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[HRP : Personnage seulement utilisé en RP. C'est le grand-père de mon perso principal Judith de Falkenberg et c'est par sa bouche que l'on en apprendra plus sur cette famille.]
Le Mardor, de la 25e phase de l'hiver de l'an IV de l'ère 25, j’ai passé le cap des quatre-vingt seize ans et pourtant ma mémoire reste intact. Comme toutes personnes de mon âge, je ne dors, ni ne sort et ne vois presque plus rien. Chaque os de ma vieille carcasse me martyrise, j’ai la tremblote mais contre toute attente, je ressens le désir de vivre encore un peu.
Je connais aussi, aux heures les plus noires de chaque nuit, cette brume insane qui rampe vers moi et que j’endure de moins en moins bien. C’est l’haleine froide et putride de Dame la mort et j’avoue qu’à chaque fois, j’en ressens une peur atroce.
La vie est extraordinaire, belle et exaltante et je prie le dieu Podeszwa, cette déité que mes parents adoraient et qu’ils m’avaient imposé, soit avec moi.
Quoique je sois plus fidèle à ma propre religion, « La Communion des Aurora de Drabasni », qui m’a été révélée par un très saint homme dont je parlerai plus tard dans mon récit.
Je vénère chaque jours ces dieux du panthéon Drabasni, tel Vodall qui me guida dans tant de batailles, Caerin qui m’aida à comprendre le monde qui m’entourait, Noone qui a béni les bâtisseurs de mon fief et Nekion qui m’a donné la chance de voir mon épouse adorée donner deux fois la vie.
Il est étrange de se retourner et de s’apercevoir que tous ces jours ce sont envolés et qu’ils ne reviendront jamais. Le passé a l’odeur de ces vieux parchemins que l’on a oubliés dans un coffre, le mélange entêtant du goût âcre de la vieille poussière et du relent de putrescence naissante.
Pourtant, je suis le même Arélius qui un jour d’été de l'an V de l'ère 17, n’était encore qu’un bébé de huit mois et qui en ce jour mémorable, serait présenté à la Reine Eugénie Morgan dite "La Victorieuse". Juste à l’instant où sa majesté me tenait tout contre elle, je vomis copieusement sur sa robe de satin rouge, le lait que ma nourrice m’avait fait boire une demi heure avant.
Ma mère m’en parla souvent par la suite et à chaque fois nous en pleurions de rire. Ma tendre et si belle mère! J’entends encore son rire comme porté par le vent d’un jour d’automne.
J’ai vécu mon lot de malheurs et même, j’ose le dire, sans doute plus que les autres.
Oh, je vous vois venir, oui, vous qui me lisez à cet instant, vous vous dites, « Voilà un vieil hibou ayant vécu toute sa vie dans les richesses et le luxe des nobles palais et qui va nous raconter comment il s’est cassé un ongle en ramassant une pièce d’or ! ».
Que nenni ! Et si je me trouvais devant vous, je vous giflerais pour vous apprendre la politesse !
Non, je le répète, ma vie ne fut pas un long fleuve tranquille et ce n’est certes pas la richesse, ni les honneurs qui nous dispensent des malheurs inhérents à la vie et heureusement ai-je envie de dire.
Que l’on soit pauvre ou riche, la vie reprends parfois brutalement ce qu’elle a donné si généreusement. Elle est impartiale et aveugle comme Cydanke, la déesse de la justice.
Je dirais même qu’il est plus difficile à une personne riche de devoir tout quitter dans la mort. J’ai vérifié cette réflexion plus d’une fois au cours de ma longue existence.
De plus, je peux me prévaloir d’être aussi sentencieux car j’ai connu les deux situations. J’ai été riche et très pauvre. Je refuse donc tous jugements arbitraires.
Tout au long de cette histoire que je vais vous conter et qui est, ne l’oubliez pas, ma propre vie, vous aurez toutes latitudes de me juger comme bon vous semble ou pas mais, soyez rassurés, cela m’importe peu croyez-moi !
Mon bailli, Julius, qui est aussi mon meilleur ami sur cette terre m’aidera à coucher par écrit mes mémoires qu’il est grand temps pour moi de révéler à tous.
Dernière modification par Lillith (2025-03-08 19:07:31)
- Julius, mon plus fidèle compère, laisse ta plume encore quelques instants, je vais tout d’abord te présenter une belle et grande famille, les Falkenberg. Tu connais déjà plus d’un visage mais j’aime les regarder, ça m’aide à me souvenir. Les yeux larmoyants, Aurélius ajouta
- Je vais te montrer ces quelques miniatures, de très jolies petites peintures et, en prévision de notre entrevue, je me suis arrangé pour les encadrer de frais .
Aurélius sourit en tendant le premier petit tableau et commença à expliquer d’une voix quelque peu chevrotante.
Maison Falkenberg
Arrière grand-père de Judith de Falkenberg
- Voici mon père, Trismégiste de Falkenberg, premier du nom.
Si ma mémoire est bonne, il naquit en pleine été de l'an IV de l'ère 14.
Ce fut un grand homme et je suis fier de sentir couler dans mes veines le sang de cet illustre personnage.
Il devint comte à l’âge de vingt cinq ans et hérita de son père les terres osterlichoises ancestrales et tout ce qui y est attaché. Fermages, moulins, terres arables et deux cents familles de serfs corvéables à merci. En plus d’être un grand administrateur, il voyagea beaucoup et fut considéré par les hommes de son temps comme un immense lettré.
Il parlait couramment trois langues vivantes, l’osterlichois, la langue commune d’Okord et le träkbälärdiens et deux langues mortes, l’orabisconais et le chinofarisien.
Il fut aussi choisi par les éminences grises du dieu Podeszwa pour traduire différents documents antiques ayant trait à la médecine et à la recherche de précisions concernant le culte du dieu unique.
Il fut également récompensé par ses pairs pour ses recherches en alchimie et en généalogie.
Et ce n’était pas qu’un rat de bibliothèque, il partait régulièrement en tant que mercenaire pour le compte du roi Galzbar "Le Magnifique" et fut nommé « Noble des Gardes » après la bataille du Mesnil St Denis qui opposait le roi d’Okord au duc Morgan.
Il est décédé à l’âge de 48 ans d’une plaie au pied qui ne fut pas soignée à temps et qui infecta toute la jambe. L’amputation était nécessaire mais il ne voulut rien savoir. Ni le médecin, ni son épouse n’arrivèrent à le convaincre de changer d’avis et Grisyn, le déesse de la médecine ne l’a pas aidé non plus. Et oui, mon bon ami, nous ne sommes pas grand-chose sur cette terre.
Que Podeszwa ou qu’Aurora l’accueil en leur sein. »
Maison Ressel
Arrière grand-mère de Judith de Falkenberg
Il reprit la première peinture et tendit la seconde.
- Ah, la plus belle ! Ma tendre mère, Mélisande de Ressel. Elle est née en hiver, en l'an XII de l'ère 14.
Elle a été pour moi le visage de la tendresse et de la bonté. Elle était généreuse et bonne.
Dans mon adolescence, je souhaitait savoir comment une noble dame était instruite en sa maison et elle me raconta…
Elle avait été élevée dans les principes de la vertu, de la piété et de la bienséance que le dieu Podeszwa exigeait de chaque femme et cela dès son plus jeune âge.
Sa mère s’occupait seule de l’éducation de sa fille. Elle donnait des conseils sur l’aspect physique qu’une jeune dame doit avoir, de l’importance de se former intellectuellement et surtout, religieusement.
D’ailleurs, elle m’a dit un jour que toutes les pratiques, les manières de penser, de se comporter et d’agir devaient impérativement se rapporter au livre saint écrit par le Zwiastun, le Podreznik.
Elle reçut également des principes élémentaires d’hygiène de vie et à partir de six ou sept ans, sa mère lui montra les bases de la lecture, de l’écriture et de la culture. Elle fut aussi obligée d’apprendre la saga de sa lignée afin qu’elle puisse la transmettre, à son tour, à sa descendance et crois-moi, Julius, elle le fit avec moi.
Mais, d’une certaine manière, je plains toutes ces jeunes filles qui étaient obligées de rester dans l’espace privé appelé « la chambre des Dames ». Elles y cousaient, brodaient, lisaient ou sommeillaient en attendant d’être proposée en mariage, le plus souvent par intérêt.
C’est ce qui arriva à ma mère, elle fut obligée d’épouser un homme qu’elle n’aimait pas vraiment et cela pour agrandir encore un peu le territoire des Falkenberg. Sa dote y pourvoyait.
Elle est morte à l’âge de 36 ans d’une maladie respiratoire. A la fin, l’on m’a interdit de la voir mais j’ai surpris deux domestiques chuchotant que ma mère étouffait et qu’elle crachait du sang en abondance. Quel horrible mort Julius ! »
Des larmes lui coulaient sur les joues sans qu’il s’en rendisse compte.
Julius lui tendit un carré de linge et Aurélius s’essuya les joues en le remerciant.
Dernière modification par Lillith (2025-03-12 14:29:44)
Maison Falkenberg
Grand-père de Judith
- Oh, non ! J’ai pris mon propre portrait ! Non, je ne parle pas de moi aujourd’hui.
- Ce sera pour une prochaine fois lorsque l’on aura un peu plus de temps.
- Tu peux sourire Julius, tu crois me connaître mais certaines choses te sont encore étrangères.
- Et oui, mon ami, je suis un vieux cachottier.
Il remit son portrait sur le bureau avec un sourire énigmatique.
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Maison Ribeaupré
Grand-mère de Judith
En prenant la peinture suivante, il s’exclama
- Ah, voici mon épouse. Et en regardant le dessin, il soupira. Elle était belle mais c’est triste à dire, je ne l’ai jamais comprise Julius.
Jamais je ne ressentis vraiment d’amour pour elle mais je l’ai toujours énormément respectée et j’eus beaucoup de pitié pour sa crédule piété même si celle-ci sembla toujours lui être d’un grand réconfort. Mais bon, elle fut et restera toujours la mère de ma fille et je l’honore de tout cœur pour cela.
Elle se nommait Hildegarde de Ribeaupré et était née vers la fin du printemps de l'an IX de l'ère 18.
Ce fut une femme exemplaire, rêveuse et très, très croyante.
Mais ceci tu le sais aussi Julius. C’est pour tes notes que je le précise et pour m’éclaircir les idées.
Comme tu le sais encore, elle a fait construire, auprès de notre fief, un cloître dédié au dieu Podeszwa et un Preskolenys, un centre où l’on forme les ministres du culte.
La pauvre ! Son seul et unique véritable désir fut de se consacrer entièrement au dieu véritable et cela jusqu’à la fin de sa vie.
Elle commanda aussi des copies du livre saint écrit par le Zwiastun, « Le Podreznik » ou livre de Podeszwa afin d’exhorter d’autres a admirer le monde que dieu a créé. Elle a même demandé, toujours avec humilité, que le célèbre artiste Philip Von Bingen, Grand Podeszwite du haut clergé résidant à Kalisz, lui enlumine pour son usage personnel, un livre d’heures et un bréviaire.
Et ma foi, cela me coûta une coquette somme. Pour cette « folie », elle versa un million de pièces d’or consacré aux veuves et aux orphelins d’Osterlich, tu te rends compte...Un million !
Elle avait 29 ans lorsqu’elle fut grosse. Ce fut le résultat d’une de mes rares étreintes passionnées en sa compagnie et pour cause, le reste du temps, j’étais en voyage et en étreignais bien d’autres.
Et voilà qu’un peu moins que neuf mois plus tard, elle met au monde une toute petite fille que nous nommâmes Agnès, en honneur de la bienheureuse sœur Podeszwite morte en grâce en proclamant sa foi devant des Yggniriens.
Elle estima que son devoir était accompli et me demanda l’autorisation d’entrer en religion. Comment aurais-je pu refuser ? C’était son rêve. C’est d’ailleurs avec un sourire de sainte qu’elle passera les portes de son futur tombeau que fut le cloître.
Elle mourut d’ailleurs très tôt, à trente deux ans.
Mais elle était heureuse de perdre son enveloppe charnelle. Jusqu’au bout, elle resta persuadée que son esprit allait enfin se confondre avec l'univers et entrer en communion avec Podeszwa dans sa perfection. Cela je le sais car lors de l’enterrement, j’ai discuté avec la moniale Podeszwite, c’est elle qui m’avoua ce fait avec bonté et un certain cynisme.
Aurélius déposa le petit cadre en poussant un soupir triste.
Et si elle avait raison pensa-t-il en haussant finalement les épaules de dépit. Je m’en rendrai compte lorsque mon tour viendra.Rêveusement il continua sa pensée, et je sens que cette fin est proche.
Dernière modification par Lillith (2025-03-12 14:31:20)
Maison Berkhoff
Père de Judith de Falkenberg
Aurélius se tapa le genou d’une main caleuse et décharnée en riant. Un rire grinçant de porte mal huilée.
- Qu’il soit maudit celui-ci ! Un fier paon ! Voilà la fine fleur de la chevalerie osterlichoise, le beau et joli damoiseau, le bourreau des cœurs et fils d’un grand général du roi Baldir.
De nouveau se rire grinçant.
- Tu le reconnais Julius, lui dit-il en lui tendant le portrait. C’est le beau marquis, Georg de Berkhoff, le fringant mari de ma douce et tendre fille Agnès. Cette chiure de mouche est née pendant l'été de l'an II de l'ère 22, si je me souviens bien.
- Tu le sais aussi bien que moi, ce triste sire a rendu folle ma tourterelle en lui préférant les hommes. Oui, Julius ! C’était … Que dis-je, C’EST un sodomite ! Un inverti !
Comme pour chasser une mouche, il balaya l’air de la main et ajouta
- A vrai dire, je n’ai rien contre ces pratiques, elles étaient d’ailleurs prisées par certains grands peuples de l’antiquité. Bon, c’est vrai, elles sont maintenant réprouvées par les Podeszwites mais que ne rejettent-ils pas, hein ? Pour ma part, je considère que chacun fait ce qu’il veut avec son c... Et puis, j’ai bien cocufié mon épouse une centaine de fois, si pas plus ! Cela aussi est désapprouvé par le dieu Podeszwa, alors.. !
Aurélius s’énerva...
- Mais là ! Par dieu ! Cet ignoble individu, connaissant ses goûts différents, épouse tout de même ma fille. Et tout cela pour profiter de la dote énorme que j’offrais avec elle. Bien entendu, au bout de deux mois, il ne l’avait pas encore touchée !
- Alors, Agnès se posa mille questions. Est-elle laide à ce point ? La trouvait-elle mal fagotée ? Devrait-elle faire le premier pas ? Etc...
- Ne trouvant aucune réponse valable, elle décida d’en parler à sa mère en premier mais celle-ci vivait déjà et avant tout, avec son dieu et ne sut quoi lui répondre à part lui lire des chapitres entiers de son livre saint. Elle se tourna ensuite tout naturellement vers moi et m’expliqua le cas en éclatant en des sanglots incoercibles.
- Quel naïf, je faisais ! Ma première pensée fut que ce n’était, peut-être, que par ignorance de la chose ou qu’il avait un soucis physique ou encore qu’il avait peur de déplaire. Imagine mon désarroi, mon étonnement et ma colère lorsque ma fille chérie m’expliqua qu’elle l’avait surpris dans une alcôve avec un jeune page et qu’ils étaient en train de …Enfin, tu vois Julius.
- A cet époque, je n’avais que soixante dix-huit ans et j’étais en pleine forme, tu t’en souviens ?
Oui ! Bon ! J’ai d’abord calmé ma fille et j’ai fait seller une monture et me voilà chevauchant à brides abattues vers le fief de ce gibier de potence.
- Je connaissais bien ses habitudes et ce jour-là il se trouvait, comme toujours, à l’auberge « Des trois corbeaux », à faire je ne sais quoi. J’entre et je le vois assis à une table, buvant et discutant avec d’autres bons à rien. Lorsqu’il me vit, son visage montra quelque étonnement mais très rapidement il se reprit et me sourit avec bonhomie.
- Par ma foi, Julius, je fus prit d’une rage noire. J’écartais tout ce qui me barrait le passage, hommes, bancs et tables et le saisissant par les cheveux qu’il portait longs et je l’ai traîné dehors manu militari.
- Dans la ruelle adjacente à l’auberge, je l’ai étalé pour de bon par de solides crochets au menton puis je l’ai frappé alternativement des deux pieds. Je visais sans m’en rendre compte ce beau visage qu’il aimait tant. Je ne pus m’arrêter. Je l’ai littéralement roué de coups. Ma fureur était si profonde, que je l’aurais tué si quelqu’un ne m’avait arrêté. Tout ensanglanté, je l’abandonnais à son triste sort et ses amis le reconduisirent chez lui, plus mort que vivant.
- Aux dernières nouvelles, il a survécu mais il ne plaît plus autant qu’avant ! Je l’ai défiguré Julius et il boite fortement m’a t’on dit. Lui et son père me voue une haine inextinguible.
- Il va sans dire que j’ai tout fait pour annuler leur mariage. Je me suis rendu en personne, accompagné de témoins, à Kalisz en Osterlich afin de solliciter une audience auprès du roi Baldir.
- Après une explication sommaire, le roi, qui est l’autorité suprême dans la religion Podeszwite, annula le mariage et donna ordre de supprimer tous documents prouvant le mariage de Berkhoff et de ma petite chérie Agnès.
Aurélius jeta la miniature peinte au sol et l’écrasa de son pied en grimaçant de douleur. Elle lui vrillait tous les os de la jambe.
- Ah, ces douleurs, elles m’insupportent parfois. et en s’adressant au page
- Pierre, va chez l’apothicaire, dans la rue des herbiers, demande lui de « La reine-des-prés » ou des feuilles de saule blanc. Puis demande au cuisinier de remplir une petite cruche d’eau bouillie, et amène-moi le tout.
- Tient prends ces dix piécettes de cuivre et fais attention de ne pas te brûler en montant ici.
Maison Falkenberg
Mère de Judith de Falkenberg
Tenant une nouvelle miniature dans sa main tavelée et ridée, il la secoua doucement en interpellant Julius.
- Celle-ci, vois-tu mon ami, je la regarde chaque matin et chaque soir et je prie avec ferveur afin que mes dieux ou le dieu Podeszwa, peu importe après tout, veillent sur elle. Je sais que tu l’aimais aussi beaucoup Julius et que tu te souciais d’elle. Elle est morte trop tôt, elle aussi, et d’une maladie très étrange qu’aucun médecin ne pût définir avec certitude. Elle est morte trois semaine après la naissance de Judith, sa fille. Ma petite fille n'a jamais connu sa mère. Par tous les dieux, que la vie est parfois cruelle !
- Mais je veux garder d’elle ses premières secondes parmi nous, sur cette terre. Je m’en souviendrai, jusqu’à la fin de mes jours.
- Ma petite Agnès est née un jour de blizzard hivernal, il gelait à pierre-fendre et l’intendant avait fait allumé une belle flambée dans l’âtre de la chambre des dames. C’était un Vendor de la 25e phase de l'hiver de l'an XI de l'ère 22. La naissance se passa sans problème et lorsque je pus entrer, je vis dans le petit lit où à dormi tous les bébés né Falkenberg, une toute petite fille, emmaillotée serré, fripée comme un vieillard et rouge comme une pomme mûre. Elle était à croquer !
- Ce fut le plus beau jour de ma vie ! Ce fut un extraordinaire miracle !
- À partir de cet instant, Julius, je savais ce qu’il me restait à faire. Je comprenais enfin comment mener le reste de ma vie. Ce fut clair dans mon esprit. Je ne devais plus jamais la quitter. Je devais l’aimer, la protéger et veiller sur ses intérêts. Et c’est ce que je fis. Grand bien m’en pris car sa mère, elle, n’avait pas la fibre maternelle.
- Je me souviens qu’elle la garda dans ces bras quelques instants puis elle l’a rendit à la nourrisse. Tu t’en souviens Julius de cette paysanne qui allaita Agnès ? dit-il en grinçant un rire,
- La grosse mère n’avait pas vingt ans et avait déjà donné naissance à trois enfants dont deux étaient morts à la naissance.
- Savais-tu que j’employais le frère de lait d’Agnès ? Il travaille aux écuries et je lui rends visite de temps à autre. Il est vaillant comme trois hommes et se porte comme un charme.
- Ah, oui ! Notre Agnès fut bien nourrie !
- Puis, tout en la regardant grandir, je lui appris tout ce que je savais. Elle était très intelligente et possédait une mémoire vive. Elle devint une jeune femme ayant des connaissances que peu d’entre elles possèdent. Et lorsqu’elle tomba enceinte…
Et ce fut cet instant que Julius choisit pour ouvrir la bouche pour la première fois.
- Justement seigneur. Pardonnez-moi de vous interrompre mais quelque chose me tracasse depuis des lustres. Judith...Enfin, je veux dire...Judith, votre petite-fille...
Il dût s’arrêter en s’apercevant que son maître se levait blême de colère.
- Et bien quoi Judith ? Elle est née voilà tout ! Et puis, je n’ai plus très envie de discuter. le vieil homme chancelait
- Sort Julius et ne reviens...Que lorsque je t’appellerai...Allez, oust ! Va-t-en ! dit-il d’une voix maintenant lasse et encore plus enraillée d’avoir crié.
Julius sortit, tout étonné de cette soudaine colère chez son maître. Cela était rarissime car celui-ci gardait son sang-froid en toutes occasions. Une fois seul, le vieillard se rassit avec brusquerie, but une gorgée de tisane et essaya de se calmer.
-Quel imbécile je fais ! se dit-il tout bas,
- Un jour je devrai tout dire sur les circonstances qui on abouti à la naissance de mon trésor de petite fille. Et, ce sera peut-être le plus difficile, je devrai le lui dire à elle.
Il but de nouveau une gorgée à son godet d’étain et poussa un soupir d’appréhension à cette idée. Il avait gardé le secret par-devers lui trop longtemps et cela lui pesait, il devrait s’en décharger avant de passer outre. [avant de passer outre=mourir].
Dernière modification par Lillith (2025-03-18 17:42:08)
Le lendemain, Aurélius prit un repas léger dans sa salle de travail puis demanda au page qui le servait de faire appeler Julius.
Celui-ci apparut quelques instants après avec son attirail de scribe. Il venait de tailler des plumes d’oies, de remplir un petit godet d’encre et de s’armer d’une dizaine de parchemins. Il ne voulait en aucune manière énerver son seigneur.
Arélius le regarda déposer ses effets sur un pupitre et s’installer sur le marchepied, une plume déjà en main.
- As-tu bien dormi fidèle Julius ? demanda Aurélius.
- Oui, messire, je vous en sais gré de prendre de mes nouvelles. dit le scribe avec condescendance.
Aurélius sourit en comprenant que son ami lui avait pardonné son saut d’humeur de la veille.
- Bien ! Alors allons-y ! Plus de tableau, nous allons nous pencher sur notre fuite d’Osterlich. Essayons, toi et moi de réfléchir sérieusement sur le sujet, et s’il te plaît, parle si tu le souhaite. D’accord, mon ami ?
Julius acquiesça en souriant d’aise. Et Aurélius se mit à raconter.
- Tout a commencé cinq mois après le décès de mon épouse, je vaquais à mes activités habituelles lorsqu’un peloton de chevaliers Strolatz vint me donner ordre de les accompagner sur-le-champ.
Judith, alors âgée de cinq mois, se trouvait avec sa nourrice, elle n’avait donc rien à craindre dans l’immédiat. Je me jetais une cape sur les épaules et leur fis signe que j’étais prêt à les suivre.
Je savais qu’aucune réponse à mes nombreuses questions ne me seraient données, je me tus et suivis le pas cadencé des soldats.
- Je n’avais rien à me reprocher. Mes affaires étaient honnêtes, je payaient mes impôts au roi sans rechigner et sans retard et j’avais souvent combattu les ennemis de ma patrie sans me plaindre.
Que se passait-il ? Pourquoi cette arrestation, car s’en était une, arbitraire selon ma vision d’une certaine justice.
- Nous finîmes par arriver à la caserne jouxtant le palais de roi Baldir.
- L’on me fit asseoir dans la salle des gardes et je les observais à la dérobée. J’en connaissais plus d’un et surtout parmi mes anciens frères d’armes. Il s’en trouvait justement un qui me reconnu et vint vers moi.
- Mes salutations frère Aurélius, comment te portes-tu ? Si tu te sens comme moi, tu dois être vieux et obsolète, non ? Nous rirent tous les deux.
- Ton nom est bien Paulus Strassmann dit Aurélius
- Oui, je me souvient de toi ! Nous avons tous les deux combattu les tribus Scasiennes ! Tu te souviens du général qui nous commandait ? Oui...un homme joufflu sortant tout droit de l’académie et qui s’est mis à vomir tripes et boyaux lorsque l’ennemi nous a chargé.
Aurélius savait que rien ne rapproche plus deux anciens soldats qu’un souvenir commun de bataille.
- Effectivement, dit le nommé Strassmann en riant de se souvenir. Il n’empêche que nous avons taillé ces barbares en morceaux. C’est une des plus belles batailles dont je me souvienne . Ils acquiescèrent tous deux puis Aurélius en profita pour le questionner.
- Dis-moi Paulus, as-tu entendu des rumeurs qui circuleraient parmi les hommes ? Personnellement, j’ai entendu des rumeurs d’attentats contre le roi...Non ?
L’autre regarda autour de lui et s’aperçut que personne ne faisait vraiment attention à eux, il dit à voix basse
- Non, je n’ai pas souvenir que l’on m’ait parlé d’un attentat mais j’ai effectivement entendu une autre rumeur ! C’est au sujet d’un fils de général, un nommé Birkauf...Non...Ah voilà!C’est Berkhoff...Georg, je crois...Oui, c’est ça Georg de Berkhoff ! Il paraît qu’il s’est fait rosser sévèrement par quelqu’un et qu’il en est resté défiguré, certains disent aussi que depuis il boiterait lourdement.
- Je te le dis, mon frère, je ne voudrais pas être à la place du pauvre gars qui tombera aux mains du père, le général Jörg de Berkhoff ! C’est un fou furieux, capable de tout ! Et pour ne rien arranger, il est comme cul et chemise avec le roi Baldir.
Aurélius pâlit en entendant ce nom maudit. C’était donc son ex beau-fils qui montrait enfin son nouveau visage ! Et pour ne rien arranger, le roi Baldir savait que Georg de Berkhoff était un sodomite puisque Aurélius s’était arrangé pour que soit rompu le mariage entre sa fille et cet homme. Et dans l’armée Podeszwite ces pratiques étaient mal vues. La faute du fils allait inévitablement rejaillir sur le père qui verrait son autorité et son honneur foulés au pieds.
Aurélius n’avait plus le choix, il devait fuir sans attendre, tout abandonner ! Tout pouvait se reconstruire ailleurs et il devait penser à sa fille et à Julius. Il se leva et salua son ancien coreligionnaire en souriant.
- J’ai été heureux de te revoir mon frère. Prends soin de toi.
L’autre le salua de la main et Aurélius se dirigea vers la porte de la salle des gardes. Personne ne l’arrêta. Il sortit et prit tout de suite vers la gauche, se dirigeant vers les bains publiques, obliqua encore à gauche en se retournant. Personne n’était à ses trousses. Trois minutes plus tard, il se retrouvait chez lui et donnait ses ordres.
- Julius ! Julius! Écoute-moi bien sans m’interrompre, il y va de nos vies à tous ! Va au port et demande un passage pour deux personnes et un bébé. Paye ce que le capitaine te demandera, même si cela est extravagant ! Ne prends rien avec toi… Tout en parlant, Aurélius se dirigeait vers un meuble de chêne et ouvrait un compartiment secret où une bourse bien remplie de pièces d’or attendait son bon vouloir.
- Tiens, il devrait y avoir assez d’or pour un passage vers Okord. Si il te demande pourquoi nous voulons traverser, dit-lui...Je ne sais pas moi...Dit-lui que nous devons nous rendre au chevet de notre mère mourante. À partir de maintenant, tu es mon frère et Judith notre petite sœur, compris ?
Julius sentant le moment crucial, acquiesça sans poser de question, prit la bourse s’emmitoufla dans un chaude cape et parti en courant.
Arélius monta à l’étage, poussa un meuble et souleva du sol quatre carrelages dissimulant une cache. Il en sortit un coutelas qu’il passa à sa ceinture, des papiers notariaux prouvant qu’il était propriétaire de Falkenbourg et une autre bourse encore mieux garnie que la précédente.
Dans un coffre, il prit ses sacoches de selle qu’il posa sur une épaule et y plaça la bourse et quelques vêtements. Il vint chercher la petite Judith et ajouta dans la sacoche, les vêtements du bébé et une chaînette d’or où pendait un cygne d’albâtre. Il donna à la nourrice une belle poignée de pièces d’or. Il la remercia chaleureusement et la prévint qu’elle devrait se faire oublier pendant quelques temps. Celle-ci acquiesça tout en mettant son magot dans ses fontes et sans attendre, s’en alla. Aurélius la suivit et redescendit au rez-de-chaussée en serrant l’enfant dans ses bras. Juste avant de passer la porte de sa demeure, il se retourna pour graver dans sa mémoire cet instant maudit, ferma la porte et serrant les dents de colère et de tristesse, il s’éclipsa rapidement vers le port.
Dernière modification par Lillith (2025-03-12 14:23:55)
Julius l’interrompit et lui prit la parole
- Seigneur, vous ne connaissez pas ma version des faits ! Elle est assez pittoresque, vous allez vous en rendre compte ! Je vous ai quitté dans votre demeure et je me dirigeais vers le port comme vous me l’aviez ordonné. Je me trouvais devant la porte dite « Du chat-Huant » qui donne sur la petite place du marché aux poissons, vous voyez ?
Aurélius acquiesça et Julius reprit
- Bien, je me retrouve donc devant cette porte et qui vois je ? Vous ne devinerez jamais, j’en donne ma main à couper !
Aurélius l’arrêta de la main…
- Stop ! Tu as vu Georg de Berkhoff ! Et il devait-être accompagné d’un fort et grand homme qui je te le dis, s’appelle le général Jörg de Berkhoff, c’est son père. Les deux n’étaient certainement pas seul. Il devaient être accompagné de quatre ou cinq hommes d’armes.
Aurélius souriait, content de lui et Julius était atterré
- Mais comment pouvez vous connaitre ça ? Ah, là ! vous m’avez bien eu ! Mais vous vous trompez sur le nombre d’hommes d’armes, il n’étaient que trois !
Aurélius secoua la tête en pinçant les lèvres
- Tu n’es jamais à cours d’arguments pour avoir le dernier mot ! Tu es bien de Marseillon toi ! Va !
Julius sourit béatement.
- Oui, je suis un Marseillon d’Osterlich pardious mais là n’est pas le problème. Comment savez vous ça ? Vous me suiviez ?
- Non,lui répondit Aurélius j’ai rencontré un vieil ami dans la salle des gardes et … Bah ! Ce n’est pas la peine que je te raconte tout ça, continue...Tu t’arrête donc et tu vois ces cinq hommes ! Qu’as-tu fais ?
- Et bien, j’ai couru aussi vite que mes jambes le supportaient, elles en devenaient toutes tremblantes ! Mais ils m’ont rattrapé et sous la menace de leurs épées, il m’ont questionné vivement. Votre nom est revenu plusieurs fois.
- Bien entendu, j’ai fait semblant de ne rien comprendre ! Que vouliez-vous que je fasse ? J’étais perdu ! Mais juste au moment où tout allait mal tourner pour moi, une ribambelle de gamins costumés ce sont jeté dans nos jambes en hurlant. Suivirent des paysans déguisés en ânes, des serviteurs en habits de noble et masqués de longs nez et de grosses bajoues se moquant des passants. J’ai même vu de faux prêtres Podeszwites riant et buvant à même la bouteille des liquides qui ne devaient pas être de l’eau de source ! Enfin, en un mot, c’était le jour du carnaval des fous ! Ah, la bonne blague ! Quelle chance !
- Les cinq sbires furent vite submergés par la foule et j’en profitait pour m’éclipser en prenant la petite ruelle face au port. Là, je n’ai pas fait dans la délicatesse, je suis monté sans autorisation à bord de la première caraque venue et j’ai demandé à voir le capitaine. Il s’appelait Karl Gusmann, un brave homme qui, je l’appris plus tard, naviguait entre Okord et Osterlich par tous les temps.
- Sa caraque se nommait « L'Orion , un beau bateau et un équipage au complet en partance pour Okord. Il levait l’ancre deux heures plus tard ! Tout était parfait et je lui demandais son prix pour prendre à bord deux hommes et un bébé. Ce fut à cet instant qu’il me parut beaucoup moins sympathique.
- Et bien dit le marin cela sera dix mille par personne et bah...Disons...cinq mille pour le petiot. En tout, ça vous fera vingt cinq mille pièces d’or et c’est donné !
- J’avais en tout et pour tout, dans la bourse, quoi...cent pièces d’or ! Je n’avais que deux choix, rester sur ce rafiot et payer ou le quitter et aller voir ailleurs. Mais, le marin me voyant déjà refuser me fit non de la tête et me désigna un groupe d’hommes sur le quai, non loin du bateau.
C’était mes cinq lascars qui suivaient mes traces comme un chien de berger ! Ils se doutaient que nous allions vouloir nous sauver en bateau.
- M’est avis dit le capitaine que vous feriez mieux de rester à bord si vous ne voulez pas finir la gorge tranchée au fond de la rade avec une pierre aux pieds. Alors vous payez ou pas ?
- Oui, je paye mais caché moi et surtout attendez que mon maître et le bébé arrivent, je vous en prie !
Il me regarda de la tête au pieds puis les yeux fixés au miens, il accepta en hochant la tête.
- Bien, cachez vous sous le château de proue...C’est à l’avant...On y range des ballots de laine de moutons, ça pue mais cela vous cachera suffisamment. On attend votre ami et le petiot et laissez-moi arranger le coup avec ces tristes sires, ne vous tracassez pas, je vais vite les envoyer paître.
Lui et l’équipage, des hommes rudes et trapus, firent barrages en remontant des barriques qu’ils attachèrent dans la cale.
- Ils ne purent même pas monter à bord. L’un d’eux essaya mais ne réussit pas à passer la moitié de la planche et tomba à l’eau en hurlant des insanités. Ensuite, un autre se mit à hurler qu’il était un ami intime du roi Baldir et qu’il allait revenir avec une escouade d’archers pour brûler le navire. Celui-là, ce devait-être un des deux Berkhoff. Puis ils partirent car je n’entendit que les bruits habituels du port et le bruits de pas des hommes d’équipages. Bercé par le navire et chaudement réchauffé par la laine, je m’endormis comme un enfançon.
Deux heures passèrent…
- Julius...Hé, Julius !Mais où es tu passé ?
Le susnommé s’éveilla en sursaut.
- Je suis ici seigneur, derrière la balle de laine, me voici, j’arrive.
La tête échevelée de Julius dépassa de la porte du château de proue et un coup de vent sentant les embruns vint lui chatouiller les narines. Le pont roulait d’avant en arrière et inversement.
- Par dieu, nous sommes en mer ! s’écria-t-il
- Oui, mon brave ami, nous y sommes pour de bon maintenant. Nous seront à Okord dans quatre jours, si tout va bien. répondit Aurélius en serrant sa petite fille dans ses bras.
- Messire, vous avez connaissance du prix de la traversée ? Il demande…
- Oui, fidèle ami, je sais. Le capitaine est dorénavant le propriétaire d’une des plus belle demeure de Falsbourg, la mienne !
Dernière modification par Lillith (2025-03-13 11:24:53)
Dès le premier jour, dans la soirée, Julius fut très malade. S’étant alité, il vomissait très régulièrement dans un seau de bois et ne s’alimentait pratiquement plus. Il ne supportait même pas de boire de l’eau pourtant encore fraîche. Il pleurait disant sentir sa dernière heure arrivée et qu’il avait les entrailles arrachées par la déesse des enfers, Cuthys.
Pour ce qui était du bébé, il dormait du sommeil bénis d’Egyos, inconscient des difficultés du moment.
Aurélius bassinait le front de son ami avec de l’eau fraiche et essayait de le calmer en priant à haute voix, les dieux Tiruer, dieu des mers et des marins et Grisyn, la bonne déesse de la médecine mais cela n’aida que très peu son ami.
Le rebouteux qui faisait office de médecin de bord fit boire au malade un très, très léger bouillon et demanda à Aurélius de lui fit boire une tisane de graines de fenouil. Mais même cela, Julius ne le garda pas longtemps. Le deuxième jour au matin, il sombra dans un sommeil fiévreux et agité.
La petite pièce du gaillard avant où ils dormaient tous trois, puait le vomi et la sueur. C’est donc le cœur révulsé, étant prêt d’être malade également, qu’Aurélius sortit sur le pont pour respirer l’air marin. Il s’était drapé dans une cape de laine brune qui lui descendait jusqu’aux pieds. Tenant la petite Judith tout contre lui, il la protégeait aussi du vent frais.
Il marcha pour se dégourdir les jambes mais l’enfant en avait décidé autrement. Judith pleurais à chaudes larmes et poussait des hurlements stridents qui attirèrent les regards des hommes d’équipage.
Pourtant Aurélius avait résolu un gros souci qui était de la garder propre. Maintenant, il avait de quoi l’emmailloter ! Pour ce faire, il avait découpé ses trois seules chemises de lin en des longueurs différentes. Certains morceaux de tissu lui serviraient à la nettoyer et les plus long à la langer.
Mais un autre problème, qui était vital celui-là, devait-être résolu le plus tôt possible. Un bébé, ça ne mangeait pas des biscuits et de la bouillie d’avoine ! Aurélius devait trouver du lait mais où ?
La solution vint de l’un des matelots qui s’était amouraché du bébé.
L’homme en question avait la peau noire comme la suie et possédait une musculature impressionnante. Aurélius n’avait encore jamais vu cette couleur de peau, même dans ses voyages les plus lointains. De plus, le visage et les bras de l’homme était striés de cicatrices.
Le vieil Aurélius apprécia de suite cet être chaleureux et serviable. Il avait un sourire extraordinaire et son rire était très communicatif. Il s’en fit, sans trop de mal, un nouvel ami.
- Alors, sire Aurélius ce petit ange a faim ! Je sais ce que nous allons lui donner à manger ! Du lait bien frais ! Et oui, nous avons ça dans ce bateau, je vais vous montrer !
Et il revint un peu plus tard accompagné d’une petite chèvre toute blanche. Il s’était également munit d’un petit tabouret et d’un seau de bois qu’il tenait de l’autre main.
- Elle s’appelle Djali et elle nous donne du bon lait chaque jour !
Tout en disant cela, il l’attacha au mât, s’assit sur le tabouret à trois pieds, mit le seau sous le pis et commença à traire l’animal. Il s’arrêta soudain en tendant la main.
- Mon nom est Gwazi, dans votre langue ceci veut dire, « Guerrier qui est adroit avec une lance » et je viens de très, très loin, d’un pays que l’on nomme le royaume du Manding !puis il se mit à rire de bon cœur en voyant l’étonnement d’Aurélius.
- Oui, c’est un pays où il fait très, très chaud et les femmes sont belles là-bas ! Aaaahh, oui, très belles !Pas comme celles d’ici !dit-il en soupirant
Lorsque le seau fut au tiers, il se redressa et tendit les bras.
- Vous me donnez l’enfant ! Je vais lui donner à manger moi-même, je l’ai souvent vu faire par ma mère.
Aurélius lui tendit la petite qui s’évanouit presque entièrement dans les gros bras musclés de Gwazi. Il était curieux de voir comment l’homme allait s’y prendre.
Celui-ci prit un linge propre et trempa un coin du tissu dans le liquide onctueux. Il le présenta à la petite bouche du bébé et l’enfant s’arrêta d’hurler pour téter avidement.
L’homme sourit en voyant que l’astuce fonctionnait. Il recommença l’opération une trentaine de fois et la petite Judith s’endormit, non sans avoir pousser un bon gros rot.
Gwazi était en pâmoison devant l’enfant qu’il tenait fermement dans ses bras et Aurélius le regarda avec un doux sourire.
- Vous avez des enfants dans votre pays ? demanda-t-il au marin.
- Non, mais j’avais trois frères et trois sœurs...Cela fait si longtemps messire...Parfois, je n’arrive plus à me souvenir de leurs visages !
Bien malgré lui, Gwasi se redressa, tendit doucement l’enfant à Aurélius et s’en alla replacer la chèvre dans un petit espace qui lui était propre avec de la paille et une petite auge d’eau que Gwasi renouvelait chaque jour.
Le vieil homme serra sa petite-fille et lui embrassa le front avec une profonde tendresse. Elle était si petite et tellement jolie ! En la berçant, il se dirigea vers le gaillard avant et entra pour s’enquérir de la santé de son fidèle Julius. Il avait encore vomit et de nouveau le médecin de bord lui avait donné de la tisane de graines de fenouil. Finalement, cela semblait fonctionner car le malade dormait plus paisiblement.
Aurélius rassuré, s’étendit sur son grabat et s’endormit en entourant Judith de ses bras protecteurs.
Dernière modification par Lillith (2025-03-14 21:20:14)
Ce fut le vent s’engouffrant dans la petite pièce qui réveilla Aurélius. Le soleil du troisième jour de voyage venait juste de se lever et colorait d’un jaune safran le visage solennel de son nouvel ami Gwani. Celui-ci le regardait avec de la peur dans les yeux.
- Venez avec moi et prenez la petite fille, moi, je m’occupe de votre ami. Nous devons partir maintenant ! Aurélius en resta tout ébaubit.
- Mais que ce passe-t-il ?...Et pour aller où ? Gwani, on est au milieu de la mer !
Le matelot ne prit pas la peine de répondre et relevant un Julius à moitié comateux, il sortit dans le jour naissant.
Lorsque Aurélius sortit à son tour, il compris de suite le danger qui allait bientôt s’abattre sur eux.
Tous les matelots étaient équipés de lourdes lances, d’épées et de haches. Dans les « tours » de poupe et de proue, des archers attendaient. Certains avaient revêtu un léger gambison de cuir au-dessus duquel ils avaient passé une cotte de maille.
Tous portaient un casque à nasal et un bouclier rond en bois de chêne cerclé de fer.
Dans le lointain, l’on apercevait une voile carrée d’un bateau battant pavillon du Ressyne.
C’était, à n’en pas douter, un équipage de pirates. Ces brigands ressyniens infestaient la mer sans que rien, ni personne ne puisse rien y faire. Et ceux-ci fonçait vers eux comme si Tiruer, le dieu des mers en personne les poursuivait en hurlant.
Aurélius se tourna vers Gwani.
- Où allons-nous ?
- A fond de cale, c’est le seul endroit où vous pouvez vous cacher mais il faut faire vite dit le matelot en transportant Julius sur le dos.
Ils descendirent tous par un petit escalier de bois jusqu’au niveau d’une grande pièce destinée à l’équipage où pendaient des hamacs. Dans un panneau de séparation en bois, une porte donnait sur la cabine du capitaine. Une fois à l’intérieur, Gwani désigna une trappe placée derrière le couchage du capitaine.
- C’est une partie secrète de la cale que le capitaine à construite lui même. Elle est destinée aux transport de produits précieux. L’escalier est très raide, faites attention.
Aurélius descendit le premier et le matelot lui passa Julius qui geignait. Puis, Gwani embrassa sur le front la petite Judith et la descendit précautionneusement.
-Et surtout ne sortez pas d’ici sans que je vous en donne l’accord !
Aurélius installa le plus commodément possible son ami malade et s’assit également en serrant la petite contre lui . Malgré le raffut et la dégringolade des escaliers, elle ne s’était pas réveillée.
Juste à l’instant où la porte se refermait au-dessus d’eux, la caraque tangua vers la gauche et un bruit de raclement de bois se fit entendre.
Cette fois, les ruffians étaient à bord ! Aurélius pria intensément Vodall, le dieu de la guerre de leur accorder la victoire.
Cela lui sembla durer une éternité. Il entendit des hurlements de douleurs et de rage. À un certain moment, des bruits de luttes se firent entendre au-dessus d’eux. Ensuite, le silence fut encore plus difficile à supporter.
Soudain la trappe s’ouvrit et la tête du capitaine surgit.
- Vous pouvez remonter. Il n’y a plus de dangers.
Julius maintenant assez réveillé mais toujours souffrant remonta le premier avec difficulté puis Aurélius monta quelques marches en demandant que quelqu’un l’aide à remonter la petite fille.
Ce fut le grand sourire de Gwani qui apparaissant, lui répondit.
- Passez-moi le trésor messire Aurélius ! J’avais raison de vous cacher ici, cette cachette est faite pour les produits de valeurs ! Et cet ange est très précieuse !
Tous remontèrent à l’air libre et Aurélius constata les dégâts. On avait bouté le feu au château du gaillard arrière et une partie de celui-ci s’était effondré mais la coque en elle-même n’avait pas vraiment souffert.
Le plus effrayant était le nombre de tués et de blessés. Sur soixante cinq hommes d’équipage, quinze étaient morts et dix huit blessés plus ou moins sévèrement.
Les corps des écumeurs étaient aussi nombreux. Les matelots survivants commençaient d’ailleurs à les jeter par-dessus bord. Pour leurs camarades tombés, une petite cérémonie était prévue par le capitaine.
Sur ordre, les marins avaient affalé les voiles afin de se reposer et de reprendre des forces. Tous mangèrent une écuelle d’avoine bouilli et deux pommes blettes, le tout arrosé d’un godet de vin et d’eau mélangés.
Le capitaine en profita pour expliquer les évènements à Aurélius.
- Ce n’étaient pas des pirates de Ressyne ! Ils en avaient la tenue mais ils étaient beaucoup trop disciplinés pour ça. Non, ceux-ci étaient des soldats entraînés en Osterlich, j’en jurerais.
- Je me demande...dit Aurélius en plissant les yeux. Le capitaine, vif d’esprit, continua.
- Oui, je crois moi aussi que vos ennemis sont devenu aussi les miens. Mais qu’avez-vous fait pour qu’un bateau d’Osterlich soit affrété et jeté à votre poursuite ? Vous avez assassiné le roi ?
Aurélius sourit.
- Non, j’en serait incapable. Non, c’est un vieux général hargneux qui lorsqu’il mord ne lâche pas sa proie. Je suis désolé pour vos hommes et votre navire, je vous dédommagerai.
Le capitaine se mit à rire
- Pas besoin, vous m’avez payé assez largement, ne craignez rien.
Sur cet entrefaite, Julius leva la tête et demanda en souriant piteusement.
- On est arrivé ? Par Aurora, je meurs de faim !
Les deux autre hommes se regardèrent et rire de concert.
- Allons dit la capitaine d’une voix forte, occupons nous de nos morts et fuyons de cet endroit maudit.
Gwasi s’octroya la tâche de s’occuper du bébé avec l’assentiment du commandant et sous la surveillance attentive d’Aurélius et de Julius qui venait de terminer de manger.
Les corps des hommes décédés lors des combats furent placés dans leur hamac que l’on cousu soigneusement. Les hommes avaient apprêter des longueurs de grosses chaîne de fer afin de lester les corps de leurs chers disparus.
Devant les dépouilles allongées sur le pont, le capitaine et tous les hommes présents ôtèrent leurs bonnets de grosse laine. Il dit quelques mots afin d’apaiser un tant sois peu leur tristesse.
- Aujourd’hui, nous venons tous de perdre un ami. Rendons leur un dernier hommage. Répétez avec moi ses paroles à l’unissons:
« Je ne crois pas que tu meurs
Je ne crois pas que je pleure
Non, je n'y crois pas
Je ne crois pas que tu t'en vas
Dans ce linceul seul et froid
Non, je n'y crois pas
Car je crois que tu es là
Que tu marches auprès de moi
Oui, ça j'y crois
Et je crois bien que tu restes
À côté de moi sans tristesse
Oui, ça j'y crois »
Lorsqu’il eu terminé, tous firent silence. Le capitaine ordonna d’un geste de saisir un des corps, de le placer sur une planche, et de l’apporter au bastingage afin de le faire glisser dans la mer céruléenne qui serait à tout jamais leur tombeau.
Tous les corps connurent le même rituel et lorsque tout fut terminé, le commandant ordonna de hisser la grand voile. Le cap fut mit sur l’ancien Empire d’Ohm, Okord la Grande.
Dernière modification par Lillith (2025-03-15 20:53:15)
Le quatrième jour, en fin de journée, les terres d’Okord formèrent à l’horizon, une ligne verte et grise.
Un cri déchira l’air.
- Terre, terre droit devant ! cria la vigie attentive dans le nid-de-pie situé au sommet du grand mât.
Tous se précipitèrent vers le bastingage du château de proue pour enfin voir se dessiner la fin de ce voyage tourmenté.
Aurélius, tenant sa petite-fille dans les bras et Julius ragaillardit se congratulèrent mutuellement.
- Enfin, dit Julius, c’est terminé ! Et ne me demandez point de remonter dans une de ces choses bringuebalante avant longtemps !
Aurélius sourit à la remarque de son fidèle ami et à sa petite-fille qui gazouillait dans ses bras.
Elle avait les joues roses et les yeux brillants de vie et de joie. Il lui donna un baiser sur le front.
Le bateau se rapprochait de minute en minute et l’on apercevait maintenant une haute falaise de granit aussi grise que les nuages filants dans le ciel d’hiver. Couronnant ce colosse d’essence divine, une nature sauvage et verdoyante.
Le capitaine s’approcha d’eux.
- Nous allons contourner cette grande île, qui est située à l’embouchure de deux fleuves, « La Drour » et « La Saune », et nous rendre dans une baie bien protégée. Le port se nomme « Lespinière ». Nous nous y arrêtons la plupart du temps pour décharger une partie de notre fret, faire de l’eau et reprendre un nouveau chargement. En plus de tout cela, je dois faire réparer les dégâts causé par l’attaque et vérifier que la coque n’a pas trop souffert.
[HRP : j’ai pris des libertés dans les noms des lieus cités car rien n’est nommé par le ou la joueur d’Azalaïs. Pas non plus de nom pour les « fleuves » de la map. Je m’en excuse.]
Il ajouta au sujet de l’île.
C’est le fief d’une certaine comtesse Alazaïs de Samarie, je crois. Ce qui est certain, c’est qu’elle est une grande fidèle du dieu Podeszwa, une Siostry...Une grande prêtresse, enfin...Vous savez...Moi et la religion, ce n’est pas mon godet de liquide préféré !
Mais vous pouvez accoster là-bas sans aucune crainte, les gens y sont accueillants et vous aideront très certainement au nom de leur dieu. Il y a de bonnes auberges. Tenez, vous pouvez vous rendre « Au cheval fringant », c’est un ami à moi ! Vous lui dites que vous venez de ma part !
Nous nous remontrons « La Saune », en Basse Léopardie pour rejoindre le dernier des ports, le « Quai de Regneville » puis nous revenons ici et enfin, nous repartons pour l’Osterlich.
Après ce long monologue, le capitaine les quitta car la caraque arrivait à l’embouchure de « La Saune » et il devait parer à la manœuvre.
- Ariser la voile et barre à bâbord. Timonier, menez doucement, arrondissez le cap lëopard et par dieu sans à-coups ! dit-il d’une voix de stentor.
Aurélius et Julius regardèrent le bateau tourner lentement et se diriger vers un large fleuve brunâtre. Les rives étaient très boisées et nulle âme n’était encore visible.
Peu après, ils aperçurent les premières constructions sommaires, très certainement habitées par des pêcheurs ou de pauvres hères.
Et enfin, le port apparu à leur vue.
L'aurore, prémisse d’une nuit froide, jetait ses premiers éclairs jaunes safran et rouges flamboyants. Toutes choses semblaient s’embraser au contact de ses rayons.
Le commandant de l’« Orion » fit affaler toutes les voiles et jeter l’ancre dans la baie protégée des tempêtes. De la rive, une chaloupe venait d’arriver tout contre la caraque et tous ceux qui n’étaient pas de quart, descendraient à terre.
Après avoir fait leurs adieux à tout l’équipage et tout particulièrement au capitaine et à Gwani, Aurélius, Julius et la petite Judith furent les premiers à partir.
Une fois dans la barque, les matelot ramèrent avec allant et au ponton, arrimèrent celle-ci.
Les premiers pas furent étranges, un peu comme s’ils tanguaient encore puis après quelques enjambées la désagréable sensation disparu.
Ils se perdirent dans le dédale des petites rues et ruelles du bourg mais après moultes explications et
tergiversations, ils se retrouvèrent devant la porte dont l’enseigne annonçait « Au cheval fringant ».
Sans attendre, ils poussèrent la porte de l’établissement.
Aurélius regarda son ami avec joie.
- Bien, nous ne seront pas dérangé par les conversations ! Mais il est tôt encore ! Enfin...Profitons-en pour reprendre des forces et nous reposer dans un vrai lit.
- Aubergiste ! Holà, Aubergiste !
Ce fut une jeune fille qui vint les servir et il prirent tous les deux la même pitance. Julius, qui visiblement était encore vert, fit les yeux doux à la belle. Celle-ci en rougit de plaisir et soutint le regard
- Deux poulets rôtis puis deux tranches d’agneau, du pain, du beurre et un pichet de bière Goben.
Ah oui...Vous avez du lait frais ?La servante acquiesça. Et bien, réchauffé le moi, c’est pour ma petiote.Aurélius montra sa petite-fille.
La servante fut étonnée de voir deux sieurs se déplaçant avec un bébé.
- Ma sœur vient de mettre bas, voulez-vous qu’elle vienne pour nourrir l’enfant ? Elle ne manque pas de lait et ne serait pas contre un piécette de cuivre.
- Mais oui, jolie fille, allez quérir votre sœur !
Après un autre sourire à Julius, la servante parti quester ce que les seigneurs demandaient et prévenir sa sœur qu’elle pourrait gagner quelques piécettes sans faire grand chose.
Le tout arriva en même temps et ce fut donc un souper en commun.
Dernière modification par Lillith (2025-03-16 23:10:23)
Comme tout un chacun, Julius et Aurélius dormirent ensemble sur une même couche rembourrée de paille et recouverte d’une couverture malodorante. Le tout reposant sur un châlit de bois.
Ils ne furent pas non plus à l’abri des morsures de puces et de punaises. C’est donc en se grattant vigoureusement que les deux hommes s’éveillèrent.
Aurélius sourit à son ami avec moquerie.
- M’est avis que tu as passé une bonne nuit ? Et en meilleure compagnie que moi…
Ha ! Comme j’aimerais encore avoir vingt ans ! Enfin ! On ne peux pas être et avoir été comme le dit un philosophe.
Julius rougit jusqu’aux oreilles et fit semblant de n’avoir rien entendu.
Après s’être débarbouillés et habillé, ils descendirent tous deux pour prendre un premier repas fait de pain, de miel et de vin.
La soirée précédente, Aurélius, s’était arrangé avec la sœur de la servante. La petiote se retrouvait donc en nourrisse chez cette grosse mère aimante et nourricière jusqu’au moment ou les deux hommes trouveraient de quoi s’établir plus durablement. Il la payait assez pour qu’elle prenne grand soin de sa petite-fille Judith.
Aurélius se rendit auprès du maistre des lieux et entama une conversation, qui, il l’espérait, lui serait utile.
- Je suis arrivé hier sur le navire L’« Orion ». C’est le brave capitaine de cette caraque, Karl Gusmann, qui m’a recommandé votre auberge.
L’aubergiste lui sourit
- Ah ce bon vieux Karl, c’est un vieil ami. Avant de tenir cette gargote, moi aussi j’étais marin au long cours. J’en ai vu des vertes et des pas mûres. La mer est la plus vicieuse des puterelles !
Nous avons souvent voyagé ensemble. C’est un excellent marin !
- Il m’a expliqué que cette île est le fief d’une certaine dame Alazaïs de Samarie. Seriez-vous assez aimable pour me dire où me rendre pour avoir une audience auprès de sa seigneurie ?
- Vous vous foutez de moi, hein ? Comment un péquenaud comme moi saurait ces choses ? Allez donc demander cela au diakon de la grande Katadra de Chypre. Elle est placée au plus haut de l’île, vous ne pouvez pas la rater !
Aurélius le remercia et voyant Julius en pleine discussion avec la servante, il partit sur-le-champ.
Et c’était vrai, cette Katadra était haut perchée. Il mit une bonne heure pour l’atteindre, non sans mal. Les jambes lui tiraillaient douloureusement et le froid était encore plus vif en hauteur.
Il poussa la grande porte de bois, magnifiquement sculptée de motifs floraux et entra dans la demeure du dieu Podeszwa.
Ce fut une explosion de mille couleurs reflétées par la lumière du jour. C’était à la fois très beau et très impressionnant. Aurélius se sentit très petit même si son ancienne foi s’était éteinte voilà bien des saisons.
Il arpenta le bas-côté en recherchant un responsable ecclésiastique mais n’en vit point.
Il s’assit sur un des sous-bassement et reprit son souffle dans l’air encore plus froid de l’enceinte.
Soudain, une porte claqua quelque part et il entendit des pas claquants sur le marbre du sol.
Se levant, il s’avança et vit un homme d’église se dirigeant vers le chœur de la Katadra.
Il appela à haute voix.
- Votre éminence ! sa voix résonna dans l’édifice et se multiplia en de nombreux échos.
L’homme d’église petit et sec comme un haricot, se retourna vivement et rouge de colère, se dirigea vers lui d’un pas pressé. Arrivé à bonne distance, il l’apostropha d’une voix basse et sifflante.
- Vous vous rendez compte ! Non, mais vous vous rendez compte que vous êtes dans la maison de Podeszwa ? Que voulez-vous mécréant ?
Aurélius avala la salive qui lui restait calée dans la gorge et reprit couinant presque.
- Je cherche à parler au diakon...
- Et que vous lui voulez-vous à cet homme très saint ? répondit méchamment le haricot.
- Et bien...Je désirerais m’entretenir avec lui d’une chose privée ! Voilà ! Aurélius en avait assez de cette olibrius et il levait de nouveau la voix.
- Chut!Chut ! Au nom de Podeszwa, baissé d’un ton ! Et pour ce qui est de voir ce brave homme, vous l’avez devant vous ! Alors ?
Aurélius en était stupéfait et ajouta avec une certaine déférence.
- Mes respects votre éminence. Je désirerais demander audience auprès de la dame Alazaïs de Samarie. Pourriez-vous m’introduire auprès d’elle ?
Le diakon, reprit d’un ton aigre.
- Qui êtes-vous pour oser me demander une pareille extravagance ? Seul les nobles personnages et les podeszwites peuvent espérer voir sa Majesté ! Et j’ai l’impression que vous n’en êtes ni l’un, ni l’autre !
Cette fois, ce fut Aurélius qui vit rouge.
- Écoutez moi espèce de C.. bénit ! Je suis certainement plus âgé que vous et , quoique vous en pensiez, je suis de noble lignage, moi ! Pouvez-vous en dire autant ? Alors, un minimum de respect, voulez-vous ? Sinon...
Le diakon lui montra la porte, blême cette fois.
- Sinon quoi ? Sortez immédiatement ou j’appelle les gardes du Katadra ! Sortez vous dis-je !
Aurélius se retourna la tête haute et se dirigea vers la porte, sortit et la tira violemment afin qu’elle claque. Ce qui produisit un énorme fracas dans la Katadra. Et il redescendit par le même chemin qu’il avait suivi en montant, blessé dans son amour propre et déçu de n’avoir pas réussit ce qu’il espérait accomplir.
Lorsqu’il arriva à l’auberge, Julius l’y attendait en compagnie de la servante, de sa sœur et de la petite Judith rayonnante de santé.
Aurélius vint la prendre et la câlina un instant puis expliqua sa mésaventure.
La sœur de la servante lui donna une idée.
- Savez-vous que notre Marquise Alazaïs à une sœur ? Et il paraît qu’elle est encore plus haut gradée que notre majesté ! Oui, comme je vous l’dit. Et elle demeure vers le nord. Moi, je s’rais à votre place, j’irais la voir. Qu’est-ce que vous avez à perdre.
Et Aurélius demanda.
- Et comment s’appelle cet grande dame, vous qui savez tout ?
Cette fois, ce fut la servante qui lui répondit.
- Sa sœur s’appelle Dame Vespasia mais son vrai nom, c’est le capitaine des gardes qui me l’a dit. Elle s’appelle Dame Alienor de Lysandor-Mayer !
A ce nom, Aurélius devint pâle. Il tendit la petite à Julius et se détourna pour ressortir. Il ne désirait pas que sa peine et son angoisse soient par trop visible.
Il savait pertinemment qu'il aurait déjà dû écrire une missive à cette grande dame mais jusqu'ici il n'en avait pas eu le courage, ni le désir.
Il s'en voulait d'avoir trop tardé. Il allait y remédier mais garderai son secret par devers lui.
Dernière modification par Lillith (2025-03-19 00:07:19)
Julius vint le rejoindre et lui posa une main sur l’épaule.
- Mon seigneur qu’avez-vous ? Je ne vous ai jamais vu aussi perturbé, êtes-vous souffrant ?
Aurélius secoua doucement la tête
- Non fidèle Julius, je ne suis pas souffrant ou peut être un peu mais pas de maladie…
Il repris contenance et ajouta.
- Bon ! Je dois écrire à cette grande dame dont la servante nous a parlé, elle pourrait peut-être nous aider. Enfin, je l’espère.
Il rentra dans l’auberge, Julius sur les talons.
- Pourrais-tu me trouver de quoi écrire Julius ? Je serai dans la chambre, j’y ai vu un ancien lutrin.
Une demi heure plus tard, Julius entrait portant plume, encrier, une dizaine de parchemins roulés soigneusement et un petit pain de cire rouge à cacheter.
Aurélius le remercia et écrivit un message poli et courtois.
Votre seigneurie Marquise Siostry Vespasia,
Je me nomme Aurélius de Falkenberg et je viens d’Osterlich. De Falkenbourg plus exactement.
J’ai dû tout abandonné, terres, biens personnels et ma demeure ancestrale appartenant à ma famille depuis trois générations.
Sachez que j’ai dû accepter cette situation car il en allait de la vie de ma petite-fille et de la mienne. Je suis donc, ici, en Okord depuis peu. Expatrié malgré moi.
Je ne connais pratiquement personne mais j’ai pour moi mon honnêteté et ma grande expérience d’administrateur de biens, que ce soit en termes de terres ou de bien immobiliers.
De plus, je jure de vous porter serment de vassalité si vous m’accordez le privilège d’un de vos fief, si petit soit-il.
Je suis actuellement dans une auberge se trouvant dans le fief que votre sœur possède.
Sachez Marquise, que je serai votre débiteur pour le restant mon existence.
Envoyez-moi vers un de vos bailli, sénéchal ou votre Prévost et je porterai serment solennel.En attendant votre réponse, marquise, sachez que tout mon respect vous est acquis,
Aurélius de Falkenberg.
"À qui est dépouillé, il reste les armes"
Il plia la missive et nota le nom de sa destinataire. Plaçant la cire au dessus de la flamme d’une bougie, il en fit tomber quelques gouttes sur les plis du parchemin et y apposa le chaton de sa bague.
L’écrit à la main, il sortit pour se rendre au port, il devait s’entretenir avec le capitaine de l’« Orion ».
Le bateau était toujours dans la baie et le capitaine dans la même auberge.
C’est là qu’Aurélius le rencontra. L’homme le reçu sans joie et froidement.
- Alors, toujours là vous aussi ? Que voulez-vous cette fois ? Vous savez que notre...petite aventure me cause beaucoup d’ennuis ? En plus des morts, l’« Orion » doit-être radoubé et mis en cale sèche ! Et en plus vous débauché mes matelots ?
Devant cet accueil froid et plutôt grossier, Aurélius s’énerva. Il s’avança vers le capitaine les poings serrés.
- Premièrement, tous ces morts, je les regrettent autant que vous, si ce n’est plus ! Et ce n’est pas moi qui les ai occis ! Deuxièmement, mon prix de passage à bord de votre rafiot m’a coûté dix mille fois plus que le prix demandé et je ne vous ai pas entendu protester ! Et troisièmement, qu’est-ce que c’est que cette histoire de « débaucher » vos hommes ?
Le capitaine eût un sourire mauvais.
- Oui, j’ai la nette impression que les grands hommes musclés vous plaisent, je me trompe ?
Sous l’insulte, Aurélius leva le poing et l’envoya sur le nez de son interlocuteur. Un craquement se fit entendre et le sang jaillit des narines. L’homme, ne s’y attendant pas, tomba de la chaise sur laquelle il était assis. Et les deux pugilistes se seraient estourbi si Gwani n’était intervenu.
Il descendit, quatre à quatre, les marches qui menaient aux chambres de l’auberge et accourut pour repousser Aurélius loin du capitaine. Il prit ce dernier par sa tunique et le leva comme s’il ne pesait rien.
- Répétez ce que vous venez de dire ? dit-il au capitaine.
L’autre ne broncha pas et Gwani le laissa tomber au sol.
- C’est pour cela que j’ai quitté votre bord...Capitaine... cracha-t-il comme une insulte. Vous êtes un homme vil, pleutre et retors. Lors de l’attaque sur la cabare, je vous ai vu vous cacher dans le château arrière, alors, ne venez pas parler de tous ces braves qui sont morts pour défendre votre bateau ! Vous avez de la chance que je sois le seul à vous avoir vu, alors, taisez-vous et cuvez toute la bière que vous avez bue depuis hier soir !
Venez, maistre Aurélius, cet individu ne mérite même pas votre vindicte.
Il sortir tous deux de la taverne. Aurélius se massait les doigts de la main.
- Mais de quoi parlait-il ? Il me prends pour un sodomite ? Débaucher ses hommes ! Quelles fadaises !
- Non, il n’a pas tout à fait tort maistre Aurélius. Je crois qu’il parlait de moi. J’ai quitté l’« Orion » pour toutes les raisons que j’ai dites mais aussi pour me mettre...à votre service. Enfin...Si vous voulez bien de moi !
Aurélius arrêta de marcher et se tourna pour faire face à Gwani.
- Ce que tu veux c’est être au service de Judith, n’est-ce pas ?
Gwani acquiesça avec vigueur et Aurélius prit un air grave.
- Tu vas devoir porter serment. Cette petite fille est un noble enfant, descendante d’une longue lignée. Te rends-tu compte de l’importance de cela ?
Gwani acquiesça de nouveau avec entrain et son sourire fit de nouveau des miracles.
- Et bien alors, nous allons accomplir cela comme il sied. Ce soir, tu deviendras le protecteur personnel et attitré de ma petite-fille.
La nuit n’allait pas tarder à venir et Aurélius désirais donner sa missive à un courrier royal, assermenté. Accompagné de Gwasi, il se dirigea vers les édifices publics et trouva le relais de poste aux armoiries du Roy d’Okord.
L’homme qui allait partir pour sa mission habituelle prit la missive d’Aurélius et regarda le nom indiqué par celui-ci.
- Vous envoyé ce parchemin à la Siostry Vespasia ? Vous n’avez pas écris le nom de son fief mais ce n’est rien, tout le monde, ici, connaît la Siostry Vespasia. C’est la grande prêtresse du dieu Podeszwa. Je la lui remettrai en main propre, ne craignez rien.
Aurélius lui tendit trois pièces d’or que le chevaucheur s’empressa de mettre dans sa bourse de cuir avant de partir au galop.
Pendant le retour à l’auberge du « Cheval fringant », la nuit tomba complètement et seuls des flambeaux permirent d’y voir assez pour se déplacer.
Tous deux retrouvèrent Julius et les deux femmes. Ils bavardaient tranquillement à une table.
La servante les quittait lorsqu’un client l’appelait puis elle revenait auprès de Julius.
Lorsque tous virent Gwali, un silence de mort se fit dans la gargote. Certains se signèrent rapidement et d’autres se levèrent pour quitter l’endroit précipitamment.
Les deux femmes apeurées, reculèrent elles aussi mais Julius et Aurélius rassurèrent tout le monde.
- Ne craignez rien ! C’est un homme comme vous et moi ! C’est un ami ! Il s’appelle Gwani !
La servante demanda.
- Mais c’est Podeszwa qui l’a peint ? Quel est cette malédiction ?
Aurélius rit de la réflexion.
- Non ! Non ! Il n’est pas peint ! Il vient simplement d’un autre pays, très loin vers le sud-ouest. Là-bas, tout le monde à cette couleur de peau.
Gwali ne bronchait pas. Il avait apprit à accepter ces questions et la peur qu’il provoquait chez certains. Il avait un sourire narquois sur les lèvres et il reprit de sa voix puissante.
- Non, ne craignez rien brave gens, je ne suis pas un mauvais génie ou autres balivernes ! Je suis un homme comme vous ! Il sortit le couteau du fourreau passé à sa ceinture et se coupa légèrement la paume de la main droite. En serrant le poing, du sang pourpre en jaillit et coula sur la table.
- Regardez ! Mon sang est aussi rouge que le vôtre ! Seule ma couleur de peau est différente.
Il s’enveloppa la main dans un morceau de tissu propre qu’Aurélius lui tendit.
- De plus dit Aurélius, il vient pour porter serment de dévouement à notre petite Judith, il sera son protecteur personnel et à se titre, je lui imposerai le serment de la famille Falkenberg.
Dernière modification par Lillith (2025-03-20 20:43:12)
Ce soir-là, le gargotier ferma sa taverne sur la demande exprès d’Aurélius qui lui paya les dédommagements d’une soirée sans clients.
- Nous mangerons et boirons lorsque le serment de Gwani sera terminé. Mais avant de commencer, je désirerais, Gwani, que tu nous raconte ton histoire. Qui es-tu et d’où viens-tu ?
L’intéressé fit silence et se concentra sur ce qu’il allait révéler.
« Je me nomme, Gwali Diata et j’ai vingt et un ans.
Je suis né au royaume du Manding, dans la ville de Kumbi Saleh, une grande métropole commerciale. Là-bas, les esclaves travaillaient dans les mines d'or, de cuivre et de sel. Moi, j’étais le fils de Gwali Ousmane un homme puissant dans mon pays, un homme très, très puissant.
Un jour, Soumaoro Kanté, roi du Sosso, attaqua le Manding et comme beaucoup de fils de mon pays, je me retrouvais prisonnier et vendu comme esclave à des caravaniers faisant la route jusqu’à la régence d’Elger dans le port d’Aripoli.
J’avais alors dix-sept ans lorsque je fus acheté par un corsaire Burquien et je me retrouvais rameur dans une galiote de la puissante armada burque du Padiechât Solem IV.
Gwani se fit rêveur et dit dans un souffle.
Je me souviens d’une grande bataille, celle que l’on appela « La bataille de Larante ». Il y avait des centaines de bateaux, certains brûlaient, d’autres coulaient et la mer prit la couleur du sang.
Le barreur, qui était un esclave comme moi, nous libéra de nos chaînes en s’apercevant que notre bateau allait couler à la suite d’un éperonnage.
Ensuite, tout est flou. Certains détails me reviennent parfois, je ne survécu qu’en m’accrochant à un morceau de l’épave du bateau.
C’est une grosse caraque ispagnaule qui me recueillit, à moitié mort. Je dus renier ma foi pour celle de Podeszwa. Sous peine d’une mort atroce, je fus forcé de m’engager dans l’armée d’Ispagnaula comme fantassin mercenaire.
Étant devenu un très bon combattant, j’intégrais une nouvelle compagnie de soldats de marine qui fut envoyée pour un endroit que nul ne connaissait. Après un mois de navigation, nous louvoyâmes sur une des mers la plus terrible que j’eus à connaître. Je l’appris plus tard, c’était « La mer des Fournaises ».
Lorsque nous arrivâmes au Delta du Hornet, il ne restait plus que quatre galiotes sur les vingt quatre du départ. Nous jetâmes l’ancre non loin des vastes terres qui s’étendaient à l’infini.
J’apercevais au-delà des rives des montagnes aux cimes enneigées sur fond de prairies immenses et vallonnées. Je l’apprit aussi plus tard, j’admirais le fabuleux « Empire d’Ohm », inconnu jusque là.
Devant tant d’épreuves, tant de courage, les auditeurs de cette histoire à la fois fantastique et terrible restèrent silencieux quelques instants.
- Et moi qui pensais que nous étions à plaindre susurra Aurélius.
Julius l’entendit et acquiesça de la tête.
- Effectivement, tu as été d’un courage extraordinaire Gwani. Un autre aurait succombé ou aurait abandonné la lutte.
Gwani secoua la tête de dénégation.
Non, j’ai été élevé pour être un homme et un homme ne baisse pas les bras ! Tant que l’air entrait dans mes poumons, je savais qu’il y avait de l’espoir. Abandonner c’est mourir !
« Indoda enesibindi akuyena umuntu ongesabi neze, kodwa nguye owamukela ukuthula ngaphakathi kwakhe. », en langue commune, je dirais... « L'homme courageux n'est pas celui qui n'a jamais peur, mais celui qui accepte celle-ci et agis malgré tout. »
Aurélius le regarda attentivement et ajouta.
- Gwani, tu es, sans le savoir, un véritable chevalier. Ici, nous n’en demandons pas tant à ceux qui brigue l’état de preux. Je peux donc, sans mentir, t’adouber chevalier de la maison des Falkenberg.
Tu seras le chevalier servant de ma petite-fille Judith.
Julius avait tout prévu pendant leur absence. Il avait placé l’épée et une paire de gants de cuir d’Aurélius sur la table derrière lui.
Aurélius se mit debout devant Gwani.
- Pour quelle raison désires-tu entrer dans la chevalerie ? Si tu recherches la richesse ou les honneurs, tu n'en es pas digne ! Pose ta main sur ce livre saint !
Gwani posa alors la main sur « Le Manuscrit d'Ysmis » et prêta à haute voix le serment des chevaliers.
- Répète après moi, tes vœux de chevalier.
Et à chaque commandement, Gwani répétait la sentence.
- Tu croiras à tous les enseignements de l’Aurora de Drabasni et tu observeras ses commandements.
- Tu protégeras les adeptes de l’Aurora.
- Tu défendras tous les faibles.
- Tu aimeras le pays où tu es né et celui qui t’accueille aujourd’hui.
- Tu ne fuiras jamais devant l'ennemi.
- Tu combattras les infidèles avec acharnement.
- Tu rempliras tes devoirs féodaux, à condition qu'ils ne soient pas contraires à la loi de l’Aurora.
- Tu ne mentiras jamais et tu seras fidèle à ta parole.
- Tu seras libéral et généreux.
- Tu seras toujours le champion du droit et du bien contre l'injustice et le mal.
Aurélius lui donna son épée en la lui tendant par la poignée. Gwani la prit et la ceignit.
Puis Aurélius prit un des deux gants et en frappa par trois fois les joues du chevalier toujours à genoux, en reprenant cette sentence.
- Ces trois coups pour que jamais tu n’oublie ce jour et tes serments. Au nom des dieux, de Philémos et de Vodall, je te fais chevalier. Sois vaillant, loyal et généreux."
Relève-toi, chevalier Gwani Diata de Falkenberg.
Aurélius lui fit l’accolade, suivit de Julius.
- Maintenant faisons la fête en honneur de ce vaillant et courageux nouveau chevalier.
Et l’aubergiste se dépêcha de venir apporter des volailles, du gigot d’agneau, de la bière et du vin.
Le lendemain matin, tous étaient prêts pour affronter une nouvelle journée hivernale grise et froide.
Aurélius, Julius et Gwani étaient emmitouflés dans de chauds vêtements car l’hiver se prolongeait anormalement.
Ils se dirigèrent tous trois vers le quartier commerçant car Aurélius désirait faire quelques présents à Gwani. C’était la coutume que de payer quelques gratifications à un chevalier nouvellement adoubé.
Lorsqu’ils entrèrent chez un armurier, Aurélius le vit se signer en voyant son ami. Il devrait en prendre l’habitude et ne plus s’en offusquer.
- Bien le bonjour maistre armurier. Je désire acquérir une nouvelle épée, montrez-nous ce que vous avez...C’est pour mon ami dit-il en désignant Gwani.
Inquiet et suspicieux l’armurier présenta des armes rouillées ou ébréchées.
- Celle-ci seront assez bien pour votre serviteur seigneur…
Aurélius et Gwani se regardèrent en souriant.
- Écoutez...Armurier ! Vous avez devant vous un chevalier de ma maison et gardien personnel de ma petite-fille alors montrez-vous respectueux envers lui ou je lui ordonne de vous couper votre sale tête de cafard !
L’homme rentra la tête entre les épaules et les invita à le suivre en arrière boutique.
- Celles-ci sont les meilleurs ! Vous n’en trouverez pas de plus solides, ni de plus belles !
Aurélius et Julius les examinèrent en connaisseurs.
- Pas de pierreries, ni d’or, je ne cherche pas une épée de parade mais une épée solide et bien équilibrée.
L’homme sortit alors d’un coffre une épée à double tranchant et son fourreau. Nuls joyaux, nul or, ni argent sur la poignée, le pommeau et la garde. Un cuir tâché sans doute par le sang ou la sueur recouvrait en bandelettes très serrées la poignée.
- Celle-ci me vient d’un vieil homme qui me l’a laissé pour honorer une dette de jeu. Si j’ai bien compris, elle appartenait à son fils.
Aurélius la prit, la soupesa, la leva en observant la droiture de la lame. Il s’écarta et fit quelques mouvements d’escrime.
Il regarda Julius qui lui fit un signe affirmatif.
- Combien demandes-tu pour cette vieillerie ?
Le commerçant souleva les épaules.
- Bah...Dans les cinquante pièces d’or !
- Je t’en donne trente et sois heureux d’en recevoir autant. Je t’offre aussi 10 pièces pour cette dague et vingt pièces pour cet haubert, vu la taille, elle sera parfaite pour mon ami.
L’homme râla son mécontentement mais finalement accepta, se souvenant de la menace.
Les trois amis sortirent. Aurélius donna l’arme à Gwani qui sortit la lame de son fourreau avec un bruit limpide et clair.
- Gwani, je n’ai jamais tenu en main pareille beauté ! C’est une merveille et elle est à toi !
Gwani fit plusieurs mouvements avec son arme, indiquant très clairement qu’il ne savait pas s’en servir.
Les deux hommes reculèrent prudemment et Aurélius lui demanda de lui rendre la lame.
- Julius va te former Gwani ou tu vas te blesser...Ou tuer quelqu’un sans le vouloir ! Allons plutôt chercher de quoi te vêtir et te protéger décemment.
Le camelot vendait des vêtements usagés mais propres. Le problème se trouvant dans la taille de Gwani. Il approchait les deux mètres pour cent dix kilos de muscles.
Mais ils finirent par trouver leur bonheur.
Gwali prit deux paires de braies brunes, deux tuniques de lins brunes, une cape de laine écrue, une paire de botte cloutée et une large ceinture de cuir noire cloutée également. Une courte broigne de cuir de porc bouillit et sans manche lui protégerait la poitrine, laissant ses bras puissants libres de toutes entraves.
Ainsi habillé, le bon géant ressemblait à un demi dieu perdu sur notre terre misérable.
- Vous savez maistre Aurélius que je suis imbattable avec une lance ?
En repassant devant l’armurier, Aurélius fit l’acquisition, à bon prix, de deux javelines qu’il tendit à Gwani.
- Montre-moi Gwani ce que tu sais faire avec…
Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que le géant lançait, l'une après l’autre, les deux lances en pleine rue.
Elles se fichèrent toutes les deux dans une enseigne de bois située à dix mètres de là.
Aurélius, abasourdit regarda alternativement les deux lances et Gwani qui souriait de toutes ses dents, qu’il avait blanches.
- Je vous l’ai expliqué, mon nom signifie « Guerrier qui est adroit avec une lance ».
- Bien, dit Aurélius, tu es doué. Malgré tout, Julius te montrera comment bien utiliser cet épée. Je crois que tu seras brillant ! En attendant, sers toi de ces deux javelines.
Tous rentrèrent à l’auberge pour manger et boire un vin chaud aux girofles.
Ils entamaient le repas lorsque le chevaucheur vint apporter un parchemin à Aurélius. Celui-ci brisa le sceau de cire et déroula la missive.
- C’est la réponse de la Marquise Siostry Vespasia ! J’espère que ce sera une bonne nouvelle !
Tous suspendirent leurs gestes et attendirent qu’Aurélius leur lise les nouvelles.
Au noble Aurélius de Falkenberg,
J'ai considéré votre supplique avec bienveillance.
Votre infortune a touché mon âme. Les terres d'Okord, et particulièrement les domaines des Siostry, tant ceux de ma consœur Alazaïs que les nôtres, demeurent havre de paix pour les âmes nobles contraintes à l'exil.
Votre serment proposé et vos compétences d'administrateur constituent offrandes précieuses envers le royaume d'Okord. L'abandon de votre demeure ancestrale témoigne d'une vertu que les cieux reconnaîtront en juste mesure.
Notre fidèle Aldrin "Main-De-Sixte" Ravenswood sera mis à votre disposition pour toute aide, ressource ou conseil dont vous pourriez avoir besoin en votre établissement. Sa sagesse éprouvée vous guidera dans les usages et coutumes de nos terres.
Les domaines méridionaux, attendent main experte. Ces terres fertiles sauront accueillir vos talents et offrir refuge digne à vous-même et à votre petite-fille, que nous recevons sous notre protection bienveillante.
Que votre installation en Okord vous apporte apaisement après l'épreuve de l'exil.Le temps de la peur et de la fuite est terminé.
Nous aurons de nombreuses occasions de nous revoir, Aurélius de Falkenberg. Nous pourrons évoquer tout ces souvenirs.-------------------
Vespasia Siostry de la congrégation des Siostry d'Okord
Aurélius tint le document et une carte rapidement esquissée.
- Ce sont des nouvelles de la Siostry Vespasia dont la servante, Isabelle, c’est bien son nom Julius ?, nous avait parlé. Je crois que nous sommes tous sur le bon chemin. Mangez et buvez mes amis car demain nous prenons de nouveau la route !
- Julius, va au port et demande qui, demain, passe la « Saune » pour un port du Comte Karl. Ensuite, nous devrons nous rendre sur place en enfourchant, de nouveau, de solides chevaux. Et tant que tu y est, demande si ta nouvelle conquête veux nous suivre ?
Il fit un clin d’œil grivois à son ami.
- Ah oui, Julius, achète aussi de quoi manger et une chèvre pour que Judith se nourrice, elle aime beaucoup cette boisson !
Tous finirent de manger et de boire. Gwali regardait le bébé téter pendue à la mamelle de la sœur de la servante, qui venait chaque soir manger avec eux tous. Il aperçut aussi les regards tendres qu’échangèrent les deux amants. Isabelle suivrait Julius au bout du monde !
Aurélius sourit pour lui-même en regardant tous ces nouveaux amis de voyage, il se sentait heureux et plein d’espoir pour le futur.
Dernière modification par Lillith (2025-03-22 15:09:14)