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Les Cendres de la Foi
Chapitre 1 : Les Ombres Dansantes du Saint Siège
Les flammes vacillantes des cierges projetaient des ombres dansantes sur les murs ornés de tapisseries sacrées. Le murmure des prières résonnait dans l'air parfumé d'encens alors qu'Algalia, parée de sa robe sacerdotale noire et pourpre, se tenait au centre de l'autel, les bras levés vers le ciel. D'une voix douce mais empreinte d'une conviction inébranlable, elle invoquait la fureur d'Azurei, la déesse de la vengeance, en une litanie envoûtante.
Les prêtres réunis répondaient en chœur, ponctuant chaque incantation par des coups sourds de leurs bâtons de culte contre le sol pavé. L'énergie mystique emplissait la salle, et Algalia sentait une présence, une force invisible qui écoutait et jugeait leurs dévotions. Elle ressentait le poids de sa mission avec une intensité rare : elle était la Grande-prêtresse d’Azurei, et sa voix devait porter la volonté de la déesse au sein du Saint Siège des Sept.
Autour d'elle, les fidèles s'agenouillèrent dans une synchronisation parfaite. Ils avaient passé leur vie à servir Yggnir et ses compagnons, et leur foi était absolue. L'autel central, ornementé d'opales rougeoyantes censées symboliser le sang des martyrs, réfléchissait la lueur des torches. Une urne d'argent, où brûlaient des offrandes de myrrhe et de bois sacralisé, exhalait un parfum capiteux. L’air était épais de fumée sacrée, donnant une impression d’ailleurs, comme si la salle n’existait plus que dans un rêve brumeux.
Algalia entama la prière finale, sa voix portant dans toute la salle, emplie d'une ferveur presque hypnotique :
— Que la colère d'Azurei s'abatte sur les traîtres et les impies. Que sa justice implacable consume les parjures et que son ombre veille sur ceux qui croient.
Les prêtres répétèrent ses paroles d'une voix harmonieuse, puis le silence retomba. Les cierges continuaient de brûler, projetant leur éclat fébrile sur les visages recueillis. Algalia ferma les yeux un instant, savourant ce moment de quiétude où tout semblait en harmonie.
Mais un frisson parcourut soudain sa nuque. Une ombre passa dans son champ de vision, à la limite de la pénombre des colonnes massives qui soutenaient le dôme sacré. Instinctivement, elle ouvrit les yeux et scruta la salle. Ses yeux détectèrent alors des silhouettes mouvantes, légèrement voûtées, glissant entre les piliers ornés de gravures anciennes.
Trois hommes encapuchonnés. Leurs tuniques étaient ternes, sans aucun insigne des Sept. Leur démarche était calculée, furtive, comme s’ils ne voulaient pas être remarqués. Mais ils l’avaient été.
Le cœur d'Algalia accéléra. Ce n'étaient ni des prêtres, ni des fidèles habituels. Leur présence était une anomalie dans la rigueur de ce lieu saint. Son instinct lui criait qu'ils n'avaient rien à faire ici.
Elle ferma les yeux un instant, cherchant à canaliser la volonté de sa déesse. Une sensation glaciale glissa le long de sa colonne vertébrale, comme un avertissement. Sans un bruit, elle s'éclipsa à son tour, marchant à pas mesurés pour ne pas attirer l'attention. Son souffle était contrôlé, ses muscles tendus.
Les inconnus empruntèrent un couloir latéral, s’enfonçant plus loin dans le Saint Siège. Algalia les suivit, le cœur battant, consciente qu'elle s'engageait sur un chemin dont elle ne pouvait deviner l'issue.
La pierre sous ses pieds semblait plus froide, plus lourde. Chaque pas résonnait, amplifiant le silence oppressant qui régnait maintenant dans ce couloir interdit. Une dague ornée d’une tête de loup était dissimulée sous les replis de sa robe. Elle posa la main dessus, plus pour se rassurer que par réelle envie de s’en servir.
Pourquoi ces hommes se dirigeaient-ils vers les cercles intérieurs ? Qui étaient-ils ? Des renégats ? Des espions ? Un malaise profond naissait en elle, plus vif encore que la peur. Elle accéléra le pas, restant à bonne distance, son regard fixé sur leur avancée.
Puis l’une des silhouettes s’arrêta net, chuchotant quelque chose à ses compagnons. Leurs capes sombres se figèrent. L’un d’eux posa une main sur le manche d’une arme avant de reprendre leur route. Algalia fit un pas en arrière. Son instinct lui criait de fuir, d’alerter les gardes du temple, malgré le danger et la panique que cela engendrerait. Mais son orgueil, son sens du devoir la retenaient. Elle devait comprendre. Elle devait savoir pourquoi ces intrus marchaient sur les sols sacrés du Saint Siège.
Respirant profondément, elle raffermit sa prise sur sa dague dissimulée. Et elle s’enfonça plus loin dans l’ombre, suivant leur trace.
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Chapitre 2 : Au Cœur des Murs Interdits
Le souffle court, Algalia avançait à pas feutrés, son cœur battant dans sa poitrine comme un tambour de guerre. Les silhouettes encapuchonnées progressaient avec assurance, se faufilant dans le dédale du aint siège. À mesure qu’elle les suivait, une tension insidieuse s’insinuait en elle. Quelque chose n’allait pas.
Le couloir qu’ils empruntaient était interdit aux non-initiés, et pourtant, ils ne montraient aucun signe d’hésitation. Ils connaissaient leur chemin. Algalia resserra sa prise sur la dague cachée sous les replis de sa robe sacerdotale, sa paume moite contre le manche froid de l’arme. Elle devait rester discrète, ne pas alerter ces intrus avant de comprendre leurs intentions.
Les torches fixées aux murs projetaient des ombres mouvantes sur la pierre, accentuant l’aura inquiétante qui régnait en ces lieux. Ses pas l’avaient menée bien plus loin qu’elle ne l’aurait voulu. Une inscription gravée sur l’arche marquant l’entrée du couloir suivant lui glaça le sang : elle venait d’atteindre les abords du Premier Cercle.
La Chambre du Tokva n’était plus très loin. Un frisson remonta le long de son échine. Le Premier Cercle était un sanctuaire inviolable, protégé par des rituels et des serments ancestraux. Même les prêtres du Quatrième Cercle ne pouvaient s’y aventurer sans une convocation expresse de la Tokva lui-même. Et pourtant, ces hommes s’y dirigeaient sans le moindre scrupule.
Alors qu’elle s’apprêtait à franchir le seuil de cette zone sacrée, Algalia fit un pas de trop. Son pied glissa sur une pierre mal ajustée, et un léger bruit résonna dans le silence pesant du couloir.
D’un même mouvement fluide, l’un des inconnus se retourna brusquement. Un éclat de métal brilla sous sa cape. Son visage, à peine visible sous sa capuche, était marqué par des traits durs et sévères. Il prononça quelques mots dans une langue étrangère, un dialecte qu’Algalia ne reconnut pas. Mais il n’y avait aucun doute : il avait compris qu’il était suivi.
Un coup de sifflet bref fendit l’air, et en une fraction de seconde, deux des hommes accélérèrent le pas en direction de la Chambre du Tokva tandis que le troisième se précipitait sur Algalia.
Elle n’eut pas le temps de réagir. Une poigne de fer s’abattit sur son poignet, la forçant à lâcher sa dague qui tomba dans un tintement sec sur la pierre froide. Un bras puissant se referma autour de sa taille, la soulevant légèrement du sol. Elle tenta de crier, mais une main vint bâillonner sa bouche. L’odeur âcre de cuir et de sueur lui emplit les narines.
La panique monta en elle comme une vague déferlante. Elle se débattit violemment, donnant des coups de genou, griffant de ses ongles courts la peau rugueuse de son agresseur. Mais il était plus fort. Trop fort.
Elle devait réfléchir. Vite. Dans un élan de désespoir, elle fit ce qui lui vint instinctivement. Elle ouvrit grand la bouche et planta violemment ses dents dans la chair de la main qui l’étouffait.
Un cri étranglé s’échappa de son assaillant, et sa prise se desserra juste assez pour qu’elle puisse se libérer. Son corps retrouva le sol et, d’un mouvement désespéré, elle agrippa la broche d’argent qui maintenait son manteau en place. Une fine aiguille, aiguisée comme une lame, reflétant brièvement la lumière des torches. Et sans réfléchir, elle la planta de toutes ses forces dans la gorge exposée de son agresseur.
Le silence fut brisé par un gargouillement étouffé. L’homme porta ses mains à sa gorge, du sang sombre coulant entre ses doigts tremblants. Ses genoux frappèrent le sol avec lourdeur, et quelques secondes plus tard, son corps s’effondra dans une posture grotesque, son regard vidé de vie.
Algalia haleta, les doigts tremblants et souillés d’écarlate. Elle recula d’un pas, la respiration saccadée. Elle venait de tuer. La pensée la heurta de plein fouet. Jamais encore elle n’avait ôté une vie de ses propres mains en dehors d’un rituel.
Mais elle n’eut pas le loisir de s’attarder sur cette révélation.
Les deux autres hommes étaient déjà au seuil de la Chambre du Tokva.
Sans attendre, elle se mit à courir, le sang battant à ses tempes. Elle devait prévenir les gardes. Elle devait empêcher ce qui se tramait derrière ces portes interdites.
— À l’aide ! s’écria-t-elle en se précipitant. Des intrus dans le Premier Cercle !
Sa voix résonna dans les couloirs vides, et alors qu’elle atteignait les lourdes portes ouvragées de la Chambre du Tokva, un frisson glacé parcourut son échine.
Il était peut-être déjà trop tard.
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Chapitre 3 : Sous l’Éclat de la Lame Divine
Les lourdes portes de la Chambre du Tokva étaient entrebaillées, et un tumulte en provenait. Algalia, le souffle court, s’élança à travers l’ouverture, ses jambes flageolantes sous l’adrénaline qui enflammait son corps. La scène qui se dévoila sous ses yeux la figea un instant.
Au centre de la pièce, sous l’ombre majestueuse de la statue colossale d’Yggnir, Leonore Xlatinir, le Tokva en personne, faisait face aux deux assaillants. Son long manteau de cérémonie ondulait alors qu’elle esquivait une lame qui siffla à quelques centimètres de son cou. Son regard flamboyait d’une colère sacrée, et une dague rituelle, gravée de symboles anciens, brillait dans sa main.
Les intrus, tout comme celui qu’Algalia avait combattu, portaient des capuches sombres. L’un d’eux arma un coup rapide, visant le flanc du Tokva, qui recula avec agilité, sa robe effleurant le sol marbré. Mais elle était seule face à eux, et Algalia comprit aussitôt qu’elle ne tiendrait pas longtemps. Son instinct lui hurlait de fuir, de chercher du renfort. Pourtant, un feu ardent brûlait en elle.
Sans réfléchir, elle se précipita.
— Tokva ! cria-t-elle en s’élançant vers Leonore.
Elle s’accroupit et ramassa un chandelier d’autel, une lourde pièce de métal doré, avant de l’abattre avec toute la force que lui permettait son corps frêle sur le dos du plus proche agresseur. L’homme tituba en avant, pris de court, et Leonore en profita pour lui planter sa dague dans l’épaule. Il poussa un cri étranglé, et frappa d’un lourd coup de pied Algalia qui tomba au sol avant de s’avancer vers elle la menaçant de sa dague.
L’autre attaquant s’était déjà retourné vers Leonore, une lame effilée en main. Avant qu’elle n’ait pu réagir, il attrapa son poignet et la força à lâcher son arme. Son regard était impitoyable, et il leva son poignard.Une douleur fulgurante la traversa alors que la lame entaillait son bras. Elle serra les dents pour ne pas hurler et tomba à genoux. Son sang perla sur le sol sacré. Elle voulut ramper en arrière, mais l’homme s’apprêtait à porter un coup fatal.
Puis un bruit sourd résonna.
Une lance jaillit de nulle part, transperçant la poitrine de l’homme qui s’effondra sur le marbre, son sang se mêlant aux motifs gravés au sol. Trois autres gardes surgissaient dans la pièce, armes en main. Leur entrée soudaine changea le cours du combat. Le premier assaillant, blessé à l’épaule, tenta de fuir vers l’entrée, mais une deuxième lance fendit l’air et le cloua au sol.
Le silence tomba brutalement sur la Chambre du Tokva.
Algalia, à bout de souffle ce releva et porta une main tremblante à son bras blessé. Son regard se porta sur Leonore le bras ensanglanté, qui essuya calmement ça plait. L’aura imposante de la Tokva ne s’était pas dissipée malgré l’attaque. Elle inspira profondément avant de poser ses yeux perçants sur Algalia.
— Tu es blessée, dit-elle simplement.
La jeune prêtresse secoua la tête, son cœur battant encore à un rythme effréné.
— Ils parlaient une langue que je ne connais pas, murmura-t-elle.
Leonore fronça les sourcils, échangeant un regard avec les gardes. L’un d’eux s’avança et s’agenouilla auprès d’un des cadavres, soulevant sa capuche. Il observa un instant leurs visages avant de déclarer :
— Ce sont sûrement des hommes envoyés par le clergé de Podeszwa… d’Osterliech.
Un murmure inquiet parcourut la salle. Si tel était le cas, alors l’attaque n’était peut-être qu’un prélude à quelque chose de bien plus grand.
Un autre garde pénétra dans la pièce, le visage marqué par l’urgence.
— D’autres groupes armés ont été repérés dans le Saint-Siège ! Ils se sont infiltrés !
Un froid glacial s’empara d’Algalia. Ce n’était pas une simple tentative d’assassinat. C’était un assaut.
Leonore se redressa, droite et fière malgré la situation.
— Nous devons fuir. Menez-moi aux souterrains, immédiatement.
Algalia se sentit parcourue d’un frisson alors qu’elle comprenait ce que cela signifiait. L’histoire n’en resterait pas là. Elle était loin d’être terminée.
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Chapitre 4 Les Échos de l'Exode et du Feu
Les gardes se hâtèrent, une panique palpable dans leurs mouvements. La Tokva, bien que blessée, n’avait d’autre choix que de suivre, guidée par la lueur d'une détermination inébranlable. Ils se dirigèrent vers une porte discrète, dissimulée dans l'ombre d'un recoin du Saint-Siège. Un dernier espoir de salut se cachait derrière ce passage secret, mais le temps pressait. La lourde porte se déroba sous les doigts du garde, révélant un tunnel étroit et sombre qui se perdait dans les profondeurs du sanctuaire.
— “Vite, nous devons partir,” ordonna la Tokva d’une voix basse mais ferme, son souffle court, la douleur dans sont bras la ralentissant, mais rien ne pouvait effacer la peur dans ses yeux. “Allez !”
Sans hésiter, les gardes avancèrent en file escorant Leonore et Algalia avec une rapidité pressée. Algalia se retrouva derrière la Tokva, son cœur battant à tout rompre, les mains moites contre le manteau de sa robe sacerdotale. Elle se glissa dans le passage étroit, la lourde porte de fer se refermant derrière eux avec un bruit sourd. Un frisson glacé traversa son échine à l’idée d’être enfermée dans ce tunnel obscur.
Le passage était étroit et sinueux, le sol couvert d’un léger voile de poussière et de mousse, des racines se tordant entre les pierres froides du mur. L’air était humide, froid et vicié, un parfum d’humidité persistait, comme si ce lieu n’avait pas vu la lumière depuis des siècles. La température chuta brusquement en pénétrant dans ce monde souterrain. Un silence morbide enveloppait l’ensemble, seul le bruit des pas des soldats, de plus en plus résonnants dans l’obscurité, brisait l’atmosphère. La lueur des torches tremblait, projetant des ombres de spectres dansants sur les parois des tunnels.
Algalia avançait dans ce dédale, son esprit tournant en boucle, hanté par les événements. Le Saint-Siège, un lieu sacré, tout entier en danger. La situation s’aggravait à chaque instant, et elle ne pouvait s’empêcher de se demander combien de temps il leur faudrait pour étre en sécurité. Des bruits sourds, au loin, parvenaient à ses oreilles, comme un écho des secousses qui secouaient déjà le sol à la surface. Chaque pas qu’elle faisait, le sol tremblait sous elle. Une étrange vibration parcourait la terre, imperceptible au début, mais qui ne cessait de croître.
Soudain, une lourde secousse fit vibrer l’air autour d'eux. La terre sous leurs pieds sembla se resserrer, comme si quelque chose de monstrueux se réveillait sous eux. La Tokva haleta, s’accrochant au bras du garde, son visage pâle tourné vers les tunnels sombres. Les gardes échangèrent des regards inquiets, et la Tokva murmura dans un souffle :
— “Ce n’est pas… normal. Nous devons accélérer.”
Les tremblements s’intensifièrent, et les pierres du tunnel commencèrent à se fissurer sous la pression. Un bruit sourd, d'abord lointain, s’intensifia. Un grondement rauque, comme un géant qui frappait contre les murs de la terre, se fit entendre. Chaque vibration semblait imprimer une lourdeur dans l’air, chaque pas devenait de plus en plus difficile à faire. Le sol, autrefois froid et stable, devenait instable, comme une mer en furie sous le poids de l’inconnu.
Les tremblements se rapprochaient de plus en plus, et Algalia sentit une angoisse grandissante dans sa poitrine. Elle chercha à se concentrer, à ne pas laisser la peur s’emparer d’elle, mais une étrange pression sur son esprit l’empêchait de penser clairement. Les bruits s’amplifièrent, envahissant tout, jusqu’à ce que l’air lui-même se fende.
Et puis, tout explosa.
Un rugissement monstrueux, déchirant l’air dans une déflagration aveuglante, fit éclater les murs du tunnel. Le sol trembla avec une telle violence que tout leur monde sembla se dissoudre dans un vacarme indescriptible. Une onde de choc brutale, pure et dévastatrice, balaya le tunnel. L’air se déforma sous la chaleur intense qui déchira la terre. Les pierres se disloquèrent, projetées dans toutes les directions. La lumière des torches s’éteignit dans une bourrasque furieuse, et un souffle chaud, lourd comme une lame de fer, les frappa de plein fouet.
Les corps furent projetés dans les airs. Algalia fut emportée par l’onde de choc, son corps violemment projeté contre un mur de pierre. Le choc résonna dans son crâne comme un coup de marteau, et la douleur envahit chaque fibre de son être. Son dos se plia sous l'impact, son souffle s’échappa d’elle dans un cri silencieux. Elle roula au sol, son corps heurtant d’autres débris, s’écrasant contre une autre paroi, avant de s’immobiliser dans un tourbillon de poussière et de bruits sourds.
L'air était devenu irrespirable. La chaleur intense et la poussière brouillaient sa vue. Elle sentit la terre trembler encore sous elle, une secousse après l’autre, mais tout était devenu indistinct. Ses pensées se brouillaient dans un tourbillon de chaos. Elle tenta de se redresser, mais ses membres étaient lourds, comme si tout son corps était devenu de pierre.
Les pierres qui tombaient autour d’elle, les bruits de destruction lointains, les voix des gardes… tout se mêlait dans un bruit de fond de plus en plus faible, de plus en plus lointain. Ses yeux se fermaient, son esprit sombrant dans l'abîme. Elle entendit encore les voix, les voix des hommes, des murmures inarticulés, mais tout devint flou, comme un rêve qui s’éteint lentement.
Elle s’effondra sur le sol, le monde tournant autour d’elle. Une dernière pensée lui traversa l’esprit, un cri de terreur, mais avant qu’elle n’ait pu l’entendre, tout devint noir. Le silence l’enveloppa, lourd et irréel.
Elle perdit connaissance.
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Chapitre 5 : Le Choix dans le Silence de l'Abîme
Le bruit lointain de l'explosion résonnait de nouveau dans ses oreilles, un écho sourd qui l'empêchait de penser clairement. La douleur, elle, s'était propagée dans tout son corps, chaque parcelle de peau et de muscle hurlant sous les effets du choc. Ses yeux se rouvrirent lentement, comme sous l'effet d'une brume épaisse, et elle se redressa dans un effort pénible en reprenant connaissance. Le sol était couvert de débris. La poussière était encore dans l’air, flottant comme une brume macabre. Elle toussa violemment, une gorge sèche, mais ses pensées se firent progressivement plus nettes.
Quand elle réussit enfin à se relever sur ses genoux, son regard se porta sur les corps étendus autour d'elle. les gardes étaient morts, leurs corps mutilés par l'explosion. L’un d’eux semblait avoir essayé de protéger la Tokva, son corps couché sur elle comme un bouclier humain. Les bras du garde s’étaient tendus sur la Tokva, dans un dernier acte de sacrifice, avant que l'explosion ne les emporte tous deux dans un tourbillon de violence.
Algalia sentit une vague de dégoût mêlée à une forme de gratitude envers cet homme qui avait donné sa vie pour protéger la Tokva. Mais cette émotion ne fit que traverser son esprit un instant, avant que ses yeux ne se posent sur la Tokva. qui était toujours là, inconsciente, la jambe écrasée sous un roche. La lueur de vie dans ses yeux vacillait, et elle respirait encore faiblement, mais le poids du roc la maintenait clouée au sol.
Le visage de la Tokva était pâle, les traits crispés par la douleur. Un gémissement s’échappa de ses lèvres, et Algalia s'approcha, le cœur lourd pour écouter ces paroles.
— “Algalia, aide-moi”
Mais, en se baissant pour l’aider, un frisson étrange parcourut l’échine d'Algalia. Ses doigts tremblaient légèrement, la pensée qui lui traversa l’esprit soudainement trop forte pour être ignorée. Devait-elle vraiment la sauver ? Devait-elle se battre pour sauver cette vie, ou bien profiter de l’opportunité qui s’offrait à elle et qui ne se présenterait peut-être jamais à nouveau ?
L’idée était tentante. Si la Tokva mourait, que deviendrait la Foi d’Yggnir ? Que deviendrait le culte des Sept ? Elle était l’une des Grand-prêtresse, mais cette position, ce pouvoir… n'était rien à côté de celle de la Tokva, et Il n'y avait qu’une seul Tokva, devant elle, avec seul le silence et les ombres comme témoins, si elle mourait elle pourrait devenir la nouvelle Tokva, une dirigeante absolue, vénérée par tous, en charge du destin du culte. Une chance inouïe. Un pouvoir illimité. Mais à quel prix ?
Algalia observa la Tokva, les lèvres sèches, l’esprit torturé par le dilemme. Elle se pencha un peu plus près, touchant la peau froide de la grande prêtresse. Ses pensées se mélangeaient. La Tokva était forte, influente, respectée… mais elle était aussi une femme fatiguée par les années de devoirs et de sacrifices. Quelqu'un de plus jeune pourrait faire avancer la foi d’une manière plus audacieuse, plus en phase avec le présent, n’est-ce pas ?
Mais, tout de même… cette vie qui se tenait là, à ses pieds. L’âme de la Foi d’Yggnir. Si elle la laissait mourir, cela ébranlerait notre foi encore fragile par la nouvelle réforme… Mais si elle prenait son identité… Après tout, peu de gens avaient pu voir le visage de la Tokva depuis de nombreuses années, leur silhouette était similaire, elle serait capable de jouer la comédie dissimulée sous un masque… Personne ne saurait jamais.
La parole d’Yggnir résonnaient dans sa tête, ce murmure ancien, les échos de la vengeance et de la manipulation des dieux. Ce qu’elle faisait, elle pourrait le justifier en disant que c’était pour la foi, pour un culte plus fort. Et, après tout, la Tokva était déjà vulnérable, cette attaque ignoble le démontrait. Elle n’était plus que l’ombre d'elle-même.
L’ombre d’une grandeur passé, mais qui raisonnait avec force dans le présent par la dévotion des avatars, qu’elle aurait du mal à convaincre de la soutenir pour être Élue Nouvelle Tokva. Et, s’ils apprenaient son usurpation, cela pourrait retomber sur son frère Arkenus et toute la maison Ulfarks.. ne valait-il pas mieux l’aider, et user d’influence, voire de certaines plantes dont elle maîtrisait l’usage de leur toxine pour en faire sa marionnette. Si elle devait la sauver, c’était pour mieux contrôler sa vie ensuite. Elle aurait besoin de la garder sous son emprise.
Trois choix s’opposaient donc dans son esprit, trois voies qu’elle pouvait emprunter qui changerait à jamais son destin, et celui de toute sa foi..Une violence latente, une soif de pouvoir brûlait dans ses entrailles. Algalia posa une main sur le rocher qui écrasait la jambe de la Tokva, hésitant. Un instant. Puis, la douleur dans les yeux de la grande prêtresse, la faiblesse de sa position, tout cela la poussa à une décision.
Elle n'était pas comme ces autres prêtresses. Elle ne pouvait pas être un instrument du destin. Elle avait vu ce qu’il en coûtait d’être juste une figure dévouée, une simple servante des dieux. Non, elle allait prendre son destin en main. La chance ne se présentait pas deux fois. Et ce pouvoir, ce contrôle, il lui appartenait.
Soudain, la Tokva bougea, gémit de douleur. Ses yeux fixant Algalia d’un regard lourd de sens. Un regard de supplication. Elle semblait attendre une réponse, un geste de la part de la jeune prêtresse. Mais Algalia détourna les yeux. Le temps pressait. La Tokva ne pouvait pas savoir ce qui se passait dans son esprit. Le doute dans l’esprit de la jeune prêtresse était palpable, mais Algalia savait maintenant ce qu’elle devait faire, quel était son choix..
“Accrochez-vous, Tokva,” dit-elle d'une voix qui ne laissait plus aucune place à l'hésitation, s'échappant de son sourire malicieux “Je vais nous sauver…”
Fin
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