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Chapitre 1 : Les préparatifs du Conseil des Ombres
La salle à peine éclairée était baignée d'une pénombre épaisse, rendant chaque mouvement lent et solennel. Les ombres des membres du Conseil des Anciens se dessinaient, floues et imposantes, autour d'une grande table ronde en bois massif, sa surface marquée par des années de délibérations sévères et sans retour. Le grésillement des torches, accrochées aux murs de pierre brute, ajoutait une touche sinistre à l'atmosphère déjà oppressante. Les flammes dansaient faiblement, projetant des ombres mouvantes sur les visages des conseillers, à peine visibles, mais dont la présence se faisait lourdement sentir.
Frère Erwan, assis droit comme une lame prêt à fondre sur sa proie, fixait la table avec une froideur calculée. Son visage fermé, marqué par le cynisme et l'irritation, était tourné vers les flammes, mais ses pensées étaient ailleurs, déjà en train de peser le sort du marquis. À ses côtés, Sœur Ilse parcourait les documents de ses doigts agiles, chaque page tournant avec une précision presque mécanique. Son regard, caché dans l'ombre, ne trahissait aucune émotion ; elle était là pour exécuter un devoir, rien de plus, rien de moins.
Le silence régnait, alourdi par les sièges massifs qui semblaient attendre que la sentence tombe comme un couperet.
C'est alors que Frère Bob, fidèle à lui-même, brisa l'atmosphère pesante avec une réflexion à voix basse, perdue dans un murmure indélicat :
« Ah, mon père m’aurait dit... enfin, je m'en souviens bien, hein... quand j'avais six mois, oui, juste six mois, il me disait toujours : "Bob, les réunions doivent toujours commencer à l'heure... sauf quand y'a un nain dans le lot" ! » Il laissa échapper un petit rire nerveux, avant de reprendre avec un ton plus sérieux. « Enfin... c’est vieux comme le monde, ça aussi... »
Le regard tranchant de Frère Erwan se tourna lentement vers Bob, chargé de reproches silencieux. Mais comme souvent, il n'eut même pas besoin de parler ; le moine farfelu s'arrêta de lui-même, souriant dans l'obscurité.
La porte grinça alors sur ses gonds, une brise froide traversant la pièce, signalant l’arrivée tardive du dernier membre. Le nain, traînant ses bottes sur le sol de pierre, entra enfin. Il jeta un regard désinvolte aux autres avant de se diriger vers une chaise vide. Sans un mot, il s'installa, son dos lourdement appuyé contre le dossier, le visage fermé et fatigué. La tension dans la pièce monta d’un cran, accentuée par le retard du nouvel arrivant.
« T’es encore en retard, toi… » murmura Frère Bob, presque pour lui-même, un sourire discret se formant sur ses lèvres.
Le nain répondit par un grognement sourd et incompréhensible, s’enfonçant un peu plus dans sa chaise sans accorder la moindre importance à l’agacement ambiant.
Sœur Ilse ferma alors ses dossiers d’un geste sec et précis, signalant que la réunion allait enfin commencer. Le silence, plus lourd que jamais, s’installa. Chacun retenait presque son souffle.
C'est à ce moment que la voix, inconnue et puissante, émergea des ombres d’un siège encore invisible, son ton grave et autoritaire résonnant dans la pièce :
« Revenons à l'ordre du jour. L'arrestation du Marquis Karl de Valdor... pour trahison. »
Les mots frappèrent l'air comme une sentence funeste, emplissant la pièce d'une tension palpable.
Dernière modification par Aokairu (2024-10-13 22:50:30)
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Chapitre 2 : L'accusateur des Ombres
La salle demeurait plongée dans une obscurité oppressante, le silence n'étant rompu que par le grésillement des torches et le souffle lent des conseillers. Frère Soren Valcreux se tenait à l'écart des autres, immobile comme une ombre silencieuse, à l'endroit où la lumière mourait à l'entrée des ténèbres. Sa silhouette massive, enveloppée dans un manteau de laine noire, paraissait presque fantomatique. Puis, dans un mouvement lent et calculé, il se pencha légèrement en avant, faisant apparaître son visage sévère dans le halo vacillant d'une torche.
Le Conseil s’immobilisa alors que Soren prenait la parole, sa voix froide et grave brisant le silence avec l'autorité d'un homme habitué à être écouté.
« Frères, Sœurs, il est temps de mettre en lumière les échecs que nous ne pouvons plus tolérer. Le Marquis Karl de Valdor, censé être le bouclier de Valdor, n'a cessé de cumuler les défaites, au prix de vies humaines et de territoires précieux. »
Sa voix se fit plus acérée, chaque mot s'enfonçant comme une lame dans l'obscurité, alors qu'il entama son réquisitoire.
« La bataille contre Tornac de Therinsford ? Une victoire, certes, mais les pertes étaient disproportionnées. Combien d'hommes avons-nous réellement sauvé ce jour-là ? » Ses yeux glacés balayaient la table, attendant une réponse qui ne viendrait jamais. « Et que dire de la guerre des murailles contre Bohémont de Painel ? Une victoire coûteuse, une victoire arrachée au prix d'une dévastation totale. Mais la victoire ne s'est jamais gravée dans la pierre, car elle fut suivie par non pas une, mais deux défaites face à ce même adversaire. »
Soren s'avança encore, ses traits sévères illuminés d'une lueur froide tandis qu'il énumérait d'autres échecs, chacun plus amer que le précédent.
« La double défaite contre Landry de Myzar a été un coup fatal pour notre réputation. Comment un seigneur censé défendre Valdor a-t-il pu laisser nos forces être taillées en pièces de cette manière ? Et contre Tuğrul al-Mughīrah, son propre allié ? Il s'est également avéré incapable de contenir l'ennemi sur nos frontières. Une double défaite humiliante dans une bataille qui aurait dû être une formalité. »
Un silence pesant tomba de nouveau, l’air devenu presque irrespirable sous le poids de l’accusation. Soren laissa les mots se déposer avant de frapper une dernière fois, son ton devenu plus tranchant que jamais.
« Et enfin, la bataille contre Peyrus... une double défaite qui a marqué Valdor d'une cicatrice profonde, une infamie que nous portons encore sur nos étendards. Sans oublier Aheltessia... » Sa voix baissa d'un ton, presque comme un murmure empreint de mépris. « Une défaite cuisante qui nous a coûté bien plus que des terres, mais notre honneur même. »
Frère Soren se redressa alors, dominant la salle de sa présence imposante, son regard froid transperçant chacun des conseillers présents.
« Voilà ce qu'est Karl de Valdor : un homme qui échoue, encore et encore. Un homme qui, au lieu de protéger, a conduit Valdor à la ruine. Comment pourrions-nous encore lui faire confiance ? Les faits sont clairs, et nous ne pouvons plus détourner le regard de cette réalité. »
Un silence glacial suivit son discours, la lourde accusation pesant dans l’air comme une sentence déjà prononcée. Le Conseil restait figé, chaque membre jaugeant les implications des paroles de Soren. L’ombre du Marquis Karl se dressait maintenant comme celle d’un condamné, prêt à être jugé par ceux qu’il avait trahis.
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Chapitre 3 : Le Coup de Grâce
Le Conseil des Anciens demeurait figé, chaque membre pesant les lourdes implications des paroles implacables de Frère Soren. Dans le silence suffocant, le Marquis Karl, absent mais omniprésent dans toutes les pensées, se dressait tel un condamné dont la sentence semblait déjà scellée. Aucun n’osait briser cette pesante tranquillité, comme si les paroles funestes de Soren avaient enfermé l’assemblée dans une sombre transe. Chacun savait qu'une décision cruciale devait être prise, une décision qui scellerait le destin du marquis.
C’est alors que Sœur Ilse, toujours parfaitement en contrôle de ses émotions, se redressa et posa les documents devant elle avec une précision calculée. Son regard, perçant malgré l’obscurité, se tourna vers Frère Erwan. D’un mouvement presque imperceptible de la tête, elle acquiesça. Les mots de Soren n’étaient que le dernier clou dans le cercueil de Karl ; son sort était déjà décidé.
Frère Erwan, fidèle à sa nature froide et calculatrice, se leva lentement, ses yeux glacés balayant l’assemblée. Le grésillement des torches semblait s’amplifier avec le mouvement de sa silhouette longiligne. Sa voix, tranchante et sévère, rompit finalement le silence, résonnant dans la salle comme un couperet.
« Le Conseil a entendu les faits. L’incompétence du Marquis Karl ne peut plus être tolérée. Sa longue série d’échecs a non seulement affaibli nos terres, mais elle a également entaché notre honneur. »
Il marqua une pause, laissant le poids de ses paroles s'installer dans l'esprit de chaque membre présent.
« Il ne s’agit plus de discuter de ses erreurs. Il s’agit désormais d'agir. Si nous voulons que Valdor survive, il nous faut purger ceux qui l'ont trahi par leur faiblesse. »
Ilse, d’un geste mesuré, tendit un parchemin scellé à Frère Erwan. Ce dernier l’ouvrit devant le Conseil, révélant l’ordre d’arrestation déjà rédigé. Le silence qui s’ensuivit ne fut brisé que par le craquement de la cire brisée et le froissement du papier.
« Le Marquis Karl de Valdor est accusé de trahison et de négligence de ses devoirs. Par décret du Conseil des Anciens, il est déchu de son titre et sera arrêté sans délai. »
Les mots étaient simples, mais leur répercussion était immense. La chute d’un marquis, surtout celui de Valdor, allait ébranler tout le domaine. Les alliances se rompraient, les rumeurs se propageraient comme un feu dans la plaine, et le pouvoir changerait inévitablement de mains. Mais pour le Conseil, c’était un mal nécessaire, une purge pour redresser la maison de Valdor avant qu’elle ne s’effondre complètement.
Frère Erwan fixa un moment l’assemblée, ses yeux sombres cherchant l’assentiment de ses pairs. Puis, sans attendre de réponse, il fit signe à l’un des gardes postés dans l’ombre.
« Que les émissaires partent immédiatement pour le château de Verdelaine. Karl doit être appréhendé dans les plus brefs délais. Nous ne pouvons risquer qu'il prenne la fuite ou rassemble ses forces. »
Les gardes s’inclinèrent, avant de quitter la salle d’un pas lourd et silencieux. La sentence venait d’être scellée.
Alors que la porte se refermait derrière eux, Soren, toujours aussi implacable, ajouta une dernière note, comme pour graver cette décision dans l'histoire :
« Il est temps que Valdor se redresse. Et cela commence par l’élimination de ceux qui l’affaiblissent. »
La réunion s'acheva ainsi, dans une atmosphère lourde de présages. La traque du Marquis Karl venait de commencer, et avec elle, l’ordre ancien de Valdor allait se réécrire.
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