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Damas, l'aube de Jidor, 5e phase du printemps de l'an XII de l'ère 19.
Un clerc entre dans la grande salle de Damas, l'assemblée s'interrompt.
- Frère Baudouin, frère Baudouin ils sont là ! Les collines alentours sont couvertes d'hommes, aussi loin que porte le regard, ce ne sont que des barbares en arme. Podeszwa nous a abandonné à Ciemnota !
Le visage de Baudouin se ferme. Main posée sur le pommeau de l'Epée de Samarie.
- N'ayez crainte mon ami, nous nous sommes préparés à ce jour. La Chapelle Sainte de Damas ne tombera pas, nous feront rempart de nos corps et Sa Lumière triomphera de l'obscurité.
Des cors retentissent à l'extérieur, les troupes du Tokva se mettent en marche.
Baudouin se relève, tire son épée vers l'horizon.
- Mes frères, allons montrer à ces païens la force de Podezwa. Que la mère de toutes les batailles commence ! Chwala Podeszwa !
"Chwala Podeszwa" écho l'assemblée, puis tout s'accélère, la grande salle vrombit et les cliquetis des armures couvrent tout.
Les portes de Damas, s'ouvrent et libèrent les milliers de défenseurs prêts à en découdre avec les adorateurs d'idoles de trackbalaar.
Merci de réserver ce sujet à ceux qui prennent part à la bataille
Marie, gouvernante du clan Samarie.
(HRP: Admin)
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Enfin !
Après des lieues et des lieues d'une lente progression, l'armée d'Yggnir est devant les murs de Damas. Sous les murs de Damas serait plus juste tant les constructeurs se sont attachés à bâtir en suivant les verticales. En particulier le temple surmonté cette flèche démesurée. Et depuis qu'elle s'est profilée dans le lointain, cette aiguille qui domine la citée n'en finit plus de monter vers le ciel. C'est toute l'arrogance de Podeszwa qui se retrouve dans cet édifice. C'est par une tour qui tutoie les nuages et domine la cité que les fidèles prouvent leur foi impie. L'élévation de leur âme comme ils se complaisent à le dire.
Nieumant contemple le paysage et se murmure à lui-même : C'est sûr que ça change du Sanctuaire d'Yggnir.
- Faites préparer les trébuchets, on va se faire un plaisir de raser tout ça !
Les quelques jours nécessaire à la construction des engins de sièges sont mis à profit pour se renseigner sur les forces ennemies.
- Tokva, les troupes du podeszwite sont majoritairement constituées de chevaliers et de piquiers, et le marquis est avec eux.
- Merci Zbaff. Ainsi le Samarien a convoqué le ban, et c'est le meilleur de ses strolatz qu'il nous offre. Méfiez-vous d'eux mes frères, leur charge est dévastatrice, et surtout ils ne sont pas facile à tuer. Ils ont accumulé trop d'or sur cette Terre pour ne pas vouloir en profiter avant de mourir.
Ils vont vouloir profiter du terrain, et de leurs chevaux. Ils ne vont pas se contenter de nous attendre derrière leurs murs, surtout après avoir reçu quelques cailloux que nos balistaires vont se faire une joie de leur offrir.
Alors que l'armée ennemie se déploie à travers la plaine, Nieumant harangue ses troupes :leur marquis
-Frères, nos adversaires sont nombreux, et ils sont déterminés à protéger leur sainte cité. Leur marquis, Baudoin le Samarien, chevauche avec ses strolatz. Mais Yggnir nous regarde, Ralgh nous prête Sa force, et Waldan nous convie au festin qu'il prépare pour tous les braves qui vont tomber au combat. Faisons gouter aux mangeurs d'or l'acier de nos lames.
Sus aux podeszwites,
Gloire à Yggnir !
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Les chevaux hennissaient, refusant d'aller de l'avant. L'air était lourd, la chaleur du sud envahissant les gorges et les chevaliers attendaient le dernier moment pour revêtir leurs heaumes brulants. Les années de guerre interrompues contre la reine Neysan avait usé les corps et les coeurs, l'armée de Samarie était à l'image de son chef. Prête à mourir.
- Frère Baudouin, ils sont trop nombreux ! Nous ne résisterons pas à leurs pluies de flèches et nos murs ne tiendront pas face à leurs armes de siège.
Baudouin agrippa fermement la bride de sa monture, le regard un peu perdu fixé vers l'horizon. Se retournant vers ses généraux :
- Quelle ironie du sort vous ne trouvez pas ? Tué à distance par des barbares qui ne jurent que par le corps à corps... qu'importe, nous avons offert nos corps à Podeszwa et ici, maintenant, offrons à ces païens la bravoure de la foi.
Deux groupes de cavaliers partaient déjà sur les extérieurs, pour fuir ? pour détruire les armes de siège ? Baudouin les suivait au loin, au milieu de ses frères de sang.
- Tous en avant, charge ! Chawla Podeszwaaaaaa !
La poussière s'éleva haut et l'on entendit plus rien, les sabots couvrant tout.
Marie, gouvernante du clan Samarie.
(HRP: Admin)
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La charge avançait au galop, personne n'entendait plus rien et chacun des guerriers strolatz n'avait plus qu'une idée en tête : survivre à cette journée ou mourir dignement pour Podeszwa.
- Restez groupé !
Hurlait Baudouin à ses chevaliers, mais très rapidement, la peur et l'excitation du combat prirent le dessus sur les esprits et la ligne de défense était déjà trouée. Une faute grave de l'armée des Eclairés, trop sûre de sa supériorité numérique.
Premiers contacts, les lances se brisent face aux corps païens, les épées s'entrechoquent et les montures tombent par milliers roulant sur leurs cavaliers malheureux. Baudouin et ses hommes écrasent plus de 6000 cavaliers, mais emportés par leur fougues, ils n'ont pas vu qu'ils s'étaient isolés des arrières et de la couverture des arbalétriers. Une énorme masse de chevaliers barbares apparaît alors dans un nuage de poussière...
"Par Cienmota", jura Baudouin, "on en sortira pas". "Qu'importe le coût pourvu que la cité ne tombe pas".
Regardant une dernière fois son épée, il se remémora sa vie, son enseignement des Karans, ses premières armes et ses rêves de mourir en chevalier. Il lui faudra trouver la force de mourir dignement et que sa femme, Marguerite, soit fière de lui.
Marie, gouvernante du clan Samarie.
(HRP: Admin)
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Frère Enguerrand, excusez-moi de troubler votre méditation, mais un émissaire vient d'arriver de Damas. Il est porteur d'une missive de la plus haute importance qu'il doit vous remettre en main propre. Devant son insistance j'ai cru bon de vous interrompre dans vos prières.
- C'est bien frère Thierry. En ces temps troublés tout message parvenant d'un de nos frères doit être traité avec la plus grande diligence. Ils sont généralement porteurs de bien mauvaises nouvelles. Fais-le entrer !
Un jeune homme, tout empoussiéré des chemins qu’il a chevauché, se précipite plus qu’il n’entre pour se jeter aux pieds du comte de la Pétaudière. Il est doublement impressionné par la légende du personnage et par l’aura de sainteté qui se dégage de lui.
Votre grâce ! Le Prince Baudouin est assiégé dans son sanctuaire de Damas. Il fait appel à tous nos frères pour le rejoindre dans son combat contre les infidèles. Il compte sur la présence de l’élu, que Podeszwa vient de libérer. Avec lui, nos armes ne peuvent faillir.
Le comte se borne à prendre la missive que le messager lui tend. Il préfère éviter le sujet de son fils dont l’état est préoccupant au point qu’il l’a fait mettre au secret. Il lit le document et soupire.
Frère thierry, peux-tu appeler le capitaine des armées ? Qu’il vienne ici toutes affaires cessantes .
En attendant l’arrivée du soldat, le comte relève le messager. Ce dernier est épuisé par sa longue chevauchée. Il l’installe sur son fauteuil et lui offre la collation qu’on lui avait servi et qu’il n’avait pas encore touché. L’homme se rue sur la nourriture avec l’innocence et la faim de sa jeunesse. Quand le capitaine se présente, Enguerrand lui demande simplement.
Mes ordres ont-ils été exécutés ? Ou se trouve l’armée ?
- Votre Sainteté, la piétaille est à Quatrevents et la cavalerie à Chanteloup. La totalité des hommes disponibles ont été regroupés selon votre souhait.
- C’est bien Messire Dunant. Voici mon nouvel ordre. L’armée doit immédiatement se mettre en route pour la ville de Damas. Il faut y arriver à temps pour faire fuir l’ennemi qui l’assiège ou l’écraser s’il tente de résister.
Et comme le capitaine fait demi-tour :
Au fait Messire Dunant, est-ce que, par hasard, mon armure serait toujours ici ?
Le soldat se fige. Il a peur d’avoir mal compris.
Certainement votre Saintété ! Nous l’avons conservé comme une relique, mais vous ne pensez pas….
- Faites-là porter ici, je vous prie. Je vais peut-être un peu flotter dedans, mais je ne voudrais pas me présenter nu au front des troupes. C’est une vieille amie que j’ai délaissé un peu trop longtemps. Vous savez le regain de tendresse que l’on a, l’âge venant, envers ceux que l’on a aimé lorsque nous étions encore verts. Si Podeszwa m’ordonne de quitter cette terre, c’est dans cet habit que je souhaiterais le rejoindre.
Le combat entre les cavaliers d'Yggnir et les chevaliers de Podeszwa est des plus indécis. Oubliées les formations et les tactiques, c'est une mêlée générale qui ensanglante le champs de bataille. Les strolatz de Baudoin de Samarie, plein de courage, se livrent jusqu'au dernier pour protéger leur suzerain, mais la fureur des guerriers d'Yggnir, et leur nombre, ne laisse que peut d'espoir aux podeszwites. Le Samarien ne se rend pas, préférant mourir à la bataille, mais suivant les ordres du Tokva, tout est mis en œuvre pour enfin le capturer vivant. Et c'est sous bonne garde qu'il est finalement ramené au campement de la l'armée sainte.
Mais alors que le jour se lève, il faut se rendre à l'évidence. Le seigneur au lys s'est échappé.
Une rapide enquête prouve que les hommes affectés à la garde se sont laissés acheter.
Contre la promesse d'une mirobolante rançon, ils ont relâché l'ennemi.
Nieumant a du mal a réprimer sa colère, à contenir sa contrariété :
Vous avez déshonoré tous les braves qui sont tombés pour permettre de capturer le Samarien, et vous avez trompé Yggnir en vous laissant corrompre part la soif d'or de Podeszwa.
Bien sur votre trahison mérite la mort, aucun autre châtiment n'est assez sévère pour cette félonie. Et comme vous avez renié votre foi et vos serments par cet acte, vous ne serez pas décapités, seuls les braves ont l'honneur de voir leur sang versé pour Yggnir.
Pendez-les, qu'ils ne souillent pas la terre de leur sang impur.
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Capturé ! Baudouin avait lutté jusqu'au bout, tranchant à gauche, tranchant à droite. Mais lorsqu'il avait senti sa bride agrippée et son cheval tiré à l'écart, il se savait perdu.
Cinq chevaliers païens couverts de peintures de guerre le trainaient vers leur camp. Baudouin savait vivre ses derniers instants, il n'avait plus rien à perdre.
- De grâce, 100 000 d'or pour ma libération !
Les chevaliers avaient ralenti et d'un coup de bride, se trouvaient à hauteur du captif.
- Qu'est-ce qu'il dit le mangeur d'or ? Tu crois qu'on va tourner le dos aux 7 Compagnons pour 100 000 d'or ? C'est mal nous connaitre !
Le meneur avait l'air décidé, mais les regards de ses quatre acolytes en disaient long. L'or, toujours l'or... le nerf de la guerre et la faiblesse des hommes. Baudouin senti l'espoir renaître.
- Pour 100 000 peut-être pas, mais pour 1 000 000 ? Toi et tes gars pourrez acheter une province frontalière et mener la vie de vos maîtres...
L'argument avait fait mouche. Baudouin le vit immédiatement. Sans attendre de réponse, il décrocha la sacoche sous sa selle, la laissant tomber au sol avec un bruit sourd. Le bruit de kilos d'or... les cinq paiens ne quittaient plus la sacoche des yeux, et relâchant la bride, le meneur acquiesça simplement. La vie ne tenait donc qu'à un mouvement de tête en ces temps troubles...
"Libre, louée soit Podeszwa !" Baudouin tourna son cheval et parti au galop pour Damas. Il couvrit rapidement la distance qui le séparait de sa cité et n'avait en tête que la bataille. C'était mal connaître les Samarie si les païens pensaient pouvoir le faire fuir ainsi. Il mourait à Damas s'il le fallait.
- Quelle est la situation ?
- seigneur, louée soit Podeszwa, nous vous avions perdu !
- qu'importe baron, quelle est la situation !
- seigneur, nos lanciers et nos cavaliers ont brisé leur ligne de front mais leur archers et arbalétriers nous déciment ! La cavalerie est parvenue à bloquer un temps leurs campement mais elle a été brisée par leurs renforts. Quelques chevaliers tentent de contourner leurs archers au prix de leur vie mais nous ne tiendront plus longtemps.
Baudouin savait la fine fleur de Samarie perdue, le duc Gro était trop puissant et galvanisé par sa présence ses arbalétriers ne laissaient personne approcher. Sans renforts Damas était perdue.
- Deux messagers, immédiatement. Je cite "Frère qui marchez en Sa Lumière, notre chapelle sainte est en péril, j'en appelle à vous de toute urgence.", transmettez.
Par ce geste, Baudouin reconnaissait sa défaite, son duel face à Gro Nieumant était perdu, mais Damas tiendrait si ses Frères répondaient à son appel...
L'attente était interminable, ses chevaliers tentaient le tout pour le tout tandis que la ligne ennemie se reformait profitant de sa supériorité. Baudouin ne pouvait plus qu'attendre, entouré de ses derniers hommes tout aussi désespérés que lui...
Marie, gouvernante du clan Samarie.
(HRP: Admin)
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La bataille fait rage depuis plusieurs jours maintenant. Le gros de la cavalerie podeszwite a été éliminé, mais au prix de lourdes pertes chez les adorateurs d'Yggnir. Les unités montées de Nieumant ont payé de leur vie et de leur sang la capture de Baudoin de Samarie. Tout ça pour qu'il s'en sorte en graissant la patte à quelques traitres bien trop cupides. Mais les piétons, piquiers et huskarls ont également payé leur dime, et déjà le champ de bataille est encombré de cadavres, ennemis bien plus qu'amis.
Mes frères, Yggnir nous regarde et se réjouit de ce combat et du sacrifice des braves. Sus à l'ennemi, nous allons honorer nos compagnons en faisant couler le sang des impies.
C'est à la tête de sa compagnie d'arblaétriers que le Tokva s'apprête à monter au combat. Il n'y a que quelques années que cette nouvelle arme est utilisée en Okord, mais les généraux se la sont appropriée rapidement, tant pour son cout raisonnable que pour son efficacité redoutable, même sous sa lourde armure, le strolatz sait qu'il est à la merci d'un de ces carreaux meurtrier.
Alors que la Sainte Armée se met en route vers les décombres des fortifications de la cité de Damas, un des éclaireurs de Nieumant arrive en trombe, affolé, presque apeuré :
Tokva, tokva... l'ennemi a reçu des renforts, ils sont des milliers à être arrivés dans la nuit. Et le Samarien n'est plus seul, il semblerait que les seigneurs Enguerrand et Dizrutore aient choisi de le rejoindre.
Par Biolline ! Ces chiens de podeszwites ne se laissent pas faire. Ils y tiennent sacrément à leur église, d'un autre côté elle a du couter un bon paquet d'or. Même le p'tit Alunzio est venu combattre, ça va le changer des truands des bas-fonds.
Sa voix s'élève alors pour arriver aux oreilles et au cœurs du plus grand nombre, sachant que ses ordres seront rapidement relayés, et exécutés sans tarder.
On se regroupe et on attend les renforts qui arrivent. Il est hors de question de fuir ou de baisser les bras. Nous allons combattre, pour Yggnir et pour l'honneur. Que chacun se prépare à mourir l'arme à la main. Yggnir, tes braves sont prêts à te rejoindre.
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- frère Baudouin, les hommes des seigneurs Enguerrand et Alunzio sont là ! Ils prennent position devant nos murs.
Enfin, les renforts arrivaient, la Chapelle retrouvait une chance de survie face à un adversaire déterminé. Baudouin était à l'image de la population de Damas, épuisé.
- Enfin, Podeszwa soit loué !
Les Croyants reprenaient confiance, leur supériorité numérique pouvait enfin bousculer la troupe d'arbalétriers ennemis qui décimaient les défenseurs de la cité sainte. Ils avançaient pensant leur victoire désormais évidente, mais une fois de plus c'était sans compter sur la ténacité de Gro Nieumant et sur sa formidable capacité à renforcer ses rangs.
Une nouvelle ligne de piétons sortait du campement ennemis avec grand fracas, pour faire face aux strolatz et aux lanciers de Podeszwa.
La ligne des défenseurs de Damas, moins dense et moins bien organisée est rapidement perçée par les lanciers et cavaliers de yggnir. Au loin, Baudouin aperçoit Frère Enguerrand, au milieu de ses arbalétriers. Il fait des gestes frénétiques et semble donner des ordres à ses gens au milieu d'un fracas de poussière et de corps jonchés au sol.
- Mon heaume et mes cavaliers !
Déterminé à ne point laisser son frère tomber seul au milieu de la mêlée, Baudouin entendait sinon secourir son compagnon, au moins mourir avec lui.
Les troupes de l'Ordre des Gardiens du Sanctuaire combattaient comme des lions, comme inspiré par Podeszwa en personne et tiennaient bon. Leur cavalerie se sacrifia pour briser la garde rapprochée des arbalétriers de Nieumant, composée d'archers et de lanciers. L'ennemi est isolé, enfin !
C'est le moment que choisit Baudouin pour lancer sa troupe au galop et couper la retraite du Tokva.
- Par Podeszwa, au prix de notre sang s'il le faut, nous devons le capturer ! Chargez !
- Frère Baudouin, regardez, de nouveaux païens ! Un strolatz pointait le doigt vers le campement ennemi d'où sortait toujours plus de troupes.
- Par le Podreznik, c'est tout Trackbäälär qui déferle sur Damas ! Convoquez immédiatement le ban, que les féaux de Samarie viennent en renfort assurer la défense de Damas !
- Vous n'y pensez pas ! Certain de vos vassaux ont embrassé le culte du nord, ils vous trahiront pour leur foi et Damas sera perdue !
Baudouin fronça les sourcils, très contrarié que l'on puisse mettre en doute la solidité des liens samariens.
- Les liens féodaux avant tout, chevalier Strolatz, la coûtume d'Okord est ainsi ! Je mettrais ma vie entre leurs mains, et cent fois s'il le fallait. Exécutez j'ai dis, tu nous fais perdre un temps précieux !
Ajustant son heaume et désignant Damas d'un geste pour fermer cette discussion, Baudouin s'élança à la tête de ses cavaliers sous les flêches, carreaux et les lances des païens.
Le strolatz reparti vers la cité au galop faire exécuter les ordres de rassemblement au plus vite. Il prit cependant la liberté de ne pas mentionner la raison de leur convocation aux vassaux du frère Baudouin. Une liberté qui pourrait lui coûter chère, mais qui pourrait également sauver Damas, qui sait...
Marie, gouvernante du clan Samarie.
(HRP: Admin)
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Enguerrand avait décidé de se battre à pied. Le chevalier Raymond d'Alanver, un vétéran, l'un des rares rescapés de la bataille d'Aguilar lui avait expliqué la stratégie des adorateurs d'Yggnir. Il avait raconté comment les vagues de cavalerie et de chevaliers étaient venues se brisées sur les nuées de flèches et de carreaux que les archers et arbalétriers adverses déversaient sur leur ligne. L'heure n'était plus à la charge héroïque, gonfanon au vent et lances en avant. Il fallait être pragmatique et répondre aux carreaux adverses par ses propres carreaux. C'est donc à pied, au sein des 12.000 arbalétriers qu'il avait amené avec lui, qu'il se battrait.
En avançant sur la plaine déjà jonchée de cadavre, il comprit que ses troupes étaient les seuls remparts de Damas contre la marée humaine qui s'en approchait. Il ne fallait pas songer à les combattre mais à les contenir. C'était à ces enragés d'Yggnir de venir s'empaler sur ses défenses. Il déploya ses archers et ses arbalétriers en cinq lignes compactes avec la mission sacrée de tenir le terrain coute que couté.
Dans le même temps il envoyait sa cavalerie contourner l'ennemi par le Sud.
Les barbares, sans doute étonnés de voir autant de monde sortir des murailles effondrées de Damas, marquèrent le pas. Ils pensaient entrer dans une ville ouverte et s'apercevaient que la bataille n'était pas finie.
Enguerrand comprit qu'ils n'attaqueraient pas, mais attendraient sagement de nouveaux renforts.
Il décida d'avancer sur eux pour les contraindre à reculer vers leur campement et ainsi donner le temps aux troupes de Baudouin de se regrouper.
Son objectif était le seigneur Gro Nieumant. Ils étaient assez proches pour qu'il le voit s'agiter au milieu de ses troupes sans doute en train de hurler des ordres et d'insulter son ennemi.
Les archers adverses étaient bien trop nombreux pour qu'il se risque à pénétrer dans leur rayon d'action, mais ils étaient divisés en deux groupes de part et d'autre des arbalétriers.
Des trompes se firent entendre et les archers de Gro Niemant s'agitèrent et se tournèrent vers le Sud.
Les cavaliers d'Enguerrand, sans doute pressés d'en découdre s'étaient élancés, sans ordre, dans une charge folle sur le gros de l'armée ennemie. C'était du suicide, mais le geste était sublime.
Le Comte de la Pétaudière ne pouvait pas laisser ses cavaliers mourir pour rien. Il prit le risque d'avancer à porter de tir de l'ennemi.
La cavalerie arriva sur le premier groupe d'archers qu'il écrasa intégralement mais les piquiers et les arbalétriers des barbares les exterminèrent. Cependant ce premier groupe d'archers détruit permit à ceux d'Enguerrand d'exterminer le second groupe sans que les arbalétriers d'yggnir soient à portée.
Gro Nieumant se retrouvait isolé avec ses seuls arbalétriers à la merci des archers d'Enguerrand.
La ligne des soldats d'Yggnir se reforme, bien trop lentement au goût de Nieumant. C'est ce moment que choisissent les strolatz du vieil Enguerrand pour se lancer à l'assaut des troupes d'Yggnir. La charge est héroïque mais elle est brisée. Les archers et les piquiers de Nieumant l'ont payé de leurs vies, et le Tokva se retrouve isolé.
Pendant ce temps, à peine libéré, Baudoin s'est remis en selle et s'avance à la tête de ses strolatz. Et le Grand Maître des Gardiens du Sanctuaire se présente à son tour. Orphelin de ses chevaliers un peu trop téméraires, il monte au combat aux côtés de ses arbalétriers.
Une intense rumeur parcourt les rangs des troupes d'Yggnir quand deux nouvelles bannières apparaissent à l'horizon, la coquille Saint-Jacques et la Manticore annoncent l'arrivée des seigneurs Enfroy de Fontfroide et Husker.
Mes frères, d'autres fidèles ont répondu à l'appel d'Yggnir, avec leur aide nous n'allons faire qu'une bouchée des infidèles.
Hélas, bien vite il faut se rendre à l'évidence. Les nouveaux venus ont rejoint la bataille pour soutenir leur suzerain. Ils sont là pour affronter leurs frères adorateurs d'Yggnir, et se dresser contre leur Tokva.
Soldats d'Yggnir, une nouvelle fois nous sommes trahis ! Mais encore une fois nous allons montrer aux mangeurs d'or notre courage et notre férocité. Et nous allons punir ces faux-frères, puisque ils se battent aux côtés des cupides podeszwites, ils payeront le prix de leur trahison de leurs vies !
L'assurance de ce discours d'encouragement est loin de refléter les sentiments profonds de Nieumant. En plus de la félonie des sieurs Husker et Enfroy, les nombreuses troupes qu'ils ont amenées ne laissent que peu de doutes sur l'issue de la bataille.
Il griffonne quelques mots sur un parchemin et confie le message à son aide de camp : Porte ce message au Sanctuaire d'Yggnir, et assure toi que les fidèles en prennent connaissance. Vite !
Alors que les ordres fusent de toutes part, et que les hommes s'organisent au mieux pour affronter l'ennemi, remplissant Nieumant de la fierté du général et de l'orgueil du Tokva, il réalise qu'il est encerclé, d'un côté la cavalerie de Samarie, et Baudoin à sa tête, de l'autre les piétons d'Enguerrand, ses arbalétriers protégés par un mur de piques.
Les adversaires sont maintenant trop proches pour que les arbalètes soient utiles, il est temps de saisir sa hache, sa lance ou son épée. C'est en huskarl que chacun va combattre. C'est en huskarl que chacun va mourir. Nieumant se défait de ses attributs de Tokva d'Yggnir, de Noble d'Okord, de Seigneur du Hall, c'est en huskarl qu'il va mener l'assaut. Il n'y a plus d'espoir et les guerriers de la foi sont prêts à l'ultime sacrifice, résignés mais décidés et déterminés.
Cependant des signaux se font voir depuis le camp. Les Frères Staras et Jean Andécout ont répondu à l'appel du Tokva, leurs troupes sont en route pour Damas.
Fiers soldats d'Yggnir, nous allons mourir aujourd'hui, mais nous emporterons maints et maints ennemis avec nous. Et notre trépas ne sera pas vain, les fidèles du culte sont là pour prendre la relève et accomplir la volonté du puissant Yggnir. Que le sang des braves coule et abreuve la terre !
Nieumant s'élance alors en compagnie de ses hommes en hurlant : Pour Yggnir !
Ses compagnons tombent peu à peu autour de lui, mais il ne dévie pas de sa cible.
Le prince Baudoin est là, si près.
Si loin !
Un choc dans le dos l'ébranle.
C'est une flèche qui vient de le percer.
La douleur irradie, sourde, insidieuse.
Son corps est blessé et affaibli,
mais pas sa vaillance.
Il se ressaisi difficilement,
et reprend sa marche,
et sa hache,
continue à frapper,
et Nieumant à scander
le nom d'Yggnir.
Mais ses forcent l'abandonnent,
son souffle s'épuise,
sa vision se brouille.
Et deux nouveaux carreaux viennent le cueillir.
Il tombe,
à genoux d'abord.
Puis il s'écroule,
face contre terre.
Cette terre,
boueuse,
de tout le sang qui l’inonde.
Dernière modification par grogoire (2019-12-16 08:19:18)
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Je m'appelle Sevelan. J'ai quinze ans.
Lorsqu'il y a commencé à avoir toute cette histoire à propos de guerre sainte, de barbares païens et ville sacrée de Damas, mon père est allé s'enrôler à la demande du seigneur d'Illyrie. Il n'y avait pas assez d'hommes das l'armée professionnelle, les gouverneurs ont donc transmis dans chacune des villes les demandes de mobilisation volontaire.
Nous, on habite à Esilinato, sur la côte des Cinq Sœurs. C'est là qu'on trouve le plus gros chantier naval d'Illyrie.
Comme le vicomte avait accompagné sa demande de mobilisation d'une prime pour les engagés, beaucoup ont rejoint pour l'argent. Mais mon père n'avait pas besoin d'argent. Il était charpentier au chantier naval, et ça payait plutôt bien. Il s'est engagé par "sens du devoir", comme il disait.
Il nous expliquait qu'il fallait être reconnaissant au seigneur d'Illyrie, qu'il avait offert une maison pour les valésians podeszwites comme nous. C'est vrai que c'était pas simple à Valésia. Là-bas, c'était pas jojo pour nous. Mon père y était commerçant, mais sa foi en Podeszwa lui causait toujours des problèmes.
Tout ça pour dire que quand mon père est allé se pointer à la caserne la plus proche, on l'a ajouté aux rangs des archers. Il faut beaucoup de force pour tendre un arc, et comme il travaillait depuis quelques années au chantier naval, il avait une bonne carrure. Il travaillait encore un peu au chantier, mais passait la plupart de son temps à apprendre à tirer.
Et puis on a commencé à entendre des rumeurs à l'ouest. Qu'une armée de païens massive avait mis le siège devant une ville sainte pour les podeszwites d'Okord. Damas. Pas grand monde à Esilinato avait déjà entendu parler de cette ville, mais d'un coup, c'est devenu super important pour tous les podeszwites d'Illyrie. On attaquait un symbole de notre foi, on cherchait à nous faire mal !
Je suis pas dans les hautes sphères, je sais pas comment ça s'est passé dans la tête du vicomte, mais il a décidé d'envoyer une partie de l'armée illyrienne. Des rumeurs disaient qu'il gardait le reste car il craignait des raids venant d'autres pillards païens. Il a donc envoyé à Damas essentiellement des cavaliers et des archers, dont mon père. Ils composaient ce qu'on a fini par appeler "l'Avant-Garde". Tous les podeszwites d'Okord convergeaient vers Damas pour repousser la horde barbare ! On disait que ça ne serait l'affaire que de quelques mois, que les païens seraient repoussés d'ici l'automne.
Sauf qu'ils sont pas revenus. Et d'après les marchands qui venaient de la région, la bataille de Damas était loin d'être terminée. D'ailleurs, ça ressemblait plus un cimetière à ciel ouvert qu'à un siège. Et pas de nouvelles de l'Avant-Garde.
Ça a continué pendant une ou deux semaines, puis la levée générale a été lancée. Cette fois-ci, la mobilisation devenait obligatoire pour tous les hommes de seize ans ou plus. Je tombais tout juste dehors, mais j'étais assez grand pour prétendre en avoir seize.
Ma mère n'a pas compris, et m'a même hurlé dessus, pour la première fois de ma vie. Moi, je voulais juste savoir où était mon père, et le retrouver. J'ai laissé mon petit frère de onze ans et mes deux sœurs avec elle, et je suis parti à la même caserne que mon père, presque cinq mois plus tôt.
Le militaire m'a engagé sans poser de questions. Comme je suis assez fluet, on m'a envoyé comme la majorité des conscrits dans les Phalanges. Une pique, un bouclier et une armure matelassée rudimentaire. On m'a appris à tenir la pique et à marcher en formation, puis j'ai pris le premier bateau en direction de Novaterra. C'était la deuxième fois que je prenais un bateau de ma vie.
Novaterra est la plus grosse ville sur la côte okordienne d'Illyrie, là où les Cinq Soeurs sont du côté de l'Osterlich et de Valésia.
Il y avait déjà des milliers et des milliers de soldats et d'engagés, comme moi, installés dans des rangées de tentes autour de la ville. On y trouve de tout : les nobles osterlichois engoncés dans leur armure de plates, les chevaliers errants okordiens plus hétéroclites, des groupes de phalangistes (vétérans, contrairement à moi), des jeunes, des vieux, des commerçants, des paysans, des valésians, des okordiens, des osterlichois, des locaux illyriens et même quelques saxons. Tous enrôlés, avec leur consentement ou non pour suivre les traces de l'Avant-Garde.
Nous avons attendu une semaine, le temps que les cohortes osterlichoises de Flurkfeld rejoignent le reste de l'armée. L'un des phalangistes venant de Velatio, un vieux comptable des docks, m'a dit que le vicomte d'Illyrie revenait aussi de Flurkfeld, s'y étant rendu pour accueillir un contingent de chevaliers de l'un des ducs d'Osterlich. Pas juste des immigrés installés comme on en trouvait déjà parmi les soldats à Novaterra, mais des vrais chevaliers d'Osterlich, des strolatzs. Il m'a aussi parlé de son neveu, coincé à Lotada pour protéger Fort Grials et la côte d'éventuels raids, mais pour être honnête, je m'en fichais pas mal.
Les osterlichois sont effectivement arrivés, avec le vicomte. J'ai pas vu grand chose, au final : je suis pas très grand, et toute l'armée se bousculait pour observer les nouveaux arrivants. Autour du feu de camp du soir, j'ai eu ensuite droit à des descriptions toutes plus délirantes les unes que les autres des strolatzs, du seigneur d'Illyrie et de ses chevaliers. Ça a eu le mérite de me faire rêver, parce que c'était pas le petit crachin collant qui allait remplir mon cœur de courage pour la bataille à venir.
On a marché longtemps vers l'ouest. Un bon mois, je dirais. La guerre, ça permet au moins de voyager et de voir le pays. Les coins par où on est passé étaient plutôt sympas. Beaucoup de petits villages, coincés dans des vallons à côté des forêts clairsemés et de vastes plaines. On avait pas vraiment le droit de discuter avec les locaux, ni le temps d'ailleurs. La marche était harassante, et j'avais pas l'habitude de me trimbaler sur des bornes avec tout un tas de ferrailles sur le dos.
Tiens, à propos de ferrailles, notre ultime arrêt avant Damas a été Foire-Ferraille. C'est une ancienne ville franche, plus ou moins alliée et sous contrôle du vicomte. C'est pas aussi beau qu'Esilinato ou Valésia, mais c'est une grosse ville ! Une cité marchande, bien située sur l'un des embranchements qui aboutit au Grand Canal. On s'y est reposé un jour, et on est parti pour Damas au sud après avoir fait le plein de ravitaillement.
Damas... On venait du nord-est, un peu en hauteur grâce aux collines. La première vision que j'ai eu de la ville n'était pas vraiment celle que j'avais imaginé, celle d'une cité sainte ! Non, elle tirait plutôt la gueule, la ville sanctifiée. Ses murs étaient en ruine, et sa chapelle était... Plutôt bancale.
Mais c'était pas ça le pire. C'était les dizaines de milliers de fourmis qui s'agitaient autour. Et plus encore, toutes celles qui ne bougeaient plus. Les cadavres formaient un gigantesque tapis gris-noir en forme de croissant autour de la ville, chatoyant sous la lumière du soleil.
Sacrée vue.
Sans mauvais jeu de mots.
Et pendant que je contemplais le paysage sans piper mot, deux chevaliers se sont placés à ma droite. J'ai tourné la tête, pour aussitôt regarder de nouveau devant moi, le souffle coupé. Pas possible ! Le vicomte, juste à côté de moi, avec l'un des strolatzs ! Je fais mine d'ignorer, mais je les écoute pendant qu'ils parlent. Le seigneur d'Illyrie, quoi ! Mon seigneur !
- « Au moins, nous ne sommes pas en retard. »
Le strolatz hoche la tête, puis répond dans son langage haché. Leur discussion continue en osterlichois. Je parle pas vraiment cette langue, mais je comprends quelques mots par-ci par-là. Ils discutent stratégie, où placer les sergents d'armes, les phalanges, les archers.
Et moi, je suis toujours planté comme une andouille, aussi droit que la pique que j'ai dans la main. Le vicomte ! J'aurais jamais crû le voir d'aussi près ! Dire que j'ai failli me faire piétiner à Novaterra pour l'apercevoir et qu'il se tient à côté de moi ! Impossible de s'y tromper, j'ai trop entendu les histoires sur son visage poupin, et c'est vrai qu'il fait encore plus jeune que moi, alors qu'il est sûrement plus âgé.
Et quand bien même, impossible de s'y tromper. Il a un port altier, un port de noble, quoi. Et avec son armure, on croirait voir l'un de ces chevaliers des temps anciens, ceux qu'on trouve dans les contes.
C'est con, mais j'ai le cœur qui bat à la chamade. Mon père avait confiance en lui, et je comprends pourquoi. Il me donne envie de me battre, d'aller descendre là-bas pour lui, Podeszwa et mon père. D'ailleurs j'aimerai bien lui demander s'il sait où est l'Avant-Garde, tant qu'il est à côté de moi. Mais j'ose pas. Un simple roturier, à son seigneur ! C'est un coup à finir puni par des coups de fouet pour ma témérité.
Comme si le strolatz lisait dans mes pensées, je vois en périphérie de ma vision qu'il me scrute attentivement.
- « Et vous, qu'en pensez-vous, soldat ? » me demande-t-il avec son drôle d'accent qui accentue les consonnes.
Rouge, je bafouille une vague réponse qui se veut enthousiaste. Ça fait sourire les deux nobles.
- « Vous êtes terrifié. C'est normal. Je dirais même que c'est bien, » me dit le vicomte. Je rougis de plus belle. « "C'est au fond de l'abysse que j'affronte enfin Ciemnota" »
- « "Et avec ma foi en Podeszwa comme flambeau, je renvoie les forces du mal à leur place originelle : le Néant", » continue le strolatz. « Pokusa, troisième chapitre. »
- « Vous avez étudié le Pokusa ? Je pensais que vous n'étudiez que les trois premiers livres, » demande le vicomte.
- « Mon père le duc est intégriste, Alunzio. Pas moi, » répond en souriant le strolatz.
Leur discussion théologique a au moins permis de calmer mes battements. Rassemblant tout mon courage, je me racle la gorge pour leur répondre, d'une voix plus fluette que je le voudrais.
- « Mon père est de l'Avant-Garde. J'aimerai bien le retrouver. »
Puis de continuer, d'une toute petite voix.
- « Monseigneur, vous savez où elle est, l'Avant-Garde ? »
Le seigneur d'Illyrie me sourit, d'un sourire solaire au point de me réchauffer le cœur. Il a un très beau sourire, le vicomte. Et de belles dents, contrairement à moi ou à ma famille.
- « Probablement quelque part devant nous, soldat. » Il m'observe encore, de son visage chaleureux. « Votre père a de la chance de vous avoir. »
Je bredouille encore plus pitoyablement que tout à l'heure, en regardant med pieds en prime.
L'osterlichois éclate d'un rire sonore.
- « Tu vas le faire mourir de honte ! Marchons sur Damas, ça lui changera les idées ! »
Le vicomte rit de bon cœur.
- « Soit, Havelard ! Sur Damas ! »
Ils repartent vers la troupe derrière nous, me laissant seul. Je regarde une dernière fois Damas vu d'en haut. Bientôt, je serai là-bas, en train de patauger dans ce tapis gris et brillant qui s'étale comme une tâche d'encre sur la plaine.
Dernière modification par Alunzio Dizrutore (2020-01-11 23:15:56)
Les premiers soldats à qui j’ai posé la question m’ont ri au nez.
- « L’Avant-Garde ? Sont tous morts il y a plusieurs semaines !
- Des braves couillons, ces p’tits illyriens. Téméraires, même. Charger dans l’vent comme ça… »
Après ça, j’ai pleuré. Longtemps. J’ai dressé avec d’autres une tente, les yeux brouillés par les larmes, puis j’ai pleuré le reste de la soirée, jusqu’à ce qu'on me demande poliment de « fermer ma grande gueule de moutard ». J’ai continué à sangloter en silence jusqu’à la matinée.
Début de matinée à Damas. Peu dormi, suis courbaturé et affamé par la marche de la veille. Abattu par mort de papa.
J’ai avalé un quignon de pain avant de me traîner avec les autres au-delà des murailles, rejoindre les phalanges.
Putain. Con de chez con de chez con. Papa est mort, et tu vas aussi y passer. T’as planté maman avec tes trois frères et sœurs. Et tu vas crever pour un nobliau qui te connaît même pas. Papa est mort pour ses histoires de devoir, et qu’est-ce que tu fais ? Tu sautes à pieds joints sur le même chemin !
Brave couillon, Sevelan. Ouais, un brave couillon.
On nous fait mettre en rang devant la ville. Je suis mécaniquement le mouvement. Le vicomte caracole devant nous, et dégaine son épée avant d’entonner une prière pour Podeszwa.
Tout le monde met progressivement un genou à terre. Je suis encore, ma pique plantée au sol.
- « Protège-nous, Podeszwa ! Protège-nous de Ciemnota ! Arme nos bras de ta lumière, emplit nos cœurs de courage face aux créatures de la nuit et du chaos ! » entonne-t-il à tue-tête
Tout le monde autour de moi répète mot pour mot. Je marmonne avec eux sans plus trop y croire. Podeszwa ne me rendra pas papa. Je ne sais même pas s’il me rendra à ma mère.
- « Préserve nos cœurs de la tentation du chaos ! Accompagne-nous dans ton harmonie ! Podeszwa ! PODESZWA ! »
Ça gueule Podeszwa autour de moi, à s’en péter les oreilles. Les phalangistes autour de moi se relèvent et acclament le vicomte en soulevant piques et boucliers. J’accompagne le mouvement, plus pour ne pas me faire piétiner que par conviction.
Le vicomte éperonne son cheval. Lui et sa garde partent plus loin à droite rejoindre la cavalerie.
Les archers traversent nos rangs, se placent devant nos phalanges. Après quelques ordres relayés par les capitaines, tout ce petit monde se met en branle vers la mêlée au centre.
Rapidement, on arrive sur les lieux d’un précédent assaut. Des centaines de cadavres à pourrir au soleil, noirs et marrons, déshumanisés par leur nombre, la quantité de métal qui les recouvre et les saletés amenées par les renforts passant par là depuis des jours.
L’odeur a beau être pestilentielle, je scrute avec angoisse les corps, craignant trouver le visage de mon père.
La scène jette un froid sur l’ardeur des hommes. On fait attention où l’on pose les pieds, pour ne pas glisser sur un macchabée.
Encore quelques minutes et l’on sort du charnier, pour s’arrêter dans une prairie plate et à peu près vierge de tout combat. Par contre, l’herbe a totalement été retournée par les passages réguliers de cavalerie.
Je comprends que ça va commencer à chauffer lorsque j’aperçois les archers bander leurs arcs. Puis partir dans une multitude de sifflements au « Feu ! » d’un officier. La riposte n’est pas longue : après une deuxième salve, nos archers se prennent à leur tour une volée. Quelques flèches se perdent dans nos rangs, derrière eux, ce qui provoque une levée des boucliers. J’entends les officiers devant.
- « Encochez ! Décochez ! Encochez ! Feu ! Plus vite ! »
Un phalangiste pousse une exclamation et pointe du doigt vers le flanc gauche des archers.
- « Regardez ! Cavalerie ! »
Une horde de païens à cheval se dirige effectivement vers nous. Une grosse horde. Je déglutis.
Les archers les ont également vu, puisqu’ils redirigent les tirs vers eux. Mais leurs capitaines ont beau hurler, la cadence ne suffit pas, et ça commence à devenir l’enfer pour eux, avec le pilonnage qu’ils subissent.
- « Derrière les phalanges, allez ! », entends-je crier l’un des officiers.
Les archers reprennent leurs flèches plantées au sol et cavalent vers la sécurité dans notre dos, tandis que nous-mêmes formons les rangs. Pas assez vite pour le flanc gauche : les archers tombent par dizaines, abattus dans le dos par la charge de cavalerie. Les phalangistes abattent leurs piques en catastrophe, mais c’est trop peu, trop tard. La pure masse de la charge enfonce les rangs des phalangistes là-bas, et une mêlée s’engage. J’entends des « Sassinaï ! Yggnir ! » auxquels répondent des « Podeszwaaa ! ».
Face à nous, je vois une troupe de barbares se diriger dans notre direction. Eux aussi, ils sont beaucoup, et eux aussi hurlent pour nous intimider. Ou pour se donner du courage, allez savoir.
- « Piques ! » s’exclame un capitaine non loin de moi. « Baissez-moi ces putains de piques ! En ligne ! Je veux une seule tête, allez ! »
Je finis au cinquième rang, à tenir ma pique en hauteur pour ne pas gêner ceux devant. On regarde les types continuer leur marche. Puis s’arrêter.
Le phalangiste à ma droite s’écroule sur moi, avant de glisser au sol. Je le regarde : il a un carreau d’arbalète à travers le visage. Je relève mon bouclier plus haut en jurant, rapidement imité par les autres. C’est à notre tour d’être frappé par une pluie de projectiles.
Les archers derrière nous tirent en cloche sur les fantassins adverses, les forçant eux aussi à s’avancer. Ils s’approchent, puis rechignent à quelques mètres des piques.
Alors c’est nous qui allons à leur rencontre. On avale les derniers mètres, et les premiers rangs commencent à frapper. Les païens tentent de passer en dessous des piques, d’autres cherchent à casser les hampes avec leurs armes. Certains réussissent, la plupart meurent en essayant.
C’est assez curieux. Je m’attendais à des peaux de bête, des berserks torses-nus maniant des grosses armes à deux mains. Mais ces types qu’on empale sur nos piques ne sont pas si différents de nous, en fait. Lance, hache, marteau, bouclier, armure matelassée plus ou moins protectrice, tabard seigneuriale…
On s’en tire plutôt bien face à eux, mais ils nous submergent lentement par le nombre. Petit à petit, des failles apparaissent dans les rangs, qui ne sont plus comblés par des renforts. Ils s'enfoncent comme l'eau dans un trou, avec vitesse et avidité. Un à un, mes voisins avancent, hurlent, tombent. Ils piétinent, se font piétiner, chargent, reculent. Grognent, font saigner comme des bouchers, puis saignent comme des gorets.
De cinquième de rang, je passe à deuxième, au sein d'un petit îlot d'illyriens dans une mer de païens. Un à un, on tombe.
J'entends un type derrière moi.
- « Allez ! Uh ! Uh ! Uh ! »
Un coup de pique à chaque « Uh ! » pour repousser la vague. Mais ça ne suffit pas. Les bras se fatiguent, les hampes se brisent, on tape à coup de dague, de poing, de pied.
Je sens un coup dans mon flanc. Je baisse les yeux.
Un carreau vient de me transpercer la hanche. Le sang gicle, mais je ne sens rien.
Je tombe.
- « Uh ! Uh ! Uh ! Allez ! »
Je tombe.
- « Allez ! »
Je m'appelle Sevelan. J'ai quinze ans.
Dernière modification par Alunzio Dizrutore (2020-02-13 18:30:38)
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