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Il avait lancé le premier assaut sur Delicata, elle le suivait de près sur Bakkatoen.
A la base de ce conflit, une missive du Lunor 6e-V-19 aux propos calomnieux, aux accusations lourdes, infondées et dont la plume, injurieuse et pleine de menaces, avait tracé ces mots:
" Grand Amiral,
Je suis, comme tout noble orkordien devrait l'être, profondément affectée par la disparition de notre Empereur. Hélas ! Certains semblent plus affectés que d'autres. Votre passivité face aux évènements me laisse perplexe.
Par votre position au sein de l'Administration Impériale, votre devoir sacré est de tout mettre en oeuvre pour retrouver la moindre bride d'information concernant l'Empereur. Et en tant que Grand Amiral, qui serait mieux placé que vous pour être au courant de tout ce qui circule au sein de l'Empire ?
Comment expliquer alors que vous n'ayez aucune information ? Est-ce simplement dû à votre incompétence ? Ou peut-être seriez-vous en possession de renseignements que vous prefèreriez garder par loyauté ou par peur d'un quelconque félon ?
Mais se pourrait-il, ô honte suprême, que vous soyez directement impliqué dans la disparition de K-tåås Trøf ? Je tremble de rage à l'idée d'une telle ignominie. Se pourrait-il que la grandeur d'Okord soit ainsi traînée dans la boue de la trahison et de d'infamie ?
Toujours est-il que pour un responsable logistique, vous me semblez peu au fait des déplacements au sein d'Okord.
Je vous souhaite d'être plus compétent sur un champ de bataille, l'idée qu'un ignare incompétent représente les intérêts de notre glorieux Empire m'est insupportable.
Dame Azalaïs"
Comment osait-elle le soupconner d'un tel acte de trahison, lui, dévoué serviteur d'Okord, lui, qui devait sa position actuelle à l'Empereur en personne, lui, qui chaque nuit, consultait encore et encore les mêmes registres à la recherche d'une piste à exploiter.
Il prit sa plume, son encrier et rédigea d'une main rageuse:
"Barone Azalaïs,
Votre impudence n'a d'égal que la bêtise dont vous faites preuve.
Je nie vos accusations honteuses! Ma loyauté à toujours été irréprochable et je ne laisserai pas une écervelée impulsive me calomnier de la sorte.
Votre effronterie ne restera pas sans réaction.
Sincèrement,
Lukwu d'Argul"
Il fit partir le pli et, dans la foulée, se dirigea d'un pas rapide et décidé vers le quartier des ses généraux. Il leur ordonna qu'on réunissent les troupes et qu'on les équipent sur le champs. A l'aube, ils feraient route sur Delicata.
Azalaïs observait les préparatifs depuis sa fenêtre. Tous s'agitaient, impatients d'aller enfin en découdre, de laver l'honneur d'Okord souillé par l'incompétence de l'administration impériale.
Un dernière fois, elle relut la missive qu'un messager lui avait apportée il y avait quelques heures à peine. Elle blêmit de rage, froissa le parchemin et le jeta dans la cheminée. Aucun feu n'y brûlait bien sûr, c'était l'époque des moissons non des frimats de l'hiver. Qu'importe ! Tout brûlerait quand il le faudrait, Azalaïs avait dû apprendre la patience. Du moins, elle avait essayé.
Aimeric, son vieil intendant, se racla la gorge.
- Madame, il faut vous mettre en route pour Delicata.
- Non. Pour Bakkatoen. J'ai eu mes informations. C'est là qu'il se terre. Au lieu de chercher l'empereur, cet incapable prend le frais dans le nord du pays. Quelle honte, quelle infamie, quelle abomination ! J'irai le trouver, et lui apprendrai comment doit se comporter un véritable noble d'Okord.
- Mais qui mènera la défense de Delicata ?
- Nous avons ce jeune chevalier qui s'est illustré récemment...
- Mais cela ne se peut ! Nos armées ne suffiront pas pour à la fois défendre nos terres, et en même temps mener un assaut au nord !
Azalaïs tourna à nouveau son regard vers la fenêtre, vers cette agitation, cet enthousiasme pour aller tranformer des plaines verdoyantes en champs de boue et de sang.
- Oui, il conviendra parfaitement. En route !
Elle ne laissa pas à Aimeric le temps de protester à nouveau. Déjà, elle courait dans les escaliers pour donner ses ordres. Elle souriait. Les dieux anciens seraient avec elle, sa cause était juste. Elle allait punir celui qui avait trop bafoué la grandeur d'Okord, et elle reviendrait en triomphe sur ses terres. Elle aurait alors de quoi écrire un poème magnifique, une chanson grandiose pour glorifier sa Maison.
Delicata avait repoussé l'assaut. Bakkatoen en avait fait de même.
Le bras de fer entre les deux seigneurs avait débouché sur un match nul, une victoire chacun, une défaite chacun.
Un séjour en captivité pour Lukwu en début de conflit.
L'occasion pour les deux Seigneurs de se rencontrer, de se jauger, de s'insulter copieusement et de se promettre du sang et des entrailles.
La rancon fut payée. Azalaïs, en noble Dame d'Okord, libéra Lukwu.
Alors que 2 jours de sièges ont suffit à Delicata, la bataille dura plus longtemps à Bakkatoen. Lukwu tentait encore de repousser l'assaut d'Azalaïs sur son fief après 5 jours.
A l'aube du 6e jour, enfin, Bakkatoen était libéré du campement hostile installé aux portes de la cité et la vicomtesse fut capturée.
L'occasion pour les deux Seigneurs d'apaiser les tensions (les vraies raisons de la disparition de l'empereur ayant été dévoilées), d'échanger des politesses sur les stratégies militaires de l'autre, d'apprendre à se respecter le temps d'une conversation et de se rendre compte de leurs nombreux points communs.
La rancon fut payée. En noble Seigneur d'Okord, Lukwu libéra Azalaïs.
Par la suite, ils échangèrent de nombreux messages, ils se fournirent aide et soutien dans la reconstruction de leur fief respectif.
Au cours de ces quelques jours d'une intensité rare, à guerroyer et à commander, Lukwu avait d'abord trouvé une adversaire redoutable.
Une fois les deux assauts terminés, il s'était découvert une alliée loyale, une amie dévouée, une femme d'honneur dont le seul désir est de voir prospérer Okord.
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