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Le bruit des sabots lourds frappant le sol pierreux du château des Beaguild vint soudain accompagner les cris atroces de douleur qui émanaient des murs de la bâtisse.
Le cavalier fut vite rejoint par d’autres qui l'encerclèrent, puis par des gardes piétons qui étaient déjà sur place. Quelques échanges brefs eurent lieu, des questions réponses formelles qui furent coupées par de nouveaux hurlements. Apeuré, l’homme au centre de la petite cavalerie descendit de son cheval et fonça à l’intérieur du donjon centrale après avoir ordonné à sa troupe de rester sur place. Le pas pressé, il parcoura les marches et les couloirs sinueux telle une ombre pour finalement arriver dans une antichambre. Près de la fenêtre se trouvait une femme assise sur un banc, observant par la fenêtre le ciel sombre de la nuit.
« Dame Hameline, tout va bien ? »
La jeune femme détourna le regard vers son interlocuteur. Elle arborait un visage grave, un visage d’où l’on pouvait sentir la douleur qui la rongeait de l’intérieur. Cependant, à la vue de l’homme, une sorte de lueur éclata dans ses yeux.
« Théodore, cela me réjouis de vous voir. »
Elle marqua un silence le temps que son visage s’assombrisse de plus belle et qu’elle se tourne de nouveau vers la fenêtre.
Tout à coup, un autre cri vin frappé les parois de la salle, ignorant le rempart que formait la porte close qui se trouvait face à l’homme,
« Comme vous pouvez l’entendre, ça ne s’arrange pas, et ce depuis quelques heures. Nos médecins et leurs remèdes sont inefficaces. »
Théodore fronça les sourcils d’inquiétude et s’avança petit à petit vers la porte. Sa main tremblante vint se poser sur la poignée et, après une grande inspiration, il trouva le courage de rentrer.
C’est dans un grincement étouffé qu’il fit son entrer dans la chambre de son jeune maître. Au centre de la pièce se trouvait le lit où se tortillait de démence Arthur Beaguild, chef de la maison Beaguild et seigneur du Cavalierand. Autour de lui se précipitaient des servants et des médecins qui tentaient de le retenir pour l’empêcher de se débattre et de se briser quoi que ce soit tant ses mouvements étaient violents et secs.
Le spectacle glaça le sang de Théodore. La face déformé par la douleur de son jeune seigneur créait en lui des frissons de terreur qui montaient le long de son dos, allant de ses pieds à sa tête et enclenchant un tic chez lui, un gigotement vif et rapide qui raviva la douleur dans son bras alors enveloppé dans un bandage.
Il s’approcha du lit doucement avant de s’arrêter après quelques pas.
À sa vue, Arthur sembla se calmer peu à peu. Assez pour que son entourage finisse par le lâcher, hésitant. Une fois la place dégagée, le grand intendant se rapprocha un peu plus du lit avant de s’agenouiller auprès de son ancien élève. Il posa sa main sur la sienne et la serra.
« Mon seigneur, par tous les dieux, quel châtiment divin avez vous reçus. »
Le jeune garçon le regardait, ses yeux étaient rouges et remplis de larmes. Il respirait fortement et irrégulièrement. Il transpirait à grosse goûte, ses muscles tremblaient et son crâne semblait chauffer plus qu’un feu de cheminée bien nourri. La maladie qui l’accablait était inconnue de tous. Vue nulle part ailleurs en Okord. Rien dans les ouvrages de médecines antique comme moderne. En tout cas aucun livre à Nesus Sparta, -la bibliothèque ayant tout de même été remplie en partie avec la participation de la Nortmannie et de l’Autriche-, ne semblait avoir sur ses pages la trace d’un tel mal. Le marquis subissait toutes les souffrances. Fièvres, crises respiratoires, tremblements et des séries de démences terribles. Même les médecins venaient à penser que c’était l’œuvre des dieux.
Cependant, la présence de Théodore semblait le calmer, de faire fuir le démon. Comme si il était ce qui lui restait d’attache à la terre.
« Théodore… ça me fait plaisir de te voir… quelles sont les nouvelles ?»
La voix du jeune homme était méconnaissable. Un médecin vint auprès du connétable pour lui demander de ne pas trop faire parler le marquis. Celui-ci devait se préserver à tout pris et chaque parole qu’il prononçait abîmé un peu plus sa voix pourtant bien détruite par les cris de douleur.
« Je suis là, Arthur, je suis là. » Il prit une respiration avant de continuer. « Comme promis, je vous amène le rapport de la bataille qui eut lieu à Fedenrir, en Massoala du Nord avec à chaque page les conseils et observations du seigneur Sage. Aussi, faites moi plaisir et ne le lisez point. » Finit-il d’un ton ironique, un sourire au coin.
Ces derniers mots firent rire doucement le jeune homme, un rire qui semblait lui déchirer la poitrine. Quand la sensation vint à atteindre le cerveau, la réaction fut immédiate. Il serra son point contre sa poitrine comme pour contenir le mal et il se dressa brusquement pour tousser du sang. Les servants accoururent pour l’aider à se recoucher et à le nettoyer. Théodore y participa.
« Je n’en peux plus... je n’en peux plus de tout ceci… Théodore… Crois-tu que Père m’accueillera ? »
Il remis sa main sur la sienne et resserra son étau autour d’elle, pris de panique. D’ordinaire, il l’aurait charrié sur ses mots, les trouvant ridicules parce que trop horribles pour lui. Mais, là, ils avaient comme un semblant de vérité amère.
« Ne dites pas cela jeune maître ! Vous êtes fort, vous saurez combattre votre mal. »
Arthur semblait de plus en plus apaisé. Au fur et à mesure qu’il échangeait son regard avec celui de Théodore, il s’assoupissait avant de finalement s’endormir. L’assemblée fut soudain soulagée et l’atmosphère se calma un peu. Le marquis avait enfin trouvé le sommeil, et il fallait en profiter pour réapprovisionner en calmant et herbe médicinale. Il fallait être près pour son réveil, au cas où il subirait de nouveau la foudre des dieux tout puissant.
Le grand intendant se releva après quelques instants d’attente où il finit par extirper sa main de celle d’Arthur après les avoir tenu et carnassier de son pouce pour le rassurer, pour se rassurer. Il remercia tous ceux présents pour leur dévotion et leur acharnement et finit par sortir de la salle.
Hameline était toujours assise sur son banc, toujours tourné vers la fenêtre, toujours les yeux rivés sur l’obscurité de l’extérieur.
Quelques secondes de silence, puis il parla.
« La situation est plus que grave, ma dame. Veuillez me pardonner mais je ne peux rester plus longtemps ici. Je suis appelé auprès des seigneurs adeptes des anciens dieux. Puis je devrais me rendre à la capitale pour lancer définitivement le Conseil des Ailées. Sans son marquis et avec la charge de travail que je dois assumer seul, je n’ai plus le choix que de faire appel à eux. Je vous conseille d’aller vous coucher vous aussi. Je risque d’avoir besoin de vous. »
Il entama sa marche vers la sortie d’un pas rapide et déterminé. Mais à peine était-il arrivé à la moitié de la salle qu’elle l’arrêta nette.
« Arthur à, pendant sa première crise de démence, dit beaucoup de chose. »
Une fois qu’elle fut certaine d’avoir eu son attention, elle continua.
« D’abord, il a réclamé votre présence, à vous et au seigneur Karl. Ses crises ont démontré à quel point il était dévoué à Père. » Elle prit de nouveau un moment pour souffler. « Mais surtout, entre quelques cris, il a eu une sorte de vision. Vous auriez dû le voir, la scène était terrifiante. Son visage était déformé par la peur. »
« Une vision ? »
« Oui . »
« Et… Qu’a-t-il vu ? »
« Il a vu la destruction. »
Théodore n’en croyait pas ses oreilles. Il ne comprenait pas.
« Ce n’est pas la première fois qu’il a des visions. Par le passé il en a déjà eu. Cependant, ces dernières ne montraient soit des images du passé, soit des images très proches dans le présent. Comme la fois où il avait vue la fin du continent de nos ancêtres ou quand, à l’inverse, il avait pu entrevoir celui où nous sommes arrivés. »
« Et cette vision, a-t-il entrevue des images précise ? »
« Oui… un homme au milieu de ruines et de flammes, plongé dans l’obscurité de la nuit. Je vous préviens tout de suite, ne psychotons pas immédiatement. Cette vision peut très bien représenter un événement passé. »
Ces informations cloua sur place le grand intendant qui n’osait plus bouger. Pourtant il fallait bien partir. Alors il attendit quelques instants le temps que la raison lui revienne. Une dernière révérence pour sa dame, les signes de politesse habituelle pour les membres de grandes lignées et il se précipita vers la sortie, parcourant en sens inverse les couloirs interminables du château.
Une fois arrivé à la cour centrale d’où l'attendait sa troupe, il remonta sur son cheval et partit en direction de sa prochaine destination. Son cœur était lourd et ses épaules courbées par ses responsabilités. Et au fond de lui, Théodore se doutait que quelque chose allait bientôt se passer.
Dernière modification par Zer0aR1en (2024-11-10 11:14:27)
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