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#1 2019-05-20 00:16:31

Liétald de Karan
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Le Grand Dragon de l'Ouest.

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Thème

Ci-gît sous peu de terre
Celui qui tout entière la fit trembler.
Dans ce petit réduit est enfermé
Celui qui la paix et la guerre
Du monde entier décidait.

-C'était quand même un beau tas de merde.

Les mots résonnèrent sur la pierre du mausolée. L'archidruide se signa deux fois. Les femmes rougirent. Les enfants ricanèrent derrière leurs petites mains. Ansbert braqua des yeux turgescents de haine sur l'impudent qui venait de prononcer ces paroles.

Liétald souriait. Il avait passé sa vie à écouter la cour. La grande. La peuplée. Celles des sycophantes et des courtisans. Ils le dépeignaient rusé, incroyablement intelligent, doué d'un singulier sens de la stratégie... Non. Liétald avait toujours vu son père comme un homme cultivé et doté d'une grande capacité de concentration. Mais ça s'arrêtait là.

La Maison de Fauconcel. Ascelin de Cruelle Émeraude. Liam de Rochester. Alester de Lamétoile. K-Lean d'Oseberg. Gunther Von Festung et tous les autres... Tous tués au moment opportun.

-C'est de notre père dont tu parles ! Siffla Ansbert en posant sa main sur l'épaule de son frère.
-Notre père était un tyran et un boucher. Chaque corbeau à Okord devrait venir lui rendre hommage. De Ténare à Oseberg, il les a bien nourri.
-Il a tiré notre famille de l'ornière.
-C'est précisément la raison pour laquelle il nous met dans une position délicate, tel qu'il est aujourd'hui.
Ansbert regarda le gisant, sans comprendre.
-Tu es un petit seigneur qui préfère les tournois à la politique, expliqua Liétald. Quant à moi j'ai gouverné une forteresse vide pendant des années. J'ai discuté avec Ugo : certaines châtellenies de Falcastre cherchent la faille. Crois-moi, si ces roturiers pouilleux nous reniflent comme des renards, d'autres en Okord le font sûrement déjà.

Liétald s'avança dans le mausolée. L'édifice avait été bâti par Adhémar de Samarie, plus de soixante dix ères auparavant. La juste rétribution pour ses vassaux avalés par la mort. Pouvoir être mis en terre à la nécropole de Constantinople. Sous Bélial l'édifice était devenu l'ombre de lui-même, grignoté par le lierre et l'humidité, condamné à l'oubli. Aldegrin était celui qui avait payé la réfection du mausolée. Comme on fait son lit, on se couche. Encore une autre de ses grandes phrases, pensa Liétald.

Dehors, la foule s'impatientait, multiple et colorée. Certains étaient venus rendre hommage, par respect ou par crainte ; d'autres venaient s'assurer que le dragon était bien mort, avant de se risquer à rire sur son cadavre. Parmi une majorité d'okordiens, on pouvait tout de même distinguer deux turbans de Ressyne, une sévère tenue des dignitaires de Valesianne, quelques armures dorées que seuls les seigneurs d'Österlich arboraient et un fanion des ambassadeurs d'Abrasil. Aldegrin avait reconstruit la force de sa Maison grâce à sa formidable capacité à rendre service. Et faire contracter quelques dettes. Visiblement, il ne s'était pas arrêté aux frontières d'Okord.

-Faites-les entrer, ordonna Liétald en prenant place près des siens.


Seigneur de Ténare ; Marquis de Falcastre
Maître du Palais ; Gardien du Trésor Royal
Chevalier au Léopard ; Chevalier de l'Ordre des Fondateurs royaux

Hors ligne

#2 2019-05-21 00:35:13

Des Armoises

Re : Le Grand Dragon de l'Ouest.

Ils vinrent à cent.
Cent chevaliers porteurs de cierges précieux, finement gravés du dragon karanien.
Ils étaient jeunes, forts, et avaient belle figure.
Cent chevaliers s'en vinrent de Ténarion, et leurs manteaux étaient d'une blancheur immaculée.
Le Coeur Sec, pour eux, s'était ouvert.
A présent qu'il ne battait plus, il fallait l'arroser de larmes.

Les cent chevaliers traversèrent la foule immense qui gardait le mausolée.
Puis, devant chacun des fils, un par un, ils s'inclinèrent.
Autour du gisant - tous - ils se regroupèrent, l'éclairant de cent lumières.
Cent fois, il dirent son nom, et promirent qu'il ne serait pas oublié.
Puis, ils s'exclamèrent ensemble :
Ecoutez !
Il y a longtemps qu'Aldegrin de  Karan s'est donné à la terre d'Okord.
Il s'est lié, la défendant !
Ecoutez !
A présent, elle l'appelle !
A présent, il s'y rend !

L'un d'entre eux chanta, doucement, retenant une voix qu'on devinait tonnante.
Son chant disait l'Espérance qu'aurait pu incarner Aldegrin.
Le chant pleurait le Grand Dragon de l'Ouest, prétendant qu'il aurait fait un grand roi.
A chaque lamentation, à chacun des regrets, une flamme était soufflée.
Lorsque le dernier cierge cessa de scintiller, l'hommage s'éteignit à son tour.

Le chanteur fit un signe, et les chevaliers plongèrent leurs mains dessous leurs manteaux.
Ils en sortirent - chacun - une brindille de cyprès, puis défilèrent en procession auprès du gisant.
Lorsqu'ils partirent, l'air grave, Aldegrin l'Apaisé portait couronne du bois qui ne meurt jamais.

Dernière modification par Des Armoises (2019-05-21 00:36:51)

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