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## La Course vers le Navire
Le colosse continua sa course sur les quais, ses lourdes bottes martelant les pavés dans un bruit de tonnerre. Sa course était maladroite, précipitée, celle d'un homme qui ne réfléchit plus, qui n'obéit qu'à l'instinct de protéger son frère.
Jéboulet bondit de son siège avec une vivacité surprenante pour quelqu'un qui venait de s'empiffrer.
On le suit ! lança-t-il aux autres. Vite ! Avant qu'il ne fasse une bêtise !
Il s'élança derrière Guter, ses souliers claquant sur les pavés, son écharpe tachée flottant derrière lui comme une bannière dérisoire.
Gadelon, encore groggy de son choc à la tête, se leva plus lentement, se tenant le front avec une grimace douloureuse.
Par tous les saints... marmonna-t-il en titubant légèrement. Ventrediable, Jéboulet, attends-moi !
Il suivit son compère d'un pas lourd et traînant, la main posée instinctivement là où devrait être le pommeau de son épée.
Genseric se redressa de son coin d'ombre avec un rictus de satisfaction.
Enfin un peu d'action, murmura-t-il pour lui-même.
Il s'élança à son tour, mais sans se presser, gardant une distance prudente. Ses yeux brillaient dans la pénombre. Cette situation sentait l'opportunité à plein nez.
Enguérand bondit de son siège, renversant sa chope qui se brisa sur les pavés.
Attendez ! On devrait... commença-t-il.
Mais personne ne l'écoutait. Tout le monde courait déjà. Il poussa un soupir exaspéré et suivit le mouvement.
Tudieu, tudieu, tudieu, marmonna-t-il en courant. Ça va mal finir...
Otto, qui s'était levé pour les suivre, sentit soudain ses jambes se dérober sous lui. Il voulut faire un pas, mais une fatigue écrasante s'abattit sur lui comme une chape de plomb. Sa vue se brouilla. Sa main lâcha 'Juste Mesure' qui tomba avec un bruit mat.
Je... murmura-t-il avant de s'effondrer en avant, sa tête heurtant ses bras croisés sur la table.
Endormi. Profondément endormi.
Alaric, à côté de lui, n'eut même pas le temps de réagir. Une seconde plus tôt, il rangeait méthodiquement son assiette, et l'instant d'après, son front percutait la table avec un bruit sourd. Son énorme sac bascula et se renversa à ses pieds, déversant quelques cartes qui s'envolèrent dans la brise nocturne.
Un filet de bave commença à couler de sa bouche entrouverte.
Les autres, déjà lancés à la poursuite de Guter, ne remarquèrent rien.
## Sur le Pont du Navire
Guter atteignit le quai du bateau en quelques enjambées puissantes. Sans ralentir, il sauta du bord directement sur le pont de la barge à fond plat. Ses bottes heurtèrent les planches avec un bruit sourd qui fit trembler tout le navire.
Il atterrit en position accroupie, les mains sur le pont pour se stabiliser, le souffle court. Ses yeux balayèrent frénétiquement les environs : les caisses renversées, les tonneaux, les bâches en désordre, l'écoutille béante...
Tommy ?! cria-t-il. Tommy, où es-tu ?! C'est moi ! Guter !
Il se redressa et avança maladroitement entre les obstacles, manquant de trébucher sur un cordage traître.
Derrière lui, sur le quai, les autres arrivaient un par un.
Jéboulet s'arrêta au bord, évaluant la distance. Trop loin pour sauter sans risque. Il chercha des yeux une passerelle ou une planche.
Guter ! Attends ! cria-t-il. Ne descends pas seul !
Mais Guter ne l'écoutait déjà plus. Il avançait vers l'écoutille ouverte, attiré par la lueur faible qui montait de la soute.
Gadelon arriva en titubant, se tenant toujours le crâne. Il observa le navire d'un œil méfiant.
C'est quoi ce capharnaüm... grommela-t-il.
Genseric se glissa le long d'une pile de caisses sur le quai, restant dans l'ombre, observant la scène avec attention. Ses doigts effleuraient la garde de sa dague. Il attendait. Toujours attendre le bon moment.
Enguérand arriva essoufflé et se pencha sur ses genoux pour reprendre son souffle.
Attendez... on devrait... réfléchir... haleta-t-il.
Personne ne réfléchissait.
## Maelis Cachée
De l'autre côté du pont, recroquevillée derrière sa grosse caisse de bois, Maelis retenait son souffle. Son cœur battait si fort qu'elle avait l'impression que tout le port pouvait l'entendre.
Elle entendit les pas lourds de Guter qui approchaient. Puis sa voix, inquiète, appelant son frère.
Cornebleu. Il est là. Le colosse est là.
Elle se tassa davantage contre la caisse, serrant le pommeau de sa dague jusqu'à en avoir mal aux doigts. Ses trois tresses étaient encore humides du lavage au lavoir, et des gouttes d'eau froide coulaient le long de sa nuque, la faisant frissonner.
Guter passa à moins de deux mètres d'elle sans la voir, trop concentré sur l'écoutille et sur l'appel de son frère.
Maelis ferma les yeux, priant tous les dieux qu'elle ne croyait pas pour qu'il ne la remarque pas.
## Dans l'entrée de la Soute
En bas, dans la soute faiblement éclairée par la lanterne à huile, Tommy Chouaki était debout — enfin, à moitié debout, appuyé contre la coque, une bouteille vide à ses pieds. Il venait de lamentablement retomber du pont où il s'était hissé difficilement il y a quelques minutes.
Contrairement à son frère Guter, Tommy n'avait pas la carrure massive d'un géant. Il était large d'épaules, certes, mais plus sec, plus nerveux. Ses cheveux bruns étaient en bataille, sa chemise ouverte sur un torse couvert de cicatrices et de tatouages marins. Son visage était anguleux, marqué par les années de navigation et probablement par l'alcool. Une barbe de plusieurs jours ombrageait ses joues creuses.
Mais ce qui frappait le plus, c'était sa jambe gauche.
Elle était tordue, le pied formant un angle bizarre. Il s'appuyait lourdement contre la coque, incapable de poser son poids dessus. Une béquille grossière était posée contre le mur, hors de portée.
QUI VA LÀ ?! avait-il hurlé. Ventrediable... JE SUIS ARMÉ !
Mensonge. Il n'avait rien. Juste une bouteille vide et sa fierté blessée.
## L'Arrivée des Autres
Jéboulet finit par trouver une planche branlante qui servait de passerelle entre le quai et le navire. Il la franchit précautionneusement, suivi de Gadelon qui grognait à chaque pas.
Genseric les laissa passer, restant en retrait sur le quai, les yeux plissés, observant tout.
Enguérand franchit la passerelle à son tour, jetant des regards inquiets autour de lui.
Où sont Otto et Alaric ? demanda-t-il soudain en se retournant vers le quai.
Personne ne répondit. Personne n'avait remarqué leur absence.
## La Confrontation entre les Frères
Guter arriva enfin au bord de l'écoutille béante. Il se pencha, scrutant l'intérieur sombre.
Tommy ?! cria-t-il. Tommy, où es-tu ?! C'est moi ! Guter !
La voix de Tommy monta de la soute, rauque, furieuse, teintée de douleur :
GUTER ?! ESPÈCE DE BENET, C'EST TOI QUI FAIS CE TAPAGE ?!
Guter cligna des yeux, confus.
Quoi ? Non, j'ai entendu un cri, alors je—
TU DÉBARQUES COMME UN SANGLIER !
Guter recula légèrement, intimidé malgré sa taille.
Pardon, Tommy, je... j'étais inquiet...
INQUIET ?! Tommy éclata d'un rire sans joie qui ressemblait plus à un aboiement. T'ÉTAIS OÙ, PAR TOUS LES SAINTS ?! OÙ T'ÉTAIS PENDANT QUE MOI JE RESTAIS LÀ À CREVER AVEC CETTE MAUDITE JAMBE ?!
Guter baissa la tête comme un enfant pris en faute.
J'étais... j'suis allé voir Grzegorz... à la Moulinière... pour lui rembourser...
REMBOURSER ?! Tommy cracha le mot comme un juron. T'AS REMBOURSÉ CE RAT DE GRZEGORZ AVANT DE VENIR ME VOIR ?! AVANT DE ME RAMENER À MANGER ?! AVANT DE ME DIRE CE QUI SE PASSE AVEC CE MAUDIT LUDVIK ?!
Guter leva timidement les yeux.
Ludvik... j'ai pas pu le voir... y'avait du monde... et puis...
ET PUIS QUOI ?!
Guter hésita, ses grosses mains se tordant nerveusement.
Et puis y'a des gens... ils me posaient des questions...
Un silence de mort s'abattit dans la soute.
Tommy émergea lentement dans la lumière de l'écoutille, se hissant péniblement à l'aide de ses bras. Son visage apparut, déformé par la rage et quelque chose d'autre — de la peur, peut-être.
Des gens ? répéta-t-il d'une voix dangereusement calme. Quels gens ?
Siostry Vespasia et toute sa clique, Aldric "Main-de-Sixte" Ravenswood, Amaury de Gavere, Le Denier, Maître Balthazar ou le Strolatz Wacław Kowalczyk.
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## L'Approche d'Enguérand
Enguérand, Jéboulet et Gadelon s'étaient frayé un chemin à travers le chaos du pont. Ils évitèrent les cordages traîtres, les caisses renversées, et arrivèrent enfin à hauteur de Guter, juste au bord de l'écoutille béante.
Maëlis avait contourner l'écoutille et le colosse Guter pour rejoindre Jéboulet et Gadelon, comme si de rien n'était.
La lumière de la lanterne à huile montait de la soute, éclairant le visage poupin et inquiet de Guter penché au-dessus du trou, et révélant dans les profondeurs la silhouette de Tommy, appuyé contre la coque, sa jambe tordue étendue devant lui.
Enguérand s'avança dans la lumière tremblante, les mains ouvertes en signe de paix. Il prit une grande inspiration et s'adressa directement à la silhouette dans la soute d'une voix calme et posée :
Les gens, Tommy, c'est nous. Ne craignez rien, nous ne vous voulons aucun mal, comme Guter pourra vous le dire. On vient de l'inviter au souper à la taverne juste à côté.
Il marqua une pause, laissant ses mots descendre dans la soute.
Nous cherchons simplement quelques renseignements que vous pouvez nous donner, et quels qu'ils soient, après on disparaît. Et Guter n'a rien voulu nous dire parce que c'est vous qui décidez, qu'il a dit. Alors on vient vous voir.
Enguérand fit un geste vers la taverne dont les lumières brillaient doucement derrière eux.
On pourrait p't'être causer à la terrasse de la taverne juste là, devant une choppe, ou du plus consistant pour vous si vous n'avez pas mangé, vous croyez pas ?
## L'Explosion de Tommy
Le silence qui suivit fut bref. Très bref.
Puis la voix de Tommy explosa depuis les profondeurs de la soute comme un coup de tonnerre, résonnant contre les parois de bois et faisant trembler l'air nocturne :
UNE CHOPPE ?! DU SOUPER ?! VOUS VOUS FOUTEZ DE MA GUEULE ?!
Guter sursauta violemment et faillit tomber dans l'écoutille. Enguérand recula d'un pas.
VOUS DÉBARQUEZ SUR MON BATEAU COMME DES BRIGANDS ! ET MAINTENANT VOUS VOULEZ M'INVITER À LA TAVERNE ?! POUR QUOI ?! POUR ME FAIRE PARLER COMME UN VULGAIRE IVROGNE ?!
Sa voix montait, hystérique, chargée d'une rage qui venait des tripes.
JE VOUS CONNAIS PAS ! JE VOUS DOIS RIEN ! ET SURTOUT, SURTOUT, JE VAIS PAS VOUS—
Un cri de douleur coupa net sa tirade. Un cri rauque, guttural, arraché des entrailles.
AAAAAH ! PAR TOUS LES SAINTS... MALEBLEU...
Le bruit d'un corps qui s'effondre contre la coque résonna dans la soute. Des grognements de souffrance montèrent, entrecoupés de respirations saccadées.
Guter se pencha davantage dans l'écoutille, paniqué.
Tommy ! Tommy, ça va ?!
Ma jambe.... La voix de Tommy était maintenant cassée, tremblante. Ma jambe... putain de merde... ça fait mal... ça fait tellement mal...
Un long moment s'écoula, ponctué uniquement par les gémissements étouffés de Tommy et le clapotis de l'eau contre la coque.
Enguérand échangea un regard avec Jéboulet. Ce dernier haussa les épaules, l'air de dire : Attends. Laisse-le se calmer.
Finalement, après ce qui sembla une éternité, la voix de Tommy remonta de la soute. Plus faible. Épuisée. Vidée de toute rage.
Guter... tu leur as dit quoi exactement, c'était quoi ces questions ?
Guter, toujours penché au-dessus de l'écoutille, répondit d'une voix hésitante :
Je... je leur ai juste dit que... qu'on avait une livraison pour Ludvik... un coffret... et que...
Un coffret, répéta Tommy avec un rire amer qui ressemblait plus à un sanglot. Un foutu coffret. C'est tout ce qu'ils veulent savoir ?
Oui. Ils cherchent juste le coffret. Ou plutôt... ce qu'il y avait dedans. reprit Guter.
Un silence de mort s'abattit dans la soute.
Puis Tommy éclata d'un rire. Un rire qui n'avait rien de joyeux. Un rire désespéré, hystérique, celui d'un homme au bord de la folie.
Le pied de Saint Adelmot ! LE PIED DE SAINT ADELMOT !
Il rit encore, sa voix brisée par la douleur et l'épuisement.
Vous voulez savoir ce qui est arrivé au pied de Saint Adelmot ? Vous voulez VRAIMENT le savoir ?
Guter se tourna vers Enguérand, les yeux écarquillés.
Tommy... peut-être que tu devrais...
Non, Guter, coupa Tommy. Qu'ils entendent. Qu'ils entendent ce qui nous est arrivé à cause de ce maudit Ludvik et de son maudit pied de saint.
## L'Histoire de Tommy
La voix de Tommy s'éleva à nouveau de la soute, plus calme maintenant, mais chargée d'une amertume profonde, presque palpable.
On a bien été jusqu'à Esterod. Jusqu'au port d'Illyrie. Trois jours de navigation. Le coffret était bien arrimé dans la cale, protégé, comme Ludvik nous l'avait demandé. Pas une égratignure. Pas un choc.
Il marqua une pause, sa respiration sifflante trahissant la douleur qui continuait de le tenailler.
Arrivés là-bas, on nous a pas laissés au port. Y'avait des types qui nous attendaient. Une bande de fanatiques. Des hommes avec des robes sombres, des symboles religieux partout. Ils parlaient avec un accent bizarre, des mots durs... des Osterlichois, j'pense. Dans ce genre de commerce, on pose pas de questions. On livre, on prend l'argent, on se casse.
Guter hocha la tête tristement, se souvenant.
Ils nous ont emmenés dans un hangar, continua Tommy. Un grand bâtiment en pierre, loin du port. Y'avait d'autres marchandises là-bas. Des caisses, des coffres. Ludvik envoyait pas que ce coffret. Il faisait du commerce régulier avec ces types.
Sa voix se durcit.
Le chef... un grand type maigre avec une barbe noire et des yeux de fou... il a ouvert le coffret pour vérifier la marchandise. Il a soulevé le couvercle, il a regardé dedans, et là...
Tommy s'interrompit, comme si le souvenir était trop douloureux.
Il a éclaté de rire. Un rire nerveux, hystérique. Il riait, il riait, et les autres autour de lui se regardaient sans comprendre. Et puis il a hurlé quelque chose dans sa langue. Quelque chose de furieux.
Enguérand et Jéboulet échangèrent un regard inquiet.
Et après ça s'est accéléré, reprit Tommy d'une voix éteinte. Ils se sont jetés sur nous. Ils nous ont roués de coups. Des poings, des bâtons, des pieds. Tout. Guter a essayé de se défendre. Il en a estourbis plusieurs, le bougre. Il a cassé le nez d'un type, mis un autre à terre. Mais ils étaient trop nombreux. On a pas pu prendre le dessus.
Guter baissa la tête, honteux.
J'ai essayé, Tommy... j'ai vraiment essayé...
Je sais, Guter, dit Tommy plus doucement. T'as fait ce que tu pouvais.
Il reprit son récit, sa voix tremblant légèrement.
Quand ils se sont éloignés pour parler entre eux, on les a entendus. Ils parlaient fort, énervés. Et on a compris. On a compris pourquoi ils riaient, pourquoi ils étaient furieux.
Un silence lourd s'installa.
Leur communauté... ces fanatiques... ils avaient déjà en leur possession les deux pieds momifiés de leur Saint Protecteur. Les DEUX pieds. De Saint Adelmot. Dans leur sanctuaire. Depuis des générations.
Enguérand sentit son sang se glacer.
Ce qui veut dire... commença Jéboulet.
Ce qui veut dire que le pied dans le coffret était un faux, compléta Tommy avec amertume. Une vulgaire contrefaçon. Et Ludvik essayait de leur vendre ça. À eux. Aux gardiens des véritables reliques.
Il cracha — on entendit le bruit du crachat qui s'écrasait contre le bois.
Maudit Ludvik. Ce menteur. Ce voleur. Il nous a envoyés là-bas sans rien nous dire. Sans nous prévenir. Et on a payé le prix de son arnaque.
Sa voix se brisa.
Ils nous ont torturés. Pour l'affront qu'on leur avait fait. Pour l'insulte à leur saint. Ils ont pris mon pied... ma jambe... et ils l'ont frappée avec un marteau. Encore et encore. Jusqu'à ce qu'elle se brise. Jusqu'à ce que l'os sorte de la peau.
Un sanglot étouffé monta de la soute.
En représailles. Pour le faux pied de saint. Mon pied pour leur pied. C'était leur justice.
Guter s'essuya les yeux, des larmes coulant sur ses joues potelées.
Maudits fanatiques, murmura Tommy. Maudit Ludvik.
## La Fin du Récit
Tommy reprit après un long moment, sa voix plus ferme maintenant, portée par une colère froide.
Ils nous ont finalement libérés. Je sais pas pourquoi. Peut-être qu'ils se sont dit qu'on avait assez payé. Peut-être qu'ils voulaient juste qu'on parte. On s'en fout.
Il toussa, cracha à nouveau.
Guter m'a traîné jusqu'au bateau. Il a réussi à vendre le reste de la cargaison qu'on avait là-bas. Quelques tonneaux de vin, des tissus, de la quincaillerie. Pas grand-chose, mais assez pour acheter des provisions et payer l'amarrage.
Guter hocha la tête.
J'ai bien vendu, Tommy. J'ai fait de mon mieux.
Je sais, Guter.
Tommy continua :
On a remonté le Grand Canal. Lentement. Ma jambe empirait. La fièvre montait. Mais je voulais rentrer. Je voulais revenir ici. À Port-du-Récif. Parce que c'est là que vit Ludvik. Ce salopard.
Sa voix se fit plus dure.
On est arrivés ce matin. En fin de matinée. J'ai envoyé Guter rembourser Grzegorz à la Moulinière, parce qu'on lui devait de l'argent depuis longtemps. Et moi, j'étais censé aller voir Ludvik. Lui faire payer ce qu'il nous a fait. Récupérer notre dû.
Il marqua une pause.
Mais j'ai pas pu. Ma jambe... je peux même plus marcher. Je suis coincé sur ce bateau comme un rat dans une cage. Et pendant ce temps, Ludvik dort tranquille dans sa boutique de reliques moisies.
Un long silence s'installa. Même le clapotis de l'eau semblait s'être tu.
Finalement, la voix de Tommy remonta une dernière fois, plus calme, mais chargée d'une question lourde de sens :
Vous... vous connaissez Ludvik ?
Siostry Vespasia et toute sa clique, Aldric "Main-de-Sixte" Ravenswood, Amaury de Gavere, Le Denier, Maître Balthazar ou le Strolatz Wacław Kowalczyk.
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Dès que Tommy évoqua sa jambe brisée, fracturée par les fanatiques, une silhouette émergea de l'ombre du pilier où elle s'était dissimulée près de JAboulet.
Maelis.
Elle traversa le pont d'un pas vif et déterminé, ses trois tresses encore humides du lavage au lavoir dansant derrière elle. Son visage, qui avait été si pâle quelques instants plus tôt après l'incident du seau immonde, affichait maintenant une expression concentrée, presque professionnelle.
Elle passa entre Jéboulet et Gadelon sans un mot d'excuse, se faufila près de Guter qui se tenait penché au-dessus de l'écoutille, et posa sa main sur l'épaule d'Enguérand pour se stabiliser.
Se dressant sur la pointe des pieds, elle tenta d'apercevoir la jambe de Tommy depuis le pont, plissant les yeux dans la pénombre de la soute éclairée par la faible lanterne.
Enguérand sursauta légèrement à son contact.
Maelis ? Mais où étiez-vous passée ?
Elle l'ignora complètement. N'arrivant pas à voir suffisamment depuis sa position, elle s'agenouilla au bord de l'écoutille, ses mains agrippant le rebord de bois rugueux. Son regard plongea directement dans la soute, croisant celui de Tommy qui la fixait avec surprise.
Dès que Tommy eut terminé ses explications sur le coffret et sa proposition de vente, Maelis prit la parole d'une voix ferme et assurée qui contrastait avec son apparence fragile :
Tommy, je suis Maelis Trois-Cordes du Baswen. Je m'occupais des marins blessés sur le Bel Siren Lan.
Elle marqua une pause, soutenant le regard du marin blessé.
Est-ce que vous m'autorisez à descendre vous rejoindre pour voir l'état de votre jambe ?
[ LANCÉ DE DÉ - Maelis]
Siostry Vespasia et toute sa clique, Aldric "Main-de-Sixte" Ravenswood, Amaury de Gavere, Le Denier, Maître Balthazar ou le Strolatz Wacław Kowalczyk.
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