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#1 2025-10-30 21:43:56

Jan de Gwendal
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Le lys qui changea de couleur

Jan de Gwendal écoutait d'une oreille distraite la discussion qui se déroulait entre ses lieutenants. Plus que les mots, il observait les attitudes, les tons, les humeurs. Presque parfaitement répartis de part et d'autre de la table du conseil, deux factions se distinguaient nettement: d'un coté, ses compagnons gundoriens, qui avaient partagé de nombreuses aventures avec Jan et lui étaient restés fidèles suite à sa décision d'accepter cette seigneurie d'Okord; de l'autre, l'ancien entourage de son cousin Neslepaks, des Okordiens qui avaient accueilli l'arrivé d'un seigneur étranger avec plus ou moins d'enthousiasme.

Le sujet était, bien sur, la guerre. Jan avait rapporté les terribles nouvelles de la salle du Roi et il avait interrogé son conseil sur la marche à suivre. Toujours soucieux de la situation difficile dans sa terre natale, Jan avait tenté de sensibiliser la cour Okordienne au sujet du Gondor et de faire pression pour une intervention. Mais deux successions au trone, coup sur coup, avaient réduit ses efforts à néant. Une guerre en Okord n'était certainement pas le contexte idéal pour mener d'autres tentatives. Personnellement, il aurait donc préféré rester à l'écart du combat.

Soudain, la dispute fut interrompue par l'entrée d'un envoyé. Il portait un paquet et avait l'air inquiet. Jan lui fit signe et lui prit l'objet, qui ressemblait à un morceau de tissu plié. Une fois déplié sur la table, il se révéla etre un petit drap carrée d'un blanc pur, enveloppant une fleur séchée. Visiblement, c'était un lys, que l'on avait teint en noir d'une manière inconnue. Un silence pesant s'abattit sur l'assemblée. Tout le monde savait que c'était le symbole d'un défi. Meme ceux qui avaient été favorables à l'entrée en guerre ne pouvaient se réjouir de cette nouvelle.

Peu à peu, la discussion entre les lieutenants reprit, sur un ton désormais anxieux. Jan se leva et se détourna de la table pour recharger sa pipe. Tout en tirant quelques bouffées, il jeta un coup d'oeil à la carte accrochée au mur. Après quelques instants de réflexion, il s'écria: «Messieurs, puis-je avoir votre attention, s'il vous plait?». Le Comte attendit encore quelques instants, le temps que les esprits se calment. Inutile de discuter avec un conseil composé d'imbéciles paniqués.

«De nombreuses lieues de collines presque inhabitées séparent nos terres de l'Autriche. Nos habitants connaissent bien cette région, puisque nos éleveurs s'aventurent souvent au-delà de nos frontières à la recherche de nouveaux paturages.». Jan tapotait des endroits sur la carte avec sa pipe tout en exprimant ses pensées. «À l'est de ces collines se trouve le riche comté de Norbury, et plus loin, de l'autre coté du grand fleuve du Dragon, le domaine du comte Donatien de La Nouë.».

L'un de ses lieutenants, incapable de contenir son impatience, l'interrompit. «Pardonnez-moi, votre seigneurie, mais envisagez-vous sérieusement une attaque contre l'Autriche?». Jan tira nerveusement sur sa pipe pour contenir son agacement face à cette interruption, puis continua comme s'il n'avait meme pas entendu: «Le comte de La Nouë a clairement exprimé son désir de vengeance contre le Lys dans la salle du trone. Maintenant que Vienne est assiégée, je ne doute pas qu'il saisira cette occasion idéale pour frapper le Lys au coeur. Son armée, tombant du nord sur les Autrichiens, couperait la ville assiégée de tout renfort ou approvisionnement possible.».

«En fait, on nous a déjà signalé de mouvements suspects au sud du Nid du Dragon. De La Nouë est probablement déjà en train de traverser les montagnes, par ici. Mais nous pouvons couper sa route et le surprendre alors qu'il traverse les vals, par là.». Et il tapa plus fort sur la région des collines pour bien faire comprendre son propos. Les lieutenants prirent un moment pour assimiler cette information: apparement le Comte ne visait pas du tout le Lys, mais leurs adversaires! «Mais mon seigneur... et le lys noir?».

Jan leur lança alors un regard astucieux, «Si je ne me trompe pas quant aux intentions du Lys, ils veulent que nous prenions parti. Notre neutralité dans ce conflit les ennuie. Ils comptaient peut-etre sur les liens de mon prédécesseur avec l'ancien Lys Blanc, mais ils ont été déçus que nous n'ayons pas fait de déclaration en leur faveur. Alors nous leur enverrons un dépeche rapide en avance sur l'armée, leur faisant une proposition qu'ils ne pourront pas se permettre de refuser, compte tenu des circonstances actuelles. L'accord impliquera que nous arretons De La Nouë et, en échange, que le Lys retire son défi.».

Un à un, des visages déterminés remplacèrent les regards anxieux. «Et si le Lys rejetait notre proposition…» continua le Comte, «Nous serions à temps pour rejoindre le De La Nouë plutot que de lui tendre une embuscade!». Malgré l'ambiguité des intentions, le plan paraissait très simple et pratique, et les hommes de Jan étaient tous très pragmatiques, donc personne n'émit d'objection. «Très bien alors, rassemblez les troupes, on part dès que possible.».

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Dernière modification par Neslepaks (2025-10-30 22:01:41)

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#2 2025-10-31 20:42:18

Donatien de La Nouë
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Re : Le lys qui changea de couleur

La nouvelle de la défaite lui etait parvenue en salle du trône. L’ogre autrichien avait triomphé, humiliants les gens des marais guidés par l’Eustache, le fidèle commandant de sa garde. Contrit, Donatien avait ruminé quelques instants, avant de prendre sa décision, guidé par la fougue de la jeunesse. Puisque l’Autrichien avait porté la guerre en ses terres avec l’aide de son limier, La Nouë lui rendrait la pareille, au diable les scrupules ! Le camouflet était par trop intense pour que le seigneur de Maucastel ne se départisse de son ire, aussi irréaliste que fût un assaut sur Vienne par ses seuls moyens.

L’annonce des forces coordonnées du nouveau roi et de Cylariel n’avait que renforcé son ambition: il n’était peut-être pas convié, mais se joindrais aux réjouissances, de gré ou de force.

C’est fort de cette décision, et contre l’avis de ses conseillers comme de son épouse, que Donatien avait réuni le ban et pris les armes. Le plan était simple: traverser le fleuve, entre la Norbury et le Nid du Dragon, en profitant du port septentrional pour effectuer une traversée rapide, à l’orée du jour. Le reste de la marche se faisant entre vallons et pleines était presque aussi simple que les manœuvres régulièrement faites dans les Maleterres pour aguerrir les bleusailles. L’objectif final était de fondre sur l’Autriche par le flanc, alors qu’elle serait déjà engagée dans une bataille colossale.

Comme dans bien des plans cependant, le passage de la théorie à la pratique s’avéra plus délicat : temps inopportun, un grain se levant et rendant la traversée plus désagréable - une catastrophe pour Donatien, le noble étant sujet au mal de mer-, terrain se révélant plus escarpé que rapporté par les éclaireurs,  et finalement, le comble: une bannière.

Bien évidemment, cette bannière, flottant au vent et se détachant à quelques encablures au point du jour était accompagnée de troupes ayant pris position sur la pleine, et érigé quelques fortifications à la hâte, le tout sur leur chemin. Discerner les intentions exactes de cette troupe auraient pu prendre un temps précieux, mais le seigneur de La Nouë stoppa son aide de camp lorsque ce dernier envisagea d’envoyer quelques éclaireurs.

"Nul besoin, Gédéon,  leur positionnement, leur nombre conséquent,  ceci couplé à leur étendard, constituent un élément on ne peut plus clair: le successeur de Neslepaks a décidé de nous barrer la route. Et  comme tout Yggnirite qui se respecte, hors de question de chercher à le contourner: nous le retrouverions alors à harceler nos arrières en plein assaut, ce qui serait tout bonnement suicidaire. Fais sonner le cor et déployer les troupes, nous allons leur montrer que celui qui suit Sa Voie Lumineuse en quête de justice ne peut être éconduit aisément. "

Dernière modification par Lanoue (2025-10-31 20:45:59)

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#3 2025-11-02 10:15:18

Jan de Gwendal
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Re : Le lys qui changea de couleur

Un autre contingent de cavaliers était tombé sous les flèches ennemies sur le front ouest. Au meme moment, la masse de l'armée noire et orange encerclait lentement le front est. Un lieutenant s'approcha de Jan, l'air contrit. «M'sieur, pardonnez-moi si je vous parais lache, mais je crains que la bataille ne soit perdue. Selon mes calculs, à ce stade, l'ennemi est deux fois plus nombreux que nous. N'avons-nous pas déjà accompli notre mission? On a arreté l'avancée des loyalistes; le Lys reconnaitra surement notre contribution au ralentissement de l'ennemi?».

Le Comte ne pouvait lui reprocher de parler ainsi. La situation était en effet désespérée: l’ennemi avait toujours une longueur d’avance et combattait avec une férocité animée par leur désir de vengeance. Une treve aurait été logique, mais Jan n’arrivait pas à s’y résoudre. Au fond, il savait que c’était son orgueil qui l'empechait. «Cette bataille n'est pas terminée! L'ennemi cherche désespérément à percer nos lignes. De La Nouë ne peut pas se permettre de combattre plus longtemps: quel intéret y aurait-il à mener une armée affaiblie et épuisée vers un autre combat? Croyez-moi: à la fin, ce sera leur retraite, et non notre reddition.».

Au moment meme où il parlait, un nuage de poussière au loin révéla le mouvement d'un gros bataillon. Plissant les yeux, Jan aperçut, de son point d'observation, un contingent massif de cavalerie s'élançant au galop du camp ennemi. Ses bataillons dispersés sur le flanc est ne seraient certainement pas en mesure de contenir une telle force. «Non, non, non… ça ne peut pas se terminer ainsi». Il savait que c'était le dernier coup de l'ennemi: le tentative ultime de mettre Jan échec et mat. Il s'adressa à ses lieutenants et à ses gardes et exhorta tous ceux qui restaient à monter à cheval et à le suivre.

Leur seul espoir était de retenir la cavalerie ennemie suffisamment longtemps pour permettre au reste de leurs troupes de se réorganiser, du moins c'est ce que Jan se disait. Cependant, alors que Jan et ses hommes se lançaient dans un galop fou en descendant la pente vers le champ de bataille, ils durent faire face à un terrain piétiné et disséminé avec les débris de bataille. Soudain, un cheval en tete se cabra devant une lance plantée dans le sol. Sous l'effet de l'élan, cheval et cavalier perdirent l'équilibre et tombèrent à terre.

Jan était trop près pour éviter l'obstacle et fut projeté au sol dans la collision qui suivit. Une force terrible lui coupa le souffle. Tandis que le monde tournait autour de lui, une douleur lancinante le transperça. Quand tout s'arreta, le Comte ne pouvait plus voir, ne pouvait plus bouger, et son esprit eut à peine le temps de formuler une dernière pensée: «J'ai échoué».

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