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Saedor, 2de phase du printemps de l'an IV de l'ère 17.
Une nuit noire trônait dans le domaine. C'était un jour de plus, que la Comtesse avait choisi de rester enfermée dans sa chambre.
Elle ne s'occupait plus de ses deux enfants, après avoir perdu le premier... C'est comme si, sans elle, tout le domaine était endormi.
Elle ne mangeait plus non plus, et cela depuis des jours. Certains n'osaient même pas rester devant la porte, tellement ce silence était pesant.
"Mademoiselle d'Aylgäard, qu'allons-nous devenir?" disait sans cesse le peuple.
Yürim, dépassée, ne savait que faire…
Elle se chargeait déjà de l'éducation des deux enfants, elle n'avait pas assez de compétences pour gérer tout un domaine.
Qu'allaient t-ils tous devenir?
L'Union... Des vieux livres poussiéreux, des vestiges et des souvenirs de nostalgie dans le coeur des gens...
Tout cela avait, au fil du temps, disparu.
La démence s'installait doucement au château, beaucoup avaient quitté le navire depuis longtemps, mais certains restaient en mémoire de leur passé.
Un soir de pleine lune, une armée longeait les bords de la ville principale du domaine.
Les remparts brisés, les derniers survivants se faisant empaller... Le Donjon ne tenait qu'à peine.
"Cela devait arriver, Yürim! Il n'y a plus de pouvoir politique, tu te doutes bien que cela devait arriver un jour ou l'autre..."
*BONK*
"Mais... Pourquoi? Nous ne leur avons rien fait, la Comtesse n'est que... Dans une mauvaise passe, ils ne peuvent pas se permettre de lui faire cela. S'il lui enlève ses enfants elle n'aura plus de raisons d'exister!"
*BONK*
L'homme ne daigna répondre. Il était pétrifié par la terreur, mais aussi par l'entaille qu'il avait au torse. Le donjon était en flammes, c'était la fin.
*BONK*
"Il se peut... Que tu puisses partir, avec les enfants. Notre petite cité, Utopia, sera ravie de t'accueillir... Vas, Yürim d'Aylgäard, et ne reviens jamais."
*BONK*
On pouvait entendre les grognements de soldats remuant corps et âmes afin de détruire la porte principale du Donjon.
Yürim, elle, ne cessa de pleurer et abandonna l'homme qui était son père.
Elle vint jusqu'à la chambre des enfants, attrapa la poignée de leur porte lorsqu'elle entendit le cri de victoire des soldats, les hurlements de rage des gardes et les râles des morts, jonchants les couloirs.
Un silence retentit alors dans l'allée centrale. Elle savait ce qu'Il était venu chercher.
"Maudit sois-tu, pauvre fou. Tu ne sais pas ce qu'il t'arrivera, une fois qu'ils seront en âge de comprendre ce que tu leur as fais subir."
Les petits, horrifiés par ce vacarme, se mettent rapidement à suivre la confidente et amie de leur mère.
La fuite se présentait plutôt bien, jusqu'à ce que l'Homme surgit, attrapant le bras d'un des deux, ce dernier hurla de surprise avant d'être assomé par un soldat, puis emmené.
"Bien... Il ne manque plus que le deuxième. Donnes-le moi, tu ressortiras de cela souillée par tout mes soldats, mais vivante."
Yürim déglutit, elle lui retorqua alors : "N'as-tu pas honte d'infliger cela à tes cousins?! Tu brûles leur maison, tu tues leurs sujets... Que cherches-tu, à la fin?!"
Les yeux de la jeune femme étaient remplis de haine.
L'Homme à qui elle s'adresse aujourd'hui n'est plus le même qu'antan, la douce voix a été remplacée par des paroles ignobles, les mains remplies de tendresse sont devenues outils de la mort.
Cet homme qui avait été toute sa vie à un moment donné de sa jeunesse n'était plus le même, il s'était perdu, ou aveuglé dans une sorte de méchanisme abominable.
Il ne daigna même pas répondre, il hésitait. C'était le moment parfait, allait-il le faire lui même, ou bien voudrait-il la voir mourir?
Yürim prit ce moment comme une occasion et s'enfui, comme elle le pu, le deuxième enfant dans ses bras. Elle n'avait déjà plus de souffle qu'elle continuait toujours de courrir, comme si la vie de ce petit était bien plus importante que la sienne.
Ce qui était le cas.
Elle réussit, par on ne sait quel moyen, à se frayer un chemin hors du Donjon, et s'en alla à dos de cheval, avec le petit.
L'homme, habillé d'une armure noire cachant son visage, la regardait alors partir de ce domaine qui était déjà en ruines.
Indifférent, il décida donc de monter les marches qui conduisait vers la plus haute tour du Donjon.
Il ouvrit la porte et s'introduisait dans la pièce, une chambre simple, mais à la fois luxueuse tant les meubles coûtaient. Le lit à baldaquin, vide.
"Bordel, mais où est-elle ?!"
Il scrutta la pièce des yeux, et avant qu'il ne s'en rendit compte, il entendit une douce voix féminine lui faire frissonner les oreilles.
"Je suis là, cher neveu."
Il se retourna d'un coup, surpris au départ, puis il reprit son sérieux.
Il était en face de la personne qu'il fallait, pile au bon moment. Il allait pouvoir enfin prendre son heure.
Elle était chétive, mais magnifique à la fois, elle avait toujours ses longs cheveux blonds et ses yeux verts émeraudes mais l'on voyait que le poids des années avait tout de même laissé une trace sur son corps.
Elle le jaugeait du regard, attendant une réaction, une action aussi peut être. Mais elle n'eut pas même le temps de réagir qu'il était déjà devant elle.
Elle était devenue trop faible, la solitude l'avait rendue morte avant l'heure.
L'Homme l'empoigna par le cou et la souleva au dessus du vide, il la regardait dans les yeux, et ne vit que l'acceptation de la mort elle-même et l'indifférence face à cette vie.
La Comtesse de ce Donjon que l'on appelait anciennement Donjon d'Emeraude n'était déjà plus, de toute manière.
"Pourtant si belle…"
Il lâcha alors ces derniers mots et la lâcha de son emprise, pour enfin la laisser s'écraser sur le sol.
Les yeux ternes, le regard fatigué, Il repartit, en silence, le petit endormi à ses côtés…
Dernière modification par Shéogorath (2018-09-13 19:58:26)
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