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#1 2017-10-27 17:29:33

Nobert de Vaugrehaude

L'Emissaire du Déomul

La taverne était bondée et enfumée. Ici, chopes de bière à la main, de robustes guerriers vêtus de fourrures se disputaient autour d'une partie d'osselets. Là, assis autour d'une table à l'écart, un groupe de strolatz devisait dans leur langue barbare d'un moyen pour rallier l'Osterlich. Partout ailleurs, chevaliers errants, coureurs de gloire, mercenaires et serveurs comblaient l'espace : l'endroit faisait, à la prévisible joie de son propriétaire, salle comble.

Norbert sourit. Il n'aurait pas pu demander mieux. Après s'être humecté les lèvres et avoir vérifié les plis de sa tenue, le vieil homme se leva, et grimpa sur sa table. De telles pirouettes n'étaient plus de son âge, mais le métier demandait par moments des sacrifices.

Habitants d'Okord !

Il avait hurlé, sa voix encore tonnante couvrant quelques instants le vacarme ambiant. Des têtes se tournèrent vers lui, intriguées. L'attention générale avait été captée, et il lui fallait maintenant en faire quelque chose.

Je me prénomme Norbert ! Je suis originaire du Déomul ! Et l'Empereur Théodophane en personne m'a demandé de faire appel aux braves qui vivraient en ces terres !

Il le savait : part de ce qu'il dirait serait pris pour des ragots d'ivrognes, et part pour argent comptant. Mais cela était de moindre importance. Le message devait simplement passer auprès de ces gens. sa véracité serait prouvée dans un second temps.

Oui, vous avez bien entendu ! L'empereur Théodophane du Déomul m'a envoyé ici avec une proposition pour ce pays ! La valeur de vos soldats est bien connue, et en Déomul, nous avons récemment eu une guerre contre Louis de Carovar. Ce traître a depuis proclamé son indépendance.

Les dernières voix s'étaient tues.

Mais Théodophane n'a cure de ces terres. Louis de Carovar veut les avoir ? Qu'il les conserve ! A condition de savoir les défendre ! Le Déomul vient vous faire une offre, Okordiens. Débarrassez vous des nobles Carovariens, et emparez vous de leurs possessions. Bravoure, fortune et terres vous attendent, si vous les arrachez des mains glacées de ce traître moribond.

On se remit à murmurer. Norbert savait qu'il devait faire vite, désormais.

J'ai mis sous clé des textes officiels, qui cèderont la propriété légitime des terres du Carovar à quiconque est assez brave pour s'en emparer. La fortune ne sourit t-elle pas aux audacieux ? Je sais que certains d'entre vous sont mercenaires ! Votre aide est appréciée. Les seigneurs de ce royaume seront eux aussi bientôt avertis par vos soins, je le sais... dîtes leur de venir me voir ici même s'ils veulent avoir confirmation de mes dires !

Déjà, des hommes affairés empaquetaient leurs affaires et payaient leurs consommations, prêts à foncer vers la sortie répandre la nouvelle. Même les strolatz semblaient admettre qu'Osterlich n'était peut-être plus leur première destination. Satisfait, Norbert tira de sa veste un parchemin, sur lequel brillait le sceau officiel de l'empereur du Déomul. Il le brandit bien haut devant une foule plus excitée que jamais.

Voilà pour la révocation de la protection du Carovar ! Richesse vous attend, Okordiens !

#2 2017-10-27 18:39:47

Aldegrin de Karan
Inscription : 2014-09-14
Messages : 798

Re : L'Emissaire du Déomul

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-Si je comprends bien, Théodophane est prêt à payer des vassaux d'Abrasil pour qu'ils conquièrent des terres sur lesquelles Déomul n'a plus aucune prise.

Un calme relatif succéda à cette voix rauque. Le Batteur n'aimait pas les troubadours car ils chantaient, le Batteur n'aimait pas les hérauts car ils criaient ; deux activités détériorant nettement la saveur d'une bonne bière en fin de journée. Le malheureux Norbert parvenait à les réunir en une, grâce à sa douce voix flutée. Alors, quand Krein Vadir reposa sa chope pour se lever, de nombreux regards se braquèrent sur lui. Haineux pour certains, comme ces Strolatz qui voyaient dans le chapelet de caducées attachés à son armure autant de trophées outrageants. Craintifs pour d'autres, car l'homme lige de la Maison Karan n'était pas connu pour sa grande magnanimité ; on racontait qu'il avait arraché la langue d'un ménestrel ayant eu la malheureuse idée de philosopher sur les capacités d'Aldegrin de Karan à produire de l'or à partir de son propre colon...

Lorsque le Batteur se campa finalement devant le petit homme et son parchemin, l'assemblée s'attendait au pire.

-Dites-moi, déclara enfin Vadir, rompant un silence pesant. Il serait pas un peu ramolli du bulbe votre empereur ?
Ce fut imperceptible au départ, mais le phénomène gagna en intensité, au point que le Batteur ne puis pu se retenir et éclata de rire. Un rire gras et étouffé. Un rire rouillé à force d'être si peu utilisé. Un rire de délivrance, acclamant la pitrerie d'un innocent. Contagieux, l'état du Batteur gagna une partie de l'assistance, bientôt une dizaine de bougre aux visages aussi patibulaires que des chiens de guerre pleuraient de joie.
-Il vient chez nous, parvint à hoqueter Krein Vadir, pointant un index moqueur sur Norbert Il se pose là et nous dit très sérieusement qu'on nous autorise à conquérir ses terres. A nous, okordiens. Plié en deux, le porte lame peina à terminer sa phrase. Et il nous paye en plus !
Vadir posa une main paternaliste sur l'épaule de l'émissaire.
-T'inquiète pas, mon con. On va les cramer tes fermes, on va les violer tes femmes. Pas la peine d'obliger tes pages à écrire des annonces.

Écrasant une larme au coin de l’œil, le Batteur gagna le comptoir où il commanda une tournée générale.


Seigneur de Ténare ; Marquis de Falcastre
Maître du Palais ; Gardien du Trésor Royal
Chevalier au Léopard ; Chevalier de l'Ordre des Fondateurs royaux

Hors ligne

#3 2017-10-27 19:44:41

Anselme de Triste Sire

Re : L'Emissaire du Déomul

le Baron de Triste Sire regarda de loin l'altercation. Il secoua la tête et retourna à sa conversation en Osterlichois avec des compatriotes tout comme lui exilés.

-" Les okordiens n'auraient que faire de titres officiels venant d'un empereur qui ne possède plus la dite terre. Ils feraient mieux de prendre mèche avec ce nouveau prétendu roi, pour  mettre à bas les empires. S'ils venaient à se faire simples mercenaires d'un énième  tyran, nous pourrons affirmer que le royaume d'Okord a belle et bien disparu."

ces  compères, la mine grave, n'ajoutèrent rien au propos, le nez rivé dans leur verre.

#4 2017-10-29 16:32:59

Des Armoises

Re : L'Emissaire du Déomul

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Une main se posa sur l'épaule de Norbert de Vaugrehaude.
Absorbé par la contemplation de la faune okordienne, l'émissaire de Déomul sursauta, et se retourna vivement pour découvrir un jeune-homme brun de haute taille, au regard doux, dont la tenue de voyage - remarquablement austère - témoignait d'une chevauchée récente.
Quelque peu rasséréné (les fiers-à-bras ne manquaient pas aux Bons Rieurs), Norbert jaugea le nouveau-venu d'un oeil professionnel - éperons, pommeau d'épée armorié, âme de fourreau couverte d'un excellent cuir, pourpoint désuet, dents correctes, hmm..."nounou" strolatz postée à quelques pas... - tout en lui offrant, "spontanément", le plus cordial des sourires.
D'un ton poli - l'élocution fleurait bon la Samarie - l'inconnu pria le tavernier Aftermond de servir deux coupes d'un bon vin valésian.
- Je prends, noble Norbert, la liberté de vous offrir à boire. On raconte que, depuis quelques jours, vous n'avez pas refusé la moindre coupe.
Les mots semblaient moqueurs. La voix ne l'était pas.
Intéressant.
Le jeune-homme - vingt ans, vingt-deux ans - posa sa main à plat sur le comptoir. L'anneau familial scintilla, à la lumière d'une couronne de bougies qui surplombait les deux hommes.
Léopard lionné, Samarien.. Des Armoises sans doute. Petite noblesse d'épée traditionnellement vassale du Lys. Guère plus qu'une baronnie.
Moins intéressant...
- A quoi trinquerons-nous, sire Nicolas ? interrogea l'émissaire d'une voix affable.
Une lueur admirative traversa le regard de Des Armoises.
- A de meilleurs lendemains, sire Norbert, et à une amitié durable entre Déomul et le royaume d'Okord.
Norbert leva un sourcil. Royaume ?
- A l'instant où je vous parle, émissaire, une troupe de cavalerie de mon fief d'Elleborée galope vers Carovar. Elle n'est certes pas suffisamment nombreuse pour conquérir les terres promises aux plus puissants d'entre les Okordiens, mais il me semble qu'elle pourrait se montrer utile. Patrouilles de cavalerie légère, capture d'un adversaire en fuite, dégagement d'une troupe amie en difficulté, attaque surprise d'un camp rebelle...La providence saura bien guider notre chemin.
Norbert demeura silencieux, trempant les lèvres dans son hanap pour calculer l'apport militaire du petit fief samarien. Sans doute moins de mille cavaliers, mais les ruisseaux font...
- Sire Norbert ?
Le Déomulien recomposa très vite son visage bonhomme, et offrit un regard empli d'amitié au nobliau samarien.
- Je vous prie de bien vouloir considérer l'effort consenti par ma Maison pour répondre à l'appel de l'empereur Théodophane.
Je ne demande ni or, ni terres à Déomul, et c'est à VOUS que je réclame récompense.
Norbert, malgré son expérience, ne put dissimuler sa suprise.
Il accorda dès lors une attention réelle à Des Armoises, qui remarqua une forme de gravité gagner les traits de l'agent impérial.
Le baron poursuivit :
Voudriez-vous, pour une minute et à l'abri d'oreilles indiscrètes, renoncer à votre lexique d'émissaire et répondre - en homme sincère - à quelques-unes de mes questions ?
Une poignée de réponses, plutôt que des sacs d'or. Voilà le seul paiement que je réclame...

Dernière modification par Des Armoises (2017-10-29 16:37:41)

#5 2017-10-30 20:06:22

Norbert de Vaugrehaude

Re : L'Emissaire du Déomul

Norbert dut admettre que la proposition du seigneur samarien était peu orthodoxe, mais cela ne le dérangea pas outre-mesure. Ce soir là comme les précédents, il tenait son poste dans un coin de la taverne, certifiant à qui le désirait les intentions de l'empereur Théodophane : ce seigneur était dans son droit de vouloir le voir en privé, et il n'avait pas été le seul à réclamer de lui un moment d'entretien.

Seigneur d'Okord, si c'est parler que vous souhaitez, accordons nous un moment ensemble ! C'est même l'une des prérogatives du messager que je suis !

Sans attendre de réponse, Norbert abandonna sa boisson et fila à l'extérieur de la taverne. A une heure pareille, plus personne ne faisait attention à lui : ceux qui ne s'enivraient pas étaient déjà partis, et les autres en étaient à quelques tournées de trop. Son corps alourdi par les années atteint bientôt les alentours du bâtiment, ou un vent nocturne soufflait avec insistance. Peu de monde arpentait la rue si tard, à l'exception d'une poignée de gardes : l'endroit conviendrait si une conversation privée devait se tenir.

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