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Elverid relut une seconde fois la missive que Séraphina venait de lui apporter. La quatrième en quelques jours.
"Que dit-il, cette fois ?
- Il essaie de nous endormir. Après avoir vendu Okord à un empereur étranger pour satisfaire son ambition personnelle, après avoir annoncé les premières mesures visant à établir sa tyrannie, commencé à détourner une religion pour en faire un instrument de pouvoir, édicté une liste de condamnations arbitraires, il offre une prétendue amnistie à ceux qui accepteront de renoncer à la liberté. Et il termine par les habituelles menaces de représailles en cas de refus.
- Vas-tu lui répondre ?
- Non. Pas plus à cette missive-là qu'aux trois autres. Cela fait longtemps qu'il n'accepte plus la moindre critique. Si nous voulons le combattre efficacement, lui et son nouvel allié, mieux vaut ne pas nous déclarer ni agir au grand jour pour l'instant."
La matriarche s'interrompit quelques instants, comme plongée dans ses pensées.
" J'ai beaucoup réfléchi ces derniers jours. Jusqu'à présent, tous ceux contre qui nous avons guerroyé avaient des armes comparables aux nôtres. Mais l'empire d'Abrasil semble nous surpasser largement en technologie, et nous ne savons pas jusqu'à quel point. Des chasseresses de nos fiefs les plus au nord ont aperçu la machine volante à bord de laquelle Rhaegar est parti, et elles ont pu en faire une description précise... Te rends-tu compte à quel point la science a cessé de progresser en Okord depuis au moins une génération ? Visiblement, nous avons un grand retard à rattraper, et en très peu de temps.
- Que comptes-tu faire ?
- Relancer l'académie okordienne, mais hors de tout soutien officiel.
- Tu veux dire...
- Clandestinement. Si les forces d'invasion de l'empire peuvent nous attaquer par la voie des airs, nous devons rapidement inventer un moyen de neutraliser leurs engins volants. J'ai déjà commencé à faire des recherches dans notre bibliothèque, et elles sont prometteuses, mais pour avancer plus vite, le concours de tous les érudits d'Okord sera utile. Et de tous les ingénieurs, aussi, pour aider à fabriquer des prototypes.
- Des prototypes qu'il faudra tester. Nos travaux passeront alors difficilement inaperçus.
- A moins de réaliser les tests de nuit.
- Sans aucune lumière ?
- Oui. Crois-le ou non, c'est techniquement possible. J'ai longuement étudié un traité d'optique que Loth et moi avons autrefois rapporté d'un ancien temple. J'y ai trouvé les plans d'un dispositif qui permet d'améliorer la vision nocturne en concentrant la lumière de la lune et des étoiles."
Elverid quitta son écritoire et sortit d'un placard une sorte de casque, dont la visière avait été remplacée par un assemblage de lentilles.
"Cette chose a l'air bien encombrante...
- C'est à peine plus lourd qu'un casque de combat normal, en fait. Ce prototype est presque prêt. Je dois le tester à nouveau cette nuit pour voir si les dernières retouches de polissage des lentilles donnent une vision assez nette. Voudras-tu l'essayer aussi ?
- Avec grand plaisir."
Dernière modification par Elverid (2017-05-28 18:29:45)
Les travaux de recherche avançaient bien. Les seigneurs Galdor et Safet Plizir avaient rejoint l'Académie et s'affairaient déjà sur la mise au point de nouvelles armes de défense à longue portée. Mais pour l'heure, il fallait déjà faire face à une autre urgence : l'empereur d'Abrasil nous annonçait une attaque imminente d'un nouvel ennemi venu de l'est, qu'il appelait "la horde du Grand Khan", et "offrait" deux possibilités au royaume d'Okord : rester soumis à l'empire contre une aide militaire de sa part, ou être détruit par ce nouvel assaillant. La reine Morgan semblait prendre cette nouvelle menace au sérieux, mais Elverid soupçonnait fortement l'empereur Torkson de prendre les Okordiens pour des imbéciles et de brandir un danger imaginaire pour les soumettre sans avoir à combattre.
Fort heureusement, la Reine avait refusé cette alliance de dupes. Il fallait maintenant vérifier les dires de l'empereur et de son émissaire... et pour cela, envoyer un nouvel ambassadeur en Österlich. Et c'était le Clan du Hibou qui avait obtenu cette charge.
"Tu m'as fait appeler, Elverid ?
- Oui, entre, Cilaine. Te rappelles-tu notre séjour à Pankhord ?
- Et comment ! Notre première mission ! Une ville magnifique... Heureusement que nous avons pu nous y reposer après cette maudite bataille dans les steppes... Ma soeur est enterrée là-bas.
- Hé bien tu vas y retourner. En mission officielle, ordonnée par la Reine Morgan. Nous avons besoin de certaines informations sur les peuples de l'est. Tu te souviens de Dame Athénaïs, n'est-ce pas ?
- Oui, l'épouse de l'héritier du Magnat local. Tu me l'avais présentée.
- Je suis restée en contact épistolaire avec elle. Au dernières nouvelles, c'est son mari qui est magnat de Pankhord, à présent. Je lui ai préparé et une longue missive expliquant la situation et la nature de ma demande, ainsi que quelques présents pour m'excuser de ne pas pouvoir venir la voir en personne. Tu lui remettras tout cela. Elle devrait pouvoir nous dire s'il existe bien, à l'est d'Österlich, un peuple belliqueux qui se fait appeler la horde du Grand Khan. Ta mission est de première importance. Fais vite, et sois prudente.
- Je pars immédiatement."
Dernière modification par Elverid (2017-05-31 11:50:08)
On ne vit jamais revenir Cilaine du Royaume d'Österlich. Certains dirent qu'elle avait été étripée à la première occasion par des bandits, d'autres que les autorités du Royaume de Baldir avaient mis la main sur elle, et qu'elle devait pourrir dans de sombres geôles ou avoir connu le pal...
L'académie Okordienne comptait à présent cinq membres. En plus des seigneurs Galdor et Safet Plizir, présents dès la première heure, le Vicomte Luscan, connu pour ses talents d'ingénieur militaire, s'était joint au groupe de recherche, et le seigneur Jeyangel avait dépêché plusieurs de ses mages érudits.
Galdor et Safet Plizir avaient déjà réalisé des plans détaillés d'un modèle de baliste-scorpion dont ils avaient pu améliorer la portée et la précision. En les positionnant en haut d'une tour sur une plate-forme orientable, il serait possible d'atteindre des machines volantes en approche au-dessus d'une cité.
Il fallait à présent achever la construction du protoype, et tester les différents types de projectiles mis au point avec l'aide d'Elverid.
Cette dernière avait mis à disposition de ses confrères un matériau appelé bambou que son clan avait découvert lors de la grande migration : des tiges végétales creuses, à la fois légères et rigides, qui pourraient contenir un dispositif incendiaire.
Le baron Safet Plizir avait également suggéré d'enduire de poix brûlante la pointe des projectiles pour enflammer la toile des machines volantes.
Cependant, d'après les informations rapportées de Déomul par la délégation de la désormais Princesse Morgan, les troupes d'invasion d'Abrasil pouvaient également arriver par voie fluviale. On parlait d'un millier de navires. Il fallait donc mettre au point des moyens de défense le long des cours d'eau et du Grand Canal.
Elverid imagina un système constitué de deux dispositifs complémentaires : des lignes de barrage disposées en travers du fleuve, juste sous la surface de l'eau, et des balistes-scorpions dissimulées derrière la végétation sur les deux rives du fleuve.
Les premières, constituées de deux feux grégeois reliés par une corde, devraient forcer la flotte à s'immobiliser en endommageant les navires de tête. Les secondes entreraient ensuite en jeu et pilonneraient les navires avec des projectiles incendiaires et des jarres remplies de frelons.
L'idée était d'amoindrir les troupes ennemies, et de les forcer à quitter leurs navires en laissant derrière elles une partie de leurs vivres et tous leurs équipements lourds.
Il restait également le problème des troupes ennemies à pied. Celles d'Abrasil et également cette horde, si elle existait. Il était impératif de réduire le nombre de cavaliers ennemis avant tout affrontement direct, en creusant des pièges autour des villes fortifiées.
Cependant, l'arrivée des troupes d'Abrasil risquait de compliquer la mise en place des dispositifs de défense. Il devenait urgent de les déployer avant que les soldats ennemis n'installent des avant-postes partout sur le territoire Okordien. La matriarche décida de rassembler tous les documents relatifs aux travaux de l'académie pour aller les présenter au conseil de guerre du Roi. Elle se mettrait en route dès le lendemain à l'aube.
"...bon, revoyons cela...
Encore un fois, je vous répète que ces engins ne peuvent pas voler... Ce ne sont pas des ballons flottants!
Le but n'est pas de les faire voler, puisqu'ils ne seraient de toute façon pas dirigeables, mais de les faire planer.
Ce que je vous demande, c'est de concevoir un moyen de les propulser dans les airs, puis de les faire planer dans la direction désirée.
Je ne peux pas le faire moi-même, cela n'est pas mon domaine, mais je peux vous conseiller sur certains points.
Mais pour cela, vous devez cesser d'imaginer des engins volants!"
"Grand-Prêtre, nous voulons bien, mais à quoi servirait une machine qui flotte un temps, puis retombe?
Si nous avons fait appel à vous, c'est parce que nous avons besoin de vos "talents"."
"Mes talents...?"
"Oui. Votre magie de l'air, pour les machines."
"A quoi pensez-vous?..."
Tard dans la nuit, les érudits dracan travaillaient encore sur des idées. Accompagnés du Grand-Prêtre en personne, ils étaient certains de parvenir à un résultat concluant.
Mais il allait également leur falloir solliciter les autres membres de l'Académie.
Elverid n'avait pas pu rencontrer le Roi Galactic Explorer. Des idiots de gardes lui avaient refusé l'entrée de la Tribune Royale au prétexte qu'elle ne faisait pas officiellement partie de la cour. Puis, après avoir aperçu l'émissaire d'Abrasil qui l'observait de derrière une fenêtre, elle avait jugé préférable de ne pas insister : ce vieux ragondin endimanché devait souvent rôder au palais, et pour des raisons évidentes, il valait mieux ne pas risquer qu'il entende parler des dernières avancées de l'académie en matière de techniques défensives.
La matriarche était à présent à son écritoire, en train de lire et le relire toutes les missives royales et impériales reçues durant les derniers jours. La situation paraissait sans issue, et de plus en plus confuse.
Il y avait d'abord la présence de cette armée d'occupation venue d'Abrasil sous prétexte de sécuriser le territoire... Sécuriser pour qui et contre qui ? S'il s'était agi d'une aide défensive contre ce fameux Grand Khan, les quatre garnisons se seraient positionnées sans tarder vers l'est, le long de la frontière österlichoise... Au lieu de cela, les troupes de l'empereur avaient longtemps stationné au milieu des terres, avant que trois d'entre elles ne rebroussent chemin pour se rapprocher de la frontière avec Déomul. Sans parler du fait que ces fichus soldats étrangers s'étaient mis à piocher dans les réserves de nourriture locales, peu de temps après avoir affirmé pouvoir subvenir seuls à leurs propres besoins...
Pour ne rien arranger, les prétendants au trône d'Okord se succédaient maintenant au pouvoir dans un jeu de conquêtes et reconquêtes qui n'apportait que davantage de confusion et devenait franchement ridicule.
Le fils et successeur de Rhaegar de Valyria, tout d'abord, après une accession au trône inattendue, avait annoncé son intention de tenter de réparer les fautes de son père. Juste le temps de laisser entrevoir, peut-être, le début d'une issue à peu près acceptable... pour peu qu'il fût sincère et que ce maudit empereur finît par entendre raison.
Puis Galactic Explorer, sitôt à nouveau sur le trône, avait décidé en dépit de toute logique d'ouvrir les hostilités contre les armées d'Abrasil, commandant à tous les seigneurs d'Okord de recruter davantage de soldats alors même qu'il devenait de plus en plus difficile de nourrir les armées déjà existantes...
Et finalement, la Reine Morgan avait reconquis le trône d'Okord de la pire des manières, en satisfaisant une vengeance personnelle contre l'héritier de son ancien allié, faisant payer au fils les fautes du père... et privant du même coup le royaume d'un allié potentiel non négligeable. Cela dit, son retour au pouvoir avait au moins le mérite d'empêcher ce vieux grigou de pilleur de tombes de précipiter tout le royaume dans une guerre insensée.
Se soumettre à un tyran étranger était certes inacceptable, mais affronter directement des armées supérieures en nombre était irréaliste. Il devait y avoir des moyens plus efficaces de lui résister. Des moyens qui étaient encore à inventer...
Elverid fut interrompue dans ses réflexions par la doyenne Séraphina.
"Le Conseil des Sages se réunira dans une heure comme tu l'as demandé. Et les travaux que tu as ordonnés avancent bien. Les lignes de défense supplémentaires autour de tous nos fiefs sont presque terminées. Elles ont été mises en place comme tu l'as conseillé, en travaillant uniquement sous terre.
- Et pour l'évacuation des civils ?
- Le creusement des tunnels est en cours, les emplacements pour les villages souterrains ont tous été choisis et les ouvriers ont commencé à en construire quelques-uns.
- J'espère qu'ils sont dicrets. Les soldats d'Abrasil sont nombreux et fouinent partout.
- Pas au plus profond de nos forêts, ni dans les grottes. Celle au voisinage du Pic du Hibou est parfaite pour y installer un bastion imprenable. Il ressemblera aux bibliothèques secrètes de Pankhord, si j'en juge par les descriptions que tu en as faites.
- Parfait. Et à propos de bibliothèques, où en sont les scribes dans leurs recherches ?
- Ils n'ont toujours rien trouvé. Mais ils ont examiné à peine la moitié des manuscrits que tu as rapportés de ton expédition en Österlich il y a dix ans. Il y a une telle quantité d'ouvrages...
- Je sais... je ne veux pas leur demander l'impossible, mais le temps presse..."
Elverid se leva de son écritoire et regarda par la fenêtre avant de reprendre :
"Les recherches de l'académie prennent du temps aussi. Les seigneurs Galdor et Safet Plizir sont toujours à la recherche d'un site assez reculé pour tester leurs premiers prototypes à l'abri des regards indiscrets. J'espère que nous serons prêts à temps pour affronter ce qui se prépare..."
Questions aux MJ pour m'aider à écrire la suite :
1) les scribes vont-ils trouver des informations sur la horde dans les manuscrits rapportés de Pankhord ?
2) l'émissaire Estun Dodrio peut-il recevoir des seigneurs okordiens qui veulent poser des questions sur Abrasil ou est-il un gros snobinard qui ne parle qu'aux rois et aux princes ?
La réunion du Conseil des Sages avait apporté aucune solution, et soulevé davantage de questions encore. Il était toujours hors de question de se soumettre à Abrasil, bien sûr, mais ce changement de nom imposé par l'empire, la présence de ses armées d'occupation, et l'instabilité du pouvoir royal okordien pesaient comme une chape de plomb sur le Clan du Hibou, comme sur l'ensemble du royaume. Les populations civiles de plus en plus inquiètes perdaient confiance dans leurs dirigeants.
Et à présent, la Reine Eugénie Morgan tombait dans les mêmes travers que son prédécesseur et voulait engager toutes les forces du royaume dans un affrontement frontal contre l'empire sans se soucier le moins du monde de l'efficacité de ses actions.
Elverid n'était toujours pas admise au conseil du Royaume. Elle s'était refusée, et se refusait toujours à quémander comme une faveur le droit de s'exprimer à la tribune qu'elle avait toujours eu auparavant. Elle ne serait jamais une courtisane.
Cependant, la situation exigeait qu'elle fît part de son avis à la souveraine. Elle décida donc de rédiger une missive.
Majesté,
Avant d'engager mes troupes, je voudrais savoir si vous avez élaboré au moins le début d'une stratégie qui pourrait faire de cette guerre autre chose qu'un suicide collectif.
Tout d'abord, sur lequel de vos fiefs comptez-vous mobiliser votre ost ? Cette information nous est nécessaire afin d'organiser nos mouvements de troupes pour qu'ils soient les plus courts possibles : vous devez le savoir, les longs trajets nécessitent beaucoup de nourriture. Et vous disiez vous-même il y a peu qu'elle commençait à manquer...
Ensuite, êtes vous sûre de pouvoir réunir assez de nourriture pour arriver jusqu'aux campements ennemis, et êtes-vous sûre qu'ils ne se déplaceront pas en nous voyant venir pour nous forcer à gâcher nos réserves de vivres dans des déplacements inutiles ? Nous pourrons éventuellement en saisir un par surprise, mais pas les trois autres.Il y a d'autres façons de faire la guerre. Il est clair que les armées d'Abrasil n'ouvriront pas les hostilités, sinon ce serait déjà fait depuis longtemps. L'émissaire impérial multiplie les provocations pour que NOUS le fassions. Et vous êtes en train de tomber dans son piège.
Selon moi, nous serions mieux avisés d'utiliser les mêmes armes que notre adversaire : l'ignorer, le traiter par le mépris jusqu'à ce qu'il se lasse ou accepte enfin de s'adresser à nous avec le respect que nous attendons.
Si vous voulez montrer votre courage par un coup d'éclat, renvoyez l'émissaire chez lui en l'humiliant, et en demandant à l'empereur de nous envoyer un vrai diplomate respectueux de ses interlocuteurs.
Et préparons nos défenses, aussi, contre Abrasil ou contre cet autre ennemi qui arrive de l'est. J'ai pu réunir un petit groupe de seigneurs okordiens et nous travaillons au développement de nouvelles armes et stratégies défensives, qui seraient bien utiles contre des troupes supérieures en nombre. Mais certains de ces dispositifs prendront du temps à mettre en place, et il faudra surtout le faire dans la plus grande discrétion.Respectueusement,
Elverid
La reine Morgan semblait avoir manifesté quelque intérêt pour les suggestions d'Elverid, en particulier celles concernant les dispositifs de défense, mais elle ne s'obstinait pas moins dans sa décision d'engager Okord dans un affrontement direct avec l'empire, et semblait incapable d'envisager qu'il pût exister des moyens plus efficaces de résister à l'oppression.
L'empereur semblait pourtant disposé à faire des concessions. Cependant, les négociations avaient été si mal conduites par son arrogant émissaire que la Reine et ses conseillers restaient crispés sur leur position de rejet total, comme figés dans leur orgueil blessé.
Elverid, pour sa part, hésitait de plus en plus. Cet empereur semblait certes vouloir se montrer de plus en plus conciliant dans ses missives, mais ce n'étaient que des mots. De belles promesses qui pouvaient être remises en cause à tout moment au gré des caprices d'un monarque dont au fond, on ne savait rien. Et puis ses propositions étaient toujours accompagnées de menaces.
Il restait une possibilité d'en savoir davantage, ou, au pire, de gagner du temps : tenter de contacter directement l'émissaire d'Abrasil, même s'il y avait très peu de chances de recevoir une réponse satisfaisante de la part d'un tel personnage. Il faudrait choisir les mots avec soin...
Elle s'installa à son écritoire et commença à rédiger sa missive.
Messire Estun Dodrio, Emissaire de l'Empire D'Abrasil,
Vous ne me connaissez probablement pas. Je suis la marquise Elverid, Matriarche du Clan du Hibou.
Mon peuple et moi sommes originaires d'une île lointaine que nous avons dû quitter à cause d'une catastrophe naturelle. Nous nous sommes établis en Okord il y a une génération, et nous nous sommes adaptés aux coutumes locales tout en conservant les nôtres. Aujourd'hui, nous sommes un clan okordien reconnu, quoique peu influent hors de la confrérie du Cygne dont nous faisons partie.Les clans Okordiens sont des peuples fiers, qui tiennent à leur liberté, et qui possèdent chacun leur propre culture. Cette diversité culturelle qui nous rend si difficiles à gouverner est également une grande richesse, qui mérite de perdurer et de s'épanouir librement. Par ailleurs, nos différences ne nous ont pas empêchés de nous regrouper autour de valeurs communes qui constituent notre code de la chevalerie. En particulier, selon la coutume okordienne, les liens de suzeraineté ne peuvent être fondés que sur la confiance et le respect mutuels. La loyauté d'un vassal ne s'obtient pas par la contrainte et la menace.
Je n'ai pas l'intention d'entrer en guerre contre l'Empire. Cependant, j'espère que vous le comprendrez, je ne peux pas prêter allégeance à un souverain que je ne connais pas, sans savoir précisément à quelles obligations j'engagerais mon peuple. Afin de prendre une décision qui soit la meilleure possible pour mon clan, j'ai besoin de davantage d'informations sur les lois et les coutumes d'Abrasil : Comment les territoires qui dépendent de l'empire sont-ils administrés ? De quelle façon la justice est-elle rendue ? Votre Empereur règne-t-il sans partage ou s'entoure-t-il de conseillers ? Comment accueille-t-il les opinions différentes de la sienne ? J'espère recevoir des réponses à toutes ces questions.
Enfin, je terminerai cette missive en hasardant une suggestion. J'ai pu assister de loin à une partie des négociations avec notre Reine Morgan, même s'il ne m'était pas permis d'y prendre part. Si les discussions ont rapidement conduit à une impasse, c'est probablement à cause de maladresses commises de part et d'autre. Votre manière de présenter les exigences de l'empereur en insistant sur la supériorité de sa puissance militaire a été perçue comme de l'arrogance et du mépris, et heurté la fierté de la Reine et de l'assemblée des Princes. Dès lors, chaque nouvelle proposition de votre part, du fait qu'elle était assortie de menaces, a éte perçue comme une provocation de plus.
Depuis votre arrivée, vous ne cessez de nous répéter que nous n'avons le choix qu'entre deux options : la soumission ou la mort.
Vous aussi pouvez choisir entre deux types de relations avec les peuples d'Okord :
Vous pouvez persister à nous mépriser sans nous connaître, et installer durablement un climat de défiance délétère pour tout le monde.
Ou vous pouvez montrer l'ouverture d'esprit qui sied à un grand empire, et vous intéresser aux différentes cultures okordiennes en même temps que vous nous expliquez la vôtre. En nous connaissant mieux, vous constaterez que nous ne sommes pas les barbares incultes que décrivent la plupart de nos voisins, et avec le temps, vous apprendrez à nous respecter pour ce que nous sommes réellement.Respectueusement,
Elverid
Là, si les mj ont le temps, une réponse de l'émissaire serait la bienvenue :-)
Dernière modification par Elverid (2017-07-03 10:53:33)
Une missive fut apportée par un soldat portant l'écusson d'Abrasil
Dame Elverid,
Nous comprenons vos craintes.
Nos manières ne furent sans doute pas les meilleures, et j'ai sans doute eu quelques mots durs vis-à-vis des gens de l'Estybril. Mais comprenez également notre surprise quand, venant sur ces terres pour vous aider, sur demande d'un de vos rois - Rhaegar - nous fumes reçus de la pire des manières. Moi, émissaire du plus puissant Empereur d'Ohm, on me traita comme un simple courtisan...! Alors que j'étais la voix, les yeux et les oreilles de Torkson...!
Bref, il est bien sûr possible que vous veniez en Abrasil, mieux connaître nos mœurs. Le voyage est à organiser mais devrait aisément se mettre en place.
Respectueusement,
Estun Dodrio
Emissaire Impérial
MJ d'Okord.
Hors ligne
Elverid chevauchait depuis l'aube, en direction de l'ambassade d'Abrasil. La réponse brève mais courtoise de l'émissaire Estun Dodrio laissait entrevoir un avenir moins sombre qu'elle ne l'avait pensé jusqu'alors, aussi avait-elle surmonté ses dernières réticences pour le rencontrer en personne : il serait plus aisé de poursuivre la conversation de vive voix que par missives... si toutefois son interlocuteur était aussi bien disposé qu'il l'avait laissé entendre.
Arrivée en vue des remparts de l'ambassade, la matriarche congédia son escorte et se présenta seule aux portes du palais de l'émissaire. Les gardes postés de part et d'autre de l'entrée croisèrent leurs lances devant sa monture.
"Qui va là ?
- Elverid, Matriarche du Clan du Hibou. L'émissaire Estun Dodrio peut-il me recevoir ?
- Êtes-vous attendue ?
- Non. Mais j'ai eu un un bref échange de missives avec l'émissaire, et il m'a semblé approprié de venir en personne lui apporter ma réponse."
La sentinelle appela son lieutenant, qui partit en quête d'ordre. Au bout d'une dizaine de minutes, le pont-levis se baissa et l'Ambassade d'Abrasil s'ouvrit.
A l'intérieur, le lieutenant apostropha la matriarche :
Dame du Clan du Hibou ! Vous êtes la première personne à être admise en ces lieux par notre émissaire, qui jusque là a toujours fait la démarche de rencontrer les vôtres en terrain neutre ou en terrain estybr... okordien. se reprit-il. Je suis content de voir qu'enfin, vous portez au sieur Dodrio le respect qui lui est du en venant ici, et me permets de vous en féliciter.
Sur ces mots, il l'amena devant l'émissaire, qui l'attendait dans une vaste salle voûtée.
MJ d'Okord.
Hors ligne
En arrivant devant l'émissaire, Elverid inclina légèrement la tête.
"Mes salutations, Messire Dodrio. Je vous remercie de me recevoir. Votre réponse a ma missive a été une agréable surprise, aussi j'ai tenu à me présenter en personne plutôt que d'envoyer un autre messager."
Elle s'avança encore de quelques pas, montrant une légère hésitation.
"Je serai honorée de pouvoir effectuer un voyage d'étude en Abrasil en des temps moins troublés, toutefois... n'en prenez pas ombrage, mais je ne peux pas quitter mes terres tant que la menace d'une invasion gronde à nos frontières de l'est. Okord aura besoin de tous les chefs de guerre disponibles lorsque la horde arrivera...
En attendant une situation plus propice aux longs voyages, si vous souhaitez visiter le Pic du Hibou, qui est la cité principale de mon clan, vous y serez le bienvenu. Ce sera l'occasion pour vous de découvrir nos coutumes et de poser les bases de futurs échanges culturels."
Des jours, des semaines avaient passé depuis que l'entrevue d'Elverid avec Estun Dodrio avait été écourtée d'une façon des plus cavalières : elle avait eu à peine le temps de lui parler brièvement avant qu'un serviteur ne vînt chuchoter quelques mots à l'oreille de l'émissaire, qui, aussitôt, était parti précipitamment sans prendre le temps de prononcer une parole. Le serviteur s'était alors tourné vers la matriarche, et lui avait dit d'un air embarrassé que son maître était rappelé d'urgence à la cour de l'empereur.
Donc, les semaines passaient et le dignitaire de l'empire ne revenait pas. La reine Morgan avait finalement prêté allégeance. L'empereur avait obtenu ce qu'il voulait et se désintéresserait d'Okord, probablement. Et pourtant, ses garnisons étaient toujours là... Heureusement, des convois maritimes abrasiens les ravitaillaient régulièrement et tous ces encombrants guerriers n'avaient plus à se nourrir sur le pays.
Quant à la cour royale d'Okord, ce n'était guère mieux. La Reine-polémarque avait vaguement manifesté quelque intérêt aux projets de défenses frontalières dont la matriarche lui avait parlé quelques temps plus tôt, mais n'avait pas pour autant jugé utile de l'inviter à venir les présenter devant Haut-Conseil... Lequel devenait progressivement un lieu de peu d'intérêt où on n'échangeait plus que des banalités. Les affaires du royaume, comme le développement du commerce, se discutaient désormais dans les tavernes.
Au moins, le spectre de la guerre semblait s'éloigner : les dernières rumeurs en provenance de l'est racontaient que le Khan avait rebroussé chemin après la mort de son fils... Mais était-ce bien vrai ? Et si oui, le Khan avait-il renoncé pour de bon ou seulement différé son projet d'invasion ? Il faudrait rester vigilante. Attendre et observer. Et être prête, le jour où il faudrait se rendre utile.
En attendant, il fallait à présent se consacrer aux affaires de la confrérie du Cygne. La duchesse Carmen, partie en mission à Ressyne, ne revenait pas. On était sans nouvelles d'elle depuis trop longtemps. Le duc Zyakan s'inquiétait beaucoup, tout comme Loth, qui se remettait lentement de ses blessures après son duel avec Viserys. Le petit duc Luis posait des questions tous les jours au sujet de sa mère, et avait de plus en plus de difficultés à se concentrer sur son apprentissage de la lecture : trop de préoccupations, trop d'incertitudes pesaient sur son jeune esprit...
Dernière modification par Elverid (2017-07-31 11:30:06)
La nouvelle avait traversé tout Okord : l'émissaire impérial était revenu... pour se répandre immédiatement en insultes en tribune royale et traiter tout le monde de barbares.
Elverid, quant à elle, restait à l'écart de la tribune royale où elle n'était toujours pas autorisée à s'exprimer. Elle avait bien d'autres choses à faire, de toute façon : la chute de la maison Hallgeirr l'obligeait à reprendre la direction de la Confrérie du Cygne. Heureusement, le Vicomte Vince s'était immédiatement proposé pour reprendre le siège vacant au triumvirat.
L'état de Viserys demeurait instable. Les crises qui le laissaient épuisé était entrecoupées de périodes de rémission, mais dès qu'il reprenait des forces, son état mental se dégradait à nouveau, et il avait fallu se résoudre à l'enfermer.
Lorsque Séraphina entra dans son cabinet d'études, la matriarche devina tout de suite à l'expression de son visage qu'elle venait annoncer de nouvelles difficultés.
"Elverid, l'annonce de la création de la Confédération de Sudord a fait beaucoup de remous en tribune royale. L'émissaire nous accuse de rébellion et cherche à inciter la reine Morgan à nous soumettre par la force.
- Encore un problème de plus à résoudre... Je vais tenter d'expliquer à la reine le sens de notre démarche."
La matriarche saisit un parchemin et, comme elle s'apprêtait à commencer à écrire, aperçut du coin de l'oeil une jeune fille qui se tenait dans le couloir et semblait attendre. Voyant qu'on l'avait remarquée, cette dernière entra.
"Matriarche ? Bonsoir...
- Ce n'est pas le moment, Ezri.
- Ezri ? La nièce de Cornélia ? Que veux-tu me dire ?
- Vous vous souvenez, il y a trois ans ? Quand je vous ai rendu visite avec ma tante et que je vous ai dit que je voulais devenir votre apprentie ?
- Oui. Je t'avais répondu que tu devais d'abord étudier quelques années à l'université, et revenir me voir quand tu serais prête.
- Hé bien voilà... je me sens prête à travailler avec vous."
Elverid lança un regard interrogateur à la doyenne, qui semblait mi-amusée, mi-embarrassée.
"J'ai peu de temps à consacrer à une apprentie pour l'instant, mais je vais y réfléchir. Tu peux nous laisser ? Nous devons discuter d'une affaire assez épineuse."
Ezri sortit de la pièce. Dès qu'elle se fut éloignée, Elverid reprit :
"Qu'en penses-tu ? Elle ferait une bonne assistante ?
- Si elle arrive à se discipliner un peu plus, sans aucun doute... Elle est brillante, mais... un peu fantasque. Cela dit, tu pourrais avoir besoin d'une aide supplémentaire pour tes travaux de laboratoire.
- Oui, toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. En tout cas, ça mérite que j'y réfléchisse.
- Quoi que tu décices, ne lui prête pas d'ouvrages précieux. Elle n'est pas toujours très soigneuse... L'an dernier, elle m'a rendu mon traité de géométrie avec deux pages collées ensemble par une fiente d'oiseau."
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