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Les jours s'effaçaient les uns après les autres dans l'immensité blanche de Perdiglas, chacun portant en son sein une cruauté nouvelle, plus mordante que la précédente. Amaury De Gavere, cet homme que les batailles avaient façonné et que la politique avait aiguisé, se découvrait démuni face au silence glacé qui l'enveloppait de son linceul immaculé. Ses pensées, aussi acérées que la lame qu'il portait au côté, tourbillonnaient sans répit dans son esprit tandis qu'il fendait les vents glacials.
Les paroles de la Siostry Vespasia résonnaient en lui, cristallines et impérieuses, semblables au chant d'une lame effleurant la glace. C'était elle qui avait insufflé cette quête dans leurs âmes, elle dont les mots avaient tracé leur chemin vers ces contrées hostiles. Amaury De Gavere, lié par son serment et sa loyauté, n'avait pu que s'incliner devant cette volonté qui transcendait la sienne. Le souvenir du regard perçant de la Siostry, lorsqu'elle avait évoqué Bohemont, le hantait encore, tout comme cette urgence dans sa voix qui n'admettait nulle contestation. Il avait alors bravé la consigne et pris la place du trappeur qu'on avait missionné initialement.
Le froid mordant lui rappelait les hivers d'Okord, mais ici, aux confins du monde connu, chaque rafale portait en elle une malveillance singulière. Ses compagnons d'infortune progressaient dans son sillage, ombres floues dans le blizzard, leurs présences à la fois réconfortantes et pesantes dans ce désert de neige.
La disparition de Bohemont creusait un gouffre dans son âme, plus profond que les crevasses qui déchiraient la plaine gelée. Les images de leur dernière rencontre le poursuivaient sans relâche : ces quelques paroles échangées avant que la tempête ne l'arrache à leur vue, cette promesse muette de retrouvailles qui résonnait maintenant comme une cruelle moquerie du destin. La culpabilité et la colère se mêlaient en lui, formant un tourbillon aussi violent que ceux qui balayaient l'étendue glacée.
Dans la noirceur des nuits polaires, Amaury sentait sa détermination vaciller. Son esprit vagabondait vers les salles chaudes d'Okord, vers ces intrigues qu'il maniait jadis avec tant d'habileté. Là-bas, chaque mot était une arme finement ciselée, chaque regard un message codé. Ici, face à l'implacable nature de Perdiglas, toute sa maîtrise des arts politiques s'évanouissait comme un souffle dans le vent glacé.
La douleur physique était devenue sa compagne de chaque instant. Ses muscles hurlaient leur supplice, ses articulations gémissaient comme le bois d'une coque de navire dans la tempête, mais jamais il ne laissait transparaître sa souffrance. Ce masque d'impassibilité, forgé dans les méandres du pouvoir, demeurait son ultime rempart contre l'abîme du désespoir.
Les heures s'étiraient comme des ombres au crépuscule, rythmées uniquement par le souffle laborieux de ses compagnons et les hurlements incessants du vent. Dans cette solitude glacée, Amaury méditait sur son existence, sur ces choix qui l'avaient conduit jusqu'à ces terres inhospitalières. La guerre et la politique avaient sculpté son être, mais Perdiglas le métamorphosait d'une manière plus profonde encore, plus primitive.
Car au tréfonds de son être, sous les strates de doute et de souffrance, brûlait toujours cette flamme inextinguible qui avait fait de lui un meneur d'hommes. Cette flamme qui lui murmurait que chaque pas dans la neige le rapprochait de son but, que chaque jour arraché aux griffes du froid était une victoire sur l'abandon.
Et peut-être, quelque part dans cette immensité blanche, Bohemont attendait-il leur venue, guidant leurs pas de son souffle spectrale vers lui afin d'enfin revenir sur les terres plus clémentes du sud, vers Okord et la Siostry Vespasia qui avait placé en eux sa confiance.
Dernière modification par HernfeltMayer (2025-02-03 23:57:05)
Siostry Vespasia et toute sa clique, Aldric "Main-de-Sixte" Ravenswood, Amaury de Gavere, Le Denier, Maître Balthazar ou le Strolatz Wacław Kowalczyk.
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