Vous n'êtes pas identifié(e).

#1 2015-10-08 00:59:43

Lhassa

La lubie du palais mobile

Le devin n'avait pas pu se lever ce Merkor. Il sentait ses forces le quitter petit à petit depuis plusieurs mois.
  Il somnolait derrière les épaisses tentures de son lit.
  Il n'entendit ni la porte s'ouvrir et se refermer doucement, ni le parquet craquer sous des pas alertes. Il entrouvrit juste les paupières quand le rideau s'écarta au niveau de sa tête. Il tourna le visage vers la femme qui se tenait près de lui.

  - Hé bien, mon ami ! On m'a fait savoir que tu es souffrant ce matin...
  - Mes os sont vieux, répondit d'une voix calme le malade.
  - Allons, une bonne journée de repos et demain tu seras fringant comme un jeune homme !

  Le devin esquissa un pâle sourire et dit :
  - J'en doute...

  La femme tira la tenture en grand puis s'installa au bord du lit. A peine avait-elle pris place que l'homme alité lui demanda :
  - Ma Dame, nous savions ce qui allait se passer. Je vous en avait parlé. Vous aviez vu, aussi. Alors, pourquoi n'avez-vous pas prévenu le roi ?

  Lhassa regarda fixement son vieil ami en inspirant profondément.

  - Le roi ne m'aurait certainement pas crue. Il a toute confiance dans son chancelier.

  - Il suffisait de lui annoncer qu'un grand malheur allait toucher sa famille et qu'elle devait se réfugier ailleurs, dans un lieu tenu secret...

  - Si je lui avais fait une telle annonce, il m'aurait pris pour une folle. Bon... On va dire qu'il m'aurait cru ; qu'est-ce que j'y aurais gagné ? Qu'est-ce que cela m'aurait rapporté ?

  Le devin haussa les sourcils en répliquant :
  - Vous auriez pu sauver deux vies. C'est déjà pas mal, non ?

  - Je n'ai pas vocation à sauver des vies ! s'écria Lhassa.

  - Oui, bien sûr. Mais, c'étaient une femme et un enfant innocents...

  - En Okord, et partout dans ce vaste monde, des innocents meurent ! C'est ainsi. En plus, je ne connaissais ni la maîtresse du roi ni son rejeton. Je ne vais pas me ronger les sangs pour des inconnus ! Et tu sais que je n'ai aucune affinité avec sa Majesté Godefroy... Je ne lui veux pas de mal... mais pas de bien non plus ! Pour le petit bâtard, d'ailleurs, ce sont les saignées des médecins qui l'ont achevées ! J'ai entendu ces guérisseurs-là énoncer avec aplomb, devant une salle pleine de savants et de chercheurs, qu'un humain a vingts litres de sang. J'ai éclaté de rire. Ces oiseaux de mauvaise augure sont sots. Moi, je connais tous les remèdes, même ceux qui empêchent la vie de sortir d'un corps.

  Le devin acquiesça.

  - Bon, fin de la discussion. Repose-toi. Je vais te faire porter un bol de soupe d'orties au gingembre. Cela te remontera.

  La Dame se leva et embrassa le vieillard avant de tirer la tenture et de quitter la pièce. Elle traversa le couloir, interpella un domestique pour qu'il amène de la soupe au malade, puis elle descendit l'escalier jusqu'à sa bibliothèque. Elle prit place devant un grimoire poussiéreux.

  Elle avait fait un rêve quatre jours plus tôt. Un cauchemar plutôt. Une femme se faisait égorger dans la chambre de son enfant. Lhassa s'était réveillée en sursaut. Elle était immédiatement allée voir son devin, qui méditait dans l'une des salles du sous-sol du château. Il lui avait fait part spontanément des visions que lui-même venait d'avoir : un enfant assassiné dans son lit et sa mère tuée près de lui.
  Le lendemain, les faits s'étaient précisés. Dame Lhassa avait pu mettre une identité sur les deux victimes et sur le tueur. Il n'y a pas beaucoup de géant dans le royaume. Et elle avait décidé de se taire.

  Elle aurait peut-être dû écrire au roi...

  Elle chassa rapidement ces pensées d'un geste de la main. Pourquoi éprouver des remords pour des êtres qu'elle ne connaissait pas ?

  Elle entendit des pas résonner dans la grande salle aux arches voûtées. Günter Beleuchtete, son prédicateur et conseiller arrivait, deux gros livres sous le bras droit et des parchemins roulés sous le bras gauche.

  - Ha ! Ma Dame ! Je pensais bien vous trouver ici. Vous avez l'air un peu soucieuse...

  - Mon devin a dû garder le lit ce matin...

  - Il guérira, si Podeszwa le veut ! Je prierai pour lui.

  Sur ces mots, le conseiller posa son fardeau sur la table en demandant d'un ton mielleux :

  - Puis-je vous embêter un instant, ma Dame ?

  - Faites, répondit simplement Lhassa en poussant le grimoire.

  Le prédicateur prit place à ses côtés, ouvrit le premier registre et commenta les dernières lignes :

  - Un convoi de cinquante prisonniers (trente-huit hommes, dix femmes et deux enfants) est parti pour le Camp de Correction de l'Espérance. Les nouvelles que je reçois font état du bon avancement des travaux des fermes. Par ailleurs, le temple est achevé et deux prêtres officient neuf fois par jours.

  Il saisit l'autre livre et dit :

  - Les nouvelles en provenance du Camp Disciplinaire du Dernier Soupir sont moins bonnes. Certains prisonniers refusent de travailler ou de prier Podeszwa. Le directeur me demande donc l'autorisation de construire vingts nouveaux cachots...

  - Autorisez, autorisez...

  - Bien, ma Dame. Je note. Le Camp Disciplinaire a accueilli dernièrement quatre nouvelles recrues, des fortes têtes qui ont tentées de s'évader à plusieurs reprises du Camp de Correction. Ah... oui... les directions des Camps se demandent quand vous leur ferez l'honneur de votre présence...

  Lhassa réfléchit un moment avant de déclarer :

  - Cet hiver. Je m'y rendrais cet hiver. J'ai hâte de voir les effets positifs de la discipline et de la piété sur ces esprits rebelles. Toutefois, l'hiver ce sera très bien car je n'aime pas la chaleur.

  Günter Beleuchtete parut satisfait. Il écarta les deux livres et déplia les parchemins.

  - Les architectes ont bien travaillé, par la volonté de Podeszwa. Voici les premières esquisses de votre futur palais mobile ! Les dimensions sont notées ici. Alors, il sera monté sur des roues cerclées de fer. Toute la structure extérieure sera en châtaignier recouvert de galets et de coquillages pour un habillage léger. La toiture sera composée de plaques de zinc doré. L'intérieur sera entièrement fait en sapin du Nord.
  Il y aura un sous-sol et deux étages. Vos appartements et la Grande Salle se trouveront au centre du palais. Votre suite sera logée tout autour. Les cuisines seront en-dessous. Les gardes se trouveront ici et là. Les domestiques logeront dans les combles. A cette extrémité, il est prévu de créer une chapelle en l'honneur de Podeszwa. Les murs et le plafond seront recouverts d'ambre jaune, roux, rouge, noir, laiteux et vert. Tous les sols du palais seront de fines mosaïques.
  Les architectes ne savent pas encore le nombre exact d'hommes qu'il faudra pour tirer un tel bâtiment...
  Par contre les financements sont déjà presque bouclés.
  Qu'en pensez-vous, ma Dame ?

  - C'est merveilleux ! Merveilleux ! Je le veux ! Embauchez des artisans. Que les charpentiers se mettent rapidement au travail.

  Le conseiller allait se retirer de la pièce lorsque Dame Lhassa l'interpella :

  - Au fait, il faut que tout soit prêt pour mon départ pour le Duché de Gundor, dans deux jours. Vous resterez au château pour gérer les diverses affaires. Enfin, je vous fais entièrement confiance, mon brave.

  Elle ajouta, plus bas :
  - J'apprécie le dévouement des Osterlichois. Et leur religion, aussi.

  - Ma Dame, vous me mettez dans l'embarras... Podeszwa guide nos pas.

  - Oui. C'est possible. Podeszwa est surtout très pratique pour contrôler ce peuple inculte du Nord. Les anciens dieux poussaient trop les gueux à mener des vies de débauches et à critiquer le pouvoir de leur suzeraine... Il leur faut une religion qui prône une vie stricte, saine et simple. Qu'ils travaillent et qu'ils obéissent. Je n'en demande pas plus.

  Le prédicateur se dressa, offusqué, sous le regard amusé de Lhassa.
  - Podeszwa vous écoute ! Vous devriez montrer davantage de respect pour le tout-puissant !

  - Allons. Allons. Nous savons tous les deux que j'ai mes propres croyances... Vous priez pour le salut de mon âme et je sais que vous êtes zélé dans cette tâche. Je vous fais confiance, mon Osterlichois préféré...

#2 2015-11-13 12:34:53

Lhassa

Re : La lubie du palais mobile

Dame Lhassa était rentrée du Gundor. La délégation okordienne avait été tournée en ridicule. La Comtesse ne décolérait pas.

Peu après leur retour, le roi Godefroy avait annoncé la construction d'une capitale en Okord. Une capitale avec un somptueux palais. Et bien sûr, il avait fait lever un impôt très important qui prenait tous les seigneurs à la gorge.

Dame Lhassa était bien contente parce que les fonds pour son projet de palais mobile étaient en sécurité.

D'ailleurs, elle se rendait quotidiennement sur le chantier qui avançait remarquablement vite. Les bûcherons avaient abattus des centaines d'arbres. Ensuite, les charpentiers avaient assemblé la partie extérieure et des forgerons se relayaient jour et nuit pour façonner les pièces métalliques qui devaient tenir les différents éléments de l'ouvrage. La construction des planchers était presque terminée. En même temps, des charrons cerclaient des roues de bois.     

Lhassa ne se préoccupait pas de la fronde qui s'organisait contre le roi Godefroy. La seule chose qui lui importait c'était l'avancement de son palais...

Un matin, un prêtre de Podeszwa vint la chercher alors qu'elle discutait au sujet du mobilier avec le chef des menuisiers.

- Ma Dame, lui dit avec une voix de circonstance l'homme vêtu d'une bure grise, il faut que vous veniez au plus vite auprès du devin.

A son regard, la Comtesse comprit qu'il s'agit d'une chose très importante. Elle savait le devin très malade et aucun remède ne semblait le guérir.

Elle se précipita donc au chevet de son vieil ami.

#3 2015-11-13 12:38:55

Lhassa

Re : La lubie du palais mobile

Des chandelles avaient été allumées au quatre coins du lits pour empêcher les mauvais esprits d'approcher du mourant. Au fond de la chambre, une dizaine de religieux priaient pour que Podeszwa l'accueille dans le monde des morts. Pour eux, cet homme était un païen et à ce titre ils redoublaient de zèle dans leurs prières.

Dame Lhassa s'installa au bord du lit. Elle regarda le visage émacié du vieillard. Ce dernier parla d'une voix faible :

- Ma Dame, la vieillesse aura finalement eu le dessus... J'ai vécu plusieurs vies d'homme... mais je n'ai jamais... jamais trouvé la formule de la vie éternelle. L'immortalité. J'en ai toujours rêvé...

Lhassa se pencha vers lui.

- L'immortalité n'existe peut-être pas... Et cela n'empêcherait pas forcément de vieillir et les souffrances physiques qui vont avec...

Le vieil homme s'agita un peu.

- Penses-tu que la jeunesse éternelle pourrait remplacer avantageusement l'immortalité ?

Le silence n'était troublé que par les murmures des prêtres et le bruissement des chapelets entre leurs mains.
Le devin dit d'une voix basse :

- Cela se peut. Mais il faut que le rituel... soit bien maîtrisé... Il y a fort longtemps, j'avais étudié cela... J'avais peur de la vieillesse. Il esquissa un pâle sourire.Il y a deux livres, au fond de ce coffre... Prenez-les.

Dame Lhassa tenait deux gros ouvrages qui lui étaient totalement inconnus.

- Faites attention, ma Dame...La voix du devin devenait de plus en plus faible.car les formules contenues dans ces livres... sont difficiles à comprendre... et à maîtriser. J'ai eu trop peur d'échouer... Parce que... en cas d'échec... ça peut être catastrophique... fatal même...

Le vieillard ferma les yeux. Lhassa posa les livres sur le lit, s'agenouilla près du mourant et lui prit les mains. Il s'éteignit ainsi, en silence. La Comtesse resta un long moment auprès de son ami, puis elle se leva, sans un mot, et quitta la chambre, laissant la dépouille entre les mains des prêtres et des embaumeurs.

Elle alla s'enfermer des une pièce souterraine du château. Elle n'en sortit que pour assister aux funérailles du devin. Son conseiller, qui s'inquiétait de l'état de santé de la Comtesse, lui annonça que le roi Godefroy avait été capturé et destitué, et que son ancien vassal, Jacquouille, lui avait succédé sur le trône.
Dame Lhassa haussa les épaules en guise de réponse.

Puis elle retourna s'enfermer dans les souterrains.

Plusieurs mois passèrent. Elle demandait régulièrement à avoir des ingrédients rares et parfois étranges. Un beau jour, elle décida de mettre fin à sa réclusion et d'avoir à nouveau une vie sociale.
Son conseiller ne lui posa aucune question. Cependant, il remarqua un sourire énigmatique sur ses lèvres et une petite fiole qu'elle dissimula rapidement dans une poche de son vêtement.

Le premier lieu, où elle se rendit, fut la salle du conseil royal. Elle voulait surtout voir sa Majesté Jacquouille, assis sur le trône, la couronne sur la tête, le sceptre dans une main, le fléau dans l'autre...

#4 2015-11-23 01:28:09

Lhassa

Re : La lubie du palais mobile

Le messager avait apporté une excellente nouvelle : la construction du palais mobile était achevée. La venue du coursier avait permis à Dame Lhassa de quitter le procès de l'intendant Foulques qui était monté de toute pièce.

Face à la merveille architecturale, Lhassa se sentie transportée de joie. Elle visita chaque pièce avec enthousiasme et se fit montrer les caches secrètes avec un plaisir non dissimulé. Elle demanda à ses domestiques de préparer ce nouveau palais pour un départ imminent. Elle précisa :

- Il s'agit d'un départ définitif d'Okord.

L'intendant du château de Zouzouland haussa le sourcil.

- Si je puis me permettre, ma Dame, où allons nous ?

- Au-delà des terres connues, mon brave. Bien au-delà...

Une incroyable effervescence agita les fiefs de Lhassa durant plusieurs semaines. Cependant, aucun seigneur du royaume ne s'en aperçut.

Dernière modification par Lhassa (2015-11-23 01:32:29)

#5 2015-11-23 01:29:11

Lhassa

Re : La lubie du palais mobile

La nuit était tombée depuis longtemps. Les paysans, les artisans, les commerçants et les domestiques dormaient depuis des heures. Dame Lhassa veillait, comme à son habitude.
Son conseiller entra dans la bibliothèque. La Vicomtesse posa sur un guéridon le livre qu'elle était en train de lire.

- Vous ne trouvez pas le sommeil, ma Dame ?

- Non, en effet. Vous non plus, je présume...

- Par Podeszwa, vos conjectures sont toujours justes !

Lhassa esquissa un sourire. Elle sortit une fiole de sa poche.

- Après le décès de mon regretté devin, j'ai longuement étudié certains de ses ouvrages et j'ai mis ceci au point. Il s'agit d'un élixir de jeunesse.

Günter Beleuchtete ouvrit de grands yeux.

- Par Podeszwa ! s'écria-t-il. Comment est-ce possible ? Je veux dire... c'est incroyable !

- Podeszwa n'a rien à voir là-dedans. La magie gouverne notre univers. Beaucoup en ont peur. Certains la méprisent, se croyant ainsi à l'abri. Ceux qui s'y adonnent sont fort rares et ceux qui la maîtrisent sont encore moins nombreux.

- Ma Dame, je n'ignore pas vos penchants pour les pratiques occultes...

- J'ai fait une croix sur l'immortalité. Toutefois, j'ai tenté de mettre au point une potion de jeunesse éternelle. Je suis dans ce monde depuis quarante-six années et je sens leur poids, de plus en plus lourd... Imaginez que le temps n'ait aucune emprise sur vous jusqu'à ce que la mort vienne vous chercher. Imaginez que la vieillesse ne puisse plus déformer votre corps et ronger votre esprit...

- Ce serait merveilleux, ma Dame ! Mais, j'ai l'impression que quelque chose vous chagrine concernant cet élixir miraculeux...

- En effet. J'ai dû recréer la formule, car elle est oubliée depuis des siècles. Les indications qui nous sont parvenues sont parcellaires, lacunaires et, parfois, inexactes. J'ai testé cette potion sur des rats. Les résultats ont été encourageants. Mais... un humain n'est pas un rat...

- Par Podeszwa, pourquoi ne pas tester le produit sur des prisonniers ? Vous connaîtriez les éventuels effets indésirables.

- Votre raisonnement est bon. Le soucis, c'est qu'il faut utiliser les fleurs d'une plante presque disparue de nos jours. J'ai eu énormément de difficultés à la trouver. Je n'en ai pas assez pour faire plusieurs fioles. Malheureusement, cet ingrédient est indispensable.

Dame Lhassa ôta le bouchon de liège et dit d'un ton amusé :

- Je vais encore une fois jouer le cobaye...

Elle but le contenu de la fiole. Il ne se passa rien pendant les premières minutes. Soudain, ses mains se mirent à trembler ; elle se leva, chancela, tomba au sol, puis se tordit de douleur en hurlant. Des servantes, alertées par ce vacarme, se précipitèrent dans la bibliothèque.

Le conseiller, paniqué, leur donna l'ordre d'aller chercher le guérisseur.

Quand ce dernier arriva, il vit une enfant étendue au sol, les yeux clos. Günter Beleuchtete était à genou en train de prier Podeszwa.

- C'est... c'est la Vicomtesse... dit-il en larmes.

Dernière modification par Lhassa (2015-11-23 01:35:16)

#6 2015-11-23 01:31:21

Lhassa

Re : La lubie du palais mobile

Le lendemain, Dame Lhassa se réveilla. Elle s'assit dans son lit et regarda ses mains. Puis, elle demanda à avoir un miroir. Elle observa longuement son reflet.
Le conseiller entra dans sa chambre.

- Par Podeszwa, vous nous avez fait une de ces frayeur ! Grâce à Podeszwa tout puissant, vous allez bien !

Sa jeune maîtresse le fixa d'un air espiègle et dit d'une voix enfantine :

- Vous êtes vraiment amusant, vous !

- Ma Dame, me reconnaissez-vous ?

- Oui ! Bien sûr ! Vous êtes mon cher conseiller, Günter. Je ne suis pas stupide...

- Vous souvenez-vous de ce qu'il s'est passé cette nuit ?

L'enfant réfléchit un moment.

- Oui... C'était très douloureux. Épuisant, aussi. L'élixir a bien fonctionné. Un peu trop bien, en fait... La formule devait être trop concentrée...

Elle ajouta d'une voix résignée :

- C'est irréversible.

Des couturières furent appelées en urgence afin de confectionner une nouvelle garde-robe à la taille d'une petite fille de six ans.
Quand Lhassa eut ses nouveaux vêtements, elle se montra à ses gens. Elle leur rappela son souhait d'emménager au plus vite dans son palais mobile et donna un ordre étrange au commandant de son armée :

- Envoyez vos hommes chez le Baron Leroux. Qu'ils pillent l'or. Qu'ils sacagent les greniers. Qu'ils brûlent les chaumières. Qu'ils massacrent les paysans !

Le commandant resta interdit devant de tels ordres.

- Mais... Ma Dame... Heu... Ma Demoiselle... Nous ne pouvons pas... Ce n'est pas en rapport avec votre attitude diplomate... Et vous allez vous mettre pas mal de seigneurs à dos...

- Je ne suis pas une gamine ! Est-ce trop vous demander de m'obéir ?!

- Pourquoi le Baron Leroux ?

- Hé bien, j'aime pas ce Baron. En plus, il est à côté de mes fiefs. Moi, ça ne me plaît pas. Et j'ai envie de l'embêter.

Lhassa partit dans un grand rire enfantin. Soudain, elle se tourna vers sa suivante et ses servantes en s'écriant :

- Allons jouer à colin maillard !

Le commandant et Günter Beleuchtete se regardèrent.

- Étrange...

- Elle a bien changé. Et pas que physiquement... Cependant, je ne pense pas qu'elle plaisante. Je vous conseille de ne pas la décevoir.

Dernière modification par Lhassa (2015-11-23 01:36:35)

#7 2015-11-23 13:00:15

Lhassa

Re : La lubie du palais mobile

Lhassa avait suivi chaque jours les compte-rendus des massacres contre les fiefs du seigneur Leroux avec une satisfaction non dissimulée.

- Nous en sommes à plus de trois mille paysans tués... Ça c'est pour avoir envoyé de piètres dessinateurs faire d'horribles croquis de ma personne. Günter, mon ami, voyez le bon côté des choses. A présent, avec ce physique d'enfant de six ans, personne n'aura envie de dessiner certaines parties de mon anatomie... Tiens, quand nous traverseront un pays où il y aura un excellent peintre, je lui demanderai de réaliser un portrait de mon adorable visage poupin !

Oh ! Mes cavaliers ont encore éliminé plus de mille serfs ! Ça c'est pour avoir posé des fiefs sur MES terres alors que je lui avais signifié qu'il n'était pas le bienvenu...

Quoi ? Sept cents cadavres de plus ! Ça c'est pour avoir été un vassal affreusement effronté et ingérable...

Après la dernière attaque, la jeune Vicomtesse organisa un grand banquet pour fêter à la fois les massacres qui avaient certainement énervés le Baron Leroux et le départ du royaume d'Okord.

Le lendemain, elle se réveilla de bonne humeur. Il faisait froid mais beau.
Alors qu'elle profitait de la chaleur de son lit, et qu'elle n'était pas pressée d'en sortir, elle fit venir son conseiller.

- Günter, est-ce que tout est prêt pour le voyage ?

- Oui, ma Demoiselle.

- La bibliothèque, mes travaux et mes expériences ont bien été transférés dans le nouveau palais ? Nous avons suffisamment de nourriture pour tenir plusieurs mois ?

- Oui, ma Demoiselle. Grâce à Podeszwa, tout est prêt pour votre départ. J'ai veillé personnellement à ce que rien ne manque...

- Parfait !

Une fois habillée, Lhassa décida d'aller jouer une dernière fois dans le parc du château de Zouzouland.

A son retour, elle se fit servir du riz au lait avec du miel et de la confiture de coings sur du pain. Elle mangeât avec appétit. Puis, elle salua les paysans qui allaient retrouver leur indépendance et tous ceux qui resteraient en Okord.

A l'aide d'un escalier escamotable, elle monta dans le gigantesque palais sur roues. L'intérieur était splendide. Il y avait de l'ambre, de l'or, de l'argent, des coquillages, des bois précieux du sol au plafond. Elle prit place avec sa suite dans la grande salle. Les domestiques et les hommes en armes prirent possession de leurs quartiers.

L'ordre de départ fut donné. Des milliers de prisonniers tirèrent l'ensemble sous les cris et les coups de leurs geôliers qui étaient chargés de les faire avancer. Les deux camps du Sud avaient été vidés...

Le palais mobile s'éloigna lentement. Des éclaireurs repéraient la route en amont pour savoir si les chemin étaient assez larges et s'il n'y avait pas d'obstacles. Une compagnie de bûcherons étaient prête à intervenir pour élargir la voie ou pour débiter un tronc au sol.

Lhassa paraissait vraiment enjouée. Son conseiller lui dit :

- Ma Demoiselle, cela me fait plaisir de vous voir tout sourire. J'espère que ce voyage vous apportera toute la satisfaction que vous en attendez...

- Günter, j'adore les voyages ! Nous allons découvrir des terres et des personnes inconnues ! Et nous seront loin des soucis du royaume d'Okord...

Pied de page des forums

Propulsé par FluxBB