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#1 2025-04-08 20:27:21

Ferdinand d’Autriche
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[Faction] Récits des chevaliers du Lys

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Ferdinand
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#2 2025-04-09 22:07:11

Ferdinand d’Autriche
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Re : [Faction] Récits des chevaliers du Lys

L'exil du roi - Chapitre 1
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4e phase du printemps de l'an IV de l'ère 25

Du point de vue de Joseph.

Les membres du Grand Conseil échangeaient des regards furtifs dans lesquels se lisaient anxiété et appréhension. Les chefs des principaux clans autrichiens avaient été convoqués en séance extraordinaire par l'archiduc Ferdinand, à la suite de l'agression que venait de subir le prince Nuada du Nord ; ils attendaient maintenant, dans un silence à peine troublé par l'animation des rues commerçantes à proximité. De temps en temps, l'un d'eux osait quelques mots, d'une voix mal assurée qui semblait davantage relever de l'étranglement. "Qu'irions-nous faire dans ce nouveau guêpier de Nuada ? Si sa compétence militaire est proportionnelle à sa grande gueule, il n'aura guère besoin de nous."

Nul ne lui répondit, mais un homme plus vouté que les autres le fusilla du regard et le fit taire. Le paisible duc Joseph d'Autriche savait tout aussi bien que son frère s'imposer auprès des hommes ; il usait simplement bien moins souvent de cette faculté, si éloignée de son tempérament.

Des pas qui se rapprochaient annoncèrent l'arrivée des derniers dignitaires attendus. Ce fut d'abord celle du sinistre Rainer, qui avait été désigné Commandant de l'armée contre l'avis unanime des membres du Grand Conseil ; n'ignorant rien de ce que pensaient ceux qui assistaient à son entrée, le mercenaire les embrassa de ce regard à la fois goguenard et terrifiant qui lui avait gagné la détestation craintive de tous. Joseph lui-même n'avait pu dissuader Ferdinand : "Allons Joseph, voici que tu fais dans l'hypocrisie. Rainer sert l'Archiduché depuis bien des saisons, et c'est un secret de polichinelle. Entériner de façon officielle sa mission, c'est simplement reconnaître ce que nul n'ignore."

Tandis que Rainer prenait place, Ferdinand pénétrait lui-même dans la grande salle et rejoignait la sienne. L'expérience politique fit son oeuvre : Joseph le constata immédiatement, un regard fut suffisant pour permettre à Ferdinand d'évaluer les pensées qui agitaient l'esprit de l'élite autrichienne.

Les propos introductifs du puissant monarque furent laconiques. "Assez de ce jeu entre la Nortmannie et Nuada. L'Archiduché viendra au secours de son vassal le plus fidèle ; Rainer prendra la tête de nos légions, non seulement pour châtier le mercenaire qui semble ignorer la dangerosité des contrats ciblant les intérêts du Lys, mais surtout pour adresser au Royaume un message non équivoque." Ferdinand ne prit pas la peine d'expliciter le contenu de ce message ; il était très clair pour tous.

Cela aurait pu être tout. Le Grand Conseil avait connu séances plus brèves encore. Joseph, envahi d'un sombre pressentiment depuis quelques heures, suppliait intérieurement : "Que les Dieux m'accordent le soulagement d'une session si courte, qui n'engagera pas mon frère sur une voie que Vous ne sauriez tolérer !" Et le vieil ambassadeur comprenait, sentait, observait que le reste du Grand Conseil adressait mentalement une supplique comparable, quoique probablement pour des motivations plus intéressées.

Avant même que ne résonna dans la salle l'écho de la voix forte et résolue de Ferdinand, Joseph sut que ses espoirs seraient douchés : il voyait briller, dans les yeux de son frère, cette lueur qui annonçait chez lui l'extraordinaire - pour le meilleur et pour le pire.

"Nous avons tout essayé avec ces aristocrates si prompts à s'opposer à tout ce qui pouvait bouleverser ce monde qui leur était si familier, et dont l'immobilisme avait tant servi leurs maisons vieillissantes et endormies. Je leur ai offert un ordre juridique pour imposer leur loi à un roi tyrannique ; un Parlement, pour imposer leur voix à celle d'un roi trop volontaire ; des terres nouvelles, pour opposer l'influence de leurs maisons à celle d'un roi tout puissant.

Comment emploient-ils ces outils nouveaux que j'ai placé entre leurs mains, au nom de Cerdo le Bâtisseur ?" L'un des dignitaires autrichiens, sur lequel Ferdinand avait posé son regard au moment de poser la question, crut qu'elle lui était adressée et s'apprêta à répondre ; il fut coupé dans son élan par le roi, qui d'un regard agacé lui intima le silence.

"En retombant dans leurs travers éternels : les complots purement politiciens visant à contrecarrer mon influence, non parce que cette influence serait négative pour le Royaume, mais par un réflexe dogmatique qui les fait s'opposer à toute force qui échappe à leur contrôle."

L'air abattu, Joseph posa un regard triste sur l'un des Autrichiens, qui cumulait deux caractéristiques dignes d'attention pour tout observateur extérieur : il était le seul à être demeuré absolument imperturbable tout le long, et ses traits si atypiques ne permettaient pas de lui donner un âge.

"La Nortmannie de Bohémont n'est plus. Ses successeurs ont transformé le respectable duché qu'il fut en... ça." Le rictus dégoûté de Ferdinand disait beaucoup de ce que recouvrait ce dernier terme.

"Mais il n'est plus temps, ni de regretter les alliés d'hier, ni d'offrir une énième porte de sortie facile à nos opposants. Ceux qui s'opposent par les armes au Lys doivent être châtiés par les armes ; non pas au nom de la vengeance, mais parce que le Royaume a besoin d'un Lys qui soit fort. Mes seigneurs, élite de l'Autriche, je connais mon peuple mieux que personne : l'aristocratie okordienne est comme ces félins qui, embusqués, analysent un troupeau en y recherchant une faiblesse, une vulnérabilité, une faille qu'ils pourraient exploiter.

Donnez à ces aristocrates le sentiment que leur roi peut être contesté, et ils le feront ; parce que la nature profonde de l'Okordien le rend absolument indomptable et rétif au leadership ; et sur cette simple pulsion, ils compromettront tout notre oeuvre visant à civiliser le Royaume et ses institutions.

Au nom du Royaume d'Okord, j'ai convoqué l'état-major du Lys et acté la mobilisation générale. Le duc Khil a été chargé de mener une expédition punitive contre la Nortmannie. Si les vassaux du traître se joignent à la partie, ils seront méthodiquement, les uns après les autres, neutralisés par les légions autrichiennes. J'ai dit.

Le terme n'avait pas été employé, mais cette déclaration était pour Joseph dépourvue de toute ambiguïté : l'Autriche entrait en guerre, et son frère en menait une, sans le savoir, contre le plus redoutable des ennemis.


Ferdinand
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#3 2025-04-09 22:55:28

Ferdinand d’Autriche
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Re : [Faction] Récits des chevaliers du Lys

L'exil du roi - Chapitre 2
Musique d'ambiance

Du point de vue de Joseph.

La religion avait en Autriche une importance assez remarquable. Les premiers Autrichiens, déjà, adoraient les Anciens Dieux qui étaient alors majoritaires chez les Okordiens. Mais phénomène bien connu en matière de spiritualité, la religion des Anciens Dieux avait, au contact des moeurs et coutumes du peuple autrichien, connu une certaine transformation. Il était demeuré polythéiste et n'avait jamais rejeté les six grands Dieux ; mais son tempérament longtemps belliqueux l'avait incité à accorder une importance toute privilégiée à Rituath, Roi des Rois et Dieu de la guerre.

C'est ce même Rituath qu'avec les ères, les Autrichiens finirent à appeler "l'Être suprême", dénomination qui donna le nom sous lequel l'on désigne désormais la religion de l'Archiduché.

Au sein de la population, deux minorités avaient pour ainsi dire résisté à cette simplification à l'extrême de leur religion initiale : les communautés rurales conservatrices les plus éloignées des grandes villes autrichiennes, et certaines des familles les plus anciennes au sein de l'élite. Deux groupes que tout opposait, mais qui se retrouvaient dans une forme d'attachement aux valeurs traditionnelles.

Joseph était l'un de ces résistants. Il n'avait jamais cessé de louer les cinq grands Dieux anciens, et de redouter le sixième ; sa certitude était que la Religion des Anciens Dieux n'était qu'Ordre, Harmonie et Equilibre, et que cet équilibre ne pouvait être si l'un des cinq Dieux prenait un ascendant trop significatif sur les autres. S'il invoquait lui-aussi Rituath, c'était uniquement à l'approche d'une bataille ou pour invoquer Sa protection pour son royal frère ; le reste du temps, il rendait un hommage équilibré à tous les autres Dieux.

Il avait donc observé avec une appréhension certaine l'état de la religion en Autriche, et l'avait étudiée avec le sérieux qui le caractérisait. L'ascension fulgurante de son frère dès la fin de l'ère précédente avait suscité en lui un espoir infini : s'il ne rechignait pas à user de la Guerre, Ferdinand n'a jamais été habité par l'obsession guerrière, et en ce roi semblait s'incarner les qualités combinées prônées par les cinq Dieux. Un souverain fort, éclairé et bâtisseur.

Mais l'âme de tout chef qui prend à sa charge la responsabilité de conduire des milliers d'hommes subit en permanence de puissants assauts. S'il est vertueux, il trouve la force de repousser ces charges. Plus ou moins longtemps. Mais même repoussées, ces charges abîment l'âme et laissent des traces ; des interstices minuscules dans lesquels les assauts suivants peuvent se glisser.

Une certitude s'était tristement imposée chez Joseph : jamais les Dieux anciens n'ont entendu conférer une telle puissance à un seul homme, fut-il animé d'une volonté sincère de gouverner et de guider au nom de Leurs idéaux. Ferdinand ne sombrerait jamais dans la caricature du roi tyran ; il ne recherchait pas le pouvoir pour le pouvoir, mais pour dessiner un monde qui lui semblait idéal. Mais sa toute-puissance terrestre constituait, en elle-même, une perturbation dans l'Equilibre voulu par les Dieux.

Sa triple responsabilité de frère, d'homme et de création des Dieux interdisait donc à Joseph d'assister passivement à la capture future mais prévisible, par Virdumar, de l'âme qu'il chérissait le plus au monde.

Dernière modification par Ferdinand (2025-04-09 22:55:40)


Ferdinand
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#4 2025-04-10 00:43:15

Ferdinand d’Autriche
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Re : [Faction] Récits des chevaliers du Lys

L'exil du roi - Chapitre 3
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Du point de vue d'un narrateur extérieur et omniscient.

Au sommet de La Hofburg, résidence de la famille régnante autrichienne, Ferdinand contemplait en silence la carcasse déjà lointaine mais toujours terrible de l'immense armée autrichienne, qui plus de trois heures auparavant avait quitté les murs de Vienne sous le commandement du général Rainer.

Joseph se trompait sur un point. La guerre qu'il menait intérieurement contre le Corrupteur, Ferdinand en avait pleinement conscience. Ses assauts les plus terribles avaient d'ailleurs débuté bien avant son couronnement ; la victoire militaire de l'Autrichien contre l'Empire de Déomul avait conclu la Guerre de l'Ouest, mais avait initié en lui un conflit mortel qui ne le quittait jamais.

Il ne trouvait nul sanctuaire dans le sommeil : ses rêves lui faisaient revivre, encore et encore, la scène de ces milliers de cadavres, emportés au nom... Au nom de quoi, finalement ? D'une extension territoriale d'Okord, qu'il jugeait absolument nécessaire à la survie même du Royaume, mais qui fut accueillie avec ingratitude par l'aristocratie ?

Ce fut pour Ferdinand un déclic déterminant : il lui fallait conquérir un pouvoir absolu qui lui permettrait de bâtir, au moins à l'échelle du Royaume, un monde idéal dont il serait le protecteur ; un pouvoir suffisamment écrasant pour lui permettre de guider les hommes sans inonder les terres fertiles d'Okord de sang okordien. Avait-il réussi ? La réponse échappait constamment à son entendement, comme un poisson qui tenterait constamment de glisser hors de portée.

Le pouvoir absolu, il  l'avait certes conquis de façon incontestable, et nul ne pourrait désormais contester sa légitimité s'il entendait se maintenir indéfiniment sur le trône des hommes. Le monde idéal, en tout cas l'état idéal, il en avait certes initié avec sérieux et réussite l'édification.

Alors pourquoi des émotions si contradictoires s'agitaient-elles en lui, tandis qu'il suivait le départ de ces cent-vingt milles soldats vers cette mission supérieure qui leur avait été confiée ?

Happé dans cette introspection douloureuse, il n'entendit pas l'approche dans son dos de deux hommes, qui finirent par s'annoncer. "Ferdinand ?"

Le roi se retourna, le regard encore voilé, et salua de la tête ses deux visiteurs.

Le premier était Joseph, que le lecteur connait désormais fort bien. Le second, c'est cet homme silencieux et imperturbable dont on a pu décrire le visage si atypique au cours de la séance du Grand Conseil. "Joseph. Seigneur Klemens. L'obscurité ce soir est particulièrement totale, ne trouvez-vous pas ?" Joseph et Klemens se regardèrent, interdits et sinistres : le soleil avait à peine entrepris sa descente quotidienne et ses rayons enveloppaient encore généreusement Vienne.

"Ferdinand, l'honorable Klemens sollicitait une audience. Peux-tu la lui accorder avant de quitter Vienne pour rejoindre le front, puisque tel semble être ton souhait ?"

Klemens était le chef d'un clan autrichien particulièrement modeste en termes d'influence politique ; pourtant, il siégeait au Grand Conseil et jouissait en Autriche d'une audience significative. On affirmait que sa famille, parmi les plus anciennes d'Autriche, descendait directement d'un éminent druide qui accompagna Enigral le Brutal. Mais Klemens s'est toujours entêté, avec constance, à refuser le rang de druide que certains entendaient lui accorder ; il soutenait que cette caste s'était éteinte il y a bien longtemps, et qu'il n'était lui qu'un aristocrate attaché au culte des Dieux originels : la religion des Anciens Dieux.

D'un signe de tête, Ferdinand consentit à cette audience et, se détournant avec soulagement de ses tortures, quitta son poste d'observation afin de rejoindre le bureau qui occupait le cabinet de travail. "Merci Joseph." Sur ces remerciements, Joseph quitta la pièce, avec le sentiment que le monde - le sien en tout cas - se déciderait dans les minutes qui suivraient.

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Nombre de qualificatifs pourraient être appliqués à la conversation, qui emprunta à toutes les interactions que connaissent les hommes : la confession, la confidence, le débat philosophique, l'exposé théologique, le sermon... Bien qu'elle n'eut pour seul public les murs du cabinet de travail - ou justement de ce fait -, on en fit bien des récits.

Nous ne pouvons, à ce stade de notre exposé, en dévoiler les détails. Mais que nous soit permis de dissiper dès à présent la rumeur qui excita le plus l'imagination des Autrichiens et de tous ceux qui s'intéressèrent à cet événement : de sortilèges ou inventions druidiques, il ne fut guère question, sauf à admettre qu'une conversation entre deux âmes qui se dévoilent peut dissiper par magie bien des ténèbres.

Il serait erroné d'affirmer que le roi se trouva de ce seul fait libéré de tous ses démons. Ce fut même le contraire ; il en eut plus que jamais conscience, mais la connaissance de leur existence lui permit de braquer sur eux une Lumière, celle des Anciens Dieux, qui lui permirent d'envisager avec davantage d'optimisme le cheminement spirituel immense qu'il lui faudrait accomplir.

Le lendemain, Ferdinand n'honora pas la session d'audience qui était prévue et chargea Joseph de le représenter en tous lieux qui requéraient sa présence. Cette absence - certains dirons ce recueillement - dura une lune, pleine et entière.

Il y eut d'abord une première communication, nocturne et adressée à l'état-major du Lys, dans laquelle il annonçait son abdication imminente. Il y eut ensuite une deuxième proclamation, écrite également mais adressée celle-la à tout le peuple autrichien. En substance, le roi y reconnaissait le danger que représentait pour les hommes d'Okord et d'Autriche sa puissance désormais absolue et absolument antinomique par rapport à l'équilibre idéal souhaité par les Dieux Anciens ; il y actait en conséquence sa volonté résolue de se retirer du monde politique pour consacrer son être et l'influence qu'il conserverait à reconstruire en Okord le Trône des Cinq Divinités.

"Sur tout le vaste territoire de l'Archiduché d'Autriche, on entreprit de bâtir de grands temples dédiés à Botia, Cerdo, Daeth, Goben et Rituath. C’est l’un de ces sanctuaires religieux qui devint pour Ferdinand un tombeau vivant et un autel, où sa gloire fut immolée pour que sa foi renaisse, loin du péril que portait sa toute-puissance."

Sur cette conclusion, qui faisait toujours naître un silence attentif chez les enfants à qui l’on enseignait l’histoire de l’Autriche des ères 24 et 25, le précepteur resta un instant immobile. Puis, avec une gravité mêlée de tristesse, il referma doucement le livre, comme on referme le tombeau d'un être cher.

Dernière modification par Ferdinand (2025-04-10 23:57:47)


Ferdinand
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#5 2025-10-06 22:46:42

Philippe d'Autriche
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Re : [Faction] Récits des chevaliers du Lys

La renaissance du Lys

Chapitre 1

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Après l'abdication du roi Ferdinand d'Autriche, l'honorable Joseph avait assuré la gouvernance de l'archiduché d'Autriche. Lorsqu'il lui confia symboliquement la chevalière arborant l'aigle autrichien, l'ancien archiduc murmura à son frère et successeur ces mots : « L'Autriche doit s'endormir pour mieux se régénérer. La durée de cette torpeur nécessaire sera décidée par les Cinq ».

Joseph avait religieusement appliqué ces instructions. Du jour au lendemain, les frontières de l'Archiduché furent fermées aux Okordiens. Il ne resta plus à la Cour ni diplomate arborant l'emblème de l'Autriche, ni négociants autrichiens dans les comptoirs commerciaux. Okord s'était habitué, parfois inquiété, de l'omniprésence de l'aigle blanc à la Cour et dans l'État ; il n'en resta plus rien.

Le Grand Ambassadeur Joseph gouverna en bon chef de famille. Par des réformes intérieures, il parvint avec patience à réintroduire les Cinq dans les chaumières autrichiennes. Le culte des Anciens Dieux redevint le socle de l'organisation sociale et politique de l'Autriche. Bien que pacifiste, il eut l'intelligence de préserver l'organisation militaire des légions autrichiennes et de maintenir la formation et le renouvellement de leurs effectifs : les Cinq Colonnes étaient nécessaires à la défense des croyants.

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Chaque semaine, il rendait visite à Ferdinand au Repos des Cinq. Ses premières visites furent l'occasion d'échanges et de commentaires sur la vie politique okordienne. Mais à mesure que la retraite spirituelle de l'ancien roi se prolongeait et qu'il semblait connaître de longs instants de paix profonde, les discussions politiques laissèrent place à de longs moments de méditation et de silence partagés.

Déjà âgé lorsqu'il devint l'Archiduc, six années à la tête de l'Autriche achevèrent de faire de Joseph un vieillard. Son esprit demeurait vif et curieux, mais il traînait son enveloppe physique comme une carcasse de plus en plus insupportable, et passait désormais des journées entières dans son cabinet de travail. Il y lisait des manuels de théologie, se tenait informé des soubresauts de la vie politique du Royaume et, surtout, suivait avec nostalgie l'itinéraire des chevaliers du Lys blanc.

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Tandis que l'Autriche se repliait sur elle-même, le Lys blanc vécut encore quelques mois. Le seigneur Nuada fut placé sur le trône d'Okord à la suite de l'abdication du roi Ferdinand et il s'efforça de gouverner avec responsabilité. Il eut notamment la terrible mission de conduire le Royaume d'Okord lorsque la Moisson Libre initia sa fulgurante invasion.

Lui et les derniers seigneurs du Lys participèrent à la défense du Royaume ; puis tous semblèrent s'effacer de la vie politique okordienne, sans qu'il n'y eut d'événement déclencheur. Comme une bougie qui s'éteint après avoir lentement décliné.

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Alors que les feux du Lys s'éteignaient un à un, un dernier éclat persistait sur les mers. Là, sous d'autres vents, un homme continuait de servir l'Autriche et le souvenir de sa grandeur.

Philippe d'Autriche gardait ouvertes les routes du commerce et du fer. Il commandait la flotte comme une armée, tenant la mer au nom d'un royaume qui n'avait plus de roi. C'est là, au large, que le trouverait le message de Vienne.

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Ferdinand
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#6 2025-10-07 21:07:59

Philippe d'Autriche
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Re : [Faction] Récits des chevaliers du Lys

La renaissance du Lys

Chapitre 2

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Quelques ultimes soubresauts agitèrent le corps pendu, dernier témoignage visible d'une vie qui refusait, par un instinct naturel, de disparaître dans le néant. Les yeux s'écarquillèrent, découvrant avec horreur la potence qui devait devenir leur tombeau ; puis cette peur ancestrale de la mort imminente avait laissé place à la souffrance tandis que le corps réclamait un souffle qui ne viendrait plus.

De longues minutes durant, Philippe contempla le cadavre qui n'avait pas encore été décroché de la potence et qui flottait, comme bercé par le vent autrichien. L'acier glacial de son regard contredisait les pensées brûlantes qui s'agitaient en lui. Il ne prenait nul plaisir à ces instants, mais la dernière étincelle de vie qui s'éteignait dans le regard des hommes le fascinait. Il lui semblait simplement qu'un serment sacré et tacite liait l'homme condamné à mort à son juge, et qu'il était de son devoir de partager les derniers instants de ceux qu'il envoyait à la mort.

Comme à contrecœur, il se détourna de ce regard figé pour l'éternité et, par un signe, ordonna que l'on démonte la potence. La sixième depuis son retour à Vienne.

Car gouverner, songeait-il, c'est toujours décider qui doit vivre et qui doit mourir.

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Philippe avait accueilli sans surprise la missive de Joseph, qui le priait de répondre à l'appel du devoir et d'occuper la place qui lui revenait à Vienne. S'il était rarement présent en Autriche, il n'en disposait pas moins d'un réseau de fidèles précieux qu'il devait au prestige dont il jouissait parmi l'Armée.

Il savait que Joseph vieillissant et s'affaiblissant, les vieux clans autrichiens, que Ferdinand avait muselés, relevaient la tête, flairant le retour de leur âge d'or. Lui qui n'ignorait rien des sombres turbulences que pouvait annoncer la reprise des intrigues politiques entre Autrichiens s'était pourtant abstenu de se réinstaller à Vienne.

Avec le sens du devoir qui le caractérisait, il avait débarqué à Vienne et, en le retrouvant, s'était incliné devant Joseph.

« Mon frère, je me place à votre service. »

Sans s'embarrasser de cérémonial, Joseph avait joint leurs mains, l'avait embrassé avec effusions et l'avait remercié. Philippe fut profondément ému en le découvrant si vieilli et manifestement si proche d'être rappelé par les Cinq.

Avait-il agi avec égoïsme, en privilégiant la liberté que lui offrait son mode de vie et en se défilant le plus longtemps possible devant l'exercice écrasant du pouvoir ?

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Les lunes suivantes furent décisives. Face aux chefs de clans réunis et encore trop désunis pour porter la contestation, Philippe se vit remettre par Joseph les insignes de l'Archiduc d'Autriche et fut ainsi le troisième porteur de ce titre depuis la reconnaissance de l'Archiduché d'Autriche en tant qu'entité autonome par l'ancien roi Denryl Altéria.

Le premier Grand Conseil présidé par Philippe permit immédiatement de le distinguer de l'ancien Archiduc Ferdinand. Les torches éclairaient les visages fermés des chefs de clans ; les anneaux d'or brillaient sur leurs doigts nerveux.

« Ferdinand avait une certitude. Il ne pouvait y avoir de nation autrichienne résiliente sans une autorité royale forte. Nous, Autrichiens, nous sommes donc engagés sans réserve dans l'édification d'une monarchie forte, gardée par un roi fort. »

Autour de la table, tous se taisaient. Philippe n'avait pas l'éloquence flamboyante de son frère, mais il émanait de lui une aura mêlée de puissance et de violence contenues qui captaient ses interlocuteurs. En l'observant, on avait l'impression d'observer une panthère qui pouvait, à tout moment, vous surprendre par une brusque propulsion.

« L'Autriche a trop longtemps dormi sous l'aile d'un autre. L'Aigle doit se souvenir de ses serres. Je l'affirme : nous ne pouvons lier de façon absolue la destinée de notre peuple à celle des rois d'Okord. »

Les dignitaires autrichiens s'enfoncèrent dans leur siège, craignant que le nouveau maître de l'Autriche n'annonce une guerre sanglante visant à reconquérir le trône ou une sécession.

Philippe lut dans leurs visages la peur et l'ambition mêlées. Leur faiblesse lui inspira du mépris.

« Nous distancer de l'autorité du monarque, ce n'est pas nous en séparer. Ni le remplacer sur le trône. Non, l'archiduc d'Autriche ne peut tout à la fois régner sur Okord et sur l'Autriche. Comment le pourrait-il ? Okordiens et Autrichiens ont bien des choses en commun, mais ils ne forment pas un peuple unique et homogène.

Pour assurer le futur de l'Autriche au sein d'un Royaume d'Okord que nous continuerons de protéger, il nous faut renforcer l'autonomie politique de l'Archiduché. Au roi d'Okord, la défense des institutions d'Okord ; à l'Archiduc d'Autriche, la conduite du peuple d'Autriche. »

Le silence tomba. On n'entendait plus que le crépitement des torches. La cire fondait lentement sur les parchemins, goutte à goutte, comme un sablier muet.

Silencieux, Philippe embrassa d'un regard toute l'assemblée. Regarder mourir un homme ou une idée, pensait-il, exige la même inflexibilité.

La proclamation de la nouvelle doctrine fédéraliste qui allait désormais présider à la destinée de l'Autriche marqua la clôture du Conseil. Sur un signe de la main, les chefs de clans sidérés évacuèrent la salle, l'air hagard. Mais Philippe n'imaginait pas qu'ils le suivraient aveuglément. Comme le condamné qui se débattait au bout de la corde, les hommes s'agitent toujours un instant avant de plier.

L'archiduc demeura seul dans la salle immense, où le silence pesait comme une sentence.
Il prit sa plume et traça quelques mots d'une main ferme.
Lorsque l'Aigle gris s'enfonça dans la cire, le destin de l'Autriche était scellé.

« Venez à Vienne, où vous appellent vos serments et votre destinée. »

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Ferdinand
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#7 2025-10-08 21:07:12

descamps26
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Re : [Faction] Récits des chevaliers du Lys

Comme à son habitude, de l'aurore jusqu'au crépuscule, le jeune seigneur s'en alla à la chasse aux bandits.
Une activité à plein temps dont il nous en parle comme un devoir, un travail, qu'il ne peut négliger en tant que dirigeant de ces terres.

Plus nuisible que des rats, plus débile que des mouettes mais dont la chair nourrit plus de villageois qu'un cochon. Ces créatures mi-homme mi-"bête" ont permis à notre cité de devenir ce qu'elle est actuellement. L'activité commercial, le recrutement, l’expansion de nos villages. Toute l'économie tourne sur cette ressource que Tristan pensait inépuisable. Une mine d'or dont on ne voyait jamais la fin.

Malheureusement ce travail honnête a gagné en popularité, devenant pour certains une activité sportif lucratif.

Ce faisant, les camps étant de plus en plus rare, il devenait courant de voir notre Conquérant abattu par le peu d'activité et de profit des quelques camps ignoré des autres.

C'est par une de ses journées où la motivation l'avait perdu qu'il eu cet accident. Les soldats ayant baissé leur garde suite à cette routine et lassitude, avaient perdu du vu notre bon seigneur dont les bandits ont eu la gentillesse de le guider à nous pour une modique somme. Somme qui fût bien entendu repris avec quelques intérêts.

Tristan compris qu'il n'était plus possible d'uniquement dépendre d'eux, mais il était difficile de pouvoir produire de l'or sur ce sol où seul l'herbe pousse. Pas un seul cailloux quelque soit sa couleur ou son éclat pouvait être extrait.
Des exploitations par delà le monde permet de compenser ce manque mais comme pour ces bandits, ce n'est pas une solution durable.

Lors d'un conseil pour discuter de quoi faire. L'un de ses hommes, pas le plus brillant je le conçois, proposa en cassant le silence des têtes pensantes, de simplement "déménager". Cette réponse qu'on aurait pourtant pris pour une blague les laissa sans voix.
Un calme qui dura plusieurs minutes. Le seigneur et ses conseillers s'échangeaient des regards comme cherchant à lire les pensées.

Pas un seul mot ne résonnait, mais une question se lisait sur leurs visages "Comment?".
Aucune réponse ne sortait.
Il est en effet difficile, pour ne pas dire impossible, de se reconstruire de zéro et sans exploiter les ressources qui ont fait notre richesse.
Cela aurait été possible il y a encore plusieurs années où notre population et notre armée était bien moindre.

L'ironie dans cette proposition c'est que celui ci leur fût proposé par un autre seigneur dont ses terres étaient voisines aux nôtres quelques années après notre arrivé. Quand aujourd’hui cette solution pleine de naïveté est un sujet de réflexion, cette dernière fût moqué alors que ce messire ne souhaitait qu'à être bien bon.

Cette situation n'avançait guère. Une routine s'était installé auprès du seigneur.
Quand il n'était pas sur le trône à penser, il était sur un cheval à se dépenser.
Rien ne lui venait pour sortir d'une situation qui mettrait fin à tout ce qu'il a construit.

C'est pendant qu'il repensait à sa vie d'avant chevalier (où il retournait la terre avant de labourer les brigands), qu'il reçu la réponse à son problème.

Une missive venant du Duc d'Autriche ayant probablement remarqué ses exploits lors de ses farouches combats (un poil exagéré mais c'est tout à son honneur), proposant au seigneur Tristan le Conquérant de devenir son vassal.
Lui assurant ainsi protection et soutien, dans la paix et la sérénité, que l'or nous garde.

Cet accord n'était pas que dans un sens. En compensation de tout ce qu'il pourrait lui offrir, Tristan devra confier son épée au Lys.
L'ordre du Lys répond parfaitement au caractère de notre seigneur.
Un homme qui ne sait que dire "Oui" sans chercher à remettre en question l'ordre. Une loyauté sans faille ne cherchant qu'à accomplir sa mission et à se rendre utile.

Ce serrage de mains accepté à la hâte pourrait en effet être la solution à tous nos problèmes futurs. La grande inquiétude maintenant viendra de notre maître, oubliant que ce monde est peuplé de traitre et de manipulateur qui n'hésiteront pas à profiter de son manque de libre-arbitre.

A Vienne que pourra, cette histoire n'est pas encore écrite.
Demain nous irons saluer notre roi qui décidera de ce qu'on contera dans les livres de nos descendants.

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