour notre ami.
Les mots flottèrent entre eux, lourds d’une signification que personne ailleurs n’aurait décelée.
Kap Hital sentit une tension qu’il portait depuis des mois se délier légèrement.
— Je suis venu avec des doutes… je repars rassuré. Si vous manquez de quoi que ce soit, faites-le moi savoir. Sinon, puis-je vous souhaiter une bonne journée ?
Mais la duchesse hésita. Juste assez pour que Kap relève imperceptiblement le menton.
— Pour être honnête… dit-elle en triturant ses gants. Concernant la Banque de Givre… je n’ai réellement pas plus d’informations. Je ne vous cache rien. Je m’en sers, voilà tout. Quant au mercenaire… il est étrange. Il est certain qu’il est à l’origine des assassinats en Autriche.
Kap s’arrêta net.
Les yeux écarquillés.
Son cœur fit un bond discret.
— Pardon ?
Comment pouvez-vous être certaine que Rainer soit responsable ? Aucune information de ce genre ne m’est parvenue.
Louise haussa les épaules, presque trop légèrement.
— Ce n’est que de la déduction. Le seul homme capable d’un tel massacre… c’est lui. Je pensais que vous aviez abouti à la même conclusion.
Kap sourit, un sourire qui n’avait rien d’amusé.
— Non. Cela aurait pu être Haldinblad, non payé par l’Autriche… mais il a disparu lui aussi.
Il soupira.
— Et je m’interroge qu’un mercenaire puisse être connétable du royaume. Le royaume change plus vite qu’on ne le dit…
Il regarda l’horizon, Verdelaine, la forêt, le chemin menant à un petit village.
— Les deux fugitifs peuvent ne pas connaître le commanditaire. Ils se cachent par prudence. En Autriche, la loyauté n’a jamais été un socle… seulement une opportunité.
Puis il se tourna vers elle, les yeux soudain très sérieux.
— Après tout… qui soupçonnerait que vous et moi… avons aidé notre ami à survivre ?
Louise resta immobile.
Puis un simple :
— C’est vrai. Tout est possible.
La conversation prit alors fin d’elle-même.
Kap inclina la tête.
— Je vous remercie pour votre accueil, Dame d’Épannes.
Je vous laisse à vos travaux. À bientôt, je l’espère.
Il remonta dans son carrosse, la fatigue du voyage regagnant ses épaules.
Derrière lui, il entendit la duchesse, déjà repartie vers ses tâches, tonner d’un rire nerveux :
— Bon ! On ne se tourne pas les pouces ! La reconstruction ne va pas se faire toute seule !
Puis, plus loin :
— Bande d’hérétiques !
Qui vous a dit que vous pouviez prendre une pause pendant que j’étais absente ?!
Un claquement de fouet, des cris effarés…
Kap esquissa un sourire discret, presque attendri.
La paix régnait à Verdelaine.
Une paix fragile, masquée, protégée par deux ombres qui savaient trop de choses… et n’en disaient jamais assez.
Et quelque part, dans un village voisin un avenir attendait qu’on vienne le chercher.
Lignée des Trofs, et autres successeurs
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