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#1 2015-02-27 01:47:39

Lhassa

L'accident du Comte Momo

Assis au coin du feu, je n'arrive toujours pas à réaliser ce que j'ai fait : hier, j'ai mortellement blessé un ami de longue date, sur un terrible quiproquo. D'ailleurs, beaucoup d'éléments échappent encore à ma compréhension. Je vais essayer de faire le point sur ce qui m'a conduit à une telle extrémité...



  La guerre contre La Guilde des Justes m'avait épuisé. Une trêve avait été décidée à cause de l'arrivée d'une reine barbare au Sud d'Okord. Mon fief oriental, Dzintars, avait été attaqué par des fourrageurs d'Yselda. Heureusement, les murailles avaient tenues.
J'y étais passé avant de rentrer dans mon château. J'y avais vu de pauvres gens effrayés. Ma présence les avait rassurée et cela m'avait donné du courage.
Je voyais toutefois un avantage à la venue de cette sorcière : cela me permettait de passer une semaine sur mes terres.

Je suis arrivé à Zouzouland en fin de matinée. La foule se pressait autour de moi. Les femmes jetaient des fleurs devant mon cheval.
Mon sénéchal m'a accueilli avec son air affable habituel. Le donjon était en pleine effervescence. Les domestiques s'activaient pour préparer un bon repas, dresser la table, faire chauffer de l'eau.
J'étais surpris de ne pas voir Dame Lhassa sur le perron. On m'a dit qu'elle finissait de se préparer, ma venue n'ayant pas été annoncée. Cela ne m'a fait ni chaud ni froid.

Quand je rentre, entre deux combats, je la regarde à peine. Nous sommes devenus deux étrangers. Nous mangeons ensemble. Chacun à un bout de la longue table. Par politesse, je lui demande ce qu'elle a fait en mon absence. Je ne lui prête généralement qu'une oreille distraite. Je lui raconte ensuite mes faits de guerre avec passion. Elle m'écoute par convenance. Puis elle retourne dans ses appartements.
Jusqu'à il y a peu, je venais la voir dans sa chambre. Malgré les incantations, les potions et autres pèlerinages, elle n'a jamais réussi à me donner un héritier. Maintenant que sa jeunesse s'est évanouie c'est trop tard. J'ai songé à la répudier pour me remarier avec une demoiselle mais j'ai abandonné cette idée car cela n'est pas convenable pour un Vicomte.

J'avais hâte de prendre un bain. J'ai fermé les yeux en sentant l'eau tiède couler le long de mon dos. La servante qui m'a savonné avait des mains douces, un sourire avenant et une gorge joliment mise en valeur. De quoi réchauffer le cœur. 

Une fois vêtu d'habits propres, je me suis attablé.

"Mon ami, vous avez une mine affreuse. Vous n'êtes pas souffrant, j'espère ?"

J'ai haussé les épaules et j'ai remercié mon épouse de s'inquiéter de mon état de santé. Elle m'a dit ensuite :

"Le roi appelle tous les Seigneurs du royaume à le rejoindre pour luter contre Yselda. Vous pensez y aller ?"

"Evidemment."

"Il a massacré notre cavalerie dans une acte fourbe et vous comptez envoyer nos hommes se faire tuer pour lui !"

"Okord est menacé. Je dirigerai mon armée avec fierté aux côtés du Prince Morgan et du Roi Wanderer !"

J'étais en train de manger la souris d'agneau aux châtaignes avec appétit. Le vin était très bon. Il avait un goût de noisettes prononcé qui était surprenant. J'ai soudain été pris de vertiges. La pièce s'est mise à tourner. En tombant de ma chaise, j'ai vu deux carafes identiques : l'une entre les mains du serviteur et l'autre sur un guéridon à côté de lui.



Quand j'ai repris mes esprits, mon épouse était assise près de la porte.

Je me suis écrié :
"Vous m'avez drogué !"

"Calmez-vous mon ami."

J'ai voulu me lever mais mes jambes se sont dérobées sous moi. Dame Lhassa a fait signe qu'on me relève et qu'on me remette au lit.

"J'agis pour le bien de nos gens. Il faut massacrer ceux qui appartiennent à la Guilde des Justes et renverser le vieux  Wanderer. Et vous, vous voulez suivre ce roi cruel, comme un mouton ! Et que dire de cette guerre stupide que vous et le Comte Momo avez mené contre Foxhound ? Cela ne nous a apporté que mort et désolation ! Vous êtes un mauvais chef de guerre et un mauvais mari."

Elle s’apprêtait à quitter la chambre quand je lui ai dit :

"J'ai trop longtemps fermé les yeux sur votre passion pour les poisons et la magie. J'ai eu peur que le déshonneur m'éclabousse alors j'ai caché que vous êtes devenue une sorcière."

Le médecin, un homme rallié à la cause de ma femme depuis un certain temps, m'a obligé à boire un épais breuvage, au goût amer. Immédiatement, tout est devenu flou. J'avais la sensation de flotter dans la pièce. Puis, les ténèbres.



Au bout de deux jours de route, je suis arrivé à Montagne Noire, une forteresse austère qui surplombait la ville de l'Ouest. Elle avait été construite sur un pic de roches noires. Des corbeaux freux tournaient au-dessus des hautes tours sombres. Leurs cris rauques rendaient les lieux encore plus lugubres. D'épais nuages gris cachaient le soleil et un vent glacial soufflait. Des choucas des tours et des corneilles picoraient au bord des douves et dans la cour.
Je n'avais jamais aimé ce lieu. Seule sa position stratégique m'intéressait.

Le médecin, qui m'affaiblissait avec ses drogues, m'a aidé à descendre du chariot. Un petit homme rabougri m'a emmené dans ma chambre. La fenêtre était pourvue de barreaux.
J'ai demandé à ce vieillard d'allumer un feu dans la cheminée, car j'avais froid. Il s'est exécuté en grommelant puis a refermé à clef la porte derrière lui.

La situation me semblait stupide. J'étais retenu prisonnier sur mes propres terres !
Une étrange odeur flottait dans l'air. Ce lieu était vraiment sordide. J'avais peu de visite. Juste le médecin, le vieillard ratatiné et des domestiques. Leurs tenues brunes et leurs visages fermés étaient parfaitement assortis à l'ambiance austère des lieux.



Depuis combien de jours étais-je dans cette chambre ? Je n'en savais rien. Les épais rideaux étaient toujours tirés devant la fenêtre, de sorte que les nuits et les journées se ressemblaient toutes. La seule visite, dont je m'apercevais, était celle du médecin, ce charlatant qui, non content de me droguer avec des plantes, m'affaiblissait aussi en me faisant régulièrement des saignées.

Mes paupières se sont ouvertes difficilement. Je me sentais nauséeux. J'avais mal au ventre et à la tête. Le médecin n'était pas encore là. D'habitude, ce bougre n'attendait pas que je reprenne complètement mes esprits pour me faire à nouveau sombrer dans des rêves terrifiants, peuplés de créatures monstrueuses.

J'ai réussi à me redresser un peu. Je suis resté assis au bord du lit. Mes yeux se sont promenés le long de la pièce. J'ai remarqué que le guérisseur avait laissé son nécessaire pour faire les saignées sur un guéridon à côté de la porte. J'ai tenté une première fois de me mettre debout. En vain.

Soudain, j'ai entendu des bruits de pas qui se rapprochaient. J'ai senti mon cœur s'emballer dans ma poitrine. L'angoisse est montée en moi. Je savais de qui il s'agissait et je savais que j'allais encore souffrir. J'ai donc rassemblé toutes les forces qui me restaient et j'ai titubé jusqu'au guéridon. J'ai entendu les gonds de la porte grincer.

"Mais, qu'est-ce que..."
Le médecin n'a pas eu le temps de finir sa phrase. Il a porté ses mains à sa gorge et s'est affaissé dans d'interminables râles.

J'ai laissé choir le scalpel couvert de sang et je suis tombé à genoux, épuisé. J'ai regardé l'homme qui gisait devant moi. Les gardes finiraient par s'apercevoir de la mort du guérisseur, et, comme ils pensaient que moi, leur seigneur, j'avais perdu la raison, ils seraient capables de m'enfermer dans l'une des geôles de la forteresse !

Un souvenir m'est revenu à l'esprit. Montagne Noire avait été bâtie pour résister aux sièges ennemis. Un passage dérobé avait été creusé dans la montagne afin de permettre l'approvisionnement en vivres et, le cas échéant, l'évasion du maître des lieux. La cachette menait directement dans cette chambre où j'étais séquestré.
J'ai rampé jusqu'à un mur. Je l'ai frappé. ça sonnait creux. Mais je ne me rappelais plus du mécanisme d'ouverture. J'ai cherché, tâtonnant dans la pénombre. Je commençais à me désespérer lorsque j'ai enfin trouvé : il fallait pousser à gauche le chandelier qui était au mur. Un passage s'est ouvert entre les pierres. Je m'y suis s'engouffré et j'ai refermé derrière moi pour ne pas être suivi.

J'ai alors entamé la longue descente vers la liberté. Je marchais dans le noir, d'un pas mal assuré, m'accrochant aux parois pour me soutenir. Le chemin n'en finissait pas. J'avais faim et soif. Ma bouche était pâteuse, mes lèvres sèches et mes membres endoloris. J'ai vacillé et je suis resté un moment allongé dans l'obscurité. Puis, j'ai repris ma route à quatre pattes.

La lueur du jour est enfin apparu. Cela m'a redonné du courage. Je me suis presque jeté dehors. J'ai respiré l'air pur de la campagne. Le parfum de la liberté. J'ai mangé un peu de neige pour me désaltérer.

Le plus dur restait peut-être à venir. Il fallait à présent que je me rende à Zouzouland. Cependant, j'étais en chemise et pieds nus dans le froid, je n'avais pas de monture et j'étais faible.
Tout-à-coup, j'ai entendu des bruits de sabots. Un petit homme plié en deux tenait par la bride un cheval boiteux qui portait deux sacs sur son dos.

Je l'ai interpellé :
"Bonjour, paysan ! Peux-tu me donner ton cheval ?"

Le vilain a levé difficilement la tête pour me regarder d'un air suspicieux.

"Hé ! Vous m'avez l'air bien mal en point... Pourquoi j'vous donnerais mon canasson ? Qui portera mes sacs de seigle si je l'ai plus, hein ?"

Je ne voulais pas révéler mon identité à un individu qui allait à coup sûr s'empresser de répéter cette information dans la taverne du coin. Le paysan lorgnait depuis quelques minutes sur la bague ornée de deux rubis que je portais à la main gauche. Il a repris :
"On pourrait p'être s'arranger. J'vous donne cette vieille rosse en échange de vot' jolie bague. C'est un bon marché, hein ?"

J'ai réfléchi. Je n'avais guère d'autre choix. Alors, j'ai donné à contre-cœur mon bijou au vilain, qui a pris ses sacs sur son dos et a disparu à travers champs.

Je me suis hissé sur le cheval, qui a accepté de trotter mais pas de galoper.

Je préfère ne pas repenser à ce trajet affreusement inconfortable. J'étais secoué dans tous les sens sur cette vieille monture boiteuse, je tremblais de froid et je craignais à tout moment de tomber d'inanition.

Les gardes de Zouzouland ont dû être extrêmement surpris de me voir arriver en chemise, pieds nus, grelottant, sur une rosse. L'un des guetteurs a ordonné que le pont-levis soit abaissé et que la herse soit levée.
L'accueil a été chaleureux et cela m'a mis du baume au cœur. Un archer d'élite m'a soutenu jusqu'à mes appartements.

Assis près de l'âtre, dans le même fauteuil qu'aujourd'hui, j'ai mangé goulûment le potage et le riz au lait qu'on m'a apporté. Pendant ce temps, le soldat m'a fait le récit des événements qui s'étaient déroulés durant son absence :

"On a vaincu la reine Yselda, avec le roi et tous les seigneurs d'Okord ! Enfin, je n'y étais pas. Sinon je ne serais pas là à vous parler, parce qu'aucun archer n'est revenu. A son retour, Dame Lhassa s'est enfermée dans les souterrains avec le devin. Il y avait forcément quelque chose de louche là-dessous. Moi j'pensais qu'ils fricotaient ensemble, mais il semble que se soit pire que ça. Certains disent qu'elle a envoyé des espions récupérer un livre dans la tente de la reine barbare. Un artefact magique.
"Un messager du Vicomte Jeyangel a apporté une lettre. Ensuite, ça a été l'effervescence : Dame Lhassa a envoyé un coursier chez Jeyangel et le Comte Momo est arrivé. Alors, là, j'ai pensé de suite qu'il avait anguille sous roche. Vous voyez. Puis des moines copistes sont venus à leur tour. Et la Vicomtesse est allée aux cuisines pour prendre un bouquin de recettes. Momo s'est fait faire un sac renforcé pour protéger un objet précieux et son dos.
"Les moines sont repartis cette nuit à Isgramoor. Le Comte Momo s'en est allé à l'aube avec une escorte de cavaliers. L'un d'eux, qui est un copain, m'a dit qu'ils se rendaient à la grotte du Temple. Ce matin, c'est Dame Lhassa et le devin qui ont pris la route. Juste tous les deux. Pour aller cueillir des plantes, ils ont dit. Mais, moi, j'ai eu les confidences d'une femme de chambre et elle, elle aime bien écouter aux portes. Une vraie commère ! Eh bien ! J'vous jure, la Vicomtesse va aussi au Temple !
"J'ai des soupçons depuis quelques temps, mais à présent, j'en suis sûr : Le Comte Momo et la Vicomtesse sont amants ! C'est affreux ! Et c'est pour cela que vous avez été éloigné. Mais, moi, j'ai jamais cru à ces sottises comme quoi vous étiez devenu fou !"

Je lui ai fait remarqué :
"Je n'ai pas compris grand'chose de ce que tu viens de me raconter, mon brave. Toutefois, tu as éveillé des craintes en moi."

Je sentais mes nerfs tendus comme les cordes d'une harpe. Mon sang bouillait dans mes veines. Je suis sorti précipitamment du donjon et me suis rendu dans les écuries.
"Sellez mon cheval, vite !"

L'écuyer m'a fixé d'un air stupide.
"Messire... Vous êtes sûr..."

"Faites ce que je vous dis !"

L'archer d'élite est intervenu :
"Mon seigneur, vous devriez vous reposer..."

Je me suis emporté :
"Taisez-vous ! Si vous ne préparez pas ma monture immédiatement, je le ferai moi-même !"

Pendant que l'écuyer harnachait mon cheval, j'ai fait un tour dans la caserne et j'en suis sorti avec un arc et un carquois à la main. Je me suis mis en selle et je suis parti au galop en direction de cette grotte, qu'on appelle Le Temple en raison de sa voûte majestueuse.



Lorsque j'ai aperçu les bois, j'ai mis pied à terre, afin de continuer à progresser sans mon cheval. J'étais persuadé que mes soupçons étaient fondés ; je craignais donc d'être repéré et attaqué. Je marchais d'un pas le plus léger possible. La colère me donnait des ailes.

Soudain, j'ai entendu des voix. Des cavaliers - mes cavaliers ! - étaient réunis. Au milieu d'eux se tenait le Comte Momo. Il portait sur le dos une sorte de sac en cuir renforcé par du métal. Je ne comprenais pas ce qu'il faisait avec mes hommes. Il se tenait là, devant moi, à portée de mon arc. J'étais en train de me demander si je devais aller le voir pour obtenir des explications ou lui tirer dessus, quand un pigeon noir a volé jusqu'à lui et s'est posé sur son bras. J'ai vu Momo confier le volatile à l'un des cavaliers puis partir à vive allure vers l'entrée de la grotte.

Le doute n'était plus permis ! Ce pigeon était la preuve d'un message codé entre mon épouse et mon ancien frère de combat !

J'ai été pris de vertiges. Je croyais que mon cœur allait transpercer ma poitrine. J'ai attendu que le Comte Momo soit hors de ma vue, avant de me glisser entre les buissons et les troncs d'arbres, jusqu'à l'entrée du Temple. J'ai constaté la présence de quatre chevaux. Je ne me suis pas posé de questions. Je n'ai pas regardé la marque qu'ils portaient. J'aurais dû. Cela m'aurait peut-être poussé à réfléchir. Mais j'avais hâte d'aller voir ce qui se passait dans cette troglodyte.

J'ai délicatement écarté le lierre qui masquait l'entrée. Je marchais sur la pointe des pieds. Ma concentration était extrême. Le chemin était vraiment long. La fatigue, l'anxiété et la nervosité me faisaient tourner la tête. Je me suis arrêté un instant pour respirer.
J'entendais des murmures au loin qui se mêlaient avec le son de l'eau. Une rivière souterraine traversait la grotte.

Quand je suis parvenu à l'intérieur, j'ai cherché du regard où se trouvait ma femme. Les grappes de champignons luisants accrochées aux parois éclairaient faiblement l'intérieur d'une lumière verdâtre. Cela donnait une ambiance assez fantomatique. Je me sentais mal à l'aise. Je n'ai jamais aimé les choses occultes, contrairement à mon épouse.
Je suis arrivé sans bruit jusqu'à l'eau. J'ai regardé mon reflet et cela m'a quelque peu effrayé : j'étais méconnaissable. Deux cernes sombres et profondes marquaient mon visage blafard. Mes joues étaient émaciées.

Soudain, j'ai remarqué des formes humaines - un homme et une femme - côte à côte ! Sans hésité, sûr de moi, j'ai bandé mon arc et j'ai tiré. J'ai entendu le sifflement de la flèche.
Mon ami de toujours, Momo est tombé face contre terre, une flèche plantée dans la nuque.
Lhassa a hurlé.

Je me tenais debout au milieu de la grotte, mon arc prêt à tirer. J'ai crié :
"Ma Dame, je ne vous donnerai qu'une seule et unique occasion de vous expliquer. Vous m'avez empoisonné. Vous avez tenté de m'assassiner. Et vous vous êtes déshonorée avec cet homme que je pensais être un ami !"

Je me suis avancé jusqu'à une pierre en forme de table, sur laquelle étaient posés une chandelle, un ouvrage épais et des manuscrits aux écritures étranges. "Ce sont sans doute les pages copiées par les moines," ai-je songé. Par terre, se trouvait un autre livre.

A ce moment, je me suis aperçu de la présence du Vicomte Jeyangel, de son mage et du devin. Ils me faisaient face, de l'autre côté de la pierre, dans la pénombre, tournant le dos à la parois moussue. Ils me fixaient comme si je venais de tomber du ciel.
J'ai jeté mon arc, puis j'ai dégainé son épée en m''écriant :
"Une réunion secrète ! Que manigancez-vous ?"

J'ai feuilleté rapidement le grimoire. Il était rempli de symboles terrifiants et incompréhensibles. J'ai senti comme une brûlure à la main. Horrifié, j'ai balancé le livre plus loin sous le regard médusé des autres.
"Sorcellerie ! Voilà ce que vous manigancez ici ! Si ce pauvre monde va si mal, c'est à cause de telles pratiques !"

Dame Lhassa m'a dit :
"Vous perdez la tête, mon ami !"

A ce moment, j'ai cru entendre un froissement. Je me suis retourné. J'ai vu des individus mystérieux qui arboraient une main rouge sur leur poitrine. Les jugeant menaçants, j'ai pointé ma lame en leur direction.
"N'approchez pas !"

Les ombres ont continué à avancer.

J'ai fait péniblement quelques pas jusqu'à mon épouse qui tentait en vain de faire reprendre connaissance au Comte Momo.
"Je ne suis pas fou ! Vous avez engagé un soi-disant médecin pour qu'il me drogue avec des plantes et des champignons. J'ai acquis la certitude que vous vouliez ma mort ! Et vous auriez sans doute réussi si je n'étais pas parvenu à m'enfuir. Et peut-être même que vous auriez épousé en seconde noce ce traître de Momo."

J'ai levé mon épée.
"Faudrait-il que je vous tue, ma Dame ?"

Un éclair m'a brusquement aveuglé. J'ai immédiatement abaissé mon bras. Tout est devenu tellement blanc que je ne pouvais plus rien distinguer. Pourtant, des gens se déplaçaient dans la grotte en chuchotant.

La lumière éclatante s'est progressivement estompée.
Un groupe d'hommes emportaient le seigneur Momo sur une civière. Deux étranges individus fermaient leur marche: un homme à la peau sombre coiffé d'une sorte de turban et une fillette au teint très pâle. Ces deux derniers portaient la même tenue sombre arborant une main rouge.

J'étais abasourdi. Je n'en croyais pas mes yeux. Je me suis pincé pour être certain que je ne rêvais pas.

Un homme énigmatique, qui était resté dans la grotte, a pris la parole :
"Je suis désolé d'avoir abusé vos sens mais cela était inévitable. Nous emportons votre ami Momo afin de le soigner chez nous là où les mages-médecins sauront le guérir. Sa blessure est des plus grave mais nous avons des sorts qui permettront de le stabiliser pendant le voyage. Je ne saurais que vous conseiller de ne pas nous en empêcher. Si l'envie vous prenait malgré tout de vouloir nous barrer la route, demandez conseil à votre compagnon Jeyangel, et demandez-lui ce qu'il en pense. Il connait très bien notre puissance et ne fera jamais l'erreur de se mêler de nos affaires."

Il a fait une courte pause avant de reprendre :
"Jeyangel, je vous assure que je ne suis ici que pour rendre service à un ami, rien de plus. Il n'est pas dans les prérogatives de mon ordre de faire la moindre ingérence dans les affaires de votre pays."
Le mystérieux individu s'est dirigé vers le couloir qui menait dehors.

Mon épouse s'est adressé à Jeyangel:
"Le seul homme que j'ai reconnu est le mentor de Momo. Il est sorti aux cotés de cette fillette étrange. En revanche cet homme mystérieux s'est adressé à vous sans la moindre hésitation. Je crois que vous nous devez des explications sur ce qui vient de se passer."

Le Vicomte Jeyangel a semblé réfléchir avant de reprendre la parole :
"J'ai connu ces ordres dans un autre royaume fort lointain. J'ai même fait partie des rangs de la Confrérie de la main noire mais je les ai quitté pour raisons personnelles. En revanche l'ordre des psijiques est des plus mystérieux. Il semblerait que votre ami Momo ait eu pour mentor un membre éminent de la Confrérie. Je ne pense pas que nous le reverrons de sitôt pour peu qu'il survive à cette blessure."

Puis, il s'est tourné vers son mage pour s'entretenir avec lui.

J'étais épuisé. Je me suis assis sur une petite roche plate. Ma femme, Lhassa, s'est accroupie devant moi. Des larmes étaient encore visibles sur son visage.

"Qu'est-ce qui vous a pris de tirer ainsi sur le Comte Momo ?"

J'ai haussé les épaules.
"Je... On m'a dit que vous et le seigneur Momo entreteniez une liaison dangereuse. J'ai cru mon honneur sali."

Elle parlait d'une voix étrangement calme et posée. Elle me raconta une histoire à dormir debout. Mais j'ai retenu qu'elle jurait ne jamais avoir songé un seul instant à me tromper. Des remords m'ont alors envahis. Je me suis senti mal. J'avais sans doute tué un ami en accordant trop d'importance à des ragots.

"Comment pourrais-je un jour me faire pardonner cette sinistre erreur?"

Cette question n'avait aucune réponse.

J'avais des douleurs partout. Je voulais qu'on me laisse tranquille. Je me suis levé et je me suis traîné jusqu'à la sortie. J'ai marché entre les troncs d'arbres et les buissons. Un sentiment de vide m'habitait.

J'ai pris les rênes de mon cheval et je suis allé jusqu'au groupe de cavaliers. Ils m'ont tout de suite reconnu.

"Seigneur Monstro ! Quelle joie de vous revoir !"

Je leur ai demandé s'ils avaient vu quelque chose. L'un d'eux a pris la parole :

"Pour sûr, mon seigneur, qu'on a vu un fait étrange. Un groupe d'hommes, tout de noir vêtu, est sorti de la grotte. Vous voyez, d'ici on aperçoit l'entrée. Le problème, c'est qu'on ne les a pas vu entrer ! Ils portaient une civière. Mais on n'a pas vu qui était dessus. Ils se sont immobilisés. L'un d'eux récitait une formule magique. Elle ne pouvait être que magique vue ce qu'il s'est passé ensuite. Là, un nuage bleu les a enveloppé. Si, si, j'vous assure ! Et quand ce nuage a disparu, il n'y avait plus personne !"

Je ne savais pas quoi leur dire. Je suis resté silencieux, puis je leur ai ordonné de rentrer à Zouzouland avec moi.

"Mais, on doit attendre le retour du Comte Momo !"

J'ai répondu :
"Il est déjà parti."

"Quoi ? M'enfin, on l'a pas vu sortir de cette maudite grotte !"

Je leur ai fait signe de se mettre en route.

"On n'attend pas non plus Dame Lhassa ?"

J'ai secoué la tête.

Je n'aurai probablement pas de nouvelles de Momo. Je ne saurai sans doute pas s'il a pu être sauvé.
Concernant Lhassa, je ne sais pas encore quelle mesure prendre. Elle n'est pas encore rentrée au château. Néanmoins, je ne prendrais aucun risque : elle m'a tout de même empoisonné et séquestré.

#2 2015-02-28 22:48:50

Morgan

Re : L'accident du Comte Momo

Pour ceux qui ont aimé cette histoire, magnifiquement comptée par Monstro, et j'en sais que vous êtes nombreux, vous pouvez avoir l'histoire intégrale ici : http://arald.forumactif.org/t218-tueur- … pour-okord

Tout part d'Yselda et nous arrivons ensuite à la fin que vous connaissez... :-)

#3 2015-03-03 14:43:24

Lhassa

Re : L'accident du Comte Momo

Cher Prince Morgan,

C'est le cœur lourd, que j'écris cette lettre. Je vous confirme les rumeurs qui circulent : le Comte Momo a eu un terrible accident il y a trois jours.
Suite à un malentendu et à la prise, contre mon gré, de champignons hallucinogènes, j'ai malheureusement tiré une flèche dans la direction du seigneur Momo. Il a été gravement blessé et emmené dans une contrée lointaine afin d'y être soigné.
Je n'ai pas de nouvelles depuis. Je ne sais pas s'il s'en remettra. Il se peut qu'il garde des séquelles...
Croyez que je m'en veux au plus au point. Sire Momo est un ami de longue date.
Je ne sais pas si je pourrai me pardonner ce geste qui a failli lui causer la mort. 

Veuillez recevoir mes respectueuses salutations,

Vicomte Monstro

#4 2015-03-03 18:10:01

jeyangel

Re : L'accident du Comte Momo

Vicomte Monstro,

C'est, je le reconnais, avec une certaine hâte entre plusieurs projets importants que je vous envoie ce message.
Prétendre que je connaissais le Comte Momo serait mentir, mais ce n'est pas pour autant que son sort m'est indifférent.

Ma question va peut-être vous sembler étrange mais: avez-vous récupéré la flèche qui a blessé le Comte?

Si oui, je ne peux rien vous promettre mais peut-être pourrais-je tenter certaines choses, si ces mystérieux mages étaient impuissants à le soigner.

Jeyangel De Dracangia.

#5 2015-03-03 22:57:24

Lhassa

Re : L'accident du Comte Momo

Cher Vicomte Jeyangel,

Votre empathie pour le Comte Momo me touche beaucoup.

Malheureusement, je crains de ne vous être d'aucune aide. En effet, je n'ai pas récupéré cette flèche. J'ai quitté l'endroit de façon assez hâtive après m'être rendu compte de ce que je venais de faire.

Par contre, il se peut que mon épouse, Dame Lhassa, ait retiré la flèche, car, si mes souvenirs sont exacts, elle essayait de ranimer Momo.

Je dois vous avouer que je n'ai pas de nouvelles de sa part. D'ailleurs, je ne suis pas pressé de la revoir devant moi ; voilà pourquoi je n'enverrai personne la chercher.
Elle n'est pas rentrée au château et peut-être est-elle encore dans cette maudite grotte.
Vous pourriez y envoyer un coursier...

J'espère sincèrement que le Comte Momo pourra guérir de sa blessure. Si vous saviez à quel point le remord me ronge !

Bien à vous,

Vicomte Monstro

#6 2015-03-04 12:26:58

jeyangel

Re : L'accident du Comte Momo

Vicomte Monstro,

Croyez bien que je comprenne votre répugnance à revoir "votre Dame".
Sur ce point, je puis vous assurer que, si tout se passe comme je le pense, elle a quitter la grotte.
Puisqu'il se trouve que je dois la rencontrer bientôt, je lui demanderais donc pour la flèche.

Je tiens également à vous présenter mes plus sincères excuses.
En effet, si je n'avais pas organisé cette rencontre avec la Vicomtesse, tout cela ne serait pas arrivé.
Mais partant de là, nous pouvons tout aussi bien considérer que cela est la faute d'Yselda.

Je vous promets de vous contacter si j'ai des nouvelles de votre ami le Comte.

Jeyangel De Dracangia

Dernière modification par jeyangel (2015-03-04 12:28:36)

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