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#1 2019-01-27 22:23:40

Amarante
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Naissance d'une Lignée

Merkor, 23e phase de l'automne de l'an I de l'ère 19 - Une vallée nordique perdue entre Gundor et Träkbäläard

D’un coup puissant, appuyé de toute la rage de sa porteuse, le gantelet d’acier frappa la colonne de mélèze expulsant quelques échardes sous la violence du choc. Au sein du clan, les larmes de tristesse signifiaient usuellement un aveu de faiblesse. Usuellement, mais pas dans cette situation unique. La jeune femme à la crinière rubis en profitait pour masquer ses yeux saphir sous un flot lacrymal continu qui traçait des sillons salés sur ses joues.

Au petit matin, le Kniaz Ortis, Trente-troisième de la Lignée de la maison Auberouge, était parti avec la quasi-totalité des hommes et femmes d’arme. Il avait ordonné à Amarante de rester à la tête d’une poignée de soldats pour protéger le fief et sa population non combattante des pillards.

Au crépuscule, un écuyer en sang se portait devant le conseil des Druides. La bataille contre des clans rivaux au peuple d’Auberouge s’était soldée par un échec. Le Seigneur Ortis était tombé au champ d’honneur et son armée massacrée par les barbares de Träkbäläard. « Maudits sont-ils, sans la moindre éducation et sans aucun sens de l’honneur, ces félons ne faisaient pas de prisonnier, n’acceptaient aucune reddition, seule la victoire totale et meurtrière les satisfaisait. »

Ainsi, la perte du Seigneur provoquait la tristesse et la culpabilité de n’avoir été à ses côtés au combat la rage dans le coeur de la Chevalière novice.

Une poigne douce, mais assurée sur son épaule la rappela à la réalité. Adriho, l’un des trois Druides du conseil la força à lui faire face. Amarante retira son gant de la colonne enfoncée. D’un geste paternel, le sage essuya ses larmes à l’aide d’un morceau de laine.

Un silence macabre s’était abattu sur la grande salle d’Auberouge. Les sanglots avaient cessé et le peuple prit la mesure de la situation sous la voix grave d’Adriho.

- Le temps nous est compté. Il n’est qu’une question d’heures avant que les barbares ne viennent frapper à la porte d’Auberouge. Le Kniaz Ortis est tombé, mais pis encore, sa Lignée s’est éteinte en l’absence d’héritier. Vous savez ce que cela signifie. Ces terres doivent être rendues aux Dieux avec la Lignée des Aubesang et un nouveau Sang désigné par les Dieux doit nous guider pour le temps qui nous reste tous à vivre, fût-il quelques heures ou des siècles.

Il s’interrompit, chacun retenait son souffle. D’ici peu deux personnes de plus allaient mourir et une troisième serait adoubée comme Seigneur du clan qui prendrait alors son nom. Les deux autres Druides posèrent sur un autel au centre du hall un calice en terre cuite largement évasé et rempli d’un liquide rouge brun poisseux. Du sang, celui d’Ortis, écoulé dedans depuis le début de son règne et préservé par quelques artifices divins. Adriho se positionna vers eux, s’emparant d’une dague d’excellente facture ornée de rubis.

Il prononça alors trois noms. Amarante vacilla à l’entente du sien avant de se reprendre et de s’approcher en compagnie des deux autres nominés : Rosaline de Beauroc, la promise de feu Ortis, issue de la noblesse de Gundor et Jacob Sandor, l’écuyer survivant qui devait être adoubé d’ici quelque jours.

Le rituel de la « Sentence du Règne » était simple et pourtant létal. Sous le regarde de la Sainte Trinité composée de Rituath, celui qui Règne, Botia celle qui préserve les Lignées et Daeth, celui qui garde la Tradition, trois élus étaient appelés devant trois calices de frêne. Chacun tour à tour s’entaillait le poignet à l’aide de la dague offerte par le Druide maître de cérémonie. Chaque élu tenait alors son entaille laissant couler son sang dans le calice à hauteur des trois quarts, ou jusqu’à l’évanouissement, ce dernier provoquant une disqualification automatique. Ensuite les Druides complétaient le dernier quart avec le sang du souverain précédent. Ils déterminaient finalement le vainqueur d’après la coupe présentant le liquide vital le plus foncé des trois. Le Premier de la nouvelle Lignée était alors pensé et soigné. Les deux autres se vidaient de leur effluve de vie pour rejoindre le précédent Kniaz au Royaume des Dieux.

Amarante Terresang dû se retenir d’afficher un sourire de satisfaction lorsque Rosaline sombra dans l’inconscience, son calice à peine rempli à moitié. Elle supportait difficilement cette parvenue des contrées voisines de Gundor qui avait charmé leur Seigneur dans le seul but d’amener le clan sous juridiction du Duc Alvin par mariage politique. Rosaline n’avait su donner un héritier au Lignage Aubesang, bien que les lois autorisaient et encourageaient la consommation avant les épousailles. Si leur amour avait un fondement sincère, alors l’âme de Rosaline vivrait heureuse auprès d’Ortis et des Dieux.

Le temps étant compté, Adriho interrogea les deux candidats restants sur leur ordre de marche respectif en cas de désignation. Jacob se détermina en faveur d’un départ vers le Gundor voisin. Amarante arrêta son regard sur la noble Gundorienne qui se vidait de son sang au sol et prononça ces mots.

- Nul avenir pour notre peuple à Gundor. Notre tradition a tué une de leur noble à l’instant. Notre futur est au sud, dans les terres tumultueuses partagées entre Estybril et Okord. Là nous reconstruirons notre peuple, là peut-être nous connaîtrons de nouveau un Kniaz-Roi, là assurément nous prendrons notre vengeance sur les Félons de Träkbäläard, par tous les Dieux !

La femme sombra à son tour dans l’inconscience sur ces paroles enflammées lui ayant soustrait ses dernières forces, son calice suffisamment rempli.

Lorsqu’elle reprit peu à peu ses esprits, elle sentait dans son dos les soubresauts d’une charrette dans les chemins pierreux des contreforts nordiques. Adriho posa sur elle son éternel regard paternel, mais teinté cette fois-ci d’un respect renouvelé. Il lui essuya le front en la gratifiant d’un sourire rassurant.

- Loués soit les Dieux, vous revoilà parmi nous ! Dame Amarante, Première de la Lignée de la maison Terresang, tel est votre statut désormais. Selon la tradition, les terres d’Auberouge ont été emportées par les flammes et le sel, n’appartenant qu’au Sang de la Lignée désormais éteinte. Selon vos instructions, notre peuple s’est mis en route vers la région connue sous le nom d’Okord avant que les barbares ne nous retrouvent. Vous êtes restée inconsciente prêt d’un cycle du jour Ma Dame. Vous avez encore besoin de repos d’ici à ce que nous arrivions sur des terres appelées Marche des Confins.

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Nouveau Sang, nouveau Lignage, nouvelle Terre. Un chapitre se fermait pour le clan Auberouge, un livre s’ouvrait pour le clan Terresang. La destinée de la jeune Amarante à la crinière rubis et aux yeux saphir restait à écrire ...

Dernière modification par Amarante (2019-01-28 14:28:28)

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