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Le jour pointait à peine et Matthias avait déjà sceller la jument bai « Tornade ».
Avec les émoluments qu’il recevait chaque mois pour son travail chez son oncle, il avait acquis dernièrement un magnifique destrier de la race des Frisons. L’une des meilleures montures de guerre existantes. La couleur de sa robe était noir comme la nuit et il était dressé pour ruer, mordre ou se cabrer sur demande. Lorsque la bête était caparaçonnée, c’était une magnifique machine de guerre que rien ou presque ne pouvait arrêter dans une charge. Matthias le montait régulièrement mais l’animal devait encore s’habituer à son cavalier.
Il l’avait nommé « Ciemnota » car comme le double maléfique de Podeszwa, ce cheval était la nuit qui s’opposait à la lumière.
Matthias s’accrocha à la selle, mit le pied à l’étrier et bondit souplement. Tornade renâcla un peu mais il l’a calma en lui flattant l’encolure. Il serra les jambes sur les flancs de l’animal et claqua de la langue. Elle se mit à marcher, puis ayant passé la passerelle du castel, il l’a mit au petit galop.
Le soleil commençait à réchauffer le vent qui lui caressait le visage et comme chaque fois, le cœur de Matthias battit plus vite. Lorsqu’il montait, il ressentait une sensation de liberté extrême, un sentiment de puissance aussi, qu’il n’avait jamais retrouvé ailleurs ou à d’autres moments. Peut-être un peu dans le combat mais là on ne parlait pas de liberté mais de rage. Rage de vaincre à tout prix. Rage de tuer ou d’être tué !
Tout en s’éloignant du château, il repensa au derniers entraînements qu’il avait eu avec son maître d’armes Bertrand de Montbard. Il avait réussit, pour la toute première fois, à faire plier le genoux de ce redoutable guerrier. Matthias avait eu un moment « d’absence » où il n’avait plus rien vu, ni sentit, ni ressentit. Il frappait avec une telle hargne que Montbard avait dû reculer pour ne pas être blessé ou même tué.
Lorsque Matthias reprit ses esprits, Bertrand l’avait regardé avec appréhension.
- Matthias Dolfinguer, ce que tu as éprouvé est mal ! Je ne peux te blâmer car moi aussi, j’ai ressentit cette...cette rage froide qui pétrifie tous les repères et vous rends insensible à tout. Là est le danger ! Tu serais capable de tuer un de tes amis lorsque cette rage te prend ! Et le mal consiste à rechercher cet état. C’est folie et péché au regard de Podeszwa, prends garde mon ami.
Monbart, qui était avare de compliment, l’avait néanmoins félicité pour ses progrès au combat.
- Je n’ai plus rien à t’apprendre avait-il dit. Je vais le signaler à ton oncle. Je crois que tu es prêt !
C’est cette toute petite phrase que ce répétait Matthias en galopant. « Je crois que tu es prêt » ! Il tira doucement les rênes vers l’arrière et le cheval se mit au trot puis au pas.
Il était arrivé sur les bords de la rivière qui serpentait dans la vallée de Huy.
Il mit pied-à-terre et se pencha pour prendre un peu d’eau dans la paume des mains. Il but cette eau légèrement ferreuse puis se frotta le visage et se passa les mains dans les cheveux qu’il portait longs.
Il entendit soudain une voix de femme qui lui dit en riant.
- C’est ici que vous faites vos ablutions ? N’y-a-t-il pas de baquets où vous habitez ?
Matthias se retourna vivement pour se retrouver nez-à-nez avec une jolie brune.
- Mes hommages dame… ?
- Oh, je ne suis pas une dame ! Enfin...Si ! Mais pas au sens ou vous l’entendez.
- Pour moi, toutes les femmes sont des dames !
- Écoutez-moi ce bonimenteur ! Vous feriez sensation dans notre convoi d’avaleur de feu, mime, prestidigitateur, sauteur, danseur, montreur de marionnettes. Vous seriez notre bouffon !
Elle était très jolie. Une brune aux yeux couleur d’azur. Elle était habillée de vêtements de couleurs bigarrées. Les cheveux en queue de cheval tenus par un foulard rouge.
- Vous êtes des bateleurs ? Et vous ne m’avez toujours pas dit votre nom ?
- Oui da ! L’on se rends dans ce château que l’on voit là-bas. Et elle montra le castel des Dolfinguer. Il paraît qu’une grande fête va être donnée ! J’espère que nous y arriveront avant une autre compagnie ! C’est notre gagne-pain, vous comprenez ? Et je m’appelle Esméralda mon beau seigneur.
Matthias lui sourit.
- C’est un bien beau nom ! Et bien Esméralda, je ne suis pas encore dans le secret mais ce que je peux vous dire c’est que vous serez engagés ! C’est le castel de mon oncle ! Croyez-moi, j’en fait maintenant une histoire personnelle, ce sera vous et les vôtres ou personne, je m’y engage.
La jeune fille lui sauta au cou et lui donna un baiser appuyé sur les lèvres.
- Je vais prévenir les autres ! Les caravanes sont de l’autre côté de cette colline !
Et elle partit en riant aux éclats. Matthias resté coi par le baiser, remonta en selle et à la hauteur de la jeune damoiselle, s’arrêta, lui prit la main et la tira pour qu’elle se mette en croupe derrière lui.
Ce qu’elle fit en le tenant fermement par la taille, il talonna la jument qui partit dans un petit galop sous les éclats de rires cristallins de la donzelle.
En passant le sommet du mamelon, Matthias vit en effet un convoi de six caravanes qui, à priori, n’étaient plus toutes neuves. Comme pour une étoffe rapiécée, toutes les cloisons de bois avaient été réparées et les couleurs originales qui avaient été vives autrefois étaient ternies et pelaient ça et là.
Chaque cheval était retenu par une longue longe attachée à un arbre et broutait l’herbe verte. Ils étaient douze et comme pour les caravanes, bien soignés mais très âgés.
Matthias ralenti en arrivant auprès des habitations sur roues et stoppa tornade. Passant la jambe par-dessus l’encolure de la jument, il glissa de sa selle. Puis tendant les bras il soutint doucement Esméralda pour la déposer au sol.
- Vous ne venez pas un instant saluer mes amis ? Ils seront très heureux de connaître leur nouveau bienfaiteur.
- Mais avec plaisir.
Tous c’étaient rassemblé pour accueillir le nouvel arrivant.
- Hé Esméralda ! Dis-moi, tu as attrapé un beau coq ? dit un des hommes de la troupe.
- Tu ne crois pas si bien dire Thorgal, c’est ton futur seigneur !
L’homme en question était un véritable colosse au bras puissants et au torse musclé. Il se rapprocha et examina sévèrement Matthias de la tête au pieds.
- Je n’ai pas besoin d’un seigneur, moi !
Matthias interloqué leva la tête et regarda le géant.
- Tu as raison mon grand, je ne suis pas ton seigneur. Mais si tu continues à …
Un vieil homme vint s’interposer avant que cela ne dégénère.
- Pardonnez-lui seigneur, il ne sait pas garder le silence quand il le faut, il a toujours quelque chose à dire ! Je suis Malpertuis le druide de cette troupe et je vous souhaite la bienvenue ici.
Jetant un regard haineux à Matthias, l’homme se nommant Thorgal se détourna en crachant un glaviot tandis qu’Esméralda lui soufflait,
- C’est mon ancien compagnon ! Cet idiot est jaloux c’est tout !
Matthias salua le vieil homme.
- Je suis honoré de rencontrer un druide dans nos régions. C’est plutôt rare et les prêtres de Podeszwa ne vous apprécient guère, je vous en préviens.
Le vieil homme lui fit un sourire édenté.
- Oh, je le sais ! Je viens de passer quatre mois dans les geôles d’un seigneur. L’on m’a arrêté parce que je pratiquais la divination en lisant dans les entrailles d’un corbeau. Le prêtre m’a dit que j’étais un adorateur de Ciemnota !
Matthias opina de la tête.
- Je sais, certains prêtres sont beaucoup trop intransigeants. Ils le sont d’autant plus que des rumeurs prétendent que des attaques ont eu lieu dans le sud et l’ouest d’Osterlich. Certains agitateurs parlent de malédictions divines et d’autres en rejette la cause sur les étrangers. L’on dit aussi qu’Okord ne serait pas épargnée. En plus de faire face à une royauté défaillante, une révolution serait à craindre !
Le vieux tendit un parchemin élimé à Matthias.
- Justement seigneur, lisez ce pamphlet qui circule dans toutes les tavernes. Certains osterlichois en sourient mais, à mon avis, ce sont des nouvelles alarmantes.
Matthias prit le document et lut les sourcils froncés.
"Le Roi d'Okord festoie en son palais tandis que les côtes brûlent et que le sang du peuple coule. Combien de vies faudra-t-il pour satisfaire son ambition ?"
"Nobles et paysans, vous partagez la même terre et le même destin. Pourquoi sacrifier vos fils pour un souverain qui se rit de vos souffrances depuis son trône ?"
"Vos seigneurs promettent sécurité et prospérité, mais ils ne savent vous offrir que la guerre et la famine. Il est temps de reprendre en main votre destin, loin du joug des couronnes corrompues."
"Le royaume se meurt, et la noblesse ne pense qu’à se déchirer pour des titres et des terres. Pendant qu’ils s’accusent et complotent, le peuple meurt. À quoi bon servir ceux qui ne servent qu’eux-mêmes ?"
"Les hommes venus par la mer respectent vos terres et vos vies, quand vos seigneurs eux-mêmes les sacrifient sans hésitation. Choisissez vos vrais ennemis !"
- Et bien ! C’est beaucoup plus grave que je ne le pensais. Je garde ce document, je dois le montrer à mon oncle. Vous permettez druide Malpertuis ?
- Mais oui ! Prenez ! Nous nous reverront lorsque nous seront dans votre castel. A bientôt seigneur.
Matthias remercia la compagnie pour son hospitalité, sourit à Esméralda et remonta en selle.
La petite fête allait peut-être tourner court.
A peine arrivé, Matthias donna les rênes au palefrenier et passa les portes de la demeure seigneuriale. Il monta deux paliers séparés par une vingtaine d’escaliers pour se rendre dans le cabinet de travail de son oncle. Il frappa résolument et entra sans attendre de réponse.
Le vicomte lisait un parchemin et redressa la tête à son entrée. Il lui fit signe de venir s’asseoir.
Matthias vint lui serrer la main et s’assit en face du luxueux bureau.
- Bonjour mon neveu. Tu m’as l’air bien soucieux. Que se passe-t-il ?
Matthias lui tendit le parchemin froissé.
- Tenez, lisez vous même.
Le vicomte parcourut le document et sourit à son neveu.
- Je suis au courant de cette affaire. En début de semaine, j’ai reçu un courrier qui a été envoyé à tous les seigneurs d’Osterlich. Pour ce que j’en sais, les attaques se concentrent sur les côtes. Ne t’en préoccupe pas pour l’instant. Mais où as-tu eu ce message ?
- Des bateleurs qui doivent arriver sous peu. À les entendre, une fête est prévue au château ? dit Matthias en plaisantant.
- Je devais t’en parler mais puisque tu as l’air d’en savoir plus, je t’annonce solennellement que tu deviendra chevalier avant la fin de la semaine. Tes parents arriveront demain ainsi que les invités. Tu devra te préparer car dans trois jours tu seras adoubé. Et ce sera pour toi un jour exaltant mais, je t’en préviens, aussi très exténuant.
Matthias s’en doutant un peu montra une joie mitigée.
- En suis-je digne mon oncle ?
- Ni plus, ni moins qu’un autre écuyer. Tu es prêt physiquement. Tu as montré ta bravoure dans les tournois d’écuyers. Et tes valeurs d’âmes sont celles d’un homme du dieu unique Podeszwa. Tu es prêt, n’en doute point.
- Que dois-je faire en attendant ?
- Entraîne-toi encore. Monte plus souvent « Ciemnota », il faut que tu le maîtrise parfaitement. Et surtout, prie avec ferveur que dieu t’accompagne dans toutes tes actions.
Les parents et les invités avaient pris leurs quartiers dans le château. Les bateleurs s’étaient regroupés en dehors des murs ainsi que quelques chevaliers ayant préféré dormir sous la tente.
La salle de réception était prête, les cuisines bourdonnaient d’activité. La chapelle avait été fleurie de lys blancs et dans la cour d’honneur une estrade couverte de paille fraîche et un autel couvert de pétales de roses blanches étaient prêts pour la cérémonie.
Tôt, le matin, Matthias c’était cérémonieusement baigné tout en priant pour le pardon de ses fautes. Ensuite, il s’était revêtu d’une tunique blanche, symbole de pureté et placé sur les épaules une cape de couleur rouge comme signe du sang qu’il devrait répandre pour sa foi et son devoir.
Purifié et vêtu, il avait observé un jeûne stricte. Le soir, son parrain de chevalerie et lui était entré dans la chapelle afin de passer la nuit en prières devant la statue du Zwiastun, le premier prophète de Podeszwa.
Et ce matin, un peu tremblant d’appréhension et de faiblesse, son oncle et lui montèrent les marches qui menaient sur l’estrade puis ils s’avancèrent vers l’autel. Le Prêtre, Hiéronimus Moebius et son Diacre, Petrus Mallus attendaient l’impétrant afin de l’encourager par son homélie
- Mon frère, nous vous exhortons à être courtois sans vilenie, magnanime sans félonie, hardi sans couardise, rempli de compassion à l'égard des malheureux, généreux et tout prêt à secourir ceux qui sont dans le besoin, toujours prêt à confondre les bandits et les sorciers.
Un chevalier ne doit pas accomplir quelque chose par peur de la mort afin que rien ne puisse lui être imputé comme déshonneur, mais il doit davantage redouter la honte que la mort.
Les chevaliers ont été établis pour protéger la sainte église Podeszwite et pour être le seigneur du peuple et le soldat de Dieu car l’église ne peut se défendre par les armes, ni rendre le mal pour le mal.
Mon ami, s’il arrive que vous deviez combattre un chevalier, souvenez-vous des instructions que je vais vous donner : si vous avez le dessus et que votre adversaire ne peut plus se défendre ni résister et qu'il demande grâce, ne le tuez pas volontairement.
Et je vous prie également, si vous rencontrez une jeune fille ou une femme qui se trouve privée d'appui, secourez-la, si vous pouvez le faire. Vous agirez honorablement.
Et enfin, je vous exhorte de vous rendre à l'église chaque jour pour y prier le Créateur de toutes choses afin qu’il aie pitié de votre âme.
Puis le prêtre prit l’encensoir qu’il balança à gauche puis à droite de Matthias et fit la même chose au-dessus de l’épée posée sur l’autel.
Matthias s'agenouilla devant l’officiant qui lui demanda :
- Pour quelle raison désires-tu entrer dans la chevalerie ? Si tu recherches la richesse ou les honneurs, tu n'en es pas digne !
Le jeune homme posa alors la main sur le Podreznik (Livre de Podeszwa) et prêta à haute voix le serment des chevaliers qu’il avait appris par cœur.
Je croirai à tous les enseignements de l’église et j’observerai ses commandements.
Je protégerai l'église.
Je défendrai tous les faibles.
J’aimerai le pays où je suis né.
Je...Je ne fuirai jamais devant l'ennemi.
Je combattrai les infidèles avec acharnement.
Je remplirai mes...mes devoirs féodaux, à condition qu'ils ne soient pas contraires à la loi divine.
Je ne mentirai jamais et je...je serai fidèle à ma parole.
Je serai...lidé...libéral et généreux.
Et je serai toujours le champion du droit et du bien contre l'injustice et le mal.
Tout cela, je le jure de part dieu et ma sainte foi en Podeszwa !
Après un moment de silence, des pages l'aidèrent à revêtir sa tenue : la cotte de maille, la cuirasse, les brassards et son parrain se mit à genou pour lui attacher un éperons dorés au pied droit. Puis il ceignit l'épée.
Et enfin, Matthias s'agenouilla pour recevoir la collée.
Son oncle lui donna trois coups du plat de la main sur la nuque, en lui disant :
- Au nom de Podeszwa, de Saint Goben et de Saint Aubaine, je te fais chevalier. Sois vaillant, loyal et généreux.
On lui amena « Ciemnota » au bas de l’estrade, il mit son heaume, et sauta sur le destrier sans toucher les étriers. Partant au galop, il renversa de sa lance une série de mannequins placés à courtes distances l’un de l’autre sous les ovations de chacun.
Des deux jours qui suivirent, Matthias n’en garda que très peu de souvenirs.
Il se souvint des pleurs de bonheur et de fierté de ses parents. Des accolades plus que viriles de son oncle et de ses amis chevaliers.
Il avait du se battre aussi car sa joue et son œil droit lui faisaient un mal de chien.
Ouvrant et fermant les yeux, il essaya de s’éclaircir la vue. Ce qu’il vit avait tout pour le séduire. Une jolie brune, au longs cheveux ondoyants jusqu’à la taille, complètement nue et alanguie à ses côtés lui révélait une croupe adorablement exquise.
Puis il se souvint d’Esméralda.
La dernière nuit, ils s’étaient embrassés furieusement dans le camp des bateleurs. Les autres étaient au château et elle l’avait entraîné dans une danse sensuelle qui l’avait rendu fou de désir.
Ils avaient fait l’amour jusque très tard dans la nuit et s’étaient endormi, rassasiés des plaisirs qu’ils s’étaient donnés l’un à l’autre sans gêne ni pudeur.
Là, il n’avait qu’un désir, s’était de recommencer, il posa la main sur sa hanche chaude et… L’on tambourina à la porte avec violence !
- Esméralda ! Esssmééééraaaldaaaa ! Ouvre ou je défonce cette porte !
La jeune fille ouvrit les yeux et se redressa sans pudeur.
- Vite cache-toi sous le lit ! C’est Thorgal ! Si il te trouve ici, il te fracassera la tête !
Matthias ne se le fit pas dire deux fois, il prit ses vêtements et il se blottit sous le lit, retenant sa respiration.
Esméralda se couvrit d’une longue chemise de lin blanche qui cachait à peine ses formes enchanteresses.
- Voilà...Voilà ! J’arrive ! Oh ! Oui, oui, j’arrive !
Elle ouvrit la porte de la caravane et vit l’ours enragé planté devant elle.
- On est au milieu du jour et tu es encore dans ton lit ! Je sais qu’il est là !
- Mais qui bon sang ! Je suis fatiguée, j’ai dansé et chanté pour de vieux nobles gâteux qui n’ont pas arrêté de me toucher ! Il n’y a personne...Qui vois-tu ?
Le géant regarda derrière la belle donzelle et vit une poulaine d’homme.
- Et ça, qu’est-ce que c’est ?
Le fauve entra dans la cage et se dirigea vers le lit qu’il renversa. Dans un cri de triomphe il prit à deux mains le cou de Matthias qu’il serra en grognant.
Ce dernier essaya bien de faire lâcher prise au monstre mais rien à faire, cet homme allait le tuer.
Soudain, un coup sourd ! BOONNNGGG ! Un son de cloche sans le battant ! Le géant cligna plusieurs fois des yeux et tomba comme une masse sur le pauvre Matthias toujours nu comme un ver. Esméralda était derrière Thorgal avec une poêle en fonte encore brandie.
Elle fit une grimace d’excuse à Matthias.
- Je n’allais pas le laisser te tuer ! Il fallait bien que je fasse quelque chose !
Matthias toussait et récupérait un peu, lorsque le monstre essaya de se redresser.
Esméralda lui en remit un deuxième coup derrière l’oreille qui, cette fois, l’assomma pour de bon.
Le jeune homme se redressa en tanguant comme sur le pont d’un navire.
Esméralda le regarda en se passant la langue sur les lèvres…
- Non...Non, non, je dois y aller là dit le preux chevalier en regardant le monstre terrassé.
- Tu arrivera à le calmer ? dit-il en se rhabillant rapidement et en se frottant la gorge.
- Oui, ne t’inquiète pas, mon fougueux seigneur. Je sais quoi faire !
Matthias la regarda avec étonnement.
- Non, ne t’inquiète pas. Et elle partit d’un rire cristallin qu’il adorait déjà. Je vais lui préparer un petit plat qu’il adore ! Il est tout doux quand il a le ventre plein !
Elle s’approcha du jeune homme et l’embrassa goulûment.
- Pour le reste, tu restes le meilleur ! On se voit ce soir ? Au château, c’est mieux non ?
Matthias hésita, le désir était là mais il devait rester un peu sérieux.
- Pas ce soir Esméralda, j’ai certainement des obligations à remplir. Pardonne-moi.
Elle bouda mais lui sourit avec douceur et un brin de tristesse.
- Bien... si tu veux me voir, tu sais où aller... Mais je te préviens, nous repartons demain pour Andalasia à l’est de l’est d’Osterlich.