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#1 2025-01-30 16:02:38

JaimeOkord
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Le duel des Dames

(HRP: ici les dialogues sont réutilisés mots pour mots afin de ne pas déformer les propos des deux personnages)

Archive de la Joute Intellectuelle entre Dame Shalima-Ilitu et la Marquise Siostry Vespasia écrite le Merkor, 29e-I-25.
Rédigé par un témoin anonyme, en la grande Bibliothèque Des Alfas.

Il fut un temps, en la vaste bibliothèque, deux esprits affûtés se rencontrèrent, liés par l'amour du savoir et la volonté d'éprouver la vérité par l'exercice rigoureux du raisonnement. En cette occasion, Dame Shalima, maîtresse de ces lieux de savoir, reçut la Marquise Siostry Vespasia, figure influente dont la renommée s'étendait bien au-delà des domaines qu'elle gouvernait.

Dame Shalima, après avoir guidé son invitée à travers les rayonnages de la connaissance, lui posa une question, ses yeux se perdant un instant dans les ombres de la bibliothèque le sourire aux lèvres:
"Si un homme vit dans un royaume où tout le monde ment, comment peut-il savoir si la vérité existe ?"

La Marquise, habile dans l'art du verbe, offrit une réponse empreinte de sagesse et de subtilité :
"Votre questionnement résonne avec une profondeur digne des plus grands philosophes de notre temps. En vérité, dans un royaume où le mensonge règne tel un monarque absolu, la vérité demeure telle une flamme éternelle dans la chapelle de l'âme. Car même le plus vil des mensonges ne peut exister sans l'essence première de la vérité, tout comme l'ombre ne peut être sans la lumière qui la projette. Considérez, noble Dame, que si tous mentent en ce royaume, cette affirmation même devient un paradoxe sacré. Car si tous mentent invariablement, alors leur proclamation de mentir doit elle-même être un mensonge, révélant ainsi l'existence nécessaire de la vérité. La vérité, ma chère, est semblable à l'étoile polaire qui guide les navigateurs : même voilée par les nuages du mensonge, elle demeure immuable dans sa position céleste, attendant que l'œil averti la découvre."

Mais Dame Shalima, loin de se laisser impressionner, contre-attaqua en remettant en question la stabilité même de cette affirmation :

"Si vous dites que 'tout le monde ment' est un paradoxe sacré parce qu’il implique l’existence de la vérité, alors cette affirmation-même devient instable. Après tout, si ce royaume est construit sur des mensonges absolus, pourquoi devrions-nous croire que l’affirmation ‘tout le monde ment’ est vraie? Peut-être est-ce le mensonge ultime?"

La tension monta d’un cran. Dame Vespasia, imperturbable en apparence, développa alors une réflexion plus large sur la nature de la vérité et du mensonge, unifiant ses réponses en un discours cohérent :

"Il n'y a pas de mensonge sans vérité. Chacun porte ses vrais vérités. Chacun voit ses propres vérités. Les mensonges passés deviennent les vérités d'après-demain. Les mensonges meurent en grande partie avec les personnes qui les ont dites. Ainsi avance le monde, Shalima. Okord fourmille de personnes auto-proclamées 'seigneurs' alors qu'ils n'en sont pas. L'histoire de ce pays a commencé dans le sang de barbares idiots, qui se sont rebellés contre d'autres barbares idiots. Voilà la vérité de NOTRE royaume actuel."

Après avoir écouté attentivement, Dame Shalima répliqua avec une finesse qui trahissait une profonde compréhension des enjeux :

"Si les mensonges d’hier deviennent les vérités de demain, ces vérités ne sont-elles pas, en réalité, des mensonges en attente ? Peut-être, en fait, que ce royaume n’est qu’un théâtre où les rôles changent, mais où le scénario reste fondamentalement une œuvre d’illusion. Dès lors, la seule constante dans ce royaume n’est ni la vérité, ni le mensonge, mais le pouvoir de ceux qui dictent quelle illusion doit prévaloir.Parfois, la philosophie et les paradoxes exigent que l’on se projette dans un monde fictif, un monde qui brise les règles du nôtre"
Elle marqua une pause, laissant ses mots résonner, puis ajouta:
"Cette question vise à mettre en lumière une contradiction, qui donne naissance à un paradoxe : un royaume composé uniquement de menteurs ne peut exister. Le plus grand piège réside dans la tentation de le comparer à un royaume existant, car les règles qui y régissent la vérité et la fausseté n'y seraient pas applicables. Et ainsi, nous finissons dans l'absurde."

La Marquise, après un léger silence, répondit avec une pointe d'ironie :
"L'absurde, oui. Mais l'absurde n'est-il pas le fruit des meilleures innovations ? Des meilleures idées qui font avancer l'être humain au regard de l'unique ?"

La maîtresse des lieux acquiesça tout en pointant une faille dans le raisonnement de son adversaire :
"Vous avez tout à fait raison, il faut parfois recourir à l'absurde pour comprendre ce que la logique ne peut résoudre. Dommage que votre réponse écarte l'éventualité de l'absurde. C'est une défaite logique."

La Marquise, dont l’orgueil semblait avoir été écorché, reprit la parole d’une voix plus haute, teintée d’un agacement à peine voilé:
"Shalima-Ilitu, vous oubliez le fait que je ne suis adepte de l'absurde et de l'aléatoire. Ma congrégation prône la toute-puissance de l'unique qui choisit pour nous, qui définit un chemin de lumière. Ce que certains appellent 'absurde', nous y voyons la volonté de Podeszwa."

Mais d'une acuité redoutable,Dame Shalima  saisit cette faille et conclut avec une précision implacable :

"Dame Vespasia, vous prétendez ne pas être adepte de l'absurde et de l'aléatoire, pourtant, vous introduisez l'absurde dans votre propre raisonnement en l'intégrant à la volonté divine de Podeszwa, et ce, sous une forme qui devient une vérité supérieure. Cette contradiction ne saurait être ignorée, si ce que certains appellent l'absurde est perçu comme la volonté de Podeszwa alors votre congrégation et vous, êtes par défaut adepte de l’absurdité, ce que vous avez nié."

Elle ne laissa aucune issue à ce labyrinthe de contradictions et déclara sèchement:

"La vérité et l'absurde coexistent précisément là où la logique échoue, et c'est la que réside la véritable sagesse. Vous avez choisi de subordonner l’absurde à votre croyance, mais cela ne résout pas la contradiction de votre raisonnement. Il n’y a plus rien à ajouter, le débat est clos, et la conclusion est claire. Vous avez perdu cette joute intellectuelle et la victoire est mienne."

Ce fut à cet instant précis que Dame Shalima frappa d’un coup final.
Elle releva l’incohérence: en niant l’absurde tout en le liant au divin, la Marquise s’enchaînait à une contradiction insoluble. Mais au-delà de cette victoire logique, il y avait autre chose, en intégrant la religion dans une joute philosophique où seul le raisonnement devait prévaloir, la Marquise avait, sans le savoir, condamné le débat à une impasse.
Toute poursuite n’aurait mené qu’à une opposition stérile entre dogme et dialectique.
Comprenant que le terrain était désormais vicié, Dame Shalima proclama sa victoire et mit fin au duel. Certains y verront une clôture précipitée, d’autres un coup magistral visant à éviter l’enlisement. Mais qu’importe l’interprétation, il ne fait nul doute que ce jour-là, la joute tourna à son avantage.
Le paradoxe initial n’était qu’un appât, le véritable enjeu se cachait dans l’écho des silences, où résonnait le craquement d’un prestige en train de s’effriter.

Un parchemin oublié sur une table captura mon regard. Une phrase y était griffonnée, peut-être écrite par Shalima elle-même :
« La vérité est un miroir brisé dans un royaume d’ombres. Chacun croit en tenir un éclat, mais aucun ne sait s’il reflète le réel ou l’illusion.»

Ainsi se referme ce chapitre, laissant aux lecteurs et aux érudits futurs le soin d’en tirer leurs propres leçons.

Dernière modification par JaimeOkord (2025-01-30 20:15:52)

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