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" - Nos chemins se séparent ici. "
La petite troupe s'arrêta quelques instants. Une cinquantaine de gardes royaux escortaient un carrosse aux rideaux tirés.
Au nord, la Province des Ronces s'étendait entre deux chaînes de moyenne montagne aux reliefs doux. Quelques pics plus abrupts culminaient en surplomb, principalement la chaîne des Freux à l'est.
La Cité était visible de loin par l'importance de sa population. Déjà entourée de bourgs distant de quelques heures de chevauchée, semblant en cours de fortification.
Bien que s'agissant de terres d'un fidèle allié, Sphen avait préféré contourner par le sud, ayant jugé que la route nord, bien que plus aisée, était moins sûre en raison des troubles entre le seigneur Bohémont et son frère bâtard.
" - Nous continuerons tout droit, vers l'ouest. Vous quatre prenez à gauche, dit-il tout en indiquant la direction de sa main manquante. Le seigneur Ignisfer étant introuvable, il faut absolument ramener Liefer au Puy."
Les quatre hommes acquiescèrent et repartirent au galop. Sphen, soucieux, se dirigea vers la voiture, et entrouvrit un rideau. Il poussa un soupire.
" - Allez, en route. "
Même Sphen, peu porté sur les choses mystiques, devait reconnaître que le lieu dégageait une énergie particulière. La montagne se dressait tel un phare au milieu d'une vallée fertile entourée d'une haute chaîne de montagne.
Les hommes avaient fait halte à l'entrée du chemin qui serpentait jusqu'au sommet. En raison de son étroitesse, toute tentative de l'aborder en carrosse se solderait inévitablement par une chute de plusieurs dizaines de toises. Ne resterait alors plus qu'à espérer que ce qui s'était produit ici une fois se produise à nouveau...
" - Allez prévenir le seigneur que le Roi est arrivé."
" - Le seigneur est dans la crypte, il nous attend."
En entendant le rapport de ses hommes, Sphen fit la moue et murmura pour lui-même : " j'espère qu'il a pris des vivres pour nous attendre, parce que l'ascension ne va pas se faire sans peine !"
Le capitaine ouvrit la porte du carrosse et y passa la tête : " pouvons-nous y aller ? "
Il reçut pour seule réponse un grognement ursin, mais quelques instants plus tard, la silhouette, ursine elle aussi, se frayait un chemin à travers l'étroite porte du véhicule.
D'abord ébloui par la lumière, Bedwyr plissa les yeux quelques instants afin de s' accoutumer. Il regarda l'édifice perché en haut de la montagne et le chemin qui y menait, serpentant à travers des falaises abruptes, bordé de végétation rare, battue par les vents violents de la montagne.
" - Je crois que j'ai bien fait de ne pas me mettre en armure... "
Bedwyr entama la longue marche, évoluant lentement et s'aidant d'un bâton. Sphen et trois gardes l'accompagnaient, tandis que le reste de l'escorte attendait au pied du chemin.
Plusieurs fois le Roi trébucha, retenu par son capitaine.
" - Tu sais ce que me rappelle cet endroit, Sphen ? Et bien il m'est arrivé quelques fois de me rendre dans l'ermitage de Raoul de la Trimouille lorsque j'étais son capitaine... "
Sa voix était faible, et ses phrases entrecoupées de pauses destinées à reprendre son souffle.
" - il se trouvait dans les montagnes, non loin des Neiges Éternelles - je crois qu'il avait cherché l'endroit le plus hostile qui se put trouver en Okord... complètement à l'opposé du royaume d'où nous sommes maintenant... difficile de faire plus éloigné... et pourtant le paysage ressemblait à s'y méprendre, des rochers, des falaises, du vent, du lichen..."
Enfin les hommes arrivèrent devant les grandes portes en fer qui marquaient l'entrée du sanctuaire.
Bien plus bas dans la vallée un parti de chevaliers s'était présenté au porte d'Eldorado.
Ils étaient une cinquantaine. Chainses de mailles, gorgerin rutilant. L'écu en goutte d'eau. Tous à la mine superbe dans leur haubert. Le blason de leur bouclier portait la marque du duché de Nortmannie. Les casques étaient accrochés à l'arçon de selle, côtoyant la forte épée et la lance.
Sur leur visage se lisait l'assurance tranquille qu'une épée et des compagnons donne à tous les groupes d'hommes.
En tête venait le grand Capitaine, une pelisse verte tranchait sur le rouge des autres chevaliers. Mais bien moins que l'homme l'accompagnant. Seul a porté le casque il allait tout de blanc vêtu. La caducée de Podeswa sur sa poitrine et à son écu.
Aux portes, Melkior du directoire les reçu. leur requête fût simple.
"Nous aimerions être mené au seigneur Vlador. Le roi Bedwyr doit être présent également."
Leur hôte les invita à le suivre à s'équiper pour l'ascension du Mont Tonnerre. Là haut était le Gorny d'une époque révolue revenu à la vie. Et un carrosse Royal avait été vu.
Duc de Nortmannie, Seigneur de l'Ouest
"Ce qu'avons, Gardons ! "
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Alors que Bedwyr et ses hommes se tenaient devant les imposantes portes de fer, un léger craquement se fit entendre, suivi d’un souffle froid alors qu’elles s’ouvraient lentement. À l’intérieur du sanctuaire, des fidèles préparaient la messe du soir. La lueur vacillante des torches, couplée aux cristaux de roche projetait des ombres dansantes sur les murs de pierre froide. Deux silhouettes vêtues de soutanes, des fidèles au visage masqué, s'avancèrent silencieusement.
« Soyez les bienvenus dans le sanctuaire, » murmura l’un des hommes, d’une voix basse et grave.
« Le Gorny vous attend dans la crypte. »
Sans un mot de plus, les fidèles se retournèrent et commencèrent à avancer dans les couloirs du sanctuaire, guidant le groupe à travers une série de petits tunnels sinueux et d’escaliers qui semblaient plonger de plus en plus profondément sous la montagne. Bedwyr, s’appuyant lourdement sur son bâton, continuait d’avancer, accompagné de Sphen et des trois gardes. Leurs pas résonnaient dans l’obscurité, tandis que le souffle court du roi trahissait sa fatigue.
Finalement, après une longue descente, les fidèles s'arrêtèrent devant une lourde porte de pierre gravée de symboles anciens. « Il est ici, » dit l’un des hommes en désignant la porte avant de se retirer silencieusement.
Dernière modification par Evan66 (2024-09-17 22:31:25)
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Melkior, en écoutant la requête des chevaliers du Duché de Nortmannie, ne put s’empêcher de ressentir une pointe de méfiance. Leurs visages fermes, leur équipement impeccable, et surtout la présence de cet homme en blanc, porteur du caducée de Podeszwa, soulevaient en lui des questions. Pourquoi un tel groupe se présentait-il aux portes d’Eldorado avec une telle précision, demandant à rencontrer non seulement Alzafrar, mais aussi Bedwyr? Leurs intentions n’étaient pas encore claires, et cela le troublait.
Alors qu’il les invitait à s'équiper pour l'ascension du Mont Tonnerre, Melkior gardait un visage impassible, mais en son for intérieur, il réfléchissait déjà à la suite des événements. L’arrivée d'Alzafrar puis de Bedwyr avait déjà causé une agitation dans le domaine. Le roi Bedwyr, malgré son malaise et sa fatigue, restait une figure puissante, et Alzafrar, revenu des morts, était entouré d’un mysticisme troublant. Ces chevaliers, bien que venant sous une bannière réputée loyale, apportaient une nouvelle couche d'incertitude dans cet équilibre fragile.
Une fois les chevaliers occupés à se préparer pour la montée, Melkior se retira brièvement, laissant les écuries s’occuper de leur équipement. Il convoqua rapidement un sergent du domaine, un homme d'expérience qui avait su prouver sa loyauté à maintes reprises.
« Fais passer le mot, » ordonna Melkior d’un ton bas et rapide. « Renforce les routes principales. Je veux une escouade du domaine pour surveiller les grandes routes qui mènent au Mont Tonnerre. S’ils sont venus en paix, tant mieux, mais je ne veux pas être pris au dépourvu. »
Le sergent hocha la tête et s’éclipsa sans un mot, conscient de l’urgence de la situation.
Melkior se tourna ensuite vers un autre messager, un frère inquisiteur. « Et toi, va à la Chapelle de la Résurrection. Mobilise une douzaine de chevaliers noirs de Podeszwa. Qu’ils se tiennent prêts auprès d’Alzafrar. Si la situation dégénérait, il est hors de question que l’on soit pris de court. »
Le messager s’inclina profondément avant de partir d’un pas rapide. Melkior se redressa et observa les chevaliers qui terminaient leurs préparatifs. Le grand Capitaine, semblait commander sans effort, ses instructions courtes et précises. Quant à l’homme en blanc, il restait silencieux, sa présence seule créant une aura de mystère.
« Que veulent-ils vraiment ? » murmura Melkior pour lui-même. Il savait que les enjeux étaient trop élevés pour prendre des risques. Le retour d’Alzafrar et les prophéties entourant sa résurrection attiraient déjà bien trop de regards. Le Mont Tonnerre, jadis un lieu retiré, devenait désormais le point de convergence de forces que même Melkior, du directoire, avait du mal à comprendre entièrement.
La montée serait longue, et la rencontre à venir, déterminante.
Dernière modification par Evan66 (2024-09-17 22:16:25)
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Alors que les chevaliers de Nortmannie se préparaient à leur ascension du Mont Tonnerre, une nouvelle alarmante se propagea à travers le domaine. Des éclaireurs revenant des confins des terres rapportèrent des mouvements inquiétants dans la vallée. Melkior, toujours en train de superviser les préparatifs, fut rapidement informé.
Un garde s'approcha à grandes enjambées, le visage tendu. « Seigneur Melkior, plusieurs campements hostiles de barbares ont été repérés à la frontière nord, près des Halles de Léopardie et de nos principaux ports. Ils tentent des incursions sur nos terres. »
Melkior fronça les sourcils, son instinct de commandement en alerte. « Que crient-ils ? » demanda-t-il d’une voix grave.
« Ils hurlent 'Mort à Alzafrar, gloire à Ciemnota' à chaque attaque, » répondit le garde, essoufflé.
Le nom de Ciemnota résonna comme un coup de tonnerre dans l’esprit de Melkior. Il savait que la menace était bien plus grande qu’un simple soulèvement de barbares. Ciemnota, cette force obscure, déstabilisait déjà les terres et les esprits, et ses partisans semblaient prêts à tout pour empêcher le renouveau symbolisé par Alzafrar.
« Renforcez les avant-postes et gardez les routes sous surveillance accrue. Que les chevaliers noirs de Podeszwa soient mobilisés en entier cette fois-ci, pas une douzaine seulement, » ordonna Melkior d'une voix tranchante. « Et qu'on me tienne informé de chaque mouvement ennemi. Nous ne laisserons pas ces fanatiques souiller nos terres. »
Il observa au loin le Mont Tonnerre, là où Bedwyr et Alzafrar se trouvaient probablement déjà, entourés de mystères et de forces spirituelles. La tempête approchait, et le domaine devait se préparer à affronter cette nouvelle menace.
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Les préparatifs ne furent point long. Les chevaliers des Ronces avaient des vivres en conséquence et leur monture étaient de rudes chargeur aux sabots gros comme des soucoupes qui avaient le pied sur et l'air calme. Lourde cape et fourrures faisaient partie des usages pour s'abriter de la pluie et du froid. Il ne serait guère dépaysé. D'autant plus qu'avant le séisme les Mont Tonnerre étaient possession du Duc.
Lorsque le seigneur Melkior après avoir passé nombre d'ordres revint à eux ils étaient prêt.
Suivant l'air tranquille le capitaine chantonnait distraitement. Un air étranger, sans doute de l'Osterlichois. Le nom de Podeswa revenait souvent. Puis alors que la montagne se dessinait dans le ciel face à eux. Il prit la parole, comme pensant à haute voix.
"Podeswa a véritablement le sens de l'humour, cette chapelle de la résurrection s'élève pile à l'endroit de la Katadra du seigneur De Milleguin dont la ruine survint il y a presque dix ans et qui avait été une grande maison. Ils appelaient ces monts "Galilée", ignorant que bien avant des tribus venu de Perdiglas y avait érigé un culte à la foudre et l'orage. Lorsque la Katadra est tombé sous les outrages du temps nous sommes venu récupérer le grand vitrail et l'avons recomposé dans notre salle du trône. Et la dame Vespasia a envoyé ses maîtres bâtisseurs récupérer la pierre.
Combien d'entre nous aurait pu se douter qu'un roi dormait sous la montagne."
Les hommes suivent sans mot dire, dans une procession silencieuse. Aux côtés du capitaine le chevalier blanc semble acquiescer aux propos.
Duc de Nortmannie, Seigneur de l'Ouest
"Ce qu'avons, Gardons ! "
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" - Attendez-moi ici.
- Mais, messire, et si c'était un piège ?"
Bedwyr haussa les épaules : " Et bien Podeszwa me protégera."
Il poussa la lourde porte sous le regard incrédule de Sphen, qui se tourna vers le garde le plus proche : " C'était de l'ironie, n'est-ce pas ?"
Le Roi pénétra dans la crypte. Le lieu était baigné d'une douce lumière semblant émaner de cristaux.
Alzafrar se tenait là, manifestement tout aussi vivant que lors de son intervention en salle du trône.
Un long silence s'installa avant que Bedwyr ne prenne la parole.
" - Comment... cela est-il arrivé ? "
Alzafrar, bien que d'apparence calme, semblait imprégné d'une force contenue, comme si sa présence seule pouvait plier les éléments à sa volonté. En entendant les pas du roi et de son escorte, il se redressa lentement et tourna son regard vers lui, ses yeux perçant l’obscurité comme des braises rouges. Sans répondre explicitement à sa question, il regarda la lumière qui s'échappait des cristaux.
« Bedwyr » dit-il dans un souffle rauque mais solennel, « te voilà enfin arrivé au lieu de la renaissance. »
Alzafrar fit un geste de la main, l'invitant à s'approcher de l'autel.
« Nous avons beaucoup à discuter, » ajouta-t-il. « Les temps changent, et ce sanctuaire sera le témoin d’un renouveau que peu d’âmes comprennent encore. »
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Bedwyr s'approcha de l'autel, un monolithe fait de la même pierre noire que le reste du sanctuaire. Seul sa surface supérieure avait été polie, le reste ayant été laissé brut. Les cristaux y diffusaient leur lumière. Une douce chaleur semblait émaner de l'autel.
" - J'ai passé des dizaines d'années à arpenter les champs de bataille, à mener les troupes au combat, à trancher, couper, frapper. Peu d'hommes on fait couler tant de sang que moi au nom d'Yggnir."
La voix de Bedwyr était calme, posée, déterminée, son regard posé sur l'autel.
" - J'ai vu la mort autour de moi, je ne saurais compter combien de fois. Je n'ai jamais eu peur, je n'ai jamais douté."
Bedwyr fixa Alzafrar avant de poursuivre.
" - J'ai vu la mort autour de moi, je ne saurais compter combien de fois. Mais pour la première fois, je vois la renaissance. Et je doute."
Après un moment de silence, Alzafrar prit la parole, sa voix grave et mystérieuse résonnant dans la crypte.
« Le doute est une flamme que même les plus grands guerriers ne peuvent éteindre, Bedwyr. Il est la marque de ceux qui ont vu au-delà de la simple lutte, au-delà du fracas des armes et du sang versé. Tu as traversé les batailles, défié la mort d'innombrables fois, mais ce que tu ressens aujourd'hui n'est pas la peur de ta propre fin. C’est la crainte de l’inconnu, du renouveau. »
Alzafrar s’approcha lentement de l’autel, ses mouvements empreints de gravité, comme si chaque pas confirmait son lien profond avec cette terre et l'Unique.
« Tu as vu la mort autour de toi parce que ton destin, jusqu’à aujourd'hui, était de mener tes hommes dans la destruction. C’était la seule voie que tu connaissais, et c’est ce qui t'a rendu puissant. Mais ce que tu vois maintenant, ce que tu ressens, c’est la renaissance, et elle est bien plus difficile à comprendre. La renaissance exige de construire là où il n'y a que ruine, de puiser dans des forces que tu n’as jamais apprivoisées. Et elle apporte avec elle des questions que même les plus braves doivent affronter. »
Alzafrar posa sa main sur l’autel.
« Je suis revenu pour guider ce renouveau, mais il ne se fera pas sans sacrifice, ni sans transformation. Si tu doutes aujourd’hui, c’est parce que tu sens en toi la fin d’une époque. Mais sois certain de ceci, Bedwyr : la renaissance est inévitable. Que tu la suives ou non, elle t’engloutira. Le doute ne t’affaiblit pas, il te prépare à une nouvelle épreuve, une que tu n’as jamais affrontée auparavant. »
Il détourna le regard vers les cristaux diffusant leur lumière autour d’eux, avant de conclure :
« Ce n’est pas la mort dans le renouveau ou le renouveau dans la mort que tu devrais craindre, Bedwyr. C’est la stérilité. Ne laisse pas ton doute devenir un frein. Au contraire, fais-en une arme, tout comme tu l’as fait avec l’épée. »
Dernière modification par Evan66 (2024-09-24 18:25:12)
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Bedwyr contemplait l'autel tout en écoutant les paroles d'Alzafrar. Il tentait d'y donner un sens en les rattachant à ce qu'il pouvait.
" - En somme, le renouveau est comme une terre ravagée par les flammes. Elle paraît morte alors que de nouvelles plantes, de nouveaux arbres, vont y pousser à nouveau, plus forts encore que ceux qui y poussaient avant.
La stérilité, c'est laisser une terre à nue de crainte que les flammes ne s'y propagent : elle ne verra ni incendie... ni vie..."
Il passa sa main gauche dans sa barbe, absorbé par l'observation de la pierre noire.
" - L'histoire d'Yggnir aussi est faite de renaissance. Sa volonté naît du goût âcre de la cendre de la défaite..."
Il porta son regard sur Alzafrar comme s'il cherchait à percer son mystère.
" - Mais c'est une histoire... nul n'a vu Yggnir, nul n'a vu de manifestation de sa part. Alors que je vois la manifestation de Podeszwa... Aide-moi à me préparer au renouveau."
Alzafrar observa Bedwyr avec intensité, ses yeux brillant désormais d’une lueur mystérieuse. La demande du roi ne l’avait pas surpris, mais elle marquait un tournant décisif dans leur échange. Alzafrar ressentait la présence de l’Unique grandir en lui, comme une force douce mais irrésistible, se manifestant dans chaque mot qu'il allait prononcer.
« L’Unique ne se révèle qu’à ceux qui sont prêts à l’accueillir. Il n’est ni légende, ni mythe, mais une réalité qui dépasse l'entendement humain. Yggnir… » Il marqua une pause, pesant ce nom ancien et puissant. « Yggnir n’est qu’un fragment d'une vérité détournée, une ombre projetée sur les murs de la caverne. Il est l’écho d’un pouvoir moins vaste, moins profond. Ce que tu cherches, Bedwyr, c'est la clarté, pas l’illusion. »
Bedwyr demeurait immobile. Alzafrar avança doucement vers lui, sa présence soudainement plus imposante, comme si quelque chose de plus grand en lui parlait à travers son corps.
« Préparer ton âme au renouveau, c’est d'abord la dépouiller de ce qui l’encombre. » Il posa sa main sur l’épaule du roi, un contact léger mais chargé de puissance. « La défaite, le goût amer de la cendre… tout cela n’est qu’un passage. Il te faut abandonner ces cicatrices, ces chaînes invisibles que tu portes encore. Le renouveau exige un sacrifice : non pas de sang, mais de ton propre être. Tu dois accepter de mourir à l’homme que tu as été, pour renaître sous l’œil de l’Unique. »
Alzafrar pouvait entrevoir un mélange de crainte et d’espoir.
« Il ne s’agit pas de fin, mais de transformation. Tu porteras toujours en toi la mémoire de ton passé, mais elle ne te définira plus. » Alzafrar recula légèrement et, levant les bras vers le ciel, il entama une prière dans une langue oubliée depuis des siècles. L’air autour de lui sembla vibrer, les murs de la chapelle frémirent sous une énergie invisible.
Une lumière, à peine perceptible d’abord, s’infiltra à travers la pierre noire de l’autel. Elle n’était ni chaude ni froide, mais d’une pureté totale. Bedwyr sentit son cœur s’accélérer, comme si une présence bienveillante mais immense s’approchait.
« Voici la manifestation de l’Unique, Bedwyr. Ce que tu vois, ce que tu ressens, n’est qu’un aperçu de sa puissance. Laisse-le entrer en toi. » Alzafrar posa ses mains au-dessus du roi, et la lumière sembla répondre à son geste, se concentrant peu à peu sur Bedwyr.
Le roi ferma les yeux, submergé par une sensation de paix profonde. Toutes ses souffrances, ses doutes, et même ses victoires passées s’évaporaient comme de la brume sous un soleil nouveau. Il se sentait à la fois plus léger et plus ancré dans la réalité, comme si, pour la première fois, il comprenait vraiment ce qu’était le monde.
« Tu es prêt, » murmura Alzafrar. « Le chemin du renouveau est devant toi. Mais souviens-toi, ce n’est pas une voie facile. Renoncer à ce que tu étais pour devenir ce que tu dois être… cela exigera des épreuves. Mais tu n’es plus seul. »
Bedwyr rouvrit les yeux, et cette fois, son regard avait changé. Il était celui d’un homme qui avait vu quelque chose de bien plus grand que lui-même, et qui était prêt à se transformer. La lumière qui l’enveloppait se dissipa doucement, mais elle laissait en lui une empreinte indélébile.
« Je comprends maintenant, » dit-il d’une voix calme, mais résolue. « Le renouveau n’est pas une simple rébellion contre ce qui a été, mais l’acceptation de ce qui doit être. Je suis prêt à marcher ce chemin, sous le regard de l’Unique. »
Alzafrar inclina la tête. « Alors tu seras celui qui portera la flamme, Bedwyr. Sous la guidance de l’Unique, tu renaîtras, non pas comme le roi que tu étais, mais comme le serviteur d’une cause plus vaste. Ensemble, nous reconstruirons ce qui a été détruit. »
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Bedwyr s'arrêta quelques instants et plissa les yeux. Il quittait la pénombre, la douce chaleur et le sentiment de protection que conférait le sanctuaire. D'un coup, il se retrouvait comme expulsé, exposé à la rudesse du monde extérieur, à ses dangers. Alors qu'il avait ressenti une impression de légèreté dans la crypte, comme flottant dans un liquide dense, son propre poids pesait désormais lourdement sur ses jambes.
Subitement, il poussa un cri de douleur, comme si l'air extérieur brûlait ses poumons.
" - Tout va bien, messire ? " s'inquiéta Sphen.
Bedwyr regarda son capitaine, comme surpris par son propre cri.
" - Rentrons." lâcha-t-il laconiquement.
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