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#1 2017-11-20 00:52:58

Charles de La Pétaudière

Procès en exorcisme

« Monseigneur, nos commanderies nous signalent une vague d’espionnage.
- Eh bien faites comme à l’habitude, messire capitaine ! Qu’on pende ces gueux ! Vous n’avez pas besoin de mon autorisation. Vous voyez bien que je dîne.
- Les espions que nous avons capturés sont déjà pendus, Monseigneur, et nous les avons fait parler. Si je me suis permis de vous déranger, c’est que nous en avons déjà pendu plus de 25. C’est beaucoup en moins d’une heure.
- Effectivement, mais quoi, on veut savoir l’état de mon armée ? Tout le monde sait qu’elle existe et qu’elle est redoutable, non ? Cela ne veut pas dire que nous serons attaqués. Qu’ont dit ces misérables avant de mourir ?
- Ils ont tous dit la même chose, Monseigneur. Ils ont été envoyés par un vicomte. Messire Loutr. C’est un seigneur du Nord qui possède quelques fiefs dans nos régions. Il gouverne le Quintras occidental. Une province récemment prise à Carovar.
- Serait-il dangereux, ce seigneur Loutr ?
- Il est moins riche et moins puissant que vous, Monseigneur.
- Donc nous n’avons rien à craindre.
- C’est un disciple de la secte d’Yggnir. Ses armes ne figurent pas l’emblème maudit, mais enfin, c’est ce qui se dit. Votre père aurait pris…..
- Je ne suis pas mon père, Capitaine ! Il est parti bâtir son Preskoleny à Hilmmelsdorf. Je ne vais pas envoyer un courrier là-bas pour savoir ce qu’il aurait fait. Je suis assez grand maintenant pour décider seul. Ne m'a-t-il pas laissé la responsabilité de ses fiefs et de son titre?
- Fort bien Monseigneur ! Je suis à vos ordres ! Que faisons-nous ?
- Rien !
- Rien ?
- Non, rien ! Nous ne risquons pas d’être attaqué, j’ai fait récemment surélever tous les murs de nos commanderies, vous me l‘avez assez reproché d’ailleurs. Ce Loutr est faible, il ne nous attaquera pas.
Un autre soldat pénètre dans la grande salle ou Charles de la Pétaudière prend sa collation.
Monseigneur ! Monseigneur !
- Quoi encore ! Pourquoi faut-il que je sois dérangé sans cesse ! Mon père aurait-il toléré ce genre d’irruption ?
- La commanderie d’Entrevaux est assiègée, Monseigneur !
- QUOI ! » Cette fois-ci le jeune Charles s’est levé. Il a jeté la cuisse de poulet qu’il mangeait et dans l’emportement de son geste a renversé sa coupe de vin. «  Qui a osé ! »

#2 2017-11-21 12:26:53

Charles de La Pétaudière

Re : Procès en exorcisme

Charles de la Pétaudière est un miraculé. A l'âge de cinq ans, alors que son père bataillait contre les Osterlichois de l'autre côté du Grand canal, il fût pris de fièvres malignes. Sa mère désespérée avait fait chercher les meilleurs médecins et guérisseurs du Rhelm, du Quintras et de l'Helgor, mais il n'y avait plus d'espoir. Le marquis Enguerrand avait tué dix chevaux sous lui pour arriver à Nidaigle avant le trépas de son fils unique et le serrer une dernière fois dans ses bras. Il ressentait cette mort comme une punition des dieux, ou plutôt comme la vengeance d'un seul. Ce Podeswa que les Osterlichois adoraient au point de rejeter tous les autres. Il tuait par dizaines des hommes qui criaient son nom en mourant. Ce n'étaient pas des Strolatz armés jusqu'aux dents et caparaçonnés de fer noir, mais des paysans qui se jetaient sur ses défenses armés de faux avec l'espoir fou de chasser les impies de leurs terres. Quel dieu pouvait exiger un tel sacrifice? Et voilà que ce dieu se vengeait en lui prenant son fils.
Alors que tout espoir était vain, il fit l'ultime tentative de s'adresser à lui.
Il jura que, s'il sauvait son fils, il le reconnaitrait comme son seul et unique dieu, qu'il bâtirait une église en son honneur, qu'il ne maltraiterait plus son peuple.
Et le miracle eût lieu.
Charles le miraculé avait été élevé dans ce dogme. Il devait sa vie à Podeszwa. Il était un de ses élus. C'est par son truchement que le Dieu unique créateur de toute chose s'était révélé à son père. Ce dernier, trop occupé par ses guerres, l'avait confié très tôt à un précepteur venu d'Osterlich. C'était un moine exorciste du Preskoleny d'Orienenburg. Un homme ayant une connaissance très approfondie des livres sacrés, mais une approche très littérale de leur contenu.
La mort de sa mère, piqué par des scorpions bleus trouvés dans le lit de son fils, vint confirmer la protection divine de Podeszwa. Tous autour de lui, tentaient de réconforter l'enfant par cette idée saugrenue d'élu de Dieu, car Charles, ne comprenait pas pourquoi son dieu, soi-disant protecteur, avait laissé mourir sa mère.
Il se mit à rejeter ce dieu inique, égotique, voleur, qui l'avait privé à sept ans de l'amour maternel, jusqu'à ce que son précepteur lui lise le quatrième livre du Podreznik et qu'il comprenne la dualité de Podeszwa.
L'Harmonie du monde ne voulait pas dire que tout y était beau au regard de l'homme ni plaisant à son âme. L'Harmonie admettait l'existence de Ciemnota en tant que révélateur. Comme le sel donne du goût au plat, il était l'ingrédient nécessaire à la réalisation du grand dessein de Podeszwa.
A l'âge de huit ans il suivit son père et de nombreux seigneurs au grand Pélerinage à Wielkomiasty pour aller chercher la main du Zwiastun. Cette inestimable relique avait couté plus de dix millions aux adeptes Okordiens. Il fût confié, pendant le trajet au vénérable Vashem Greznik et suivit son enseignement. Mais au bout d'une dizaine de jours, il ne voulut plus le voir.
De mauvaises langues racontaient, sous le manteau, que l'intérêt du vieux Diacon pour les jeunes têtes blondes n'avait rien de spirituel. Charles eut conscience de l'hypocrisie que cachaient certains discours. Il trouva, dans le quatrième livre, des réponses aux multiples questions que le comportement des adultes avaient soulevé dans son esprit.
Il trouva son père superficiel. Incapable de comprendre le sens réel de Podeszwa.
Avec l'insolence naturelle des adolescents, il eût le sentiment d'être, lui, l'élu, seul capable de sentir la véritable voie du dieu créateur de toute chose. Il se conduisit pourtant en fils modèle, incapable de lutter contre la figure de héros et de droiture qu'Enguerrand incarnait, mais dès le départ de ce dernier pour Himmelsdorf, il décida que, désormais, les choses changeraient.

#3 2017-11-26 09:43:18

Castor

Re : Procès en exorcisme

-"Vicomte Loutr, pourquoi attaquer ce seigneur ? on le dit plus armé et plus riche que vous "
-"Peut-être, mais mes espions qui sont revenus de ses fiefs m'ont rapporté que les gens de ces maisons passaient leur temps à festoyer plutôt qu'à s'entraîner. Et même si certains de nos espions ont du être torturés pour parler, ils ne s'attendront pas à une offensive de notre part"
-"Certes mon seigneur, mais ne craignez-vous pas des représailles ?"
-"Le temps que les gens d'ici décuvent de leurs ripailles, nous serons déjà loin avec dans nos besaces, l'or pris dans les coffres"
-"Oui, mais ...."
-"Cela suffit maintenant! Trêve de bavardages! A l'assaut"

#4 2017-11-26 16:03:48

Charles de La Pétaudière

Re : Procès en exorcisme

Le spectacle est désolant. Les ruines fumantes sont jonchées de cadavres que les corbeaux ont déjà commencé à picorer. Des fortifications d’Entrevaux, il ne reste que quelques moignons de tour, comme les chicots espacés d’une bouche édentée. A la place des murs, des tas de gravats parsemés de morts. Ce sont des fantassins ennemis. Après avoir écrasé leur cavalerie, les chevaliers d’Entrevaux se sont battus à pied, défendant les brèches que les trébuchets adverses avaient ouvert dans les murs de leur commanderie. Chaque homme a emporté dix ennemis avec lui au paradis de Pektjaïr, mais submergés par le nombre ils ont péri sur place, l’un après l’autre, sans céder le moindre pouce de terrain. Les Huskarls se sont acharnés sur leurs cadavres pour se fabriquer des trophées.
Charles a bien donné l’ordre de lever l’ost, mais ils sont arrivés trop tard.  L’attaque devait être planifiée de longue date et l’armée ennemie, son forfait accompli, s’était prudemment repliée et retranchée dans un des fiefs fortifiés de ce vicomte de malheur.

Il n’y a plus rien que nous puissions faire, Monseigneur. Sinon de dresser des bûchers et de rendre à nos morts des funérailles dignes.

Charles n’a pas un regard pour ses capitaines. Il fixe les ruines, les dents et les poings serrés. Il n’arrive pas à détacher son regard de ce spectacle. C’est l’infamie qu’il voit. La perversité. L’ignominie de ce seigneur qui l’a attaqué sans raison. Son esprit ne fonctionne plus. Une idée s’y est incrusté. Vengeance.

Dès que les trébuchets seront là, donnez l’ordre à l’armée de marcher sur le fief de ce vicomte. Je veux le rayer de la carte. Qu’on n’imagine même pas qu’il y ait eu un château à cet endroit. Capturez- moi tous ces Huskarls, qu’on décapite les morts et qu’on exhibe leurs têtes sur des piques. Que les survivants soient crucifiés !

Les capitaines se regardent. Le vicomte Loutr est un petit seigneur peu armé. Il sera facile de raser son fief mais ce sera peu glorieux. Enguerrand n’aurait jamais donné un tel ordre. Il aurait attendu d’avoir le bon droit de son côté et aurait pris le temps de mettre en place une stratégie solide. S’ils attaquent à chaud, ils risquent de fâcher de grands seigneurs.
Charles se retourne et voit leur mine hésitante. Ses capitaines sont de vieux soldats. Certains ont le même âge que son père et ont mené toutes ses batailles. A leurs yeux, c’est un gamin. S’il ne fait pas preuve d’autorité maintenant, il ne sera jamais le vicomte de la Mortquitue.

Combien d’hommes leur reste-t-il ?

- Douze cents lanciers, treize cents Huskarls, seize cents archers et quelques engins de siège Monseigneur !

- Et nous avons 3000 archers, près de 5000 fantassins, 500 chevaliers, autant de Strolatz et 3000 cavaliers, nous avons donc suffisamment de troupe pour les écraser sans peine. Allons-y avant qu’ils ne nous échappent !

- Ils quitteront leur fief avant notre arrivée, Monseigneur. Nous trouverons des murs vides et nous nous exposerons à une contre-attaque sur le chemin du retour.

Une colère sourde monte dans la poitrine de Charles. ça lui vient des tripes, mais ça lui opprime le plexus. C'est comme une envie de pleurer, mais ce n'est pas de la tristesse qu'il éprouve. C'est une rage immense. Une envie de mordre. Il faut que quelqu'un ait mal, il a envie d'entendre des cris d'agonisants. Il devient écarlate et se met à crier.

Je me fiche éperdument de savoir ce qu’ils feront ou pas ! Vous êtes mes capitaines et non mes conseillers ! Vous obéissez à mes ordres ou je vous remplace ! Est-ce clair ? Je veux que nous marchions dès que les trébuchets sont là. C'est maintenant qu'il faut frapper! Pas de pause, pas de halte ! Je veux voir ce fief bruler avant la nuit !

- Et les morts, Monseigneur?

- Ils seront toujours là à notre retour. Nous n'aurons le droit de les pleurer que lorsque nous nous serons montrés digne de leur sacrifice!

Quoi dit, il fait tourner bride à son cheval et part au grand galop pour rejoindre le gros de sa cavalerie.

#5 2017-11-27 11:28:33

Charles de La Pétaudière

Re : Procès en exorcisme

L'affaire fût rondement menée.
Sept, le fief qui avait vu partir l'ost de Loutr brulait.
Charles contemplait le brasier.
Alors que ses capitaines s'impatientaient derrière lui, il était comme hypnotisé par les grands tourbillons rougeoyants qui léchaient les pans de murs noircis et expulsaient des myriades de lucioles dans la nuit. Le feu purificateur était en train de nettoyer la fange. Il ne détruisait pas que les charpentes qui s’effondraient brutalement dans un grand fracas en générant une éruption d'étincelles brillantes, il effaçait les traces de toute vie, tuait les miasmes qu'elle avait laissé et qui aurait infesté de nouveau les vivants qui seraient venus s'installer. Le feu était beau, fascinant. De toutes les créations de Podeszwa c'était la plus miraculeuse. Les hommes l'avaient domestiqué et s'en servaient paisiblement dans leurs cheminées mais cet usage calme et docile ne reflétait pas la vérité. Il suffisait de laisser la bride sur le cou de cet animal pour découvrir ce qu'il était à l'état naturel. Un monstre dévoreur. La vengeance de Podeszwa.
Comme un géant, il faisait craquer les plus grosses poutres de ce château comme de simples brindilles et s'effondrer ses murs dans un bruit de tonnerre.

Les soldats aussi regardaient l'incendie. Mais ils avaient l'oeil morne des mauvais jours. Ils n'avaient rencontré qu'une douzaine de lanciers et les coffres de la ville avaient été vidés. Comme les gradés se servaient en premier, autant dire qu'ils ne toucheraient rien, à part peut-être une double ration de bouffe. Les chariots qui étaient partis avec l'or avaient laissé une montagne de ravitaillement. Leurs capitaines les avaient lancé à l'assaut sans conviction, certains de ce qu'ils allaient rencontrer. On repartirait en trainant la lance et on se ferait le chemin de retour à pince comme d'habitude avec l'angoisse sourde de se faire rattraper par l'ost du puissant suzerain de ce petit vicomte qui ne manquerait pas une occasion de les surprendre en rase campagne avec les lourds trébuchets qu'ils trimballaient et qui n'avaient servi qu'à effondrer des murs vides.
Ils attendaient le bon vouloir de ce gamin qui était devenu leur seigneur et qui jouait avec son ost comme avec ses soldats de bois. Ils avaient beau être motivés pour venger leurs camarades morts à Entrevaux, ils ne croyaient pas ce jeune coq, bouffi d'orgueil, capable de le faire. Ils sentaient confusément que leur seigneur se fichait éperdument de ses chevaliers et qu'il ne cherchait, en fait, qu'à effacer la tache que le vicomte Loutr avait fait à ses armoiries. Qu'il voulait effacer le souvenir de son manque de discernement. Dans l'armée, le bruit courrait qu'il avait tardé à lever l'ost, certain que l'attaque qu'on lui annonçait était une diversion et qu'il aurait pu sauver les chevaliers d'Entrevaux s'il avait pris la bonne décision.

#6 2017-11-29 12:23:02

Charles de La Pétaudière

Re : Procès en exorcisme

Il pleuvait. L'humidité s'infiltrait partout. Le camp n'était plus qu'un vaste champ de boue envahi par l'épaisse fumée des feux que les soldats essayaient de protéger tant bien que mal. Cela faisait une semaine qu'on pataugeait dans la gadoue et tout ça pour quoi? Les soldats se le demandaient bien. Ils regardaient avec appréhension la tente du Vicomte ou s'étaient rassemblés ses capitaines, et d'où sortirait des ordres imbéciles. 
Charles se pencha sur la carte. Les principaux fiefs du vicomte Loutr se situaient loin au Nord-Est, dans le Goêtia Septentrional.

Mener une expédition vers ces terres serait une folie. Monseigneur! Commentait le capitaine de la Marche. En imaginant que nous puissions traverser le tiers du royaume sans être repéré, ce qui semble déjà impossible, la route du retour serait probablement bloquée par un ost puissant que nous serions contraint d'affronter avec le risque d'être défaits et vous-même capturé.  C'est un risque que votre père aurait envisagé si le profit en valait la peine, mais dans le cas présent....

Charles coupa le vieux soldat.

Arrêtez de me parler de mon père, Messire. Nous ne vivons pas dans le passé! J'ai une guerre à mener et n'ai pas besoin de préventions inutiles. Je sais très bien ce que je fais!

Les cibles atteignables sans trop d'effort n'étaient pas nombreuses et toutes aussi ridicules. De toute façon cette guerre était ridicule. Il ne restait que Sixte, aussi proche que Sept, N'Oeuf, un jeune fief sans défense et la forteresse de Loutresse qui commandait la province du Quintras Occidental.
Attaquer Sixte aurait les mêmes effet que leur première expédition sans l'excuse d'avoir détruit le fief d'où était parti l'ost assassin.

Envoyez une armée prendre la forteresse de Loutresse. Décida Charles. Il y a des trébuchets à Fonscolombes, ça devrait suffire.
Nous ne pourrons nous en emparer, Monseigneur, mais seulement la piller. Et n'envoyer que des trébuchets comporte un risque.

Charles bouillonnait. Il n'entendait parler que de risque et de précaution; de ces rengaines de vieux soldat usé qui ne croit plus en l'avenir.

Eh bien pillons-là. S'emporta -t-il. et si vous y tenez envoyés une dizaine de chevalier escorter vos engins.

Les capitaines restèrent muets, mais Charles devina leurs pensées. Ils devaient se dire: Encore un coup d'épée dans l'eau.

C'est une attaque de diversion! Cria-t-il . Je me fous de cette forteresse comme de ma première chainse (1)! Je veux que ce barbare sache que je ne le lâcherai pas!  Je ferai s'écrouler les murs de tous ses châteaux s'il le faut et peu importe le prix que ça coutera!

C'est bien ce qui inquiétait ses capitaines. On peut faire marcher les hommes, encore faut-il qu'ils comprennent pourquoi et que le jeu en vaille la chandelle.

Et nous levons le camp! Nous partons à Ronceval! Il y a bien trop d'espions par ici.

Des espions il y en avait partout. Ronceval n'était certainement pas épargné. Mais qu'importe. Il ne fallait pas se replier trop loin.



(1) la chainse est une chemise d'homme du moyen-âge

#7 2017-12-04 17:32:33

Charles de La Pétaudière

Re : Procès en exorcisme

Nos espions ont repéré le vicomte Loutr, Monseigneur!

Charles de la Pétaudière haussa les épaules. Sans même se retourner vers son capitaine, il persiffla:
Je suppose que ce suppôt de Ciemnota est parti se cacher aussi loin que possible.

Justement non, Monseigneur! Il est de retour à Sept!

Comme si une dague venait de lui piquer le dos, Charles se retourna vivement. Son visage encore poupin s'éclaira.
A sept! Ce fou est assez fou pour revenir dans un fief sans muraille et à portée de ma cavalerie? Qu'on aille me le chercher!

C'est que nos cavaliers ont quitté Ronceval, Monseigneur! Ils marchent vers Fonscolombes pour rejoindre l'ost!

Qui a donné un ordre aussi stupide? Qu'ils fassent demi-tour immédiatement, et qu'ils prennent la direction de Sept dans la foulée!

Le capitaine n'osa pas répondre à la question. C'était, bien entendu, sur ordre de leur vicomte que les cavaliers étaient partis. Il interpella une estafette, gribouilla deux lignes sur un bout de parchemin, y déposa le sceau des la Pétaudière et lui confia le document:

Rejoignez la lance du Sire de Trémoille au plus tôt et transmettez lui ce message.

L'homme partit en courant. Au même moment, un espion vint faire son rapport. Le capitaine prit connaissance de son compte-rendu et ses sourcils se froncèrent de surprise et de contrariété.

La cavalerie retourne en garnison à Ronceval selon vos ordres, Monseigneur! Pour l'attaque de Sept, je crains qu'il ne soit un peu tard. Notre espion vient de m'annoncer que 27.000 hommes étaient bientôt attendus dans ce fief. Nous ne connaissons pas la composition de cette troupe, mais même s'il s'agissait de simples fantassins, nos hommes seraient débordés par le nombre.

Le visage de Charles se crispa et prit la couleur d'un linge. 

27.000 hommes! ET nous sommes?

Une quinzaine de mille à Fonscolombes pour le moment, Monseigneur, mais les renforts sont en route. A part les quatre mille cavaliers qui vont repartir à Ronceval....

La lèvre tremblante, la sueur perlant à son front, Charles prit sur lui pour se donner une contenance. Il n'était pas question de montrer à ses capitaine la défaillance qui s'était soudain emparée de lui. Il articula aussi calmement qu'il pût:

Faites venir plus de troupes!

Jehan de Corville avait plus de campagnes à son actif que son seigneur d'années en âge. Il avait l'habitude de voir la peur froide s'afficher sur les visages des soldats avant la bataille. Il la reconnaissait sur celui de son suzerain, mais il avait trop d'estime pour le père pour juger le fils. Il fit comme s'il n'avait rien remarqué.

Nous avons des réserves à Valfort, Montazur et la Morquitue, mais ce sont des fantassins et ils ne seront pas là avant demain.....

Comme souvent, chez les faibles, la colère tient lieu de courage. Charles se mit brusquement à hurler.

Qu'importe! Qu'ils viennent! Et rappelez aussi les cavaliers! Je veux toute mon armée! Si ce morveux de vicomte veut la bagarre, il va me trouver!

#8 2017-12-11 15:06:19

Charles de La Pétaudière

Re : Procès en exorcisme

Monseigneur, nos cavaliers ont attaqué victorieusement le fief de Sept.

Ils ont battu 27.000 hommes à eux seuls? Ce sont des héros! Je veux les voir et leur donner une prime à chacun!

Non, Monseigneur! L'armée en question a fait demi-tour. Nos cavaliers n'ont trouvé que des engins de siège et une centaine de transporteurs, qu'ils ont détruit, mais c'est une grande victoire malgré tout, car le vicomte était présent. Ils l'ont fait prisonnier et le ramènent à Ronceval,couvert de chaines.

Comment? J'ai fait prisonnier ce ladre?

Charles de la Pétaudière exulta.

Ahaha! Vous voyez! J'avais raison d'insister! Mon père n'aurait pas fait mieux!

Il tambourina sur la table.

Faites fabriquer une cage en fer..... Pas trop grande! qu'il soit vouté à l'intérieur! Je vais l'inviter dans mes souterrains de Nidaigle. Il est seul?

Nos hommes n'ont pas fait de prisonnier, à part lui.

Tant pis! Trouvez-moi quelques malandrins! Nos geôles ne sont certainement pas vides. Nous offrirons de la compagnie à notre invité. Je ne voudrais pas qu'il se plaigne t'être tenu au secret. Nourrissez-le bien! Je ne veux pas qu'il maigrisse! Et puis convoquez mon ancien précepteur. Qu'il vienne dans mes appartements! J'ai besoin de m'entretenir avec lui en privé.

Dois-je envoyer un émissaire dans la capitale du vicomte pour réclamer sa rançon, Monseigneur?

Pourquoi faire? Nous ne sommes pas à court d'argent, Capitaine! Le sommes-nous?

Non, Monseigneur! Vos coffres sont pleins....mais c'est la coutume...

Bien! dans ce cas......Et puis non! Après tout nous ne sommes pas pressés!

Charles se frotta les mains. Ses capitaines ne l'avaient jamais vu dans cet état. Il était triomphant comme s'il avait écrasé l'armée du vicomte Loutr à lui tout seul. Sans doute était-ce le contrecoup de l'angoisse qui l'avait étreint ces derniers jours à la perspective de la grande bataille qui se profilait et dont il redoutait l'issue. Tout à coup, l'incroyable légèreté de son ennemi, qui avait permis sa capture, devenait le résultat de son génie tactique. 
Il quitta la pièce, secoué de rires nerveux, comme un homme ivre.

#9 2017-12-28 12:20:28

Charles de La Pétaudière

Re : Procès en exorcisme

Les souterrains de Nidaigle sont en partie constitués des carrières dont on a extrait la pierre pour bâtir le château. Ils sont vastes et certaines cavités ont une dimension telle qu'on y pourrait loger un Katadra.
Depuis que Charles a pris la succession de son père, il y a fait des aménagements.
Conscient que les attaques des ennemis de la foi se font nuitamment, de manière sournoise et sans crier gare, il a créé un certain nombre de cachettes pour pouvoir se réfugier en cas de prise de la forteresse. Elle sont accessibles par un passage secret qu'il a fait aménager dans sa chambre de sorte qu'il puisse fuir directement en pleine nuit. A cette fin, un tunnel traverse la montagne et débouche sur son versant opposé.
Mais il a aussi profité de ces cavités pour y aménager des geôles d'un genre particulier.

Depuis qu'il est à la tête du vicomté, son autorité, lui semble-t-il, est bafouée.
Certes, ses capitaines ne discutent pas ses ordres, mais enfin, ils ne sont pas aussi empressés à les exécuter que du temps de son père. Quant au personnel, il fait semblant de le servir avec docilité, mais Charles sait que l'on rit derrière son dos.
Il sait bien les sobriquets qu'on lui donne. Charles le petit, Charles le chétif,Charles le craintif.
Au début, il laissait éclater sa colère, quand l'eau du bain était trop chaude, ou quand on tardait à le servir, mais le fouet n'arrivait pas à rabattre la morgue de tous ceux qui se moquaient de lui.

Jusqu'à ce qu'il eût l'idée d'instituer une prime de dix écus pour qui dénoncerait le crime de dénigrement de son seigneur. Depuis que la mesure est entrée en vigueur, ses sénéchaux croulent sous les dénonciations et le nombre de condamnés a explosé si bien que les prisons étant pleines, on a aménagé les souterrains de Nidaigle pour accueillir cette population particulière de détenus.
Pour les cas les plus graves, Charles a imaginé un système d'oubliette constitué de cages de fer qu'on laisse descendre, au moyen de palans et de cabestans, dans un trou creusé dans la roche.

C'est là qu'il a fait enfermer le vicomte Loutr. Non seulement on lui a trouvé une cage particulièrement basse et étroite, mais le trou dans lequel elle descend est à peine plus large et d'une profondeur de vingt toises. On le remonte deux fois par jour pour qu'il ne meure pas de soif, et Charles ne manque pas de le visiter à ces occasions.

Lors de sa capture, le Vicomte Loutr, un homme puissant et plein de vigueur, s'était débattu comme un lion. Il avait fallu pas moins de cinq hommes pour le maitriser. Maintenant, après trois semaines de cage, il était beaucoup moins vaillant, mais toujours aussi grossier. Il continuait à agonir d'injures son vainqueur dès qu'il le voyait, au point que Charles envisagea un moment de lui crever les yeux. Mais il y renonça, estimant que la cécité du vicomte, l'empêchant de voir sa déchéance, serait un soulagement.

Ce jour-là, alors qu'il venait, comme à son habitude, admirer son trophée en cage, la nouvelle lui parvint de l'attaque et la destruction de son fief de Chanteloup! Tout d'abord secoué d'une terrible colère qui l'amena au bord de la crise d'épilepsie, Charles fût pris d'un découragement brutal et sans fond. Les êtres faibles et pusillanimes sont sujet à ce genre de trouble qui les fait passer d'une grande excitation, à la dépression, en l'espace d'un instant. Le monde entier se liguait contre lui! Il voyait des ennemis partout et le combat était vain. A quoi bon lutter quand tant de gens veulent votre perte.
Quand le voile noir de l'accablement se dissipa, il retrouva ses esprits et prit une décision. Loutr devait mourir! Il n'était pas question qu'un ost vienne le délivrer en pillant Nidaigle.... 
Il fallait que Loutr meure, mais l'idée de le faire assassiner ne lui plaisait pas. C'était trop rapide, trop expéditif. cela ressemblait à une fuite. Et puis c'était un meurtre. Podeszwa lui pardonnerait-il ce geste?.... Assurément puisque Loutre était un disciple de la secte d'Yggnir..... Mais en même temps.....

C'est alors que l'idée d'un procès germa dans son esprit.

#10 2018-01-02 19:07:00

Konrad de Marbourg

Re : Procès en exorcisme

fous foulez gue che déclare Fotre brizonnier Hérétikeu, bour le kondamner au pûcher! Che  fois!
Z'est bossible naturellement! Mais il vaut un Brocès en rèkle!

Charles était plus que jamais secoué par ses tics nerveux. Il marchait de long en large, devant le frère Konrad, qui, lui, restait impassible comme une statue de sel.

Un procès, c'est évident! Mais un petit procès n'est-ce pas! .... On ne va pas y passer la nuit!

Un Brocès est un brocès, mon cheune ami! Il temande t'apord à être inztruit! Il vaut réunir tes breuves. Il vaut tes démoins. Guatre au minimum, bons adeptes et macheurs! Les vemmes ne comptent pas! Pien entendu!
Fous z'êtes un adepte de Bodeszwa, fous devez rezpecter les rèKles de l'Eglize. Zinon, fous tevenez Hérétique fous-même.

Bien, bien, je respecterai les règles. Vous aurez vos témoins....Des paysans, ça va? 

Che brevererais tes z'hommes plus tigne te barole, mais fous bouvez gompenzer par un blus krand nombreu!

C'est ça! Je vais vous en trouver dix....Non quinze!  Et pour l'instruction? Combien de temps vous faut-il? Une heure? Deux heures....remarquez un bûcher la nuit c'est bien aussi. C'est même mieux! Tiens je vous donne quatre heures!

Fous n'y benzez bas Vrère Jarles! Une Instrukzion temande bluzieurs chours! Barvois tes mois!

Mais il a attaqué ma commanderie d'Entrevaux! C'est suffisant, ça, comme preuve! Que vous faut-il de plus? Hop, le dossier est instruit!

Zela ne vais pas audomadikement te ze Ficomte, un témon! Beut-être est-ce zeulement un vilou gui a brovité de fous bour biller fotre or.

Charles est à bout d'argument. Il voulait tant que l’exécution ait lieue le soir même, qu'il en pleurerait. Un autre que le frère Konrad se serait opposé à lui, que le jeune vicomte aurait déjà explosé dans une colère noire. Pendant ses crises, il est capable de tout, y compris de tuer celui qui s'oppose à sa volonté. Cela se produit surtout quand il s'agit d'un serviteur. Devant ses capitaines, il se roule par terre. Mais devant le frère Konrad, il n'ose rien, même pas de se laisser aller à élever la voix. Seuls ses tics nerveux trahissent sa grande anxiété.

Vous avez raison, frère Konrad! Comme d'habitude! Je ne veux pas vous précipiter et tiens à ce que tout soit fait dans les règles. Qu'on ne vienne pas ensuite me reprocher je ne sais quelle cruauté vis-à-vis d'un prisonnier. A ce propos, j'avais pensé qu'on pouvait le faire rôtir au lieu de le brûler de manière classique....

Nein! Vrère Jarles! Le réklement est le réklement. Dizzipline, Vrère Jarles! Dizzipline! Z'est le réklement qui zeul rezpekte la zainte barole de Bodeszwa.Le Pûcher et rien t'audre! Tu pois cheune en bedit vakot bour que le feu brenne fite et gue les vlammes tedruizent le témon afant gu'il ne z'ejabbe.

Charles soupira. Il y aurait donc un bûcher traditionnel et il ne verrait rien comme d'habitude. Enfin, il entendrait, ce serait toujours ça.
Laissant le moine exorciste en plan, avec l'ordre de commencer l'instruction de procès immédiatement, le jeune homme partit en quête des témoins à charge.

Dernière modification par Vashem Greznik (2018-01-02 19:11:46)

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