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#1 2025-03-14 01:04:26

Donatien de La Nouë
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Là où défiance et révérence se mêlent, l'histoire trouve racine

Donatien soupire bruyamment alors qu’il lève son bouclier pour éviter d’encaisser de plein fouet l’épée qui se dirigeait inexorablement en direction de sa gorge. L’écu commence à peser de plus en plus lourd, ses mouvements se font de plus en plus laborieux, alors qu’il puise dans ses forces depuis de longues minutes déjà, qui commencent à se transformer en heures. Son épaule gauche est endolorie à force de parer les coups, les armoireries sur le bouclier sont à peine reconnaissables tant les coups ont emporté peinture et éclats de bois. Bientôt il ne servira plus à rien et le jeune podeszwite n’aura plus qu’à le jeter. A moins qu’il ne parte en morceaux avant, se brisant sous un énième coup lourd. Déjà un nouveau coup lui est porté, à l’aide d’une arme d’hast qu’il arrive in extremis à repousser de son épée. Epée familiale à l’équilibre fort heureusement exceptionnel qui la rend très maniable. La lame de Chanteclair n’avait pas servi depuis bien longtemps, mais a été soigneusement entretenue au cours des années, et remplit ainsi son œuvre comme il se doit. L’épée taille, tranche, pare, étincelant d’une lueur orangée dans les rayons du soleil vespéral, bien que commençant à être couverte de sang séché par endroits.

Pour autant le jeune seigneur de Maucastel, lui, a bien piètre allure en cet instant. Il faut dire que le trajet étant initialement prévu comme une simple expédition à moins d’une demi-journée à cheval en prenant son temps, raison pour laquelle le jeune de La Nouë avait décidé de voyager léger. Lorsque tout a commencé, il a donc pu enfiler un gambison par-dessus sa tenue de voyage, a sanglé cubitières ensuite, puis des genouillères par-dessus ses chausses, mais n’a pas de haubert, ni de casque pour se protéger plus efficacement. Du sang séché a coulé le long de son arcade tuméfiée, coagulé, et maintient son œil gauche fermé, perturbant son évaluation des distances depuis quelques temps déjà. Son gambison est entaillé par endroits et commence à montrer des signes de fatigue, bien que mieux préservé que son écu pour l’instant. Déjà nombre de ses hommes sont tombés autour de lui, particulièrement ceux qui ont tenté une sortie plus tôt depuis cette forteresse en ruine.

Donatien prie Podeszwa de tout son être alors qu’un court moment de répit s’installe. Il prie pour ses hommes, pour leur salut et le sien propre. Il prie pour les âmes de ces hommes en face, païens manifestes, qui n’ont semble-t-il que peu goûté d’entendre raisonner des prières de l’Unique et exclamations en osterlichois dans un lieu sacré. A moins qu’ils n’aient simplement considéré la petite troupe menée par le baron de La Nouë comme une force armée d’invasion ? Ou que les armoireries frappées du caducée podeeszwite n’aient été vues d’un mauvais œil par ici ? Au vu des campements de brigands essaimés dans toute la région, il n’avait pas semblé à Donatien raisonnable de se déplacer plus à distance sans une escorte raisonnable, est-ce là son erreur de jugement ? Dromos l’avait pourtant averti qu’au vu de la distance, une simple unité aurait pu suffire, mais le seigneur de Maucastel avait alors jugé le vieil homme originaire d’Ataxie un peu trop inconséquent au vu des expéditions punitives multiples qu’il avait déjà dû souvent envoyer, parfois mener, face aux fripouilles sévissant dans la région. Et dire que la journée avait si bien commencé…


***

« Tu dis que c’est juste un peu plus loin, mon bon Dromos ?

-    C’est cela, messire. Voyez-vous les collines au nord-ouest ? Le lieu d’intérêt que j’entends vous faire découvrir est sis entre elles. Nous devrions y arriver sous peu. »

La petite troupe a avancé à une allure tranquille, depuis son départ en milieu de matinée, lorsqu’elle a quitté Maucastel. La première partie du trajet ayant eu lieu sur les terres du jeune osterlichois d’origine, qu’il s’efforce depuis de longs mois de rendre plus sûres. L’avancée y a donc été aisée, joyeuse, presque insouciante pour toute une partie des hommes, éclaireurs exceptés, toujours à l’affût du moindre mouvement qui demanderait au bataillon de se préparer à une échauffourée. Donatien en a ainsi profité lors de la pause du repas pour sortir des fontes de son destrier, Révérencieux de l’Orée -issu d’une ancienne lignée préservée avec forces efforts et renforcée par d’habiles saillies par sa famille au fil des ans-, le volume du journal de Loric qu’il est actuellement en train de lire. Le vieil ouvrage en vélin a été relié délicatement, et sa couverture y est frappée du blason de son grand-père, de sable au cygne de gueules. Nombre d’informations sur la région y sont consignées, bien que certaines soient assurément dépassées au gré des ans. Certaines notes y sont pour autant fort intrigantes, méritant d’être vérifiées à une autre occasion. Alors que le signe de départ est donné par le capitaine de sa compagnie, le jeune noble glisse hâtivement l’ouvrage dans sa tunique, envisageant de le parcourir un peu plus tard dans la journée tant le passage qu’il a commencé est captivant. Au cours d’un autre arrêt, sans doute.

***

Si l’édifice est en partie tombé en ruines au fil des ans, il n’a en rien perdu de sa superbe, niché au cœur de cette vallée. Certes des moellons sont tombés de la muraille, le lierre en a envahi des pans entiers, certains créneaux sont effondrés, mais la forteresse se dresse toujours, fière et solitaire, entre ces collines. Les tours de guets attenantes, autrefois disposées sur chacune des collines, se sont elles depuis bien longtemps effondrées.

Déjà le noble et sa suite pénètrent dans la cour aux pavés envahis d’herbes, mais restant étonnamment dégagée en son centre, où trône un gigantesque obélisque. D’un granit blanc immaculé, la surface en est pour autant gravée de multiples fresques en bas-reliefs discernables grâce à un jeu d’ombres en cette fin de journée, et déjà Donatien a mis pied à terre, laissant à peine le temps à Révérencieux de ralentir l’allure, et comptant sur son caractère placide pour qu’il se stoppe de lui-même et ne s’aventure pas trop loin de son cavalier. S’approchant à grand pas, fébrile, le jeune homme écoute d’une oreille distraite les propos de son guide, Dromos d’Ataxie, cherchant déjà à comprendre de lui-même certaines scènes qui ont d’emblée attiré son regard. Ici, une forme ailée lumineuse ressort de la fresque, armé d’une épée, qu’il abat sur une foule de démons difformes. Là, L’être pointe son épée qui semble guider un fidèle en habits simples, une route lumineuse tracée devant ses pieds. A un troisième endroit, un jeu d’ombres et de lumières entrelacées semble comme tiraillé, tenant épée d’une main, balance de l’autre. Ceci est plus qu’étrange, et retient un long moment l’attention du néo-okordien, alors qu’il cherche à en décrypter le sens profond, toujours sans guère prêter attention aux propos du vieil homme, plus focalisé sur son propre ressenti instinctif, alors qu’un frisson d’excitation semble parcourir tout son être. Mais cette dernière retombe brutalement pour faire place à un mélange d’appréhension et d’inquiétude, alors que le cor d’un des éclaireurs résonne soudain. Quelque chose cloche.

***

Par deux fois déjà, des ennemis ont chargé par le pont-levis affaissé, envahissant l’intérieur du bastion. Par deux fois ses forces les ont repoussés, toujours au coût de nombreuses vies, qui ont rejoint l’Unique en son Royaume éthéré. Le nombre de ses compagnons de route diminue peu à peu, alors que blessés et défunts s’accumulent, réduisant son espoir de triompher. Le capitaine de sa garde, Léandre, vient de prendre la tête de ses chevaliers, pour tenter une percée du bloc ennemi qui a cerné le fort, et tenter de les prendre à revers en revenant les frapper de plein fouet. Donatien a hésité à les accompagner, mais sa vilaine coupure sur l’arcade gêne sa vision, et aussi exceptionnel que soit Révérencieux de l’Orée, il aurait bien eu du mal à le guider au galop tout en maintenant la formation avec ses hommes, alors que la tête a tendance à lui tourner – mais il se gardera bien de le signaler, l’heure n’est point aux plaintes alors que nombre de ses gens ont déjà rendu l’âme en ce triste jour.

Le départ des chevaliers dégarnit singulièrement leurs rangs, les minutes passent, s’allongent, alors que nombre de heurs se font entendre dehors. Des bruits de sabots se font finalement entendre, battant le pavé à vive allure. Une bonne nouvelle en perspective ? Finalement, alors que les cavaliers pénètrent dans la cour le sire de Maucastel doit se rendre à l’évidence : les livrées ne sont pas les leurs, mais celles de leurs ennemis. Déjà les derniers soldats restants reforment les rangs autour de lui, alors qu’il bat le rappel, serrant fermement la poignée de Chanteclair d’une main, celle de son bouclier défraîchi de l’autre. Si Podeszwa le veut, Léandre et le reste de ses chevaliers reviendront bientôt, et prendront les ennemis à revers. En attendant il faut tenir bon, et rendre coup pour coup.

La fatigue se fait sentir, alors le noble dirige un carré de lanciers afin de tenir à distance la cavalerie ennemie autant que faire se peut. Mais les hommes tombent tour à tour, inexorablement, malgré leur vaillance. Le sang se mêle à la sueur et la boue sur les pavés défraîchis, le cliquetis des lames sur les hauberts de mailles aux cris de douleurs et râles d’agonie. Bientôt le bouclier de La Nouë se brise sous un pénultième coup, et le suivant passe bien plus aisément sa garde amoindrie. La lame pénètre le gambison avec une rare violence, déchiquetant les tissus, et produisant une douleur aiguë alors que le voici projeté en arrière avec l’élan du cavalier. Ses pieds décollant du sol, le jeune podeszwite n'a que le temps de remarquer que la morsure de l’acier lui semble bien plus superficielle qu’elle n’aurait dû l’être avant de retomber lourdement sur le sol, son occiput heurtant le pavé avec fracas. Une pensée fugace traverse son esprit, centrée sur les écrits de Loric, alors que les brumes se lèvent soudain pour étouffer ses réflexions, et que sa vision se trouble. Et dire que la journée avait si bien commencé…

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#2 2025-04-14 18:18:11

Guilhèm de Chantecourge
Inscription : 2025-02-06
Messages : 48

Re : Là où défiance et révérence se mêlent, l'histoire trouve racine

(HRP : désolée Donatien pour le retard ! Ce RP a donc lieu il y a un peu plus d'un mois IRL, un an en Okord, l'état d'esprit de Guilhèm a un peu changé depuis.)

En ce Vendor de la septième phase du printemps de l'an III, Guilhèm se félicite de la bonne marche du domaine. Enfin les dieux lui sourient. Les gens de Trois-Épis et des villages alentour se sont assez vite habitués à sa présence, et ont fini par le reconnaître comme seigneur des lieux. Le nombre de brigands et de félons, qui quelques lunes auparavant pullulaient encore,  a enfin fini par décroitre. Et surtout, Mahaut, par la grâce de Botia, lui a donné deux enfants magnifiques.

Seules les rumeurs de l'extérieur l'inquiétent. Rumeurs d'un Strolatz qui veut créer on ne sait quelles écoles pour endoctriner les podeszwites. Ne comptent-ils pas déjà suffisamment de fanatiques qu'il faillent encore qu'ils fondent des académies pour lever des armées prêtes à commettre des exactions au nom de leur foi ? Rumeurs d'une guerre de religion prête à embraser Okord au nom d'Yggnir et de Podeszwa. Que vont devenir les adorateurs de dieux anciens dans les remous de l'Histoire ? Car si l'Histoire les oublie, les dieux ne risquent-ils pas à leur tour de les oublier ?

Les pensées de Guilhèm sont interrompues par l'irruption de Josselin, peinant à reprendre son souffle après avoir couru alerter son seigneur :
- Messire Guilhèm ! Toute une armée a pris possession de l'Obélisque Neir’a'than !
- Que dis-tu ? Es-tu certain qu'il ne s'agit pas de pèlerins venus ensemble rendre hommage à Seir'a Neir ?
- Je suis certain que non, Messire.

Josselin reprend quelques respirations, suffisamment pour cracher sur le sol :
- Ils prient. Mais certainement pas l'Ange Rédempteur. C'est pour Podeszwa qu'ils chantent leurs prières.
- Par Rituath et Seir'a Neir ! Nous ne pouvons tolérer un tel blasphème ! Venir ainsi profaner un lieu saint ! Qui plus est un lieu saint qui fut construit sur l'emplacement d'une forteresse que ma grand-mère avait conquise jadis avant de l'offrir à son suzerain, c'en est trop !

***

C'est ainsi que Guilhèm, a la tête d'une petite armée se met en route vers l'Obélisque. Arrivé là-bas, ses yeux constatent ce que ses oreilles ont eu peine à accepter en écoutant Josselin. Son fidèle capitaine a dit la vérité : des podeszwites ont pris place dans la forteresse. Si leurs chants l'irritent au plus haut point en ces lieux, il comprend que cela signifie qu'ils ne s'attendent probablement pas à une attaque. Voulant profiter de l'effet de surprise, il ordonne à ses hommes de franchir le pont-levis étrangement encore baissé pour pénétrer dans l'enceinte.

Il rencontre cependant une résistance inattendue. Parti en urgence, il n'a guère eu le temps de réfléchir à un véritable plan, et, s'il excelle en duel, il n'a encore aucune expérience des batailles. Les premiers assaillants tombent, et ses hommes se replient. Sa deuxième tentative ne rencontre guère plus de succès. S'il lui semble être parvenu à infliger davantage de pertes à l'ennemi, il n'est toujours pas parvenu à entrer dans la forteresse.

- Il ne faut pas traîner, Messire. Soit nous devons abandonner et revenir avec davantage d'hommes et des engins de siège, soit il nous faut parvenir au plus vite à entrer dans la place. Siinon, ces podeszwites vont relever le pont-levis.
- Ces adorateurs de Podeszwa savent se battre.  Nous...
- Là ! Regardez !

Josselin lui montre les chevaliers qui, profitant de l'accalmie, se ruent à l'extérieur de la forteresse,  pour prendre l'armée de Chantecourge à revers.
- Messire Guilhèm, protifez-en pour prendre la place avec nos chevaliers. Je me charge de ceux-là avec le reste de nos hommes.

Tandis qu'il charge aux côtés de ses chevaliers, Guilhèm murmure l'invocation à Rituath, le Roi des Rois, "Par Fendrelune, que le coté obscur trépasse, que la foudre s'abatte sur nos ennemis !" Plus rien n'existe hormis le champ de bataille, ou les siens avancent et enfoncent peu à peu les lignes ennemis. Non sans pertes, car plusieurs de ses compagnons gisent désormais dans une mare écarlate sur les pavés de la cour. L'adrénaline le rendant insensible à la fatigue qui rend ses épaules douloureuses, il lui semble que son écu repousse sans effort les piques et les épées ennemis, tandis que son épée frappe sans relâche comme guidée par la main invisible des dieux.

Son regard se tourne vers un carré de lanciers, qui semble-t-il protègent un jeune homme, sans doute le chef de ces profanateurs. À son signal, ses chevaliers les encerclent, repoussant les piques meurtrières, se frayant un passage jusqu'au jeune noble. Dans l'ivresse de la bataille, Guilhèm ne se demande pas pourquoi il ne porte ni casque ni haubert, ni pourquoi ses yeux expriment davantage la stupéfaction que le fanatisme fervent. Certain d'accomplir la volonté des dieux, Guilhèm assène un coup de taille puissant à son adversaire, qui le pare de justesse et voit son écu réduit en miette. Il lance aussitôt un autre coup pour achever cet hérétique, quand au dernier moment, il hésite. Est-ce vraiment la volonté de Rituath ? Il arrête sa lame tandis qu'il pousse davantage sa monture vers son advesaire pour le déséquilibrer. Il lui semble que le temps s'arrête tandis qu'il voit le jeune homme chuter et rester au sol, inerte.

***

- Il ne bouge plus. L'auriez-vous tué, Messire Guilhèm ?
Josselin s'approche du jeune homme et pose sa main sur sa gorge, cherchant le pouls. Après la chute de leur chef, les adorateurs de Podeszwa se sont rendus, ainsi bien ceux qui étaient à l'intérieur de la forteresse, que ceux qui avaient tenté d'en sortir pour prendre l'armée de Guilhèm à revers. Josselin secoue finalement la tête :
- Non, il est juste sonné. Devrait pas tarder à se réveiller.

Quelques instant plus tard, alors que le jeune noble a à peine ouvert les yeux, Guilhèm laisse éclater sa colère :
- Comment avez-vous osé profaner ce lieu saint ? Que croyez-vous ? Que la région vous appartient, et que partout, jusque dans nos temples, vous pouvez venir cracher sur nos dieux ?

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