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#1 2019-03-05 15:48:21

Des Armoises

Le dialogue des Carménites

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On avait corné l'eau.
Nicolas, chevalier des Armoises, présidait au banquet depuis le Haut Bout des tables nobiliaires, disposées en grand U.
Des tables posées sur les ruines de mille tours et mille remparts.
Echansons, pages et dépensiers s'agitaient dans ce décor inouï, et leur activité soulevait la poussière d'un sol supplicié, poudre de forteresse, cendre d'os et de gloire.
C'était jour de festin, et des corbeaux vêtus de soie, de lin et d'acier - bannerets d'Amariz, des Ronces, d'Elléborée - s'en donnaient à coeur joie, assaillant sans quartier les nectars austrasiens.
Murailles, volailles, camails. Tout sentait la tripaille.
Autour de la tablée seigneuriale, à quelques pas des tréteaux et des nappes brodées, cents grands feux de joie avaient été allumés et pourvus de trépieds et de tournebroches. Rassemblés autour des cochons transpercés, archers d'Arcalion, piquiers de Beaumanoir et balistiers de Solède rivalisaient de chants, de paillardises  et d'ivre gourmandise, hurlant en plusieurs langues la joie d'être vivants.
Lendemain de victoire.
C'était jour de festin.
Nicolas, cependant, n'éprouvait pas la faim.
D'un geste agacé, il éloigna son écuyer tranchant et but une gorgée de vin-vieux valésian qui lui sembla piquette.
Il tança le Maître d'hôtel - Comment ? Pas de rouge alcestien ? - et se reprocha immédiatement sa mauvaise humeur.
Depuis la chute du Mur d'Hadrian, le vicomte éprouvait des sentiments partagés.
Il avait ressenti, bien sûr, l'orgueil du succès.
Brièvement.
Le principal artisan du triomphe siégeait à sa droite.
Esteban Gomez, architecte-ingénieur, maître de poliorcétique, construisait à l'instant une sorte d'onagre avec ses os de poulet. Ce type n'arrêtait jamais.
Le génie solédien, dont la santé mentale (jamais la compétence) pouvait parfois inquiéter, commandait l'imposante puissance de feu solédienne qui avait implacablement pulvérisé la pierre du Mur.
Il était l'estimable cadeau (velu, soliloquant, agélaste et  insomniaque) de Dame Carmen. Avec lui étaient venues des centaines de machines, bien mieux conçues, réglées et commandées que la poignée d'engins grossiers hâtivement assemblés à Vallombreuse.
L'amertume de Nicolas était sans rapport avec le mérite d'Esteban, qu'il avait appris à estimer dès leurs premiers "échanges".
Non. C'était...autre chose.
Son regard maussade se détourna du prodige sudordien : Mortimer d'Arcalion, sourire au lèvres et joues écarlates, venait de se lever pour chanter.
Oh Misère...
La magie coutumière de son lieutenant ne manqua pourtant pas d'agir. Ils étaient bientôt trente à unir leurs voix.
https://www.youtube.com/watch?v=4ebMtmdmgTE
La chanson ajouta à sa mélancolie.
Il revit, en songe, l'ultime sortie des hommes de Shurtugal.
Les cent derniers chevaliers du Mur.
Ceux-là, en vérité, étaient la cause de son tourment.
Les cents.
Les cents au fier visage qui vinrent contre les mille, en demeurant fidèles à un homme en exil.
Les cent Preux samariens, résignés à mourir sous leurs murs brisés.
Ils s'étaient alignés, un par un, en silence, leurs lances étaient dressées.
Dans les rangs sudordiens, pas un pour les moquer.
Ils étaient beaux, les condamnés.
Leurs lances se baissèrent, comme ils allaient charger.
S'élancer pour une ombre, un serment, une idée.
Le temps et les marais n'avaient jamais eu prise sur leur fidélité.
Tonnerre de sabots. Claquements des gonfanons. Eclat de l'arbre d'or sur les nobles bliauds.
Un envol de héros.
Une part de lui les avait enviés. La part du Sans-Epée.
Tel était le secret de sa maussaderie.
On lui avait donné leçon de chevalerie, et il détestait ça.
[...]

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L'ingénieur Esteban Gomez

Dernière modification par Des Armoises (2019-03-05 23:51:12)

#2 2019-03-10 16:59:51

Des Armoises

Re : Le dialogue des Carménites

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Le mangeonneau "Châteauvallon" en pleine action.


Ils étaient beaucoup trop près.
Tous le savaient, du maître de machine au plus simplet des porteurs de boulets.
Tous, sauf le géomètre et ingénieur Gontran de Courtepaille, qui avait - le fort-en-cul ! - bravement pris position très en arrière de la ligne de bataille, pour superviser le tir de "ses" engins de siège.
D'où ils étaient, les servants de dizaines de balistes, couillards et trébuchets pouvaient apercevoir, sur les remparts du Rige, les soudards impériaux s'agiter autour de leur propre artillerie défensive.
Ils avaient même cru distinguer la haute silhouette du chevronné Sparr Hoff, qui dirigeait la défense de la forteresse avec un redoutable pragmatisme.
Ils étaient trop près, chiabrena.

Entre eux et une nouvelle sortie de la terrifiante cavalerie dorée, quelques lanciers du vieux Bellebrune, une poignée d'archers, les avant-coureurs d'Arcalion , le vicomte Nicolas et ses Enfants Perdus - chevaliers acharnés à racheter leurs fautes en versant leur sang, plutôt que de finir en geôle ou bien sur un billot.
Puissent-ils laver leur noms flétris très loin devant.
Puisse la duchesse Carmen prendre très vite la place qui lui revient de droit. Une longue et large place, idéalement située entre le pont-levis et notre position.

Les trente gars du mangeonneau "Châteauvallon" serraient les fesses, et Herbert Léopard - caporal de la deuxième brigade de "carriers" - les desserrait un peu trop souvent, puisque son gros intestin servait d'hôte régulier à de puissants et frénétiques chocs d'hydrogène et de gaz carbonique.
Herbert était un émotif.
Il expulsa une petite quantité de gaz lorsqu'une volée de flèches se ficha dans le sol, à vingt pas du monstre à verge de sorbier.
"Trop court, les gars", osa-t-il fanfaronner après un second pet, sonore et soulagé.
- "J'croyais pourtant bien avoir dit d'placer des mant'lets tou'l'long de la position !" hurla l'enseigne Gibouin, qui s'efforçait de corriger - par petites touches - les options discutables du sieur de Courtepaille.
Grande gueule, le Gibouin, mais brave coeur. Les couvait comme une mère-poule.
- "Et toi, l'Herbert, ça va être vot' tour de treuil. Dis à tes gars de."
Un petit rocher fracassa la tête du brave coeur comme un melon trop mûr.
Une véritable pluie de rocaille, suivie d'une grêle de traits, vint s'abattre sur la ligne d'artillerie.
Les impériaux n'avaient pas tiré trop court. Ils avaient mesuré.
Puterelle, z'ont un Gomez en face...

A gauche, l'équipe du trébuchet "Mauvais Voisin*" n'avait pas trop souffert, et s'apprêtait à envoyer une lourde réponse, de bon coeur.
A droite, les gars du couillard "Crachemerde" - charpentiers et tendeurs - étaient tous étendus, parmi des débris de charrette et des cadavres de chevaux.
Herbert demeura un instant hébété, les yeux fixés sur le boulet de bricole qui avait stoppé sa course à un orteil de son pied gauche.
Puis la colère jaillit comme une fontaine, dans l'eau trouble de son regard.

- "Avec moi !", hurla-t-il, imitant ceux du "Voisin".
Oubliant même de flatuler, il se jeta sur une corde du contrepoids, et se mit à hâler, à tirer comme un forcené.
- "Avec moi !, répéta-t-il. Puissance et gloire !".
Il y eut d'abord Ti'Paul, et Maubec.
Puis vinrent Cornebouc, Le Bric. Et Chatron qu'était tout sanglant.
Bientôt, ils furent douze. Les quatre "moines" qui manquaient ne se relèveraient pas.
Douze à bander leurs muscles, à faire sonner les cloches de la vengeance.
Ah ! ça tirait, ça tirait fort ! On allait leur donner à manger du caillou, à ces capons !
Alors, pour se donner courage, du rythme et de la force, on se mit à chanter :

Rêve éblouissant d'amoureux
Monde mercenaire et ambitieux
Tout se confond aveuglément
Dans la folie et dans le sang
Puissance et gloire
Dans l'eau trouble d'un regard
L'aventure et la passion
Autour du Chateauvallon

https://www.youtube.com/watch?v=ytrTla7DuJE

* "Mauvais voisin" : Hrp - Nom donné par Richard Coeur de Lion à l'un de ses trébuchets, en Terre Sainte.

Dernière modification par Des Armoises (2019-03-13 22:20:00)

#3 2019-03-15 00:07:10

Des Armoises

Re : Le dialogue des Carménites

Les Dames de Méridion, Elverid et Carmen, chevauchaient au-devant, menant deux grands coursiers d'un moreau scintillant, et la fine fleur de la chevalerie du Sud leur faisait escorte.
La duchesse de Solède était simplement sublime, charmante comme le soir.
Le temps s'était épris de sa beauté ténébreuse, et prenait soin de ne pas l'offenser.
A peine osait-il l'effleurer, certains matins.
Sa chevelure ondulante, sans natte, voile ni couronne cascadait librement sur ses épaules drapées de samit et d'osterin.
Intrépide, altière, insoumise.
La dame du Suroît était le plus adorable des orages.
Ses bannières de pourpre et d'argent se tendaient en de grands claquements.
La Marche des Vents d'Est avait été nommée mieux que correctement.

Des Armoises menait sa monture dans le sillage de ce glorieux cortège, à la tête d'un petit détachement de ses Enfants Perdus et de quelques barons.
Son récent retour en Okord avait été animé.
Le Mur d'Hadrian. Fort-le-Rige...
Sièges, batailles et chevauchées. Une province conquise. Un empereur défié.
La campagne avait été longue, éprouvante. Satisfaisante.

Il y avait une forteresse, pourtant, qu'il n'avait su forcer.

Elle trottait à sa droite, sur un pur-sang d'Aleja, et se nommait Luis de Guarida, héritier des titres et tenures de la "Reine du Sud".
Plusieurs semaines de veillées, de combats, de souffrances partagés, et le garçon pourtant demeurait un mystère.
Nicolas observait depuis plusieurs lieues le profil pensif de son jeune compagnon de colonne.
Il y avait de la douceur, dans ce visage aux traits réguliers.
Un visage de rêveur.
Etait-ce pour se vieillir, pour durcir son apparence, qu'il laissait une barbe brune gagner sur son menton et sur ses joues ?
Pour se cacher peut-être ?
Luis n'était pas un lâche. Il avait fait son devoir, en chevalier, lors des assauts sur le Mur. Il avait subi le feu des archers impériaux sans broncher.
Que pouvait-il donc craindre ?
L'ombre de sa mère ?
Le vicomte réfléchit un instant.
Il ne se souvenait pas avoir vu l'héritier solliciter l'aide, le conseil ou la compagnie de la duchesse.
Grief ? Orgueil ? Soif de liberté ?
Luis semblait, le plus souvent, indifférent au monde qui l'entourait. Imperméable, impénétrable. Tranquille.
Muet, sage, pensif et coi.
Un drôle d'oiseau.
Il fuyait ses semblables. Posait sur leurs paroles, leurs actions, un regard morne et vaguement étonné.
Et pourtant, une fois - la seule - il avait (le premier) uni sa voix étonnamment claire à celle d'Arcalion, corrigeant avec justesse les faussetés enthousiastes du gaillard.
Un musicien. Un poète, peut-être...
Le plus beau parti du Sud okordien ferait tourner bien des têtes.
Comme sa mère.

Se sentant observé, Luis de Guarida pivota sur sa gauche, surprenant le regard attentif du vicomte.
Des yeux carméniens - vifs, intelligents, sensuels - qui avaient remplacé l'autorité par l'ironie.
Etrange, cette malicieuse mélancolie...
Quelle était la part du père, en cette alchimie complexe ?
Pourquoi affecter l'ennui, lorsqu'on discernait l'énergie ?
Des Armoises était à ce point absorbé par son questionnement qu'il en oublia de détourner le regard.
Les deux homme se jaugèrent longuement.
Un sourire amusé finit par éclairer le visage du jeune seigneur de Llovizna.
Un sourire contagieux.
Un sourire rendu.
Une brèche, peut-être, dans la forteresse.
S'y engouffrer. Vite !

- "Sire Luis, est-ce une arme secrète ou un instrument de musique, que je vois si précautionneusement fixé à vos fontes ?"

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Luis de Guarida en armure d'apparat.

Dernière modification par Des Armoises (2019-03-15 09:56:09)

#4 2019-04-15 11:16:53

Carmen

Re : Le dialogue des Carménites

Luis était en deuil.

Ce deuil, discret, ses yeux le portaient dans le vague au milieu des trompettes et de la caracole.

Ce deuil, chaque rebond de ses fesses sur la selle le lui rappelait.

Rayo. Son foudre de guerre. Un grand étalon bai, beau, vif et bien fait. Un seigneur des plaines, qui secouait la tête d'impatience tant que la charge n'était pas sonnée. Sa crinière ne flotterait plus au vent. 

Les troupes de Taas-Trof étaient reparties chez elles, Fort Le Rige-Ides était repris, et ce soir la parade s'en donnait à cœur joie. Sa mère le lui avait appris, il fallait toujours célébrer une victoire. En hommage à ceux qui sont tombés, et en récompense à ceux qui sont debout. Il fallait bien cela pour qu'ils tiennent encore debout à la prochaine, rajoutait Luis intérieurement.

Il fallait bien cela aussi pour qu'ils oublient les maladresses inquiétantes dans les mouvements des différentes troupes de l'ost, les armes de siège qui s'embourbaient dans le terrain détrempé, et la défense acharnée qu'avait opposée le général de l'empereur à un contre trois, pied à pied, avant de devoir hisser le drapeau blanc. Pour retarder l'avancée de l'ost du Suroît, ce Sparr Hoff n'avait rien pu faire de mieux que d'infester les abords de la forteresse dévastée avec des tirailleurs, des condamnés vissés à leurs buissons, qu'il avait fallu expugner au couteau comme des moules d'un rocher.

C'est l'anicroche d'un de ces mange-misère qui avait sectionné les tendons de Rayo. L'homme, un cul-terreux anonyme, s'était tenu bien enfoui dans son fossé jusqu'à l'arrivée de la cavalerie. Un monstre de patience. Un monstre de détermination, aussi, pour avoir suivi ses ordres et gardé froid son sang malgré les milliers de sabots qui frappaient le sol dans sa direction. Même s'il ne les avait pas vus, le nez plongé dans les roseaux, cette pauvre teigne avait eu du mérite. Le bruit aurait fait fuir n'importe qui.

Et il avait fallu que son coutelas idiot planté au bout d'une hampe informe s'attaque précisément aux mollets du plus noble cheval qui ait jamais foulé cette plaine.

Sitôt qu'il fut relevé de sa chute, le heaume remis en place, Luis avait glapi mentalement une insulte à l'adresse de ce triste coquin de sort. Le cul-terreux, tout sale encore de la boue du fossé, était entouré par une bonne douzaine de cavaliers qui lui voltaient autour à bonne distance, hors de portée de l'arme risible qu'il brandissait, menaçant un soldat avec l’œil gauche et un autre avec le droit. Parce qu'en plus il était bigle. Sort, ton humour est de mauvais goût.

Luis avait jeté un regard à Rayo, couché dans l'herbe, ne hennissant même pas. L'étalon tremblait. Il avait ses pattes pliées sous lui, et semblait vouloir se relever, mais il n'y arriverait plus. Les deux jambes gauches ne répondaient pas. Luis avait passé une dernière fois la main sur son naseau chaud, et échangé un dernier regard avec sa monture. Il y avait lu de la panique. Comme si Rayo savait. Alors, par tendresse, Luis avait abrégé ses souffrances.

Ensuite, il avait ordonné à ses hommes de s'écarter.

Le cul-terreux n'avait aucune chance. Il n'en avait jamais eu. L'homme s'était trouvé traversé par une épée sans avoir eu le temps de sortir son surin. Son corps reposait maintenant quelque part dans la fange qui lui allait si bien.

Ce n'était pas la première fois que Luis mettait fin à l'existence d'un pitoyable hère comme celui-là. Et pourtant, il ne parvenait pas à se défaire de son image. Il y avait trouvé une ressemblance étrange, qui lui trottait depuis dans la tête. Quand le vilain s'était retrouvé face à face avec le heaume fermé qui lui annonçait sa mort, quand il avait sentit les cinq pouces d'acier froid passer à l'intérieur de sa carcasse, ce moucheron, ce fils non reconnu d'un purineur et d'une puce à rat, cette insignifiance sale personnifiée, avait eu le même regard que Rayo. Comme, oui, comme s'il savait.

L'héritier de Guarida laissait vagabonder son esprit tout entier sur les significations qu'il pouvait y avoir à une telle coïncidence. Était-ce lui qui interprétait à outrance, était-ce là une exception, ou bien tout le contraire ? Après tout, on arrivait bien à trouver humain le regard d'un chien, pourquoi pas celui d'un serf... Peut-être y avait-il une part, en chaque être, qui dépassait la basse brute.

C'est le regard d'un des nobles aux côtés desquels il trottait qui le ramena au réel. Luis ramena sa curiosité vers l'homme qui l'observait. Nicolas des Armoises, Comte d'Elléborée, de Vallombreuse, Arcalion et Belle Étoile, banneret de confiance, homme intègre, père débordé qui tirait du poivre vers le sel. Un vieux soldat de plus, pétri d'idéaux auxquels il offrait sa vie. L'habitant typique du monde de sa mère.

Étonnamment, le chevalier Sans Épée soutint son regard. D'habitude, les hommes accomplis qui y tombaient ne s'y attardaient pas, ils saisissaient le moindre mouvement de poussière alentour pour détourner leurs yeux. Quand il était enfant, Luis croyait que c'était par peur ou par abus de respect. Aujourd'hui, il pariait plutôt sur une gêne. Mais cet homme-ci ne semblait pas s'entraver de ce genre de scrupules.

Mieux encore, il se payait le luxe d'avoir de l'esprit.


« Ce n'est pas une arme, messire, répondit Luis. C'est une malédiction. Ce soir, je vois le soleil déclinant mettre le feu aux collines, et j'en viens à regretter que les hommes de l'empereur n'aient pas brûlé leur campement. »


L'analogie aurait pu faire une jolie chanson.

Dernière modification par Zyakan (2019-04-15 13:01:22)

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