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#1 2015-10-24 17:32:28

Andior

Les exilés de l'île perdue

HRP : Ce RP raconte (en plusieurs parties) ce qui a mené Andior et Helyanor à arriver en Okord. Seul eux sont autorisés à poster ici, merci !

Jidor, 25e phase de l'hiver de l'an VII de l'ère 2014
Ile d'Agomeux, loin au sud de Sudord. Ville de Saarthal.

Andior croqua goulûment dans la viande rougeâtre qui se trouvait dans ses mains, et une clameur se leva parmi ses hommes. Saarthal avait un nouveau chef.
L'homme était âgé d'une vingtaine d'années, mais avait déjà un corps bien bâti. Selon la tradition du peuple Hjaal, il avait défié Razdûr, dit "La Dent Creuse", l'ancien chef de son peuple, pour un combat à mort déterminant qui serait le nouveau chef. Suite à cela, afin d'être accepté par son peuple, il avait dû découper une partie de la cuisse de Razdûr et l'avaler devant eux. Ce faisant, il ajoutait la force de Razdûr à la sienne, et devenait donc définitivement plus puissant que son adversaire - qui n'était de toute façon plus en état de contester quoi que ce soit.

Saarthal était sans aucun doute la cité la plus évoluée d'Agomeux. Située au nord de l'île, elle avait de loin le plus grand port, et était entourée de terres fertiles. Alors que certains autres villages souffraient de famines régulières, Saarthal prospérait et se développait, attirant de nombreux tacticiens et ingénieurs cherchant de meilleures conditions de vie. Malgré ses coutumes barbares, la ville possédait donc des technologies assez développées pour son époque. Pourtant, Razdûr n'avait jamais su en tirer profit, perdant batailles sur batailles et provoquant la rancoeur de son peuple.
Andior avait été le plus opportuniste... Il avait été trouvé, seul survivant sur l'épave d'un bateau, alors qu'il avait l'air d'avoir à peine trois ans. C'est là qu'on l'avait appelé Andior, en l'honneur du Dieu des Vents local, Andras. Il n'avait pas de nom de famille, et n'en aurait jamais. L'homme qui l'avait recueilli faisait partie d'une bande d'étranges "Chevaliers Mercenaires", comme ils aimaient s'appeler. Ils estimaient se battre uniquement pour des causes justes, même s'ils demandaient généralement de l'or en échange de leurs talents, et lui offrirent une formation très stricte et il les accompagna un grand nombre de fois pour des missions de tout ordre. Assez rapidement, le garçon montra des qualités d'orateur non négligeables, et les Chevaliers décidèrent d'engager un précepteur pour s'occuper de lui. Les années passant, il se découvrit un intérêt très poussé pour les intrigues politiques et la diplomatie. En plus des valeurs que lui avait donné son éducation, le précepteur vit en lui un futur grand chef et lui donna des raisons d'être ambitieux.
C'est donc sans aucune surprise que les Saarthiens virent, par un beau jour de Soirétoile (correspondant à l'hiver d'Okord), le jeune Compagnon se lever, l'air déterminé, et jeter son bouclier en direction de Razdûr.

Il finit sa bouchée avec difficulté. Razdûr était encore moins bon qu'il n'en avait l'air... Andior n'était déjà pas particulièrement friand de viande humaine malgré les traditions Saarthiennes, mais là...
Réprimant un rôt, il se releva vers son peuple.

"Saarthiens !
En ce jour, Razdûr le téméraire est tombé sous mon épée. Vous avez tous déjà entendus parler de la légende de l'Empire d'Ohm, sous lequel notre île toute entière et de nombreuses autres terres furent réunies? Eh bien notre peuple règnera bientôt en maître sur notre belle île d'Agomeux. Et en ce jour je vous le garantis : dans dix lunes, si vous suivez mes directives à la lettre, ce sera le cas.
Tenez vous prêts, continuez à faire rayonner la ville grâce à vos talents. L'heure approche."

Un discours bref, qui répondait entièrement aux attentes de son peuple qui hurla son nom à trois reprises.
Les affaires commençaient enfin. Andior, dit "Le Jeune", prenait la tête de Saarthal.

Dernière modification par Andior (2015-11-20 18:08:43)

#2 2015-10-25 11:07:34

Helyanor

Re : Les exilés de l'île perdue

Dans la zone montagneuse du nord de l'île, à plusieurs dizaines de lieues du territoire de Saarthal, une autre tribu se préparait à un prochain de changement de chef : Sargenka, la matriarche du clan du Hibou, avait tenu, malgré son grand âge, à participer à la traditionnelle partie de chasse des fêtes du solstice. Depuis l'aube, elle avait parcouru les chemins escarpés à la poursuite d'un bouc des montagnes. Mais son pied n'était plus si assuré que par le passé et elle avait chuté du haut d'un à-pic de plusieurs mètres. A présent, elle s'obstinait, malgré ses blessures et ses os brisés, à présider au banquet qui clôturait cette journée habituellement joyeuse. Bien qu'elle n'en laissât rien paraître, son état était plus que préoccupant, et cette fête du solstice était probablement la dernière qu'elle voyait. Helyanor, une des femmes du conseil du village, était particulièrement soucieuse.
Helyanor était entrée au conseil dix ans plus tôt en qualité de scribe, après une jeunesse passée à étudier les manuscrits de l'ancienne civilisation disparue. A présent, elle entrait dans sa quarantième année, et elle se savait la mieux placée pour prendre la succession de Sargenka si celle-ci venait à disparaître, d'autant que l'étendue de ses connaissances l'avait rendue très utile à son peuple. Cependant, le pouvoir l'intéressait peu. Elle préférait de beaucoup explorer les ruines de l'ancienne cité situées non loin du village, à la recherche d'autres savoirs oubliés.
Elle finit par s'approcher de la matriarche pour lui parler discrètement.
"Sargenka, tu ferais mieux d'aller te reposer si tu veux te rétablir vite.
- Pourquoi tiens-tu tellement à ce que je me rétablisse ? As-tu peur à ce point d'avoir à prendre ma succession ?
- Tu sais bien que je ne suis pas prête.
- Si, tu l'es. Ceux qui ne souhaitent pas diriger font souvent de bons chefs : ils savent mieux que d'autres se garder des effets corrupteurs du pouvoir. J'étais aussi réticente toi à devenir matriarche quand j'ai été élue..."
Sargenka dut s'interrompre pour reprendre son souffle.
"Donne-moi encore un peu de cette potion que tu m'as préparée."
Helyanor servit une coupe de vin à la vieille femme, et y versa un peu du contenu d'une petite fiole quelle venait de tirer de sa poche.
"Quelques gouttes seulement. Je te rappelle que cette mixture est toxique à haute dose."

Le Clan du Hibou avait quelque chose d'incongru au milieu des autres tribus barbares. Cette bizarrerie était due à l'histoire particulière de l'île : En des temps très reculés, Agomeux avait abrité une civilisation avancée, qui avait fini par s'effondrer dans une guerre civile meurtrière après plusieurs années consécutives de sécheresse et de famine.
Après sa destruction, les survivants avaient constitué une dizaine de clans rivaux, qui s'étaient dispersés sur toute l'île, chacun sur un bout de territoire. En l'espace de trois ou quatre générations, les clans s'était mués en tribus barbares sanguinaires et toute trace de l'ancienne civilisation avait disparu -ou presque : un groupe de femmes s'était établi près des ruines de l'ancienne capitale, et avait continué à transmettre, génération après génération, l'apprentissage de l'écriture. Au fil du temps, elles avaient constitué une petite société matriarcale qui était devenue le Clan du Hibou.
Pendant ce temps, le reste de la population survivante s'était enfoncée dans la sauvagerie. Après quelques générations, des superstitions sur le site de l'ancienne cité antique commencèrent à circuler, ainsi que des histoires de fantômes et de malédictions diverses, qui suffirent bientôt à dissuader les guerriers des tribus barbares de s'en approcher. Les femmes du Clan du Hibou en étaient-elles les instigatrices ? Nul ne le savait. Toujours est-il que ces vieilles légendes leur garantissaient une relative tranquillité depuis plus de vingt générations.

Dernière modification par Helyanor (2015-10-29 20:45:23)

#3 2015-10-27 19:50:48

Andior

Re : Les exilés de l'île perdue

Lunor, 14e phase de l’été de l'an VIII de l'ère 2014
Ile d'Agomeux, loin au sud de Sudord. Villes de Saarthal et Menegroth.

Durant la moitié d’année écoulée depuis son accession au trône de Saarthal, Andior n’avait pas chômé. Le jeune guerrier avait effectué une campagne de communication intérieure diablement efficace, et son plan s’était déroulé exactement comme il l’espérait. Sa cible était Menegroth, une cité voisine à l’est dirigée par Karadoc Le Gros, qui était la seule à avoir une puissance quasi-équivalente à celle de Saarthal. En effet, cette ville possédait les trois mines les plus importantes de la région, et ses soldats étaient donc mieux équipés que n’importe quelle autre armée. Toutefois, les deux villes, plutôt que de s’allier, se livraient depuis des années à des combats irréguliers, mais très féroces, les empêchant d’asseoir leur domination sur l’île. Il fallait donc s’occuper de cela en priorité.

Andior engagea de nombreux mercenaires qui firent courir la rumeur dans tout Menegroth que le peuple de Saarthal était à deux doigts de se soulever contre son nouveau chef, qui s’était révélé des plus incompétents, et que son armée ne lui était pas fidèle. Mieux encore : lors de d'une mission de la guilde qui l'avait élevé, Andior avait sauvé la vie à Zelos, un conseiller du chef de Menegroth, qui lui était entièrement dévoué. Il était donc au courant des moindres faits et gestes de l’armée de Karadoc le Gros.
La deuxième chose qu’Andior s’empressa de faire fut d’entraîner des cavaliers et archers en masse pour préparer son attaque.

La rumeur fit son travail, et Zelos put bientôt conseiller à Karadoc le Gros, après une nouvelle rumeur d’insurrection, de passer à l’offensive et de conquérir Saarthal.
La bataille qui suivit est restée une des plus grande bataille d’Agomeux. Alors que l’armée ennemie, menée par Karadoc lui-même, se réunissait et se dirigeait vers Saarthal, les cavaliers la contournèrent et filèrent sur Menegroth, laissée quasiment vide de troupes. C’est sans mal qu’ils s’emparèrent de la ville en encaissant de très légères pertes, mais aucun des villageois conquis ne put quitter la ville et avertir l’armée de Karadoc.
Le chambellan de la ville signa un contrat reconnaissant sa défaite, plaçant ainsi Menegroth sous la suzeraineté d’Andior. Il restait toujours l’armée à exterminer, mais…le piège s’était déjà refermé sur eux.
Lorsque Karadoc arriva aux portes de Saarthal, aucun archer n’était visible sur les murailles. Aucune des catapultes défensives ne tira, et aucun drapeau ne flottait sur le donjon de la ville.

Elle semblait déserte. Certaines maisons avaient leur porte défoncée, l’une d’entre elle avait même été récemment brûlée. Petit à petit, quelques habitants sortirent de leur demeure, certains étant maquillés pour faire croire qu’ils étaient blessés. Les soldats, d’abord méfiants, prirent petit à petit leurs aises, et Karadoc Le Gros décida de faire un discours pour fêter son étrange victoire. Il s’installa au centre de la place du marché, entouré de ses généraux, mais juste avant qu’il eût le temps de prononcé un seul mot, un cor Saarthien sonna, et une pluie de flèches s’abattit sur l’état major de Karadoc. Pas un seul de ses capitaines ne survécut, et aucun de ses hommes n’eût le temps de bouger. Complètement paniqués, les soldats ennemis levèrent les yeux tout autour d’eux, cherchant d’où venaient les flèches qui avaient exterminé leurs chefs, mais un bruit assourdissant se fit entendre, en direction de l’entrée de la ville.

Le plus gros de la cavalerie d’Andior revenait, leur Seigneur avançant fièrement à leur tête. Une nouvelle salve de flèche s’abattit sur les soldats de Karadoc qui tentèrent de fuir, mais se firent écraser par les cavaliers. C’est ainsi que disparut l’armée de Karadoc, battue alors qu’ils étaient deux fois plus nombreux que leurs adversaires.
Karadoc lui-même dût faire face à Andior mais refusa de lui prêter allégeance. Il fut alors égorgé, et Andior, selon la tradition, but une coupe remplie de son sang afin de ne jamais oublier le goût amer d’une victoire qui avait tout de même vu périr une partie de ses hommes.
Andior avait donc désormais mainmise sur les deux cités les plus importantes de l’île, possédant de grandes mines, des terres fertiles, et un immense port.

Fort de sa confiance, il commença alors à penser à sa prochaine cible : le village de prétendues sorcières, qui était situé au Sud de Saarthal et construit sur les ruines de la Cité Antique. Une victoire sur elles lui assurerait - s'il en avait encore besoin - l'allégeance de nombreux petits seigneurs de l'île. Ses conseillers lui demandèrent de rester loin de ce village, pour le bien de tous, mais il n'en avait pas l'intention.

Dernière modification par Andior (2016-02-09 02:36:19)

#4 2015-10-29 21:22:46

Helyanor

Re : Les exilés de l'île perdue

Malgré les soins attentifs qui lui avaient été prodigués, Sargenka avait fini par s'éteindre quelques mois après son accident. Durant les semaines qui avaient suivi sa mort, Helyanor avait passé avec succès, l'une après l'autre, toutes les épreuves du rituel de succession. Elle venait à présent d'être élue martriarche, et la cérémonie de son intronisation avait eu lieu le matin même. Alors qu'elle s'apprêtait à entrer dans la salle du Conseil pour y présider pour la première fois, une jeune fille arriva en courant derrière elle.
"Matriarche! Une armée ennemie, menée par un groupe de cavaliers... aux portes du village !"
La jeune sentinelle repartit précipitamment vers son poste de garde sur les remparts. Helyanor la suivit. Arrivée sur la passerelle qui surplombait la grande porte, elle aperçut l'armée barbare, qui s'était arrêtée à une cinquantaine de mètres des remparts. Helyanor reconnut de quel clan il s'agissait :
"ça commence bien : la tribu de Saarthal... Qu'est-ce qu'il font là ?"
Helyanor réfléchit un instant, puis redescendit des remparts. Elle se tourna vers la sentinelle.
"Ferme bien la porte derrière moi et va prévenir le Conseil. Que tous les adultes disponibles se postent sur les remparts avec des arcs de guerre et se tiennent prêts à repousser l'attaque si ça tourne mal.
- Tu ne vas pas y aller seule ?
- Si, pour commencer."
Helyanor sortit de l'enceinte du village et marcha résolument vers la horde de soldats.

Andior et ses compagnons regardèrent avec un certain étonnement cette femme sortir seule et s'avancer vers eux. Le jeune chef l'observait silencieusement. L'un de ses compagnons commença à montrer quelque inquiétude.
"Tu veux toujours attaquer, Andior ? J'ai toujours entendu dire que c'était un village de sorcières...
- Balivernes ! Elle n'a pas l'air bien méchante, ta sorcière ! interrompit un autre guerrier de la suite.
- Mais qui d'autre que des sorcières vivraient aussi près des ruines maudites ?
- Silence, vous deux ! Je n'ai jamais cru à tous ces contes à dormir debout. Cela dit, cette femme montre un certain applomb..."
Le plus hardi des deux compagnons s'esclaffa.
"Ha ! Cette donzelle n'est sans doute qu'une servante envoyée là pour nous distraire quelques temps. Je vais m'amuser un peu !"
Le barbare éperonna son cheval et se lança sur Helyanor, qui continuait d'avancer imperturbablement. Au dernier moment, elle fit un pas de côté et, sortant une petite dague de sa manche, trancha la bride du cheval, qui se cabra. Helyanor coupa alors la sangle de la selle, et le fier guerrier se retrouva au sol, les quatre fers en l'air. Il se releva, rouge de colère et de honte, pendant que la foule des barbares derrière lui riait aux éclats. Andior seul demeurait silencieux, et fixait Helyanor d'un oeil inquisiteur. Cette femme l'intriguait de plus en plus.
Le guerrier ridiculisé brandit sa hache et se jeta sur Helyanor en poussant un cri de rage. Elle esquiva ce nouvel assaut et le força à lâcher son arme en lui plantant sa dague dans la main.
"Il suffit ! Ecoutons ce qu'elle a à dire !" cria Andior.
Helyanor laissa le barbare ruminer sa défaite et s'avança vers Andior.
"Bonjour, jeune chef de guerre. Je suis Helyanor, matriarche du Clan du Hibou. Voilà bien longtemps que des guerriers d'autres tribus ne s'aventuraient plus par ici. Que viens-tu chercher ?
- Je suis Andior, chef du village de Saarthal, et j'ai décidé de conquérir toute l'île. Mon peuple mérite plus que toute autre de..."
La conversation fut interrompue par les cris de terreur du guerrier qu'Helyanor venait de blesser à la main.
"Andior ! Ma main... Elle... Elle se décompose !"
Le jeune chef sauta de son cheval et alla examiner la main de son compagnon. Elle ne portait qu'une entaille nette et profonde. Aucune trace de décomposition. L'homme leva les yeux vers Andior et chuta au sol dans un mouvement de recul, l'air effrayé.
Andior était de plus en plus perplexe. Il n'avait jamais vu une telle terreur chez l'un de ses compagnons, ni même chez un ennemi. Il se retourna soudain vers Helyanor et lui lança un regard à la fois interrogateur et furieux. Il se précipita sur elle, la saisit par le bras et lui mit son épée sous la gorge.
"Tu l'as empoisonné !" hurla-t-il.
"Ce n'est pas mortel. Les hallucinations lui passeront dans quelques heures." répondit Helyanor, toujours impassible.
Derrière Andior, un brouhaha de conversations inquiètes commençait à s'élever. Il se retourna vers ses hommes et leur hurla de se taire. Helyanor continua à voix basse.
"Tes guerriers n'ont pas l'air aussi rationnels que toi, jeune chef. Es-tu certain qu'ils te suivront tous si tu te lances à l'assaut de nos remparts ?
- Et si je t'égorge, là, tout de suite ?
- Mon clan choisira une nouvelle matriarche et tu ne seras pas plus avancé."
Pour la première fois de sa vie, Andior hésitait. Il était hors de question qu'il perde la face devant tous ses guerriers en cédant devant une femme, cependant elle avait raison sur un point : contrairement à lui, tous ses compagnons ne s'étaient pas affranchis des anciennes superstitions, et bon nombre d'entre eux n'oseraient pas attaquer un village qu'ils croyaient protégé par la sorcellerie. C'était trop bête : leurs engins de guerre pourraient facilement venir à bout des remparts de bois.
"Si tu déclenches cette guerre, personne n'en sortira vainqueur. Tes machines raseront entièrement le village, mais toi et tes hommes finirez tous ou presque dans le même état que celui-là. Il nous sera facile d'en massacrer la plupart et d'en laisser filer quelques-uns pour qu'ils colportent d'autres histoires de sorcellerie... Nous n'en auront pas moins tout perdu."
Andior ne répondit pas. Ses yeux lançaient des éclairs. Il savait qu'Helyanor avait raison, mais son statut de chef et les coutumes de son peuple lui interdisaient de le reconnaître. Cela le rendait encore plus furieux. Il repoussa violemment Helyanor, qui tomba au sol, et voulut la frapper avec son épée. Elle esquiva le coup et se releva avec une agilité surprenante pour son âge, mais le jeune guerrier ne renonça pas et continua à l'attaquer. Helyanor évitait coup après coup, et parvint à le toucher de la pointe de sa dague à plusieurs reprises, en évitant toutefois de lui causer la moindre blessure. Après une dizaine de minutes, Andior, à bout de patience, finit par jeter son épée au sol. Il s'avança vers Helyanor et l'empoigna à nouveau.
"Pourquoi fais tu ça ? Pourquoi ne combats-tu pas pour vaincre ?
- Parce qu'ensuite, il faudrait attendre jusqu'au soir que tu sois à nouveau en état de discuter.
- Discuter de quoi ?
- Il y a d'autres issues que la guerre... Nous devrions poursuivre cette conversation un peu plus à l'écart. Cela te permettra de raconter ce que tu voudras à tes hommes quand nous aurons terminé."
Andior ramassa son épée, entraîna la matriarche vers le village et, arrivé aux remparts, la saisit à la gorge et la plaqua contre le mur de bois. Elle n'opposa aucune résistance.
"Ici, mes hommes peuvent toujours nous voir mais pas nous entendre. Parle ! Qu'as-tu à me proposer ?
- Une alliance entre nos deux tribus.
- Une alliance ? Pourquoi accepterais-je ?
- Parce que c'est la solution la plus logique. Ton armée est certes puissante, mais contrairement aux apparences, nous avont des moyens de défense tout aussi efficaces. Comme je te l'ai dit, si nous entrions en guerre, personne n'en sortirait vainqueur et ton grand projet de conquête s'arrêterait là.
- Et toi, que gagneras-tu à m'aider ?
- Unifier l'île me paraît à présent le meilleur moyen d'assurer à mon clan une paix durable. Ta présence à nos portes me prouve que les anciennes superstitions ne suffiront peut-être plus très longtemps à dissuader les attaques contre nous. Nous sommes capables de nous défendre, mais si nous devions continuellement repousser des invasions, nous n'aurions plus le temps de cultiver nos terres.
- Qu'est-ce qui me prouve que tu ne vas pas me trahir et tenter de prendre le pouvoir à ma place quand j'aurai conquis toute l'île ?
- Rien pour l'instant, en effet. Mais diriger ma tribu est une charge bien suffisante pour moi. Je ne suis pas tentée par davantage de pouvoir. Alors, que décides-tu ?"
Andior resta quelques instant silencieux, à réfléchir. L'attitude d'Helyanor l'intriguait beaucoup : elle n'avait pas montré la moindre crainte face à lui et à son armée, et cependant elle semblait déterminée à éviter la guerre. Il céda finalement à la curiosité et décida d'accepter. Si c'était un piège, il saurait bien s'en rendre compte.
"C'est d'accord. Suis-moi."
Andior retourna vers ses guerriers, entraînant toujours Helyanor avec lui. Arrivé devant ses hommes, il s'adressa à eux :
"Nous venons de remporter une nouvelle victoire ! J'ai résisté à la magie de cette femme. Elle et sa tribu se rendent sans combattre !"
Le jeune chef fut acclamé par ses troupes. Il restait à présent à Helyanor à expliquer la situation au conseil du clan du Hibou.

Pendant qu'Andior ordonnait à ses hommes d'établir le campement, Helyanor retourna à la hâte vers la salle commune du village. Devant le conseil réuni au grand complet, elle fit un exposé détaillé de ce qui venait de se passer et des raisons qui l'avaient poussée à décider seule d'une alliance avec la tribu de Saarthal. Dès qu'elle eut terminé, l'une des femmes du conseil protesta :
"Tu aurais mieux fait de rester avec tes vieux parchemins poussiéreux, Helyanor. Tu es matriarche depuis moins d'un jour et déjà, des ennemis sont à nos portes. Et toi, tu les leur ouvres en grand ! Du temps de Sargenka, une telle chose ne se serait jamais produite !
- Du temps de Sargenka, la tribu de Saarthal était dirigée par un vieil idiot superstitieux. Son successeur a l'esprit beaucoup plus vif.
- Et donc, tu mets notre société en péril parce que tu as cru déceler de l'intelligence chez le chef de ces sauvages ?
- Le chef de ces sauvages, comme tu dis, a compris tout de suite que nous utilisions des poisons hallucinogènes, et non la magie, pour nous défendre. Tu préfèrerais te contenter d'espérer qu'il soit le seul à être aussi malin parmi les guerriers des neuf tribus ? Unifier l'île comme il en a le projet nous garantira la paix beaucoup plus durablement que de vieilles superstitions auxquelles, un jour, plus personne ne croira."
La contestataire cessa de répondre. Pendant quelques minutes, les membres du conseil se concertèrent entre elles à voix basse. Beaucoup paraissaient sceptiques ou hésitantes. Cependant, après davantage de débats et de questions, la majorité d'entre elles finit par approuver la décision d'Helyanor.

  *   *   *

Le crépuscule commençait à tomber lorsque le portail du village s'ouvrit à nouveau. L'armée de Saarthal avait terminé d'installer son campement et, déjà, les soldats avaient tué quelque gibier pour leur repas du soir. Helyanor s'avança à nouveau vers Andior et ses compagnons d'armes.
"Jeune chef Andior, le conseil du clan a approuvé ma décision. Toi et tes hommes êtes invités à visiter notre village. Nous organisons également un banquet pour ce soir."
Andior, quelque peu surpris mais poussé par la curiosité, entra dans le village avec la matriarche. Afin de lui prouver sa confiance, cette dernière avait ordonné que le portail restât ouvert. Une fois les remparts franchis, le jeune chef de guerre s'étonna :
"Ton village n'a pas l'air très grand, ni très peuplé.
- Nous pratiquons le contrôle des naissances.
- Comment cela ?
- Nos ancêtres ont choisi d'établir le village sur ce site montagneux parce qu'il était facile à défendre. Cependant, il présente quelques inconvénients : nous avons peu de terres cultivables et peu de place pour construire de nouvelles habitations. Nous faisons donc en sorte qu'il ne naisse pas davantage d'enfants que nous ne pouvons en accueillir.
- Tu veux dire que les femmes ne peuvent pas avoir autant d'enfants qu'elles le veulent ? Et ça ne pose pas de problèmes ?
- Pas dans notre culture. Avoir des héritiers n'est pas une obligation, chez nous, et beaucoup de femmes choisissent de ne pas procréer. Les enfants vivent généralement dans la même maison que leur génitrice, mais sont élevés par l'ensemble du clan.
- C'est tout de même étrange.
- Pas plus que de boire le sang de ses ennemis vaincus."
Andior jeta un regard surpris à la matriarche.
"Hé oui, nous sommes un peu au courant de vos coutumes. Mon peuple ne vit pas
aussi isolé qu'il n'y paraît. Certaines d'entres nous voyagent régulièrement sur toute l'île.

- Comment se fait-il qu'on ne les rencontre jamais ?
- Nous sommes très discrètes... Et certains des poisons hallucinogènes dont nous enduisons nos armes ont aussi quelques effets sur la mémoire."

  *   *   *

La nuit était à présent bien avancée et le banquet touchait à sa fin. Andior, comme bon nombre de ses guerriers, avait quitté la table pour se dégourdir les jambes. Soudain, dans l'obscurité, il trébucha sur un obstacle. En fait, sur un corps allongé au sol. Il reconnut immédiatement un de ses hommes profondément endormi. Il le saisit par le col de sa tunique et le secoua pour le réveiller... sans résultat. Il aperçut alors, quelques mètres plus loin, deux autres de ses guerriers dans le même état que le premier. Entendant des pas derrière lui, il se retourna. C'était Helyanor.
"Qu'est-ce qui est arrivé à mes hommes ? Si c'est une ruse de ta part, je...
- Ne t'inquiète pas. Ils se sont simplement endormis après avoir trop bu. Plusieurs membres de mon clan sont dans le même état.
- L'alcool ne les fait pas dormir, d'habitude !
- Les herbes dont nous parfumons notre vin n'ont pas pour seule fonction d'améliorer son goût. Elles sont aussi un excellent moyen d'éviter que nos fêtes ne soient gâchées par des bagarres entre ivrognes. Tes hommes se réveilleront dans une dizaine d'heures, tout au plus... avec une bonne gueule de bois."
Andior n'était qu'à moitié convaincu par ces explications. Il s'inquiéta un instant à l'idée d'avoir entraîné ses hommes dans un piège. Il regarda autour de lui : un peu partout, des habitants du village portaient d'autres dormeurs à l'intérieur des maisons ou les installaient à la belle étoile sur des lits improvisés.
"Nous installerons tes guerriers le plus confortablement possible en attendant qu'ils retrouvent leurs esprits... à moins que tu préfères que nous les ramenions à ton campement ?
- Oui."

Dernière modification par Helyanor (2015-11-13 01:12:10)

#5 2015-11-02 17:50:04

Andior

Re : Les exilés de l'île perdue

Dorma, 2e phase de l’été de l'an XII de l'ère 2014
Ile d'Agomeux, loin au sud de Sudord. Ville de Saarthal.

Andior repensait souvent à sa première rencontre avec Helyanor. Ca avait définitivement été le moment le plus important, celui qui lui avait assuré une victoire totale. Avant même qu'il ne rentre de son séjour au clan du Hibou, la rumeur de sa victoire s'était répandue, et les chants qui en parlaient dépassaient largement la réalité. Certains parlaient d'un duel à mort entre le jeune chef de guerre et une sorcière qui pouvait lancer des boules de feu et se transformer en harpie... D'autres disaient que l'armée entière d'Andior avait été réduite à l'état de zombie par la magie maléfique de la sorcière, et que seul Andior avait été capable de résister au sort, et de sauver son armée en neutralisant la sorcière.

Quoi qu'il en soit, de nombreux chefs de clans étaient venus déposer leurs armes à ses pieds, et lui prêtèrent allégeance. Certains pensaient même qu'il était un envoyé des dieux, voire un dieu lui-même, et lui vouaient un culte dans leurs cités. Toutefois, lorsque les chefs des tribus les plus au sud d'Agomeux vinrent, Andior se dit que leur sourire bienveillant avait tout d'un masque cachant un visage haineux, rongé par la jalousie et le mépris d'un homme qui avait été élevé au rang de dieu sans raison.
Bien entendu, Andior n'avait jamais démenti aucune des versions. Lorsqu'on lui demandait de raconter ce qu'il s'était réellement passé là-bas, il se contentait de répondre laconiquement : "J'ai résisté à leur magie et leur peuple s'est soumis au nôtre." Selon les régions, on l'appela donc "L'Unificateur", ou "Le Pur".

Agomeux était unifié pour la deuxième fois de l'histoire connue, et cela avait été fait en très peu de temps, comme Andior l'avait promis. Toutefois, le souvenir du combat contre Helyanor lui était resté en mémoire. Ils avaient tous deux pris conscience de leurs faiblesses pour la première fois à ce moment-là. En effet, Andior, malgré ses coups dévastateurs, s'était révélé incapable de toucher Helyanor qui maîtrisait l'esquive mieux que quiconque. Helyanor, quant à elle, n'aurait jamais pu porter de coup décisif à son adversaire, qui n'aurait eu que quelques égratignures, car il ne baissait pas sa garde. Ce constat les poussa à s'entraîner régulièrement ensemble, parfois à Saarthal, parfois au village du Clan. Leurs techniques respectives s'amélioraient, et, grâce à ces rencontres régulières, ils se lièrent d'une amitié empreinte d'un immense respect pour l'autre.
Pour ne pas causer de problème à la réputation d'Andior, la matriarche des Hiboux venait toujours en Saarthal avec des habits de vulgaire paysanne, sous lesquels se cachaient, en fonction de la raison de sa venue, sa tenue de combat ou une tenue de soirée, généralement simple et élégante.

Ce jour-là, alors qu'Andior prenait tranquillement son repas du soir, un chef du Sud, Sinistros, prit sa plume et commença à écrire des missives destinées aux chefs des tribus avoisinantes. Lorsqu'Andior se coucha, quatre messagers étaient déjà partis, et le lendemain matin, les quatres mêmes messagers faisaient déjà le chemin du retour vers la cité de Sinistros avec des réponses. Le futur d'Agomeux dépendait de ces lettres...

#6 2015-11-05 22:20:53

Helyanor

Re : Les exilés de l'île perdue

Lorsqu'Andior était de passage au clan du Hibou, il était fréquent qu'Helyanor, après les entrainements au combat, l'invitât dans sa bibliothèque ou son laboratoire afin de partager avec lui les savoirs de sa tribu. Un soir, la conversation se porta sur les poisons hallucinogènes qu'Helyanor et son peuple utilisaient pour se défendre. Andior, comme toujours, se montrait très intéressé.
"Que se passe-t-il si une de tes guerrières se blesse accidentellement avec son arme ou si un ennemi parvient à la retourner contre elle ?
- C'est rare, mais ça peut se produire, en effet. Pour cette raison, nous nous immunisons contre les effets de nos poisons.
- Comment faites-vous ?
- Je vais te montrer ça."
Helyanor ouvrit une des armoires qui se trouvaient derrière elle, en sortit quelques fioles et un bol de préparation et les posa sur la table.
Tout en préparant ses produits, elle expliqua :
"Nous diluons un peu de poison dans une teinture qui en atténue les effets. Ensuite, nous en imprégnons des aiguilles que nous nous plantons dans la main comme ceci. La pointe est tellement effilée que c'est presque indolore."
Elle enfonça l'aiguille dans sa propre main.
"Le traitement est progressif et doit se prolonger sur plusieurs années. Au début, on se limite à une seule aiguille, puis on augmente leur nombre régulièrement. Je peux en supporter plus d'une trentaine sans ressentir le moindre effet. Veux-tu essayer ?
- Oui.
- Je dois te prévenir que tu risques d'avoir des hallucinations pendant quelques secondes. Es-tu prêt ?
- Vas-y."
Helyanor prépara une seconde aiguille et l'enfonça délicatement dans la main d'Andior. Ce dernier, après quelques instants, montra quelques signes d'inconfort et se couvrit les yeux avec sa main restée libre. Il resta ainsi pendant une dizaine de secondes.
"C'est... surprenant.
- Tu montres un sang-froid remarquable. Les effets disparaîtront totalement dans moins d'une minute. Les injections doivent être espacées d'une à deux semaines, en ajoutant une aiguille à chaque..."
La terre se mit soudain à trembler, interrompant la conversation. Andior ferma à nouveau les yeux.
"ça recommence...
- Non, ça c'est réel. Les tremblements de terre sont plus fréquents depuis quelques lunes. Pluis intenses, aussi.
- Tu veux dire que ça arrive souvent ?
- Au début, c'était assez rare. Le premier dont je me souvienne a eu lieu il y a environ vingt-cinq ans, un jour où j'explorais les ruines de l'ancienne cité. J'étais encore bien jeune... Je suis sortie précipitamment du bâtiment où je me trouvais et j'ai regardé autour de moi pour essayer de comprendre ce qui faisait trembler la terre de cette façon. Ensuite, quand je suis retournée au village, tout y était normal. Personne ne s'était aperçu de rien. Les jours suivants, je suis retournée dans la montagne et j'ai continué à explorer les environs de la cité. Mais plus rien ne s'est passé pendant plusieurs années. C'est bien plus tard que j'ai trouvé l'endroit où les tremblements de terre prennent leur origine. Si tu le souhaites, je te le montrerai demain.
- Oui, je suis assez curieux de voir ça... Autre chose : peux-tu me donner un peu de ton poison hallucinogène ? Je me méfie de certains chefs de tribu du sud. Je les soupçonne de préparer quelque chose. Si c'est la cas, j'aurai besoin d'entretenir ma légende pour les faire tenir tranquille.
- Ce serait une bonne idée, en effet."
Helyanor prit une fiole dans l'armoire derrière elle et la donna à Andior.
"C'est la composition qui agit le plus rapidement. La plus indiquée en cas de combat imprévu, surtout si les ennemis sont nombreux."
Cette dernière phrase résonna étrangement aux oreilles d'Andior. Il lui sembla qu'elle avait quelque chose de prémonitoire. Il rangea la fiole dans sa poche et se retira pour aller dormir.

Le lendemain matin, Andior et Helyanor se mirent en route dès l'aube. Durant deux heures, ils parcoururent les sentiers escarpés. Finalement, ils arrivèrent à un plateau désertique, où aucune végétation ne poussait.
"C'est ici."
Andior s'avança de quelques mètres, mais Helyanor le retint d'aller plus loin.
"Fais attention. L'endroit est dangereux.
- Comment ça ? Il n'y a rien, ici.
- Rien à part des trous dans le sol, d'où s'échappent des fumées brûlantes à intervalles réguliers... Recule !"
Un jet de vapeur jaillit soudainement du sol à quelques dizaines de centimètres d'Andior, qui évita de justesse les projections brûlantes.
"Et tu viens souvent ici ?
"J'étudie cet endroit depuis de nombreuses années pour essayer de comprendre ce qui s'y passe. Jusqu'à présent, je n'ai rien trouvé, pas même dans les textes de l'ancienne civilisation que j'ai pu récupérer."

Pendant qu'Andior et Helyanor étaient à leur exploration, d'autres membres du clan du hibou s'apprêtaient passer la journée hors du village : un petit groupe d'adolescents étaient descendus vers la forêt pour une partie de chasse. L'une des jeunes filles, apercevant au loin de la fumée s'élevant au-dessus des arbres, s'éloigna du groupe pour aller voir de quoi il s'agissait. Après avoir parcouru quelques centaines de mètres, elle surprit un groupe d'une dizaine de guerriers barbares rassemblés autour d'un feu de camp sur lequel cuisait la carcasse d'un chevreuil. Elle s'arrêta net et, sans le moindre bruit, grimpa dans l'épaisse frondaison d'un arbre pour les épier plus à son aise. Les hommes, qui semblaient être au beau milieu d'une conversation animée, ne la remarquèrent pas.
En les observant plus attentivement, elle reconnut sur leurs vêtements les insignes de plusieurs tribus du sud. Intriguée par leur présence si loin de leur village, elle écouta plus attentivement leur conversation.
"Mais tu es sûr qu'il ne va pas nous foudroyer sur place ? Chez moi, on raconte qu'il a vaincu la sorcière en lui volant ses pouvoirs !
- Tu l'as déjà vu utiliser des pouvoirs magiques, toi ? Toutes ces histoires qu'on raconte sur lui, c'est du vent ! Il a pris le pouvoir avec du vent ! J'ai dû capituler devant lui parce que mes guerriers avaient peur de l'affronter, mais j'avais pu l'avoir au moins une fois à portée da ma hache..."
L'homme qui avait parlé ainsi brandit un poing rageur. Les autres se mirent à parler tous en même temps, et la plupart d'entre eux avaient l'air de l'approuver.
Leur conversation continua ainsi, totalement inintelligible, pendant de longues minutes. Enfin, celui qui semblait être le meneur cria plus fort que les autres :
"Il est temps que nous nous décidions, maintenant ! Qui veut me suivre pour mettre fin à l'imposture de ce prétendu unificateur ?"
Les autres hurlèrent leur approbation.
"Alors nous en aurons fini avec lui avant le coucher du soleil ! Mon jeune frère l'a suivi pendant toute la journée d'hier et a vu où il allait. Ce menteur est en ce moment même au village des sorcières ! Mon frère est toujours posté là-bas, il viendra me prévenir dès qu'il en sortira pour retourner à Saarthal, et nous n'aurons plus qu'à lui tendre une embuscade dans les bois !"
Les autres barbares l'acclamèrent à nouveau. Ils continuèrent à boire et à bâfrer autour de leur feu de camp jusqu'à ce que le Soleil soit à son zénith. La jeune chasseresse, voyant qu'ils étaient trop occupés à s'empiffrer pour prêter attention à elle, en profita pour redescendre de son arbre et alla rejoindre ses compagnons de chasse. Ces derniers, la voyant revenir, mirent quelques instants à remarquer son agitation.
"Enfin te revoilà ! on te cherche partout depuis une heure !... Mais qu'est-ce que tu as ?
- Il faut retourner au village tout de suite !... J'ai surpris un groupe de guerriers des tribus du sud, un peu plus loin dans la forêt... Ils parlaient d'assassiner le chef Andior ! Il faut prévenir la Matriarche !"
Les jeunes gens retournèrent au village aussi vite qu'ils le pouvaient. Lorsqu'ils arrivèrent, ils coururent jusqu'à la salle commune et y entrèrent précipitamment. Helyanor ne s'y trouvait pas encore.
"Mais où est-elle ?
- Je crois qu'elle voulait montrer quelque chose au chef Andior, dans la montagne. Peut-être qu'ils y sont encore..."
Une voix derrière eux les interrompit. C'etait Helyanor qui venait d'arriver.
"Non. Nous sommes revenus il y a environ une demi-heure et Andior vient de repartir pour Saarthal. Que faites-vous ici ?
- On vous cherchait, Matriarche. J'ai surpris des guerriers des tribus du sud dans la forêt... Ils veulent tuer le chef Andior !
- Tu es sûre ?
- Oui ! Ils étaient une dizaine, ils bivouaquaient autour d'un feu... je suis montée dans un arbre et j'ai entendu ce qu'ils disaient ! Ils ont traité le chef Andior d'imposteur et ils ont dit qu'ils allaient en finir avec lui avant le coucher du Soleil ! Il vont lui tendre une embuscade pendant son voyage de retour à Saarthal...
- Calme-toi. Tu as montré une bravoure remarquable en épiant ces hommes et une grande présence d'esprit en venant me prévenir aussi vite. Je vais m'en occuper, maintenant."
Helyanor rassembla à la hâte les meilleures cavalières du clan, et se lança avec elles à la suite d'Andior pour le prévenir.

#7 2015-11-09 00:18:41

Andior

Re : Les exilés de l'île perdue

Lunor, 4e phase du printemps de l'an II de l'ère 2015
Ile d'Agomeux, loin au sud de Sudord. Chemin entre Saarthal et le clan du Hibou

Andior avait l'habitude de faire ce trajet seul. Il connaissait bien la Forêt Blanche, et le nord de l'île était devenu très sûr depuis l'unification d'Agomeux. Ce jour-là, pourtant, en grimpant sur sa monture, il eût un mauvais pressentiment. Ses pensées se tournèrent directement vers ce qu'il avait appris durant ces deux derniers jours, plus particulièrement sur les tremblements de terre.
Durant son enfance, on lui avait appris à se battre. On lui avait appris à faire des discours, à argumenter, à convaincre. On lui avait appris l'histoire d'Agomeux et sa géographie. On lui avait parlé de nombreuses batailles, et il s'était passionné pour toutes les possibilités stratégiques qui pouvaient s'offrir à lui. Toutefois, il ne savait absolument rien en sciences. La médecine restait très mystérieuse pour lui, et il ignorait tout ce qui pouvait expliquer l'existence du feu, de l'eau, de la foudre, de la terre... Il ne s'était jamais tourné vers une quelconque croyance et préférait penser que c'était inexplicable, et immuable.

Toutefois, ces tremblements étaient, sans aucun doute possible, un avertissement. Qu'est-ce qui pouvait les provoquer? Etait-ce la colère d'un dieu contre ses actes? Aurait-il dû expliquer ce qu'il s'était réellement passé lors de sa première rencontre avec Helyanor? Etait-ce une immense bête souterraine qui voulait sortir et qui risquait de renverser l'île? Etait-ce le signe que l'île était en train de s'effondrer, et qu'elle allait être engloutie par les eaux? Il n'en savait absolument rien, et toutes ces théories avaient autant de crédit les unes que les autres à ses yeux. Il se fit la promesse de développer ses connaissances scientifiques pour ne plus jamais se sentir démuni à ce point.

*TCHAK*

Andior perdit l'équilibre, sa monture se cabra, et il tomba sur le sol, une vive douleur lui parcourant l'épaule. Une embuscade. La flèche était plantée dans sa clavicule, et lui faisait un mal de chien. Plus de peur que de mal toutefois, car sa chute n'avait pas eu d'autre conséquence que de simples égratignures. En revanche, sa situation était plus que précaire... Lorsqu'il eût terminé de se relever, il reconnut cinq chefs de clans du Sud, et quelques autres guerriers, sans doute leurs gardes rapprochées. Au milieu d'entre tous se trouvait bien entendu Sinistros... Il fit une courbette accompagnée d'un sourire goguenard :

"Seigneur Andior, le Pur, l'unificateur d'Agomeux, le pourfendeur des sorcières de la Cité Perdue... C'est un véritable honneur pour moi que de vous voir chuter ainsi."

Andior ne lui répondit pas, se contentant de le regarder droit dans les yeux. Pendant ce temps, il réfléchissait à toute vitesse. Quelles étaient ses chances? Que pouvait-il faire?

"Vous ne répondez pas? Voyons, un Seigneur de votre prestance se doit de respecter ses adversaires, ne pensez..."
S'il tentait de fuir, il faudrait déjà qu'il monte sur son cheval sans se faire attaquer, et qu'aucune flèche ensuite ne l'atteigne... La flèche plantée dans son épaule était peut être déjà empoisonnée, de toute façon. S'il les affrontait, il n'aurait bien entendu aucune chance à un contre quinze... Il fallait les faire douter.

"ANDIOR ! Je vous ai posé une question ! Pourquoi prétendez-vous avoir absorbé les pouvoirs de ces sorcières lorsque vous les avez vaincues? Pourquoi vous faire passer pour un Dieu aux yeux de tous alors que nous savons pertinemment que ce n'est pas le cas?"

Bien sûr !! La solution était toute indiquée... Il mis sa main gauche dans sa poche et sentit la petite fiole de poison qu'Helyanor avait consenti à lui donner. Il lui suffisait d'en verser un peu sur son épée et il pourrait s'en sortir ! Mais son épaule lui faisait un mal de chien...
"Sinistros, vous devez blaguer..." répondit-il en sortant son épée de son fourreau.
"Vous pensez réellement que je n'ai aucun pouvoir? N'avez-vous pas entendu parler de l'échec cuisant de Karadoc? Il n'est pas dû qu'au sens tactique... Lui aussi me sous-estimait..."
Les yeux de Sinistros étaient emplis d'une haine féroce, et Andior comprit qu'il ne pourrait pas le faire douter, que sa volonté était inébranlable. Toutefois, certains des hommes qui se trouvaient à côté de lui semblaient moins sûrs d'eux, de la sueur commençait à perler sur leur front. Certains se demandaient s'ils ne venaient pas de s'attirer le mauvais oeil, en s'en prenant à Andior.
L'Unificateur, pendant qu'il parlait, avait sorti son épée de son fourreau, et versé discrètement un peu de poison sur sa lame. Il ignorait si la dose serait suffisante, mais c'était sa seule chance. Ses yeux lançaient des éclairs lorsqu'il prononça les mots suivants :

"Seigneurs, voulez-vous suivre cet hérétique et condamner vos peuples à une désolation sans pareille? Voulez-vous qu'Agomeux soit détruite parce qu'un homme cupide et ambitieux n'a pas su mettre sa fierté de côté, et reconnaître mes pouvoirs? Il est encore temps de revenir à la raison !"
Et, alors que tous les autres chefs de clan avaient à moitié rangé leur arme, Sinistros hurla un ordre à son garde du corps qui fonça sur Andior en tenant fermement sa hache à deux mains.

Andior se remémora les heures d'entraînement qu'il avait effectué avec Helyanor, et mis en pratique ce qu'elle lui avait appris. Il esquiva le coup dévastateur du guerrier, et lui entailla légèrement la jambe. Celui-ci se mit alors à hurler et tomba, alors que sa blessure était superficielle.

"DE LA SORCELLERIE !!!! MA JAMBE !! REGARDEZ MA JAMBE !!!!"

Ses adversaires reculèrent de plusieurs pas, terrifiés par l'état de leur compagnon qui se roulait par terre, les yeux écarquillés. Andior s'en était sorti sans encaisser de coup supplémentaire, mais son épaule était de plus en plus douloureuse. Il fallait tenir, ne pas montrer sa souffrance. C'était le seul moyen de les vaincre. Et Sinistros devait mourir aujourd'hui... Tout en relevant la tête vers le reste de la bande, le jeune chef prit la parole :

"Je ne vous men..."
*TCHAK*
Celle-ci s'était plantée dans son ventre. Il posa ses mains, incrédule, autour de la seconde flèche, eût le temps de voir Sinistros, son arc à la main, pointé vers lui, et tomba lourdement en arrière.
Alors que ses paupières devenaient lourdes et que la douleur s'estompait, il entendit le rire triomphant de son adversaire. Pourtant, son garde du corps hurlait toujours...
"Ahahahah ! Du venin de mamba noir, importé spécialement pour vous, Seigneur... Je vous laisse utiliser vos prétendus pouvoirs pour vous guérir, mais je sais, et le peuple d'Agomeux le découvrira par mes mots, que vous n'êtes qu'un manipulateur et un imposteur."

Des bruits de pas... Est-ce qu'il s'en vont ou est-ce qu'ils viennent? Cela n'avait plus d'importance... Plus rien n'avait d'importance, c'était terminé...

Dernière modification par Andior (2015-11-12 23:44:56)

#8 2015-11-12 22:26:00

Helyanor

Re : Les exilés de l'île perdue

"Là, allongé par terre ! C'est le chef Andior ! Nous arrivons trop tard, Matriarche."
Helyanor ne répondit pas. Elle sauta au bas de son cheval et se précipita pour examiner Andior, regardant à peine le barbare qui se traînait à terre, les yeux exorbités, quelques pas plus loin. Les cavalières qui l'accompagnaient entreprirent d'inspecter les environs.
"Il respire encore, mais très difficilement... Deux flèches de facture différente, donc au moins deux tireurs...
- Une quinzaine, d'après les traces qu'ils ont laissées !
- Ses blessures sont sérieuses, mais elles ne suffisent pas à expliquer son état... Il présente tous les symptômes d'un empoisonnement.
- Mais qui d'autre que nous utilise des poisons ?
- Les guerriers de certaines tribus du sud enduisent parfois leurs pointes de flèches de venin de serpent. Reste à savoir lequel..."
Helyanor fouilla dans une petite sacoche qu'elle emportait partout avec elle, en sortit une fiole et fit boire un peu de son contenu à Andior.
"Cette potion ralentira les effets du poison et le maintiendra en vie cinq ou six heures... juste le temps de le ramener au village, de faire des analyses et de trouver le bon remède.
- Ne faudrait-il pas extraire ces flèches tout de suite ?
- Non. Je n'ai pas les instruments nécessaires ici pour le faire correctement, et il pourrait perdre davantage de sang pendant le transport."
Helyanor regarda autour d'elle, et avisa le barbare qui gisait toujours au sol un peu plus loin. Elle ramassa la hache qui traînait à côté de lui et abattit deux longues ramures d'un noisetier. Elle fit aligner deux chevaux l'un derrière l'autre, espacés d'environ trois mètres, et glissa les deux longues branches dans leurs étriers, après quoi elle retira son manteau et le fixa solidement entre les deux montants de bois ainsi formés. Ses compagnes firent de même, et Andior fut déposé avec précaution sur cette civière improvisée.
L'une des cavalières poussa du pied le guerrier ennemi.
"Et celui-là ? Qu'est-ce qui lui est arrivé pour que les autres repartent sans lui ?
- Andior a dû tester sur lui le poison hallucinogène que je lui ai donné hier.
- On l'emmène aussi ou on le laisse aux bêtes sauvages ?
- Chargez-le sur un cheval. Je l'interrogerai quand il aura repris ses esprits."

*  *  *

Deux jours avaient passé. Andior reposait sur un lit qu'Helyanor avait fait installer dans son laboratoire pour le soigner plus facilement. La matriarche avait réussi in extremis à trouver un antidote efficace, et il se remettait lentement. Cependant, il n'avait toujours pas repris conscience.
Helyanor était en train de l'examiner à nouveau lorsqu'il ouvrit enfin les yeux. Il tenta de se redresser, mais n'y parvint pas.
"Reste tranquille, tu es tiré d'affaire, à présent. Tu es tombé dans une embuscade sur la route vers Saarthal et tu as reçu une flèche empoisonnée. Ta paralysie et tes difficultés à respirer sont des effets du venin, qui disparaitront en quelques jours."
Rassemblant toute sa volonté, Andior parvint à articuler quelques mots :
"Et... la situation... Sur l'ile ?
- Nous aurons le temps d'en parler plus tard. Tu dois encore te reposer.
- Je veux... savoir..."
Helyanor hésita quelques instants, mais le jeune guerrier la fixait de son regard interrogateur. Elle se décida à répondre.
"Les chefs de plusieurs tribus du sud se sont empressés de répandre la rumeur de ta mort, et nous avons jugé plus prudent de ne pas la démentir. Comme ton cadavre n'a pas été retrouvé, de nouvelles légendes ont commencé à courir à ton propos. Certains persistent à croire que tu vas réapparaître, mais ils sont peu nombreux. Tout le sud de l'île a déjà sombré dans le chaos : tes partisans et ceux du chef Sinistros s'entretuent.
- Saarthal ?
- La situation à Saarthal reste stable pour l'instant. Tes compagnons d'armes te sont extrêmement loyaux et acceptent difficilement l'idée de ta disparition, mais quelques voix commencent à s'élever pour réclamer que soit nommé un nouveau chef capable de continuer ton oeuvre.
- Mon oeuvre ?... Non... C'est fini..."
Andior détourna le regard.
"Laisse-moi... seul."

#9 2015-11-15 18:38:28

Helyanor

Re : Les exilés de l'île perdue

Au fil des jours et des semaines qui passaient, Andior retrouvait peu à peu ses forces. Bien que diminué physiquement, il n'avait rien perdu de son courage et de sa volonté, et son esprit était plus vif et avide de connaissances que jamais. Il mettait donc à profit sa longue convalescence pour acquérir, avec l'aide d'Helyanor, les savoirs scientifiques qui lui avaient jusqu'alors fait défaut.
Il partageait à présent ses journées entre les entraînements au combat qu'il avait enfin pu reprendre et l'apprentissage des sciences. Un soir, alors qu'il travaillait avec Helyanor dans son laboratoire, la terre se mit à trembler à nouveau. Mais cette fois, le séisme fut particulièrement violent et leur parut interminable : pendant de longues minutes, les meubles oscillèrent bruyamment et des objets en tombèrent. Lorsqu'il cessa, les deux amis échangèrent un regard inquiet.
"C'est de pire en pire ! Les maisons vont finir par s'écrouler !
- Celui-ci a dû être perceptible sur toute l'île... J'irai demain matin au plateau désertique. Cela fait un certain temps que je ne suis pas retournée observer ce qui s'y passe. Mais pour l'instant, je ferais mieux d'inspecter le village pour vérifier si tout le monde va bien.
- Je t'accompagne."

*  *  *

La nuit avait passé, courte et agitée de cauchemars pour la plupart des habitants du village, après les évènements de la veille. Levé peu après l'aube, Andior avait cherché la matriarche et on lui avait répondu qu'elle était déjà partie. A présent, le Soleil était presque au zénith, et elle n'était toujours pas revenue. Le jeune chef l'avait attendue toute la matinée dans le laboratoire et commençait à s'inquiéter.
La porte s'ouvrit soudainement, et Helyanor fit irruption dans la pièce. Elle avait le teint livide et la respiration saccadée.
"Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce que tu as vu là-haut ?
- Je n'ai pas pu m'approcher du site..."
D'une démarche rapide mais légèrement chancelante, elle se dirigea vers l'armoire où elle rangeait ses remèdes et en sortit plusieurs fioles. Elle s'assit ensuite à la table et se prépara une potion, quelle commença à boire lentement avant d'entamer son récit.
"A mesure que je traversais la forêt vers le plateau désertique, l'air a commencé à se remplir d'une odeur d'oeuf pourri. J'ai continué ma route, et puis... quand j'ai commencé à être prise de nausées, et que j'ai vu des cadavres de petits animaux un peu partout, j'ai compris qu'une pestilence était en train de se répandre. J'ai fait demi-tour et je me suis éloignée aussi vite que j'ai pu.
- Alors... il n'y a aucun moyen de savoir ce qui a causé le tremblement de terre d'hier soir ?
- Si.. peut-être. Il faut gravir jusqu'à son sommet le pic enneigé qui surplombe le plateau désertique. J'irai cet après-midi. Le temps est clair, aujourd'hui, et je devrais pouvoir observer le site d'en haut.
- Cette fois, je viens avec toi !
- Ce ne serait pas prudent. C'est une ascension longue et périlleuse, il faut emprunter des sentiers plus escarpés encore que ceux qui mènent au plateau désertique, et tu n'es pas encore totalement remis de...
- Helyanor ! Depuis des semaines, tu prends soin de ma santé et tu partages ta science avec moi. Maintenant, c'est à mon tour de t'aider. Je vois bien à quel point tu est inquiète. Je ne te laisserai pas affronter ça toute seule !"

*  *  *

Les deux amis s'étaient mis en route sans attendre qu'Helyanor se fût complètement rétablie de son début d'intoxication. Ils cheminaient dans les montagnes depuis plus de quatre heures, et ils étaient presque arrivés au sommet. Helyanor avançait plus lentement que d'habitude, mais Andior, peu habitué à l'altitude et aux terrains très escarpés, commençait tout de même à éprouver quelques difficultés à la suivre. Il trébucha soudainement et faillit perdre l'équilibre. Helyanor se retourna vers lui.
"Arrêtons-nous ici quelques minutes.
- Je ne veux pas te ralentir... ça va aller.
- Ce n'est pas une course de vitesse. S'il y a des réponses à trouver ici, elles ne vont pas s'envoler, et ça fait longtemps que tu n'as plus à me prouver ton courage. Il vaut mieux prendre quelques instants de repos. Ces sentiers de montagne sont les plus mauvais endroits où tomber d'épuisement."
Andior s'assit sur un rocher pour reprendre son souffle. Regardant autour de lui, il aperçut une corniche assez large à une dizaine de mètres sur sa droite, et la montra du doigt à Helyanor.
"Ce ne serait pas un bon poste d'observation, là ?
- Oui, en effet. Il est orienté exactement sur le bon versant."
Helyanor s'avança jusqu'au bord du précipice. Andior se leva rapidement et la rejoignit. En effet, le plateau désertique se trouvait bien à une centaine de mètres en contrebas... ou du moins ce qu'il en restait : le spectacle qui s'offrait à eux les figea sur place.
"Bon sang ! c'est...
- Un lac de feu."
Après avoir prononcé ces mots, Helyanor resta quelques instants immobile et silencieuse, le regard fixe. Elle reprit enfin :
"Il devait être présent sous terre depuis longtemps, dans une sorte de cavité gigantesque. Le tremblement de terre d'hier soir a eu lieu quand la voûte de roche qui le recouvrait s'est effondrée.
- Quelles forces mystérieuses peuvent provoquer l'apparition d'une telle chose ?
- Je n'en sais rien. Mais ce doit être un processus très lent. Les tremblements de terre qui l'annonçaient ont commencé il y a vingt-cinq ans, peut-être même davantage...
- Qu'est-ce qui va se passer, maintenant ?
- Difficile à prévoir. Des coulées de feu peuvent s'en échapper et se déverser dans les plaines en contrebas. Heureusement, notre village et les ruines anciennes se trouvent sur le versant opposé de la montagne... Ce qui m'inquiète le plus, c'est la pestilence qui s'en échappe et qui va continuer à se répandre.
- Helyanor, est-ce que... "
Andior hésistait à poser une question dont il devinait trop bien la réponse. Il prit une respiration profonde avant de continuer.
- Il n'existe aucun moyen d'enrayer ça, n'est-ce pas ?
- Non. J'ai étudié plusieurs récits de catastrophes naturelles que j'ai trouvés dans les anciens textes. Ils ont tous un point commun : jamais aucune action humaine n'a pu infléchir leur cours. Si un désastre se prépare, il se produira quoi que nous fassions."
"Alors le seul moyen d'éviter la destruction, c'est de quitter ces terres... Mais pour aller où ? J'ai déjà navigué autour de l'île, et il n'y a que l'océan à perte de vue !
- Il y a d'autres terres, mais elles sont situées plus loin que l'horizon... L'ancienne civilisation d'Agomeux faisait partie d'un vaste empire, qui s'étendait au-delà des océans, jusqu'à une terre située très loin vers le nord. J'ai retrouvé d'anciennes cartes de ce continent lors de mes fouilles dans les ruines. Je te les montrerai dès que nous serons rentrés au village.
- Et donc nous devrons rejoindre ces terres lointaines ? Avec quels bateaux ? Ton clan n'en possède aucun !
- Il faudra les construire.
- Et en construire d'assez grands pour embarquer tout un peuple dans un voyage de plusieurs lunes ! Quelle expérience avez-vous de la construction navale ?
- C'est bien ce qui m'inquiète : aucune. Nous sommes une tribu des montagnes..."
Helyanor marqua un temps d'arrêt. Ce qu'elle allait demander à Andior serait très lourd de conséquences pour lui. Elle ne pouvait pas se résoudre à lui faire courir un tel risque, et cependant elle ne voyait pas d'autre choix. Elle poursuivit d'une voix hésitante :
"A ma connaissance, seuls les ingénieurs du port de Saarthal possèdent les compétences nécessaires pour mener à bien cette construction dans un temps raisonnable.
- C'est ce que j'allais te proposer : Retournons à Saarthal ! Qu'ils puissent s'échapper aussi ! Et la plupart des mes anciens lieutenants étaient des amis extrêmement loyaux. Je suis sûr qu'ils nous aideront !
- Il faudra tout de même que nous soyons très discrets. Si tes ennemis apprenaient que tu as survécu...
- Nous voyagerons sous un déguisement de paysans comme tu le faisais autrefois pour me rendre visite, et nous ne nous montrerons au grand jour que devant des amis dont je suis sûr. Tout ira bien...
- Es-tu bien certain de vouloir prendre tous ces risques ?
- Tu en as convenu toi-même, c'est le seul moyen d'échapper à la destruction... et j'en avais plus qu'assez de me cacher, de toute façon."
Le simple fait d'entrevoir une possibilité d'agir avait suffi à apaiser les inquiétudes d'Andior. Peu lui importaient les risques qu'il encourrait en reparaissant à Saarthal : il allait enfin pouvoir reprendre en main le cours des évènements...

Dernière modification par Helyanor (2015-11-20 23:44:33)

#10 2015-11-20 18:08:05

Andior

Re : Les exilés de l'île perdue

Lunor, 1ere phase de l'été de l'an III de l'ère 2015
Ile d'Agomeux, loin au sud de Sudord. Saarthal.

Andior et Helyanor étaient aux portes de la ville. Les gardes firent un signe de tête en direction d'Helyanor qu'ils reconnaissaient comme une paysanne qui se rendait souvent à Saarthal, sans prêter plus d'attention que cela à Andior, dont la tête était couverte d'un capuchon. Celle-ci s'avança vers eux :

"Bonjour. Je ne suis pas au courant des derniers événements... Pouvez-vous me dire qui est à la tête de la cité?
-On s'inquiète pour les taxes ? Y a pas d'changement d'prévu pour l'instant... C'est Hakar Malidor qui gouverne, depuis quelques jours. Enfin, jusqu'à la prochaine réunion de leur assemblée... 'Semblent pas plus décidés qu'ça."

Alors qu'ils entraient dans la ville, Helyanor se tourna vers Andior, l'air interrogateur. Il ne lui avait jamais parlé de Hakar.
"Je suppose que tu veux savoir ce que cela augure pour nous?"
Elle acquiesca.
"Ce n'est pas particulièrement une bonne nouvelle. Durant ma gouvernance, Hakar, sans aller jusqu'à contester mon pouvoir, critiquait assez souvent ma politique expansionniste, surtout à cause du massacre de l'armée de Menegroth dont il est originaire. Au delà de ça, il me paraissait compétent et apte à administrer une ville, c'est pourquoi il faisait partie de ceux qui s'occupaient des finances de Saarthal. Il faisait bien son travail en dépit de ses contestations. J'ignore totalement comment il va réagir."

Ils marchaient lentement dans la ville, Andior la parcourant du regard avec nostalgie.

"Voilà ce que je peux te proposer : en arrivant au palais, tu te présenteras, comme tu avais l'habitude de le faire, au moment d'entrer dans la salle du trône. Hakar n'a jamais eu un tempérament belliqueux donc nous ne risquons rien de plus qu'une exclusion de la ville s'il estime que nous n'avons rien à y faire.
Pour ma part, je garderai mon visage caché durant toute l'entrevue, sauf s'il s'avère nécessaire que j'intervienne. Beaucoup de mystères entourent encore ton clan à Saarthal, le peuple, l'armée, et une bonne partie de mes conseillers savaient simplement que vous étiez avec nous et que je vous rendais souvent visite.

-D'accord... En arrivant là-bas, j'expliquerai le problème à Hakar en espérant qu'il comprenne bien les enjeux de sa décision.
-Si nous ne pouvons pas lui faire entendre raison, je pense que nous pourrons passer par l'extérieur de la ville pour rejoindre le port. J'ai de nombreux amis là-bas qui m'aideraient volontiers, à mon avis."



Ils arrivaient aux portes du palais. Les hommes présent à l'entrée faisaient déjà partie de la garde à l'époque d'Andior, et ils les laissèrent donc entrer sans encombre après leur avoir demandé de leur laisser leurs armes. Un garde les arrêta devant la salle du trône pour les interroger sur leurs intentions, et Helyanor enleva son capuchon pour lui répondre.

"Je suis Helyanor, Matriarche du clan du Hibou. Je souhaite rencontrer votre nouveau gouverneur, le seigneur Hakar, pour une affaire de la plus haute importance.
-Pardonnez-moi, Matriarche, je ne vous avais pas reconnue. Suivez-moi, je vous prie."

Le garde ouvrit les portes de la salle du trône. Hakar était en pleine discussion avec son chambellan - Noctulae, qui était déjà chambellan d'Andior - mais il fit signe aux nouveaux arrivants de s'avancer.

"Gouverneur, Dame Helyanor, matriarche du clan du Hibou, souhaiterait s'entretenir avec vous. Elle vous prie d'excuser sa tenue, elle redoutait la réaction du peuple en la voyant ici.
-Bien, vous pouvez disposer."

Le garde les laissa seuls et referma la porte derrière lui. Andior mis un genou à terre et baisse la tête en signe de déférence, pressant Helyanor de faire de même. Il fallait mettre Hakar dans de bonnes conditions, et diplomatiquement, même si aucun Saarthien n'était venu à proximité du clan depuis longtemps, Helyanor était toujours la vassale du seigneur qui dirigeait Saarthal.
Helyanor fit donc le même geste qu'Andior, mais celui-ci sentait que c'était à contrecoeur. Qu'importe, il fallait parfois plier le genou pour atteindre ses fins...

"Monseigneur...
-Je me demandais quand vous reviendriez... Personne ne vous a vu depuis la disparition d'Andior. Qu'est-ce qui vous amène à Saarthal? Une simple visite de courtoisie et de confirmation de votre vassalité?
-Ce n'est pas une visite de courtoisie, non. Seigneur, vous avez sans doute ressenti plusieurs secousses terrestres ces dernières semaines? J'ai des informations capitales à ce sujet.
-Qu'est-ce donc?
-Eh bien, il existe un endroit, à quelques heures de marche du clan du Hibou, qui en est sans doute la source. Je vous donne ma parole que ce qui va suivre est l'entière vérité. J'y ai vu, il y a quelques jours, un lac de feu. Depuis toujours, je connais cet endroit, et il n'y avait qu'un plateau désertique avant le dernier tremblement de terre.
Avec ces tremblements toujours plus fréquents et puissants, je redoute qu'un jour la terre s'ouvre à nouveau et des torrents de feu se déversent dans toutes les plaines avoisinantes... Or, il se trouve que Saarthal se trouverait dans une des trajectoires possibles de ces torrents. De plus, un gaz s'en dégage. Ce gaz, en plus de son odeur pestilentielle, risque d'empoisonner quiconque se rend à proximité. J'ai failli y laisser ma peau ! C'est un véritable cimetière à ciel ouvert, là bas."


Hakar n'était pas réceptif au discours d'Helyanor, cela se voyait. Il avait toujours vu d'un mauvais oeil l'alliance qu'Andior avait conclu avec eux, car il considérait que tout ce qui avait trait à la magie, même si en réalité ce n'était rien de plus que de l'alchimie, était maléfique.

"Chère matriarche... Malgré tout le respect que je vous dois, je ne vous connais pas. Vous pourriez très bien être en train de me pousser à quitter la ville afin de l'investir, vous et votre peuple. Vous pourriez très bien essayer de détourner mon attention pour que les clans du Sud profitent d'une éventuelle faiblesse pour attaquer Saarthal. Votre parole n'a aucun crédit à mes yeux : après tout, vous n'êtes jamais venue vous présenter après la mort d'Andior..."
Helyanor contrôla avec difficultés un mouvement de colère. L'île était en danger, l'homme qui se tenait devant elle était un des rares à pouvoir sauver son peuple, et il ne la considérait que comme une vulgaire comploteuse !
"Et donc, vous m'accusez de complot au seul motif que je ne vous ai pas honoré d'une visite ? Ne pensez-vous pas que les récents évènements m'ont tenue occupée tout autant que vous avez pu l'être ? Le clan du Hibou a toujours respecté Saarthal, Andior et moi étions amis, et vous pensez sérieusement que je pourrais m'allier à ceux qui ont voulu sa mort? Et n'avez-vous pas ressenti, à Saarthal, le récent tremblement de terre qui a secoué l'île ? Si cette preuve ne vous suffit pas, envoyez donc vos propres observateurs sur place, je leur montrerai toutes les preuves dont vous pourriez avoir besoin !
-Les rebelles du Sud n'ont pas simplement voulu la mort d'Andior, ils l'ont eue. Je sais que l'ambition et le pouvoir peuvent changer n'importe quel homme en être abject, capable du pire pour atteindre son but. Quant au tremblement de terre, il pourrait tout aussi bien être l'oeuvre de votre sorcellerie. Toutefois, deux soldats vous accompagneront jusqu'à votre clan, et vous pourrez leur montrer ce que vous avez vu, si vous avez bien vu quelque chose. Maintenant, il est temps pour vous de quitter cette salle. GARDES !"

Helyanor fit un pas en avant mais se retrouva bien vite menacée par l'épée d'un des gardes du corps de Hakar. La situation devenant tendue, Andior prit la parole, le visage toujours caché par son capuchon :

"Allons, mes amis, ne nous énervons pas..."

Tout le monde, hormis Helyanor qui fixait Hakar, et dont les yeux lançait des éclairs, se tourna vers lui. Cette voix leur était familière...

"Seigneur Hakar, je pense que si j'appuie les dires de mon amie, vous serez plus enclin à la croire."

Andior avait enlevé son capuchon en prononçant ces mots,  et la réaction qu'Hakar eut le surprit au plus haut point. Le gouverneur se leva rapidement de son trône, les yeux écarquillés, et s'avança rapidement vers Andior. Arrivé à trois mètres de lui, il baissa la tête, posa son genou à terre, et prononça ces mots d'une voix tremblante :
"Seigneur Andior, vous n'êtes pas mort... Je vous prie de m'excuser..."
Ainsi, derrière ses provocations incessantes, Hakar ressentait énormément de respect pour Andior, et n'hésitait pas une seule seconde à...
"Reprenez donc ce trône qui vous sied si bien, je vous en conjure, Saarthal a besoin de vous."
Andior resta bloqué un instant, s'attendant à tout sauf à cela, mais repris rapidement ses esprits. Il avança jusqu'à Hakar, et le releva.
"Saarthal n'existera bientôt plus, si ce que nous redoutons arrive... Nous devons quitter l'île, sauver tout ce qui peut l'être... Nous nous reconstruirons ailleurs. Dame Helyanor possède d'anciennes cartes. Des territoires, loin au nord, par delà de la Grande Mer, qui appartenaient eux aussi  à l'Empire d'Ohm... Nous avons bien assez de navire pour partir, et pour aider le clan du Hibou à partir."
"Mais, comment? Comment avez-vous survécu? Avant sa mort, Sinistros certifiait qu'il vous avait tué d'une flèche dans le coeur !"

Ainsi, Sinistros était mort, alors que lui avait survécu. Le destin avait parfois un curieux sens de l'humour.

"Helyanor et son peuple m'ont recueilli, et sauvé. Je ne suis pas revenu car mon ambition était brisée, tout comme mon corps. Il m'a fallu plusieurs lunes pour récupérer entièrement mes capacités, mais, alors qu'une menace plane sur Saarthal, me voilà.
-Nous devons l'annoncer au peuple. Ils vous écouteront, ils vous croiront. Nous pouvons les sauver.
-Bien. Je vous fais confiance, Hakar. Organisez donc cela, mais faites vite. Le temps joue contre nous."

#11 2015-11-27 01:42:16

Andior

Re : Les exilés de l'île perdue

Deux heures plus tard

Hakar, Andior et Helyanor faisaient face au peuple de Saarthal, au balcon depuis lequel les discours se faisaient traditionnellement. Andior et Helyanor s'étaient vêtus bien plus correctement que lors de leur arrivée, et Andior portait à nouveau un capuchon sur sa tête. Ils étaient tout deux postés en retrait par rapport à Hakar.

"Peuple de Saarthal,
Je vous ai réunis ici car ce jour restera gravé dans vos mémoires, à tous. J'ai à ma gauche Dame Helyanor de Griseplume, qui est la Matriarche du clan du Hibou."

Un murmure parcourut l'assemblée. Que faisait une sorcière à Saarthal, aux côtés du gouverneur?
"Dame Helyanor n'est pas venue seule à Saarthal. Elle a amené avec elle l'homme qui se tient à ma droite. Saarthiens, Andior est de nouveau parmi nous."

Andior enleva son capuchon. Il ne voyait que des visages étonnés devant lui. Aucun chuchotement, aucune voix ne s'élevait. Rien que le silence. Andior avait passé une heure à choisir les mots qu'il allait prononcer. Ils devaient être forts, ils devraient résonner en chacun d'entre eux, et ils devaient surtout leur fournir des explications.

"Aujourd'hui, je me présente à nouveau à vous, afin de mettre fin aux rumeurs, aux légendes, qui me concernent. Je viens car j'ai le devoir de vous dire la vérité toute entière.
Comme vous le savez, j'ai été attaqué par Sinistros et ses hommes alors que je revenais à Saarthal après un bref séjour au clan du Hibou. Ce traître s'est empressé de répandre son venin en annonçant à tous ma mort. Il m'a lâchement attaqué à quinze contre un, et m'a laissé pour mort, laissant également un de ses hommes blessé sur place.
Fort heureusement, Dame Helyanor..."

Il inclina la tête en sa direction.

"... et d'autres membres de sa tribu m'ont retrouvé, et m'ont ramené à leur village. Sinistros m'avait empoisonné avec du venin de mamba noir, mais ils ont réussi à me soigner. En effet, on trouve là-bas des alchimistes doués comme nulle part ailleurs.
Le venin de mamba noir ayant des effets sur le long terme, et l'antidote ayant été administré plusieurs heures après l'attaque, j'ai mis plusieurs lunes à me remettre de cette attaque. C'est pour cela que je n'ai pas pu revenir plus tôt face à vous.
Je dois également vous expliquer comment s'est décidée l'alliance avec le clan du Hibou, qui a donné naissance à de nombreux mythes tous plus invraisemblables les uns que les autres. Non, je n'ai pas volé les pouvoirs d'une sorcière, et je n'ai pas non plus résisté à une magie noire. La seule chose que j'ai fait, c'est combattre en duel Dame Helyanor, duel qui s'est conclu par une égalité. Je ne vous révélerai pas ici le secret qui lui a permis de faire croire que son clan faisait de la sorcellerie pendant si longtemps, mais sachez simplement que ce n'est que de l'alchimie, et que vous n'en pâtirez jamais. Nous avons tous deux convenus qu'une bataille nous coûterait beaucoup de vies humaines, et que cela affaiblirait nos clans bien davantage que ça ne les aiderait.
Maintenant que je vous ai fait les révélations que j'aurais dû vous faire il y a bien longtemps, je m'incline devant vous tous pour vous demander pardon."

Andior s'agenouilla devant son ancien peuple et inclina la tête, et attendit. Durant de longues secondes, le silence persista, puis une vieille femme claqua une fois dans ses mains. Elle fut suivie d'un adolescent, situé de l'autre côté de l'assemblée. Puis un couple, situé au premier rang, et, finalement, toute la foule se mit à applaudir l'homme qui avait porté leur peuple à la tête de toute une île, avant de les abandonner à leur sort. Andior laissa son peuple accepter et digérer ses paroles durant presque une minute, après quoi il se releva et les regarda à nouveau, un par un. L'émotion se lisait dans ses yeux.

"A présent, je vais laisser la parole à la Matriarche qui a beaucoup de choses à vous dire..."

Il recula d'un pas, tandis qu'Helyanor s'avançait. Il entendait les mots qu'elle prononçait au loin, alors qu'elle leur expliquait la menace qui planait sur Saarthal mais aussi sur toute l'île. Son peuple, malgré sa longue absence, l'accueillait comme s'il n'était jamais parti. Il lui pardonnait ses non-dits, et lui était resté fidèle.
Alors Andior reprit espoir et se dit que, finalement, peut être qu'il était capable de grandes choses, malgré son terrible échec.
Se reconcentrant, il vit qu'Helyanor avait terminé de parler, et qu'Hakar s'était de nouveau avancé.


"Mes amis, vous l'avez compris, nous allons devoir quitter cette île qui nous a tous, ou presque, vu grandir. Mais nous savons où nous allons ! Notre port étant le plus grand d'Agomeux, nous allons accélérer la construction de bateaux pour en avoir assez pour transporter tout notre peuple. Quatre bateaux seront donnés au clan du Hibou en remerciement, car sans eux nous n'aurions jamais compris la menace qui planait au dessus de nos têtes. Enfin, des émissaires seront envoyés à tous les autres clans, sans exception, afin de les prévenir.

Une fois que nous aurons atteint l'extrémité de la Grande Mer, chacun d'entre vous aura le choix entre s'arrêter là, et construire un fief en bordure de cette mer, ou partir plus au nord, dans le royaume que l'on nomme Okord. Andior conduira ceux d'entre vous qui voudront aller en Okord, tandis que j'aiderai ceux qui veulent rester en bordure de mer à ériger un fief sur le littoral.
Je vous remercie pour votre attention. Vous recevrez tous très rapidement des instructions pour optimiser la rapidité de notre départ."


Le peuple eût une réaction mitigée à la fin de ce rassemblement. Certains pleuraient, ne voulant pas quitter leurs terres, tandis que d'autres, enthousiastes, se présentaient déjà au port pour apporter leur aide. La discipline de son peuple allait être déterminante pour partir le plus vite possible, et Andior fit le choix de rester à Saarthal. Il se tourna vers Helyanor.

"Tu dois repartir informer ton peuple, je me charge de tout ici. Suis-moi, nous allons faire en sorte que toi et ton peuple ne manquiez de rien pour transporter tout ce que vous désirez à Saarthal. Nous pourrons vous héberger avant le départ, si vous voulez. Vous êtes désormais les bienvenus ici."

Dernière modification par Andior (2015-11-27 01:43:40)

#12 2015-12-05 19:26:12

Helyanor

Re : Les exilés de l'île perdue

Plusieurs semaines avaient passé. A Saarthal, la construction des navires avançait bien. Helyanor, de son côté, organisait l'évacuation de son peuple avec l'aide du conseil du village. Les habitants préparaient activement les stocks de vivres nécessaires à la traversée, empaquetaient tous les effets personnels et équipements de travail qu'ils souhaitaient emporter, ce qui incluait, en particulier, tous les manuscrits de la bibliothèque qui faisait la fierté du Clan du Hibou depuis de nombreuses générations. La plupart des scribes copistes avaient été dépéchés à Saarthal afin de dupliquer les cartes marines avec l'aide des navigateurs saarthiens : le capitaine de chaque navire devrait absolument posséder ses propres exemplaires.
Afin de laisser le temps aux saarthiens de préparer de nouveaux campements pour les accueillir, Helyanor envoyait les habitants de son village vers Saarthal par petits groupes. Ce jour-là, elle avait accompagné un nouveau convoi et profité de ce voyage pour rendre une visite à Andior et échanger avec lui des informations.
"Comment se passe l'évacuation de ton village ?
- Elle est presque terminée. Il y aura encore deux autres convois avec nos dernières récoltes. Je les organiserai aussi vite que possible.
- Et du côté du lac de feu ?
- Je suis retournée dans la montagne il y a quatre jours. Le lac de feu ne s'est pas agrandi pour l'instant, mais la pestilence s'est déjà propagée jusqu'aux ruines anciennes. D'après mes calculs, le village deviendra inhabitable dans vingt à trente jours. Et les préparatifs du départ ?
- Nous aurons bientôt assez de navires pour évacuer toute l'île, et tes scribes ont fait du bon travail. Les cartes sont très précises. D'après mes navigateurs, la traversée durera six à huit lunes, et nous aurons largement assez de vivres.
- Cependant, quelque chose te préoccupe...
- Oui : les tribus du sud, comme toujours. Le peuple s'est mis à paniquer, là bas, après le grand tremblement de terre, et pourtant les chefs de clans ont refusé de croire les émissaires que nous leur avons envoyés pour les informer de la catastrophe. De nombreux groupes de paysans tentent de rejoindre Saarthal pour partir avec nous, mais leurs chefs les ont déclarés traîtres et attaquent régulièrement les convois avec leurs guerriers pour les massacrer... Leur propre peuple ! J'ai envoyé mon armée pour escorter les survivants jusqu'ici."
Le regard d'Andior s'était obscurci de colère.
"Qu'est-ce qui peut bien pousser des chefs de tribu à agir d'une façon aussi absurde ?
- L'ivresse du pouvoir. Ils placent leur autorité au-dessus de toute autre considération. Ils craignent de perdre leur statut et le prestige qui s'y attache au point d'avoir complètement oublié la finalité de leur fonction et leurs devoirs envers leur clan.
- Ils sont donc si peu sûrs de la loyauté de leur peuple ? Celui de Saarthal est-il à ce point meilleur que les autres, pour continuer à m'accepter comme chef même après ma longue absence ?
- Un dirigeant reçoit de son peuple la loyauté qu'il mérite. Les chefs des tribus du sud ont l'habitude de se faire obéir par la force. Leur autorité est fondée sur la crainte. La tienne est fondée sur la confiance."

*   *   *

La flotte avait finalement quitté l'île avec tous les habitants qui s'étaient présentés au port de Saarthal. Seuls quelques chefs de tribu du sud et leurs armées s'étaient obstinés à rester malgré un nouveau tremblement de terre survenu deux jours avant le grand départ.
La matinée était déjà bien avancée. Helyanor, après avoir passé quelques heures dans le laboratoire qu'elle avait aménagé dans l'une des cabines, s'était finalement décidée à prendre un peu l'air. Apercevant le capitaine, elle s'avança vers lui d'un pas hésitant. Il l'accueillit avec un petit sourire amusé.
"Alors, Matriarche, comment s'est passée cette première nuit en mer ?
- De nombreux membres de mon clan se plaignent d'avoir l'estomac retourné...
- Vous y compris, n'est-ce pas ?... C'est le mal de mer. Tout ça vous passera dans quelques jours, le temps de vous habituer au roulis !"
Helyanor s'apprêtait à répondre quand un grondement sourd se fit entendre, suivi d'une explosion.
"On dirait que ça vient de notre île !"
Le capitaine pointa sa longue-vue en direction d'Agomeux et se mit à pâlir immédiatement après y avoir regardé.
"Corne de bouc !... Vous devriez voir ça, Matriarche..."
Helyanor prit la longue-vue que le capitaine lui tendait et regarda à son tour. La montagne avait changé d'aspect : le Pic Enneigé avait disparu, et un épais nuage de fumée noire commençait à s'élever au-dessus de son emplacement.
"Le sommet de la montagne s'est effondré..."
Une projection de rochers s'échappa soudainement de la montagne, et une seconde explosion retentit.
"... ou plutôt, elle est en train d'exploser..."
En observant plus attentivement, Helyanor aperçu des coulées incandescentes sur les flancs de la montagne.
"Le lac de feu a dû s'agrandir et il commence à se déverser dans les plaines... Le cataclysme va affecter toute l'île et la rendre inhabitable en peu de temps : le nuage de fumée va continuer à s'étendre et occulter le soleil au point d'empêcher les plantes de pousser. Les survivants au désastre seront condamnés à la famine s'ils ne peuvent pas quitter Agomeux par leurs propres moyens.
- Vous voulez dire que... la montagne est en train de tuer tous ceux qui ont voulu rester là-bas ?"
L'attention du capitaine fut soudain attirée par une énorme vague qui s'approchait.
"Accrochez-vous !"
La vague secoua fortement toute la flotte des navires. Après son passage, Helyanor resta immobile quelques secondes, les yeux fermés et la main crispée sur une échelle de cordage, avant de sortir une petite fiole de sa poche et d'en avaler le contenu.
"ça va aller, Matriarche ?"
Elle grommela un "oui" à peine audible, puis commença à se détendre et reprit ses explications :
"Cette vague a dû être provoquée par un tremblement de terre sur l'île : l'onde de choc s'est propagée à la mer. Il faut s'attendre à ce qu'il y en ait d'autres."
En regardant autour d'elle, Helyanor constata que les autres membres de son clan présents sur le pont n'étaient guère plus brillants qu'elle.
"Je ferais mieux d'aller préparer plus de potion."

#13 2016-01-13 23:29:43

Andior

Re : Les exilés de l'île perdue

HRP : Je tiens à m'excuser pour ce délai extrêmement long entre ce post-ci et le précédent. J'ai eu un gros manque d'inspiration, combinée à une IRL prenante. Quoi qu'il en soit, la conclusion de ce récit arrive bientôt smile.

Peu après être arrivés de l'autre côté de la Mer, il était temps de faire les comptes. Ils avaient perdus un quart des bateaux partis d'Agomeux, dont un appartenait au clan du Hibou. La plupart des bateaux perdus s'étaient abimés en mer suite à l'explosion de la montagne d'Agomeux. Sur leur gauche, à quelques lieues, on distinguait une petite bourgade qui ne possédait même pas de port. Leur arrivée n'était pas passée inaperçue, mais personne ne les attendait lorsqu'il jetèrent l'ancre sur une plage, un peu plus loin.
Les survivants se réunirent, et se séparèrent en trois groupes, comme ils l'avaient convenu. Le premier, mené par Andior serait composé de la moitié des cavaliers et des chevaliers qui voulaient le suivre. Ils partiraient devant tous les autres afin d'explorer les contrées, et de trouver un endroit où ils pourraient s'installer sans être persécutés.
Le second groupe serait composé d'Helyanor et de sa tribu, ainsi que du reste des troupes d'Andior et, enfin, de tous les serfs ayant voulu suivre Andior. Ils seraient guidés par les rapports réguliers ramenés par les cavaliers d'Andior, afin d'éviter toute zone dangereuse, autant que possible.
Enfin, le troisième groupe ne partirait pas en direction du nord, mais resterait à proximité de la mer, et tenterait d'y établir une ville tout en prenant contact avec ses voisins. Il serait dirigé par Hakar, et Andior ne saurait jamais ce qu'il était advenu d'eux.

Un livre entier aurait pu être écrit sur toutes les aventures qu'il arriva au groupe d'Andior, mais cela n'aurait pas été pertinent. En arrivant dans chaque région, ils prenaient contact avec le seigneur, et effectuaient des tâches pour lui afin d'avoir l'autorisation de traverser ses terres. Lorsque la demande du seigneur était exagérée, ils rebroussaient chemin et contournaient la zone.
Ils durent éliminer des barbares, participer à la construction de lieux de cultes, ou encore offrir des joyaux pour permettre à eux, et à leur peuple, de passer. Les seigneurs étaient généralement ravis de faire affaire avec Andior car, en plus de l'aide que lui et ses hommes leur apportait, ils avaient momentanément une puissance dissuasive pour les seigneurs voisins, et des hommes pour éliminer les campements barbares établis sur leurs terres.

De très nombreux Saarthiens périrent durant cette traversée, mais en contrepartie, des étrangers les rejoignirent, dont un bon nombre d'Österlichois, sur la fin. Ils se rendirent compte avec surprise que leur langage n'était pas si différent du langage d'Agomeux, et peu à peu, les hommes d'Andior apprirent les subtilités de la langue Österlichoise. On tenta, sans succès, de le convertir à Podeszwa, mais il en apprit beaucoup sur ces croyances qu'il tolérait dans les rangs de ses soldats, et respectait.
Le groupe d'Andior perdit également les cartes qu'il possédait, car c'était manifestement des informations très importantes pour certains locaux qui n'hésitèrent pas à les forcer à leur donner. Fort heureusement, il leur suffisait d'aller au nord pour rejoindre leur destination, et leurs cartes étaient finalement devenues inutiles.
Parfois, des voix s'élevaient pour demander jusqu'où Andior comptait aller, et il leur répondait avec assurance qu'il connaissait une terre, plus loin au nord, où ils seraient bien accueillis, et pourraient s'installer sans crainte. Leur voyage, à cheval, dura deux lunes. Cela prendrait sans doute le triple pour le groupe d'Helyanor...
Peu avant l'arrivée en Okord, des locaux Österlichois le mirent en garde sur ceux qu'ils appelaient les barbares du nord, sans foi ni loi, et de leur roi fou. Ils lui fournirent l'aide d'un interprète okordien qui profita du reste du voyage pour apprendre les subtilités de cette langue à Andior. La différence entre Österlichois et Okordien était notable, mais étant donné que ces deux royaumes avaient appartenu au même Empire, les constructions de phrase et sonorités étaient semblables. Andior pouvait donc, lorsqu'il arriva en terre okordienne avec ses hommes, entretenir une conversation en okordien sans trop de souci, malgré son fort accent.

Finalement, ils arrivèrent en Okord, le territoire qu'ils avaient mis tant de temps à rejoindre, au prix de nombreux sacrifices. Andior serra fort l'étoffe qu'il n'avait plus lâché depuis leur départ d'Agomeux. Elle était la raison de son acharnement à ne pas s'arrêter avant d'être arrivé jusque là... Lorsqu'Helyanor lui avait montré la carte du vieil Empire d'Ohm, quelques années plus tôt, un détail lui avait immédiatement sauté aux yeux : un des symboles dessiné sur la carte l'était également sur son étoffe.
Ce n'était pas un hasard... Cette étoffe avait été récupérée sur le navire à bord duquel il avait été retrouvé, seul survivant, à ses trois ans. Les réponses aux questions de son ascendance se trouvait en Okord... Et vu la qualité de l'étoffe, il faisait sans doute partie d'une famille d'importance. Qu'est-ce qui avait pu les mener aussi loin de leur royaume?
C'est en se posant cette question qu'il vit, au loin, une imposante forteresse en bordure de ce qui se révéla être le Grand Canal d'Okord.
Ils arrivèrent aux portes de la forteresse en arborant, comme à leur habitude, un drapeau blanc, et se présentèrent ainsi aux gardes :
"Je suis le Seigneur Andior, provenant des lointaines terres du Sud, et souhaiterais m'entretenir avec le maître de ces lieux. Je lui ai apporté des présents provenant de ma terre d'origine, et espère que cela sera suffisant pour qu'il accepte de me rencontrer."
Il sortit alors trois joyaux de sa poche : une émeraude, et deux rubis. Il n'y avait plus qu'à attendre.

#14 2016-02-01 00:15:57

Andior

Re : Les exilés de l'île perdue

Le maître des lieux étant absent, Andior et ses hommes furent autorisés, au vu de la faible menace qu'ils représentaient, à camper à proximité le temps qu'il arrive. Deux jours après leur arrivée, à l'aube, ils virent un nombre impressionnant de bateaux accoster, et une armée toute aussi importante débarquer.

Les forces en présence étant nettement déséquilibrées, il était certain qu'Andior et les siens n'auraient clairement aucune chance de s'en sortir vivant si le seigneur local décidait de les attaquer.
Quelques heures plus tard, un homme, qui n'était manifestement pas un militaire, vint à son camp pour l'avertir qu'il était attendu. Il s'agissait du chambellan de la forteresse. Andior le suivit et put admirer l'intérieur qui était tout aussi destiné à en faire une place imprenable que l'extérieur. Même à son apogée sur Agomeux, Andior n'avait jamais eu les forces nécessaires pour s'en prendre à un tel endroit ! Il avait bien sûr vu des forteresses plus importantes en Österlicht, mais la proximité de celle-ci avec le Grand Canal la rendait véritablement majestueuse.

Les armoiries du seigneur flottaient au sommet du donjon principal, et des bannières étaient étendues un peu partout. On pouvait voir soit un loup bleu sur fond noir, soit une plume noire sur fond rouge.
Ils entrèrent dans le donjon principal, et se dirigèrent vers ce qui semblait être les portes principales du château.

"Le Comte Foxhound, seigneur des Loups d'Okord, vous attend. Tâchez de lui montrer le respect qu'il mérite."

Il y avait une menace implicite dans ces mots, mais Andior ne s'en soucia pas : il avait connu bien pire en Österlicht, et jusqu'ici, les okordiens lui semblaient bien civilisés par rapport à ce qu'il avait entendu. Le chambellan lui ouvrit la porte, et Andior s'avança dans une salle plongée dans la pénombre qui avait tout d'une salle du trône, marchant en direction de l'homme qui était assis, seul, quelques dizaines de mètres plus loin. Il portait une armure légère, surmontée d'une cape faite en peau de loup sombre. Sa voix grave résonna dans la salle.

"Avancez, avancez. Bienvenue dans la forteresse du Foulard. Qui êtes-vous, et que voulez-vous?"
Andior s'arrêta à cinq mètres de Foxhound, et s'inclina.
"Je me nomme Andior, et je viens vous présenter mes hommages. Mes hommes et moi-même souhaiterions établir un fief sur les berges du Grand Canal, avec votre accord bien entendu."
Son interlocuteur leva un sourcil :
"Hmm... Nous verrons. Savez-vous que pour cela, vous devrez me prêter allégeance?
-Je ferai ce qu'il faudra.
-Racontez-moi votre histoire."

Alors qu'Andior se mettait à parler, Foxhound leva une main en sa direction. Un énorme loup blanc sortit de derrière son trône et marcha lentement en direction d'Andior. La bête avait un regard perçant, et Andior sut qu'il était en train de passer un test lorsque le loup lui tourna autour, tantôt en le reniflant, tantôt en se contentant de le fixer. Le jeune homme continua à parler, en omettant toutefois la raison pour laquelle il avait décidé d'aller jusqu'en Okord. Lorsqu'il eût terminé, il ploya le genou et demanda si le Comte acceptait de le prendre en vassal. Le loup blanc se mit à grogner en sa direction.
Foxhound se leva.

"Vous me cachez quelque chose. Pour quelle raison auriez-vous fait prendre tant de risques à vos hommes pour arriver jusqu'en Okord? Qu'est-ce qui vous amène ici?"

Andior blêmit. Il avait certes prévu de parler de cela et de montrer l'étoffe à des locaux, mais il aurait préféré, dans un premier temps, savoir s'il prenait des risques en la montrant, en s'adressant à des personnes...discrètes. Ceci dit, il n'avait désormais plus le choix. Il prit donc le parti de montrer l'étoffe à Foxhound.
"En effet, je ne vous ai pas tout dit. J'ai été retrouvé seul survivant d'un naufrage sur les côtes d'Agomeux, sans aucune idée de l'identité de ma famille. Le seul indice est cette étoffe, retrouvée sur l'épave du navire en même temps que moi."

Andior donna l'étoffe à Foxhound qui l'observa longuement.

"Cet emblème ne m'est pas inconnu... Il vient en effet d'Okord, et je l'ai déjà vu durant mon enfance. Ceci dit, j'ai bien peur de ne pas pouvoir vous éclairer à ce sujet."
Le loup blanc s'était calmé, et Foxhound lui caressa lentement la tête.
"J'accepte de prendre votre protection, et de vous aider à établir votre fief sur mes côtes.  Mes soldats épauleront les vôtres. Vous serez fait Chevalier d'Okord dès demain selon les us et coutumes de Sudord."

Andior s'inclina, rassuré d'être enfin arrivé au terme de son périple. Son aventure en Okord commença ici, et son premier fief, Hrothgar, devint bientôt un grand port de Sudord.
Il ne restait plus qu'à attendre le reste de son peuple, et le peuple d'Helyanor.


HRP : C'était ma dernière intervention sur ce récit. Merci à tous ceux qui ont pris le temps de lire nos aventures, Helyanor a encore quelques RP à poster. N'hésitez pas à nous faire part de nos remarques, nous n'avons eu que deux retours sur ce RP, j'avoue avoir l'espoir naïf que plus de personnes que ça nous ont lu !

Dernière modification par Andior (2016-02-01 00:28:22)

#15 2016-02-26 00:40:52

Helyanor

Re : Les exilés de l'île perdue

Après le débarquement, Helyanor et son clan avaient pris quelques jours pour se reposer, et pour partager avec le groupe d'Hakar toutes les connaissances qui pouvaient leur être utiles. Ensuite, toute la tribu s'était mise en route, avec les Saarthiens qui avaient choisi de suivre Andior. Ce fut un long convoi de plusieurs centaines d'hommes, de femmes et d'enfants de tous âges, avec des chariots lourdement chargés, qui se mit en route en direction du nord. Autant dire qu'ils ne passeraient pas inaperçus. Fort heureusement, les troupes d'Andior avaient annoncé et négocié leur passage à chacune de leurs haltes auprès des seigneurs locaux, ce qui leur permit de traverser de nombreuses terres sans encombre.
Enfin, la colonne parvint aux frontières du royaume d'Österlich, et entreprit d'en traverser la première province. La nuit commençait à tomber lorsqu'ils arrivèrent à une auberge isolée à quelques lieues d'un village fortifié. Helyanor y entra, accompagnée du chef de la garde Saarthienne, pour tenter de collecter des informations. La salle était déserte, et la matriarche remarqua immédiatement la mine sombre de l'aubergiste. Elle s'avança, cependant, et posa une poignée de pièces d'or sur le comptoir, pendant que le soldat Saarthien s'installait à une table.
"Bonjour. Veuillez préparer trois repas et vous installer avec nous à la table. Nous sommes les chefs d'un groupe de voyageurs qui fait route vers le nord. Nous ne sommes que de passage sur ces terres, mais nous souhaiterions tout de même avoir quelques informations sur vos coutumes, afin de ne pas commettre d'impairs dont les seigneurs locaux pourraient prendre offense.
- Le Clan du Hibou, c'est ça ? Un autre seigneur étranger a traversé le pays il y a trois lunes, exactement comme vous. Il nous a raconté son périple, et nous a annoncé votre passage, mais on pensait qu'avec cette fichue maladie, finalement, vous passeriez ailleurs...
- Une maladie ? Est-ce qu'une épidémie frappe votre peuple ? Combien de personnes en sont atteintes ?
- Pour l'instant, seulement notre Magnat Kerhan. Sa fille et sa vieille gouvernante essaient de le soigner depuis des semaines, mais sans succès. Le prêtre dit qu'il est aux portes de la mort. C'est un grand malheur pour la province... Notre Magnat est un homme d'une grande bonté, et sa fille Athénaïs est promise en mariage à un seigneur voisin qui, lui, est une brute de la pire espèce...
- Une situation bien pénible, en effet... Il se trouve que je suis herboriste. Mon peuple possède d'assez bonnes connaissances en médecine. Dès demain à l'aube, j'irai au château avec mon assistante, et je verrai ce que je peux faire pour soigner votre seigneur.
- Vous n'y entrerez pas, ma petite Dame... Le prêtre a fait mettre le château en quarantaine. Plus personne ne peut ni y entrer ni en sortir, à part lui et le fiancé de la Damoiselle Athénaïs."
Helyanor fronça les sourcils. Une quarantaine comme celle-là n'avait aucun sens. De toute évidence, il y avait d'autres problèmes dans cette province que la mystérieuse maladie du seigneur local. Il faudrait agir avec la plus grande prudence.

Le lendemain à l'aube, Helyanor se mit en route vers le village fortifié, accompagnée de son assistance Hermine et de deux chasseresses qui leur servaient d'escorte. Sur le chemin, elle furent rattrapées par une adolescente arrivant en trombe derrière elles.
"Matriarche, attendez ! Je viens avec vous.
- Pas cette fois, Elverid. Tu n'es mon apprentie que depuis quelques semaines et tu es encore un peu jeune pour les missions dangereuses.
- J'ai quinze ans ! A mon âge, vous arpentiez déjà les ruines anciennes au risque d'être prise dans un éboulement ! Et puis je n'aurais pas choisi de devenir herboriste si j'avais peur de la contagion.
- Il ne s'agit pas de cela. Nous pourrions avoir à faire face à des complications inattendues...
- Quel genre de complications ?
- Bon, puisque tu es là... Tu vas pouvoir le découvrir par toi-même. Nous arrivons."
Le petit groupe de femmes fut admis assez facilement dans la ville. Lorsqu'elles se présentèrent au château, le prêtre n'était pas présent. La jeune Athénaïs, apprenant que les étrangères avaient des connaissances en médecine, les laissa entrer et les conduisit immédiatement au chevêt de son père. Helyanor et Hermine examinèrent le vieil homme brûlant de fièvre et s'informèrent ses autres symptômes : de forts vomissements, qui ne lui permettaient pas de garder la moindre nourriture et le faisaient dépérir lentement. Après quelques analyses sur le dernier repas que son estomac avait rejeté, le diagnostic fut posé. Le magnat était victime d'une grave intoxication, probablement due à l'ajout répété de matières putréfiées dans ses aliments. En entendant cela, Athénaïs parut horrifiée.
"Vous voulez dire que quelqu'un l'empoisonne à petit feu ? C'est impossible ! Tous nos domestiques sont au service de notre famille depuis des lustres, et ils sont loyaux.
- Qui d'autre a accès à la nourriture servie ici ?
- Il y a le prêtre de Podezswa qui vient nous rendre visite presque tous les jours. Lorsqu'il est là, il reste dans la chambre de mon père jusqu'au crépuscule à prier pour lui, et il bénit tous les repas qu'il prend en sa présence... Vous ne pensez tout de même pas que... Non, je me refuse à penser cela !
- Y a-t-il quelqu'un qui pourrait trouver un intérêt à faire disparaître votre père ?
- Non, je ne vois pas...
- Si !"
Helyanor se retourna. La robuste vieille femme qui venait d'intervenir ainsi était, de toute évidence, la gouvernante. Elle était entrée dans la pièce sans que personne ne la remarque.
"Que dites-vous, Gerda ?
- Le magnat Dalrogh, ce vieux pourceau qui prétend vous épouser pour faire main-basse sur votre héritage... Et qui n'est autre que le frère aîné de ce... prêtre si pressé d'enterrer Messire votre père !
- Gerda ! Médire ainsi d'un homme d'église ! Quelqu'un pourrait vous entendre !
- Vous êtes bien naïve, ma petite ! Tout le monde sait que ce rat en robe blanche est corrompu jusqu'aux os, mais personne n'ose le dire !
- L'empoisonnement de Messire Kerhan sera facile à soigner. Je vais préparer une potion dont il devra prendre toutes les heures quelques gouttes diluées dans un verre d'eau. Il sera sur pieds dès demain. Quand ce prêtre doit-il revenir ?
- Demain matin. Aujourd'hui, il se trouve chez son frère pour les préparatifs du mariage."

Le lendemain, en effet, deux vieillards défraîchis se présentèrent au château. Il s'agissait du fameux prêtre et de son frère aîné, le seigneur Dalrogh. Les deux hommes connaissaient parfaitement les lieux, et ça se voyait. Ils traversèrent le grand hall du château et passèrent devant Helyanor et ses compagnes sans les remarquer. Sans doute les prenaient-ils pour des servantes. Elverid, visiblement choquée, se tourna vers la matriarche. Elle et Athénaïs avaient à peu près le même âge et avaient sympathisé pendant la soirée de la vielle. 
"C'est ça, le prétendant d'Athénaïs ? Ils ne vont tout de même pas la marier de force à ce vieux machin !" souffla-t-elle.
Les deux visiteurs se dirigèrent immédiatement vers la chambre du magnat Kerhan afin de le presser de fixer une date pour le mariage, s'attendant à trouver un moribond... Et faillirent s'étrangler de surprise à la vue du seigneur des lieux qui les accueillait avec le sourire, assis sur son lit et buvant tranquillement sa potion !
"Bien le bonjour, Messeigneurs ! Mon cher prêtre, vos prières ont finalement été entendues : Podeszwa m'a envoyé des guérisseuses qui ont trouvé un remède à mon mal. Des femmes quelque peu étranges mais néanmoins fort sympathiques, qui apparemment viennent d'un pays très lointain... C'est un vrai miracle, n'est-ce pas ?"
Le prêtre resta un moment bouche bée, puis entra soudainement dans une colère noire et sortit de la chambre en vociférant.
"Des guérisseuses ? Des sorcières, oui ! Des hérétiques ! Les plantes, les potions, tout ça c'est de la magie noire ! Où sont-elles ? Et qui les a laissées entrer dans ce château ? ATHENAÏS !"
Les hurlements du prêtre résonnaient dans tous les couloirs du château. La vieille Gerda connaissait bien l'énergumène et savait que cela ne présageait rien de bon. Elle prit les choses en main. Elle attrapa Helyanor par la manche et l'entraîna vers les cuisines, en faisant signe aux autres de la suivre.
"Vous devriez filer en vitesse. Par la porte de service, c'est plus sûr. Quand cette vieille barbe est dans cet état, il y a des bûchers pas longtemps après, en général."
Elles n'eurent pas le temps de faire un pas de plus. Le prêtre arrivait derrière elles, et hurla de plus belle à leur intention.
"GERDA ! Espèce de vieille truie, j'aurais dû me douter que vous étiez derrière tout ça ! Quant à ces sorcières malfaisantes, je..."
Elverid s'avança vers le prêtre. Helyanor, toujours tenue solidement par Gerda, n'eut pas le temps de l'en empêcher.
"Malfaisantes ? Nous avons soigné un malade !
- Elverid, tais-toi !
- Soigné avec des plantes et des potions diaboliques ! Cet homme était destiné à rejoindre Podeszwa et vous vous êtes élevées contre la volonté du Créateur !
- La sienne ou la vôtre ? Vous ne pensez pas que si un Dieu voulait la mort de quelqu'un, nos potions n'y pourraient rien changer ?
- Petite impie !"
Le prêtre se saisit de l'épée de son frère qui se tenait derrière lui et voulut frapper Elverid. Hermine s'interposa, et ce fut elle qui reçut le coup mortel. Au moment où le prêtre levait à nouveau son arme, un grand fracas se fit entendre. Une lourde potiche s'était écrasée au sol, juste derrière les deux frères. C'était le Magnat Kerhan qui l'avait lancée, du haut de l'escalier.
"Hors de ma vue, tous les deux ! J'ai enfin compris ce que vous maniganciez depuis le début ! Vous, espèce de prêtre dévoyé, je vous dénoncerai auprès de tous les monastères de la région ! Quant à vous, Dalrogh, ma fille ne vous épousera jamais ! Maintenant, sortez de chez moi !"
La jeune Athénaïs sembla soulagée d'entendre son père renier ce projet de mariage. Les deux visiteurs partirent, non sans avoir proféré une dernière bordée d'injures et de menaces. Le Magnat Kerhan descendit les escaliers et s'adressa à Helyanor.
"Je tiens à vous remercier. Vous m'avez rendu non seulement la santé, mais également la lucidité que j'avais perdue... Gerda a raison, vous et votre peuple devriez quitter cette région au plus vite. Le seigneur Dalrogh est très puissant et a de nombreux alliés parmi la noblesse Österlichoise, et il voudra se venger de vous pour avoir contrecarré ses plans. Il vous fera poursuivre... Malgré ce que je lui ai dit, je ne suis pas certain de pouvoir les faire condamner, lui et son frère, pour leurs forfaits. Ne perdez pas de temps ! Bonne route."
Helyanor jugea préférable de suivre les conseils du magnat et de sa gouvernante, et, sitôt retournée au campement, elle donna l'ordre de repartir sans attendre en direction du nord.
Les semaines qui suivirent furent particulièrement éprouvantes pour Helyanor et l'ensemble de son groupe. En l'espace d'une lune, ils essuyèrent près d'une dizaine d'attaques, noctures le plus souvent, et ne pouvaient pas rester plus d'une journée au même endroit. Même chasser pour trouver de quoi se nourrir devenait compliqué, et le convoi avait fini par se scinder en une vingtaine de groupes moins facilement repérables, mais qui voyageaient à peu de distance l'un de l'autre de façon à toujours rester en contact. Puis les assauts commencèrent à se faire moins fréquents, comme si leurs poursuivants commençaient à renoncer.
Enfin, un soir, le groupe mené par Helyanor arriva en vue d'un monastère fortifié. Elle allait donner l'ordre de faire un détour pour éviter d'être aperçus par les moines, lorsqu'elle entendit des cris provenant de la forêt proche. Elle fit signe à ses chasseresses de la suivre et alla voir ce qui se passait. Elle découvrit un moine au prises avec des bandits de grand chemin.
Les brigands étaient au nombres de trois et peu armés. Il fut facile de les mettre en fuite. Le moine s'avança vers elles.
"Des femmes guerrières ! Vous êtes étrangères, c'est évident. Mais peu importe, soyez remerciées.
A qui dois-je mon salut ?
"
Helyanor hésita à répondre : si des hommes ou des alliés de Dalrogh les avaient précédés dans cette région, il se seraient probablement chargés de leur faire une réputation.
"Ah, mais j'y suis ! Vous êtes le Clan du Hibou !... Ne vous alarmez pas. Je suis au courant de votre histoire, la vraie, pas de ces rumeurs infâmes qu'ont fait courir sur vous le magnat Dalrogh et son frère. Votre ami le Seigneur Kerhan a pu faire entendre la vérité, Dalrogh a été dépossédé de ses terres et désavoué par ses alliés, et son frère s'est vu retirer sa charge de prêtre.
Je ne peux malheureusement pas vous recevoir au monastère, les femmes y sont interdites, mais vous serez autorisés à camper sur nos terres.
"
Tout en parlant ainsi à Helyanor, le moine avait rejoint la route et passait maintenant devant le convoi. Elverid, en le voyant, eut un sursaut et se mit à le dévisager d'un air soupçonneux.
Depuis la mort d'Hermine, la jeune fille affichait en permanence une mine sombre et n'avait plus dit un mot. C'était la première fois qu'elle semblait à nouveau réagir à quelque chose. Elle saisit Helyanor par la manche et lui parla discrètement.
"C'est un prêtre ?
- Un moine. Ne t'inquiète pas, le prètre que nous avons rencontré chez Messire Kerhan avait l'esprit rongé par l'ivresse du pouvoir. Celui-ci est très différent. Ne montre pas ton hostilité !
- Qu'est-ce qui vous prouve qu'il n'essaie pas de nous endormir avec ses belles paroles pour laisser le temps à d'autres soudards de venir nous massacrer ?
- Nous n'avons pas eu d'attaques depuis plus d'une semaine. Il est très probable qu'il dise la vérité. Cela dit, nous resterons vigilantes."

Le moine avait dit la vérité. La nuit passée au pied du monastère fut calme, ainsi que toutes celles qui suivirent. Le convoi se reforma et continua sa route plus paisiblement, jusqu'à la frontière nord d'Österlich. Après plusieurs jours supplémentaires d'une marche harassante, le groupe arriva à une grande plaine traversée par un large cours d'eau. Un peu partout aux alentours, on apercevait plusieurs villes fortifiées.
Helyanor sortit de sa sacoche la longue-vue que lui avait offerte le capitaine du navire saarthien après le débarquement, et parcourut le paysage du regard, en s'attardant sur les bannières qui flottaient en haut des tours des différentes cités... et là... enfin... sur l'un de ces édifices, elle reconnut un emblème familier : celui d'Andior. Lui aussi était arrivé à bon port quelques temps auparavant, et avait eu le temps de fonder une cité prospère.
Les yeux de la matriarche se mirent à briller comme jamais auparavant. Elle se tourna vers Elverid qui se tenait à côté d'elle.
"Va dire aux autres que nous sommes presque arrivés. Notre destination se trouve là bas, droit devant nous."

Dernière modification par Helyanor (2016-02-26 00:58:18)

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