Forum d'Okord

Guilhèm de Chantecourge

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Puissent les dieux anciens bénir notre cause

Sur les remparts de Trois-Épis, Mahaut regardait vers le Sud. Non vers les collines ni même vers le fleuve dont les eaux étaient masquées par une nappe de brouillard, mais plus loin, au-delà de l'horizon, vers le Sudord. Ses mains crispées sur la pierre des créneaux, tout son corps irradiait de colère. Guilhèm se décida enfin à rompre le silence :
" Je viens de rentrer des Jardins de Lussuria. Les travaux de remise en état avancent bien. Si tout se passe bien, d'ici quelques années ils auront retrouvé leur splendeur d'autrefois.
- Tout ne se passe pas bien, Guilhèm. Et seuls les dieux savent ce que nous réservent les prochaines années !
- Je le sais, ma mie. J'ai entendu les rumeurs. Toujours rien de bien concret pour l'instant, juste cette ombre qui plane sur notre avenir, cette menace diffuse...
- Diffuse ? "

Mahaut cracha. Un instant la rage déforma ses traits. Elle se reprit.
" Tu n'y étais pas, Guilhèm. On m'a dit que j'étais trop jeune pour me souvenir, et par Daeth, combien j'aimerais que ce soit vrai ! J'y étais, par delà le Canal, dans ses terres qui étaient nôtres et qu'ils nous ont arrachées. Nous avons fui, mais eux aussi ont tenté de traverser. Dans mes pires cauchemars, j'entends les hurlements de peur et de douleur, je sens l'odeur des malheureux envoyés au bûcher.  Dans mes pires cauchemars, je revois les strolatz. Et aujourd'hui des seigneurs d'Okord ont juré soutien à cette brute fanatique ! Ont-ils perdu l'esprit ou sont-ils des serviteurs de Virdumar ?
- La guerre doit être notre dernier recours. En attendons, nous devons les convaincre de se défier des belles paroles d'Osterlich et de rejeter les fanatiques du dieu d'Osterlich. Nos dieux nous aideront.
- Nos dieux semblent oubliés. Qui les vénère encore ? Qui encore prend la peine de bénir les semailles à venir pendant le Bolc ? Qui fête encore l'Assemblée de Rituath ?"

Guilhèm soupira. Il sentait la présence des dieux anciens dans chaque arbre, dans chaque pierre, et Rituath l'avait accompagné dans chacun des combats qu'il avait mené. Comment les okordiens ne percevaient pas cette évidence, et se tournaient vers des dieux étrangers ?
" Nous avons bâti un temple pour Rituath, et un autre pour Lussuria. Mais c'est insuffisant. Nous devons témoigner de notre foi en les dieux anciens à tout Okord. Il se trouve encore des seigneurs qui adorent nos dieux. Demandons leur aide et prions."

Plus tard, alors que le soleil avait depuis longtemps passé l'horizon, loin vers Déomul, autre menace pour le royaume d'Okord, Guilhèm prit la plume et écrivit aux seigneurs et dames d'Okord, à ceux qui partageaient sa foi :

"Seigneurs d'Okord,

Ne laissons pas les Podeszwites écrire l'avenir d'Okord. Nos dieux ne nous ont pas oubliés, mais nous-mêmes ne devons pas oublier nos dieux.

Je souhaite faire de mes terres un sanctuaire dédié à la multitude de nos dieux. Mais pour cela j'ai besoin de votre aide. J'ai besoin de vos prières en premier lieu, de toutes les prières que vous pourriez faire pour invoquer nos dieux. Non pas pour moi, mais pour Okord. Pour notre terre. Pour nos enfants. Pour nos dieux.

J'ai besoin également de pierre. Des pierres qui, bénies par Cerdo le Bâtisseur, serviront à ériger les plus beaux temples qu'Okord ait connu.

Je ferai graver sur la pierre des temples le nom de tous ceux qui auront soutenu cette cause, afin que pour eux aussi, leurs noms ne soient pas oubliés.

Guilhèm de Chantecourge

Par Fendrelune, que le coté obscur trépasse
Que la foudre s'abatte sur nos ennemis !"

Aguilar de Vivesource

Inscription : 2023-07-20

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Re : Puissent les dieux anciens bénir notre cause

Aguilar replia la lettre de messire de Chantecourge , puis la reposa sur son bureau . Il y avait bien longtemps qu'un seigneur n'avait pris une initiative pour tenter de renforcer le Culte . Mais surtout les mots du seigneur de Chantecourge lui avaient parus sincères et désintéressés . La proposition posait des problèmes , mais le ton méritait au moins une réponse .

Avant de répondre , Aguilar décida d'aller marcher jusqu'à l'étang aux grenouilles , au sud d'Alezan , et d'en faire le tour afin de trouver dans sa contemplation le calme et la sérénité qu'il aimait ressentir avant de prendre la plume . Le coassement continu des grenouilles apaisait Aguilar aussi surement que le son des flux et reflux des vagues des eaux du Grand Canal .

Comme d'habitude , la promenade lui avait changé les idées et reposé l'esprit . Il avait presque oublié la lettre du Seigneur de Chantecourge en rentrant et c'est donc avec l'esprit léger qu'il se mit à sa réponse .

"Messire de Chantecourge ,

j'ai bien reçu votre proposition d'ériger sur vos terres de nouveaux temples afin d'honorer nos Anciens Dieux . Bien que je ne partage pas vos craintes par rapport aux podeswytes avec qui j'entretiens désormais de bons rapports et que je sois pour la totale liberté de culte , je partage par contre évidemment votre soucis de préserver notre propre culte . C'est pourquoi votre proposition me semble des plus louables et que je souhaitais vous répondre .

Je comprend bien votre idée , mais je ne pourrais malheureusement pas y répondre favorablement dans l'immédiat . En effet , la réforme des territoires qui a eu lieu il y a quelques années n'a pas encore fini de mobiliser toutes les ressources en pierres dont peuvent disposer les domaines pour la construction des villages et autres infrastructures nécessaires au développement des domaines . De plus , une fois les villages et infrastructures construits , vous devez comprendre que les seigneurs commencent par d'abord construire des temples dans leurs propres domaines . Les serfs n'ont en effet guère les moyens financiers ainsi que le temps libre pour s'en aller en pèlerinage au loin et il est donc logique que les seigneurs construisent en premier lieu des temples dans leurs domaines respectifs afin que leurs gens puissent prier aisément nos dieux où qu'ils se trouvent . Voici qui explique sans doute le peu de succès de votre proposition .

Votre projet me semble toutefois intéressant et je vous encourage à ne pas l'enterrer trop vite . J'espère pour ma part pouvoir y répondre , à la hauteur de mes moyens , quand les besoins en pierre pour mon domaine se feront moins impératifs .

Je vous encourage donc à la patience , Messire de Chantecourge , et je vous remercie de votre louable initiative .

Recevez mes salutations sincères , Messire , et que les Dieux vous soient favorables" .

Guilhèm de Chantecourge

Inscription : 2025-02-06

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Re : Puissent les dieux anciens bénir notre cause

Les jours passaient, et les messages envoyés aux nobles d'Okord qui vénéraient les dieux anciens restaient sans réponse. La certitude d'insuffler un renouveau au culte des anciens dieux laissait place à une triste désillusion. Les jours passaient, et Guilhèm parcourait d'un oeil maussade les missives que lui transmettait tel bailli à propos de la difficulté à percevoir les taxes de tel port à cause des brigands qui s'étaient installés à proximité, ou tel marchand qui demandait que soit agrandit la foire du Marteau de Goben. Lorsque qu'un soir on lui fit parvenir une missive du Comte de Vivesource, il se remit à espérer. Sa lecture, pourtant, ne lui rendit pas son sourire. Perplexe, il la montra à dame Mahaut son épouse. Celle-ci la lut attentivement avant de prendre la parole :
"Guilhèm, je crois qu'il a raison. Nous avons demandé avant de donner. Ces seigneurs ne nous connaissent pas, et ont leurs propres difficultés à résoudre.
- Mais pouvons-nous encore faire attendre nos dieux ? Ne vont-ils pas nous abandonner si nous continuons à les négliger ?
- Je ne crois pas. Les dieux connaissent les tréfonds de nos âmes, et savent que nous faisons notre possible. Par ailleurs, nos ancêtres ont longtemps prié dans les grottes ou sous les chênes avant de construire des temples.
- On ne peut plus se contenter de grottes quand les adorateurs de Podeszwa construisent des bâtiments plus somptueux et ostentatoires les uns que les autres !
- Hmmmm... On dit que les adorateurs de Podeszwa aiment autant l'or que ceux d'Yggnir aiment le sang. Nos voies sont différentes. Cependant, nous devons avoir des sanctuaires qui n'aient rien à envier aux leurs. Mais nous devrons patienter pour cela. Chez nous aussi, nos serfs ont besoin de demeures qui les protègent correctement du froid et de la pluie."

Ils discutèrent longtemps, et, quand la lune laissa la place à l'astre du jour, Guilhèm reprit sa plume sous la bénédiction de Daeth, dieu de la sagesse et de la connaissance.

"Messire de Vivesource,

Je dois vous avouer avoir d'abord ressenti une vive déception en vous lisant, mais j'ai ensuite compris que pris par l'enthousiasme à l'idée de mieux servir nos dieux, j'en avais oublié les considérations matérielles qui nous lient ici-bas. Il est bien évident que nous ne pouvons dépouiller nos serfs de tout confort au nom des dieux. Ce serait injuste et cruel, et Rituath ou Seir'a Neir nous jugeraient pour cela. Tout comme il est certain que le développement des lieux de culte dans mon domaine ne doit pas se faire au détriment de la construction ou l'agrandissement de temples dans le vôtre, ou dans celui de tout autre seigneur okordien. Vous avez entièrement raison.

En vérité, si vous ou d'autres seigneurs d'Okord, embellissez les temples de votre domaine, j'en serai heureux. Car le but n'est pas de retirer de la gloire pour moi-même mais bien d'honorer les dieux.

Cependant, lorsque vous dites que les serfs n'ont pas les moyens ou le temps de s'en aller en pèlerinage, cela m'a interpelé. Je dois reconnaître qu'il en est de même pour mes serfs. Mais peut-être pourrions-nous remédier à cela ? Peut-être pourrions nous avec nos druides, ouvrir des relais sur nos domaines pour accueillir gratuitement les pèlerins, afin que la fortune ne soit plus nécessaire pour cheminer vers des lieux saints éloignés ? Une meilleure organisation de nos campagnes et des guildes de nos artisans pourrait peut-être aussi leur permettre de se dégager du temps.

Bien évidemment, de tels changements prendront du temps, et je vais devoir comme vous me le conseillez faire preuve de patience.

Qu'à vous aussi, Messire de Vivesource, les dieux soient favorables"