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#1 2018-11-15 19:40:26

Aldegrin de Karan
Inscription : 2014-09-14
Messages : 798

Le blason ensanglanté.

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La plume courrait sur le parchemin. La blancheur éclatante du cygne sur le jaune crème du lin. C'était un grattement discret qui troublait le silence sépulcral recouvrant la Salle du Maître. Un léger repli au cœur du palais de Selhorys. Elle ne faisait pas étalage de sa puissance, hormis les blasons accrochés à ses murs où le lion valyrien et le dragon karanien se jaugeaient d'un regard sévère.

A son origine la Salle du Maître avait été un petit salon privé, rarement utilisé par les valyriens. Aldegrin aurait pu choisir un autre lieu du château pour établir ses quartiers, il en existait de plus proche du Salon Impérial ou de plus fastueux. Le Seigneur de Karan préféra pourtant privilégier son confort et choisit une pièce attenante à ses appartements.

C'était aux autres de marcher.

Une lourde tablée de hêtre avait été posée devant les fenêtres. Sceaux, cire, encriers et plumes s'entassaient sur de nombreux documents. Une mince lumière s'échappait des persiennes en fer forgé, projetant un halo étrange sur les cheveux blancs d'Aldegrin.

Le Maître du Palais semblait indifférent à tout ce qui l'entourait ; ni la beauté des lieux, ni le page debout derrière lui, ni le sang qu'il venait de faire couler en Estybril ne lui inspiraient un quelconque intérêt. Ce que l'Empire donnait, l'Empire pouvait le reprendre. La sordide affaire avait été complexe à mettre en œuvre, mais le Seigneur de Karan s'était acquitté de sa tâche avec l'abnégation d'un chasseur pelant un cerf fraîchement abattu. Personne n'avait rien su, ni l'Empereur, ni le Conseil Impérial, ni même son Suzerain. Aldegrin pensa un bref instant au jeune Baudouin de Samarie, un éternel idéaliste... Mais tous avait été témoins de son pouvoir et de sa volonté.

La missive était prête. Le Seigneur de Karan appliqua son sceau puis la donna au jeune officier de maison. Ce fut alors qu'il entendit s’élever du jardin la voix d'un ménestrel ; plaintif écho aux sombres nouvelles que répandaient les crieurs d'Okord.

Aldegrin se servit un verre de vin. Il le savoura à la fenêtre, bercé par le Dernier Vol du Faucon.

Thème
Mais pourquoi Sire, dit le Faucon,
Dois-je quitter les Cieux ?
Sortez vos ailes, sortez vos serres,
Elles sont fort émoussées.
Pour me rendre lige crachez donc le feu,
Mon bec est une lance,
Vos crocs caresseront mes plumes,
Vous vous faites bien vieux.
Caquetait-il, Caquetait-il.
Le Dragon s'envola,
Il dévora tous les petits,
Ne laissant que les os,
Il dévora tous les petits,
Ne laissant que les os.

HRP-Topic ouvert à ceux qui veulent réagir à la capture du Polémarque.
Priorité aux membres du gouvernement et à l'Empereur.-HRP


Seigneur de Ténare ; Marquis de Falcastre
Maître du Palais ; Gardien du Trésor Royal
Chevalier au Léopard ; Chevalier de l'Ordre des Fondateurs royaux

Hors ligne

#2 2018-11-15 22:59:29

Rhaegar de Valyria

Re : Le blason ensanglanté.

L'Empereur était plongé dans les parchemins qui venaient de lui être remis par un messager des Templiers d'Okord. Les nouvelles étaient bonnes : la paix régnait désormais avec les imprévisibles Serpents. Un bref instant, Rhaegar se perdit dans le vaste abîme de ses souvenirs. Il se remémorait l'ère, déjà si lointaine, de la Valyria indépendante. A cette époque, le prince Serpent Arkeon était son vassal et combattait avec dévouement sous l’étendard valyrien. Les armoiries avaient changé, ainsi que les alliances, mais l'homme était resté le même : un têtu ambitieux et impulsif. En somme, un Valyrien.

La construction impériale était un succès. Les institutions de l'Empire étaient solides et la compétence des ministres de l'administration ne faisait aucun doute. Seul le dilemme estybrilien venait nuancer ce tableau. Un dilemme des plus cornéliens, car aucun des scenarii envisageables n'était pleinement satisfaisant.

Rhaegar pouvait choisir de revêtir la tenue du pacifiste et permettre au nouveau-né estybrilien de grandir. Mais cette croissance se ferait nécessairement au détriment des Okordiens. Surtout, l'Empereur ne pouvait tolérer l'existence même d'une excroissance abrasilienne aux portes de ses frontières.

Il pouvait également prendre un chemin contraire et profiter de la large suprématie de l'Empire pour anéantir les dernières forces estybriliennes. Une quinzaine d'années auparavant, le Valyrien n'aurait pas hésité. Mais la fougue enflammée d'hier s'était refroidie à l'épreuve du temps. Rhaegar avait encore l'espoir de réintégrer les rebelles dans le giron impérial sans noyer les terres estybriliennes sous le sang de leurs occupants.

Un autre messager, valyrien cette fois, vint perturber ce débat intérieur. Rhaegar ne découvrit pas immédiatement sa présence. Ses réflexes et son attention s'étaient émoussés avec le temps, à mesure que le guerrier vieillissait. Il était, dans sa jeunesse, un formidable combattant, un fin escrimeur et un cavalier endurant. Aujourd'hui, son dos lui faisait payer douloureusement les longues balades à cheval, et son bras était agité de tremblements lorsqu'il maniait son épée avec trop de vigueur. Il l'acceptait : serfs comme empereurs étaient soumis aux lois des Dieux, et nul bouclier ne pouvait préserver l'homme des flèches du Temps.

L'estafette s'inclina respectueusement et déposa devant lui un parchemin d'une blancheur éclatante. Un dragon écarlate dansait sur le lin. Le sceau des maîtres de Falcastre. L'Empereur et Aldegrin n'étaient pas amis. Ils n'avaient pas l'un pour l'autre d'affection, n'échangeaient jamais sur leurs loisirs (en avaient-ils ?) et ne s'épanchaient jamais sur leurs états d'âme.

Pourtant, il existait entre ces hommes une forme de connexion. Celle-ci pouvait s'expliquer par les points communs, nombreux, entre ces deux maisons. Valyriens comme De Karan étaient des maîtres dans l'art de l'intrigue politique et de la diplomatie. Ils partageaient aussi une certaine impopularité : on n'acceptait qu'avec méfiance le vin proposé par un hôte dragon ou valyrien. Ils s'entendaient enfin sur une vision de l'Empire : un Etat fort gouverné par un souverain fort.

D'ailleurs, ils ne s'y trompaient pas : pendant des années, les deux maisons se tinrent à distance l'une de l'autre. Le prédateur est capable de repérer un prédateur, et a l'intelligence de ne pas empiéter sur son terrain de chasse.

L'Empereur déroula la missive de son conseiller. Comme toujours, la forme le satisfit : le message était bref, laconique et sans emphase. Efficace. Le message lui arracha un sourire sans joie. Des hommes étaient morts ce soir, emportant dans le néant leur passé, leurs rêves, leurs histoires personnelles et leurs sentiments. Mais la flamme de l'Empire brillait plus fort qu'hier.

Dehors, déjà, une mélodie lancinante se faisait entendre.

Mais pourquoi Sire, dit le Faucon,
Dois-je quitter les Cieux ?
Sortez vos ailes, sortez vos serres,
Elles sont fort émoussées.
Pour me rendre lige crachez donc le feu,
Mon bec est une lance,
Vos crocs caresseront mes plumes,
Vous vous faites bien vieux.
Caquetait-il, Caquetait-il.
Le Dragon s'envola,
Il dévora tous les petits,
Ne laissant que les os,
Il dévora tous les petits,
Ne laissant que les os.

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