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#1 2019-05-05 09:17:04

Alraan

Chroniques de Valdemar

Dorma, 5e-V-19


Quelle tâche longue et malaisée que celle de faire un Royaume ! Tout y est sans cesse à recommencer. Car la Monarchie a des devoirs, des traditions, un rythme propres, qui s'écoulent par delà ceux qui s'efforcent d'en écrire l'Histoire.

Trop nombreux hélas sont ceux qui voient en la Royauté une entité terre à terre. Ce qui est une injure. Par ces prévalences, voulons-nous la restaurer dans les reflets de son entité politique & spirituelle.


Car là où la plupart des maisons royales ou impériales du monde ont pour emblèmes aigles, lions, léopards, et toute sorte d'animaux carnassiers, il existe une maison qui a choisi, elle, pour s'illustrer trois modestes fleurs.

A toi, Prince d'Okord, qui peut faire tien cet ouvrage,
Puissent ces prévalences magnifier ta grâce et ton habilité au service de cette noble cause.
Vale.


Par delà les temps,

A.V.




LE FILS DU LION
En 20 prévalences.

Par Alraan Valdemar,
Chevalier Errant


I. Régénérer sa réputation.
II. Amadouer la providence.
III. Tester la providence.
IV. L'extrême précellence.
V. La supériorité naturelle.

VI. La parfaite inclination.
VII. Le septième truc.
VIII. Se montrer impénétrable.
IX. L'exaltation.
X. Capter la bienveillance.

XI. La faveur de l'aventurier.
XII. Dissimuler ses inclinaisons.
XIII. L'affection Reyne.
XIV. Viser le grandiose.
XV. Adopter les supériorités étincelantes.

XVI. L'essence du génie.
XVII. L'essence du courage.
XVIII. L'autorité primitive.
XIX. Discerner sa supériorité fondamentale.
XX. La fatalité du Lion.




I. Régénérer sa réputation.

Passer à l'action exige beaucoup, surtout après une longue expectative. À distance, il est aisé de voir les choses avec hauteur. Rien de plus logique. Il en coûte moins d'échafauder des hauts faits que de procéder efficacement à leur mise en œuvre. Or une prouesse inattendue, se conciliant les bienfaits de la surprise, aura plus d'impact qu'un miracle nourri par l'attente. C'est ce genre de démarrage vigoureux qui fait office pour le jeune Prince de promesse colossale. Un sapin Gascon grandit davantage à l'aube d'un jour qu'un laurier en cinq ans. Ô Prince, ne sous-estime pas les antécédents d'une maxime défavorable ! Ils sont toujours lourds de conséquence, car ils t'annoncent tout à la fois la faveur de la providence, l'appétence à la prospérité, l'ovation universelle et la permanence de la grâce. Néanmoins, des débuts encourageants ne suffisent pas : il te faudra constamment les confirmer. Néron qui fut adulé à l'aube de son existence, fut finalement voué aux gémonies au crépuscule de sa vie et condamné au suicide. "Qualis artifex pereo !"

De même, il est aussi difficile d'élargir son influence que de solidement l'établir. Toute renommée s'altère et toute ovation s'essouffle -comme le reste d'ailleurs. Les lois du temps, en dehors de Dieu,  ne sauraient souffrir d'aucune exception. Il faut donc rénover son héroïsme, réactiver les ressorts de sa renommée, pour faire resurgir du néant les applaudissements du plus grand nombre. Le phénix (le vrai, bien sûr, pas l'autre gogo) ne procède pas autrement. Le Soleil la Lune, les étoiles, le ciel, dispensent leur aveuglante lumière sur un monde agité où l'horizon varie sans cesse. C'est cette même alternance, entre renaissance et privation, satisfaction et envie, qui suscite la résurgence continuelle du désir et de l'admiration. Le retour à Rome des Empereurs qui s'étaient illustrés en Orient était chaque fois une nouvelle renaissance, puisqu'ils en ramenaient toujours une nouvelle couronne.

Toute renommée doit se ménager quelque éclipse. Car la sublimité exercée sans relâche, même la plus illustre, finit par inexorablement par emmerder souverainement le plus grand monde, et par conséquent, se gâter sous l'effet de sa propre abondance. Même l'estime suscitée, à force d'indigestion, finit bien rapidement par s'en trouver écœurante.




II. Amadouer la providence.

La providence, invoquée partout, demeure pourtant un objet mal connu. Pour le croyant raisonnable, elle n'est autre que la mère des contingences et la fille de l'action divine. C'est elle qui assiste ses causes avec plus ou moins de bonté ou de réserve. Souveraine, inviolable, fatale, elle est préside à la destinée de notre monde. Aux uns elle sourit, aux autres, sans plus de raisons, elle tourne le dos. Tantôt mère, tantôt marâtre, aucun sentiment n'intervient dans la sécheresse de ses décisions, dont les arcanes mystiques demeurent impénétrables. Contrôler à la fois sa providence et celle de son entourage est un principe largement appliqué par les Princes éclairés dans la sphère politique. Celui qu'elle cajole la reçoit comme une offrande en s'engageant ardemment dans l'action. Tandis qu'elle, telle une jeune fille bien née, se laisse délicieusement flatter par cet auguste témoignage de confiance.

"Cesse d'avoir peur, cela offense la providence de César."

C'est sa confiance en la providence qui le porta impavide au coeur de la tourmente du monde. C'est en elle qu'il trouva son allié le plus sûr. Que lui chaut si le vent se lève, quand le ciel reste limpide ? Qu'importe les rugissements de Neptune, quand les étoiles brillent pour le guider dans la tourmente ? Une telle confiance paraîtra téméraire pour la plupart. En réalité, elle n'est qu'habilité de l'instinct ; l'aptitude à déceler la faveur ou la défaveur de la providence. Car ceux qui ne comprennent pas qu'elle leur tend les bras, rateront leurs plus belles occasions d'accéder à une illustre renommée. Que rient les falots ! Reste que même le plus cynique des joueurs de ramponneau consulte sa bonne fortune avant de flamber. Aux sarcasmes, nous opposons le fait.

Chaque Prince éclairé est soutenu à la fois par sa vaillance et la providence. Cette alliance forme à coup sûr le pur levier de la bravoure. La marque du fils du Lion.

Aussi, faire la part de la providence-offrande et de la providence-piège est une règle sacrée en politique. Prends-en la juste mesure, ô Prince. Fie-toi à ce que te dicte ton instinct : ton for intérieur t'indiquera s'il y a lieu de combattre ou de reculer. Une providence diversement généreuse ou aride s'attache généralement à ceux qu'elle côtoie. Le Prince éclairé se doit d'y être extrêmement attentif. Au besoin, ô lecteur, tiens toi en à l'écart : n'abat jamais tes cartes que pour triompher.[

Dernière modification par Alraan (2019-05-05 09:19:29)

#2 2019-05-06 10:33:34

Alraan

Re : Chroniques de Valdemar

Lunor, 6e-V-19


III. Tester la providence.

Toute action comporte une phase d'impulsion avant d'amorcer une phase de déclin. C'est pourquoi l'Histoire de ce monde, à quelques notables exceptions près, est aussi instable. Dès que les faveurs de la providence sont lancées, son déclin est inéluctable. Savoir l'anticiper est un don. Observe le joueur de ramponneau, passé maître en la matière : il se couche quand la réussite devient trop aléatoire et la déroute trop certaine. Ainsi, comme le joueur préserve ses gains en dialoguant avec la providence, le Prince éclairé conserve son honneur à l'abri sans jouer la provocation, car rappelle-toi fils du Lion, qu'il arrive souvent à la providence d'anéantir en un seul coup fatal les bienfaits qu'elle aura accordés en plusieurs.

Il est compréhensible que certains s'affligent de la permanence de cette inconstance qui leur rappelle par trop celle des femmes, et plus encore, celle des jeunes femmes, chez qui l'instabilité toute féminine se superpose l'insolence insouciante de la jeunesse. Mais garde-toi, ô Prince, d'y voir de plus amples corrélations entre la femme et la fureur qui anime la marche du monde seulement guidée par les impulsions et les déclins d'une sage providence qu'il t'appartient de décrypter. C'est cette droiture qu'il convient de se rendre à soi-même, fut-ce en se réfugiant dans une honorable prudence, même si au regard du téméraire à courte espérance, elle ne manquera pas d'apparaître comme de la pusillanimité. N'oublie jamais qu'un bonheur sur le retour est voué, comme le charme d'une vieille putain, à une cruelle décrépitude ; quand la violence d'un revers critique ne peut jamais que déboucher sur une élévation de ton sort.

Innombrables sont ces hommes qui après s'être hissés sur le Trône des Trônes en échappant toute leur vie au supplice de l'épée, furent brutalement déchu et eux-mêmes passés au fil de celle-ci. Providence est plat aussi aigre que doux. Ses meilleures saveurs ne se départissent jamais d'un fumet de surprise. La providence, sous ses apparats divins, n'en est pas moins flibustière ô mon lecteur. Elle attend que le navire soit chargé pour donner l'assaut.

Songe qu'une mort abrupte est la première ennemie aussi bien du résistant que du bâtisseur.
Apprends à prendre la providence de court.
Devance-la, récupère ta mise, et sache rentrer au port.




IV. L'extrême précellence.

Du plus haut des cieux, le Très-Haut, Noble Créateur, répand Sa divine clarté sur tous Ses enfants. Le jour devient alors le collaborateur de la vertu et le père de toute splendeur. La vice est un serpent né de la cécité : il est fils des ténèbres. Le Prince éclairé, fils du Lion, participe à part égale au plaisir, à l'héroïsme, et à l'intégrité, qui l'accompagneront toutes trois du jour de sa naissance jusqu'à celui de sa mort.

La précellence telle qu'on la suppose repose toujours sur quelques vertus morales. Alexandre le Macédonien s'est élevé jusqu'à ce que ses mœurs ne se dissolvent dans l'océan de sa gloire. Hercule continua d'enchaîner les exploits jusqu'à ce que la lassitude le gagne. La fortune fut aussi cruelle et vengeresse envers Néron, comme il le fut lui même avec ses administrés. Sardanapale, Caligula, et Roderic furent des monstres de lubricité et de fainéantise et leur châtiment n'en fut pas moins exemplaire. Il en est de même avec les monarchies. La fleur de nos Royaumes s'épanouit tant que la piété et la religion y régnent, mais elle s'effiloche quand l'acédie Romaine vient en altérer la beauté. Ô toi, Prince éclairé, toi qui aspire à l'intrépidité, retiens donc le commandement le plus important et ne te départis jamais de ton ingéniosité. Car la précellence du Prince ne repose jamais sur le péché, qui n'est rien. Mais sur la plus grande gloire de Dieu, qui est tout. La précellence est l'objet d'un désir mortel, la véritable aspiration est de la rendre éternelle. Être Prince en ce bas-monde n'est rien, ou si peu. L'être dans l'au-delà, c'est rendre bonté, révérence, et grandeur, au plus illustre des Roys.

#3 2019-05-11 08:38:40

Alraan

Re : Chroniques de Valdemar

Saedor, 11e-V-19


V. La supériorité naturelle.

Un fils du Lion, Prince éclairé, se doit user de toute l'étendue de sa supériorité, avec magnificence, avec singularité, mais sans cabotinage. La cérémonie a le don d'amputer l'héroïsme. Elle est fille d'autosatisfaction. Or être content de soi est le plus sûr moyen de se condamner à brève échéance. Puisque la sublimité réside en soi, c'est toujours à autrui qu'il revient de délivrer des louanges. Car celui qui ne prête attention qu'à lui-même finit par payer très cher cette sottise ; les autres, délaissés et livrés à eux-mêmes, finissent rapidement par l'oublier. Le respect est un sentiment vagabond qui ne se soumet guère aux artifices et moins encore à la brutalité. Il réagit plus spontanément à l'éloquence muette de la supériorité qu'à un contentement bêtement affiché. N'oublie jamais, ô Prince, que la moindre complaisance que tu peux avoir envers toi-même fait immédiatement obstacle à l'ovation d'autrui. Les fils du Lion, Princes d'Okord ou d'ailleurs, doivent considérer toute supériorité déplacée comme une injure adressée à l'encontre de Dieu, pour ce qu'elle est mystification à la nature, et donc à Son endroit. Elle ne saurait, dès lors, avoir la moindre importance à leurs yeux.

Cela dit, ce n'est pas parce qu'il est totalement inconséquent de contrefaire sa supériorité qu'il serait plus spirituel de contrefaire des médiocrités. Car beaucoup, en se défendant de toute comédie, s'empêtrent dans le filet de leurs contradictions : ils font semblant de ne pas faire semblant. L'empereur Tibère, dans l'exercice de sa paranoïa, feignit la dissimulation, sans parvenir à dissimuler à son entourage qu'il dissimulait effectivement.

Toute supériorité exercée avec finesse doit se désavouer elle-même. C'est un principe cardinal. Et la feinte suprême consiste à la camoufler sous un une aptitude plus grande encore. Celui qui possédant une supériorité en tous les domaines n'en voue d'estime pour aucune d'entre elles s'élève deux fois plus haut, puisque son détachement éveille la curiosité et l'intérêt de chacun. Ainsi, le Prince éclairé qui se montre aveugle à ses propres qualités, fait don à sa Cour les yeux d'Argos pour lui-même. Cette ingéniosité là peut être qualifiée de prodigieuse. Si d'autres conduisent tout autant à l'héroïsme, cette habileté mène tout droit au sommet d'une réputation légendaire.




VI. La parfaite inclination.

Un vaste contenant est toujours moins aisé à remplir. À l'instar de l'esprit, l'inclination doit s'éduquer. Cet alliage devient remarquable lorsque, tels des fruits tombés du même arbre, ils ont chacun hérité de la même précellence. Un esprit supérieur ne forme jamais une inclination rampante. Tu trouveras autour de toi des Princes-Soleils comme tu décèleras des Princes-Lucioles. Si l'aigle royal fait sa cour auprès du Soleil, la luciole est prompte à s'égarer à la lueur d'une chandelle. L'éminence de l'inclination participe à l'ascension de toutes ressources.

Ils sont nombreux, de par le Royaume d'Okord, ceux qui identifient la béatitude comme la satisfaction de leurs appétits, et à estimer qu'au dehors de ce chemin hédoniste, l'Homme est condamné au malheur. Mais les Justes leur retournent le compliment. Ainsi, chaque moitié des sujets se rit de l'autre, avec plus ou moins d'élégance … ou plus ou moins de bêtise. Ô Prince, qu'il est important pour toi d'avoir, en fin connaisseur, une inclination critique portée sur l'exigence ! Les plus beaux objets la redoutent & elle fait trembler les perfections les plus sûres. Toute personne sensée n'accorde sa très précieuse estime qu'avec appréhension. La parcimonie dans l'admiration : voilà le premier signe de distinction. Et puisque ce qui est rare est cher, dilapider ses marques d'estime, c'est la livrer toute entière à la dépréciation. Car le Prince éclairé, ô fils du Lion, ne peut manquer de savoir que l'admiration est généralement dictée par l'ignorance, puisqu'elle dépend objectivement moins de la perfection des objets vers laquelle elle se dirige que de l'imperfection de la pensée dont elle provient. Car les perfections relevant du prodige, leur appréciation ne manque pas d'être autant plus rare.

Bien sûr, aux yeux de beaucoup, se montrer avare d'éloge revient à avoir la critique facile. Mais ne perd jamais à l'esprit que dispenser trop d'éloges épuise la compétence. Qui loue excessivement se moque. Soit de lui-même ; soit des autres.

Certains se piquent de soumettre leur jugement à l'expression de leur sensibilité et ce faisant, ils corrompent les attributions respectives du Soleil et des ténèbres. Car chaque chose doit être estimée à l'aune de ce qu'elle est et non en vertu d'une inclination viciée. Seule l'immensité d'une sagesse émérite permet d'estimer la validité d'une perfection. Ô Prince, toi qui n'est pas omniscient, si tu ne peux en homme du logos te prononcer nettement, ne te précipite pas et attends. Garde-toi en toute occasion de surestimer autrui au risque de trahir aux yeux du monde les propres faiblesses de ton caractère.

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