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#1 2014-09-20 16:49:33

deadsir

Crevons tous. Mais avec honneur.

Le Vicomte Deadsir, juché sur son destrier, pesta une nouvelle fois:
Mais qu'est ce que je fous là... Foutue chaleur... Foutu soleil...
Il porta la main en visière pour se défaire des rayons de lumière qui lui brouillaient la vue. Les contours de l'ost réunie par le prince Galzbar devinrent plus nets, lui arrachant un nouveau juron:
Foutu Galzbar...

Des milliers de soldats avançaient en cadence, soulevant des nuages de poussière brune dans leur sillage. Tout le monde en était recouvert de cette poussière. Seules les bannières des seigneurs semblaient épargnées, leurs couleurs vives rehaussées par le fond maronnasse et terne qui les encadrait.

Si seulement le Duc m'avait laissé partir avant qu'il ne soit trop tard... J'aurais pu lui laisser mes troupes et me réfugier chez moi. Loin de ce cimetière en devenir... Mais non, il a réussi à me convaincre de rester. Il faut dire que ses servantes étaient pas mal convaincantes aussi...

La vue du duc Morgan caracolant devant ses hommes pour les haranguer sortit le Vicomte de ses pensées. Ne lui parvinrent que des bribes effilochées par la distance et le vent:
Ensemble, nous.... Honneur.... Parmi Vous.... Soldats....  Vaincrons....

Sentant que le moment était venu, le Vicomte se tourna vers ses maigres troupes et s'adressa à eux:
Bon, il semblerait que le Duc nous promette à tous une victoire dont les hauts faits seront gravés dans les mémoires des bardes. Moi, je vous promets la défaite et la mort si vous le suivez dans sa folie. Donc, pas d'actes inconsidérés. Pas de charge stupide pour la gloire. On reste groupés. On s'arrange pour être là où ça cogne le moins dur et dès que ça se tasse un peu, on se rend. Et le premier qui abîme son armure, je le tue de mes propres mains. Elles m'ont coûté plus cher que d'engrosser toutes vos putains de mère.
Les vétérans sourirent, habitués à la roublardise du Vicomte. A défaut d'apprécier l'homme, ils en étaient venus à apprécier la façon qu'il avait de les maintenir en vie malgré les batailles. Quelques jeunes recrues, parmi les plus naïves, écarquillèrent les yeux de surprise. Certains protestèrent. Le Vicomte désigna l'un d'entre eux:
Tu seras ma garde rapprochée. Te voilà satisfait?
Le jeune homme se rengorgea, acquiesça et se porta à hauteur du cheval de son seigneur.

Arrivés à distance de combat, les soldats des deux armées hurlèrent leur haine et leur peur. Un gigantesque hurlement qui ne s'arrêta que lorsque les lanciers et les fantassins lancèrent la charge. Fébrilement, les archers des deux camps encochèrent leurs flèches et tirèrent sur la corde de leurs arcs, les bras rendus douloureux par l'effort. Un ordre hurlé par le Duc et le vrombissement de milliers de flèches s'élevant dans le ciel se fit entendre. Et, de nouveau, un gigantesque hurlement. De douleur et d'agonie...
Le Vicomte grimaça, ajusta une dernière fois son casque et beugla:
On y va!

Lancé au galop, le Vicomte sentit la frénésie du combat le saisir. Ce mélange de peur et d'excitation. A côté de lui, le jeune homme qui lui servait de garde rapprochée. Derrière lui, le reste de sa troupe.
Il réussit à infléchir sa trajectoire pour éviter de justesse les chevaliers adverses. Mieux valait se confronter aux fantassins, bien moins armés et bien moins désireux de combattre.
Les premiers soldats qu'il percuta périrent sous les sabots de son cheval. Ensuite, les coups d'épée. Machinalement. A droite et à gauche. Une véritable boucherie. Cela lui sembla durer une éternité mais il était bien placé pour savoir que le temps s'écoule de manière très imprévisible sur le champ de bataille.
Soudain, un mur de lances se dressa devant lui.
Et merde... On est cuits...
Il tenta de repérer un seigneur vers qui il pourrait se tourner pour implorer la clémence contre paiement d'une rançon. Au moins pour lui... Son coeur bondit dans sa poitrine lorsqu'il en aperçut un sur la droite. Mais trois rangs de lanciers le séparaient encore du salut.
Il jeta un regard à ce qui lui faisait office de garde rapprochée; le jeune homme haletait et ses pupilles dilatées trahissaient sa peur de mourir.  Une vilaine estafilade barrait son visage.
Couillon, tu commences à comprendre. Mais il est trop tard. J'ai besoin de toi...
Le visage impassible, pour ne pas trahir ses pensées secrètes, le Vicomte dit au chevalier imberbe:
C'est le moment de prouver ta valeur. Nous allons tenter une brèche. Notre salut passe par toi. Il faut que tu nous ouvres la voie.
Le jeune homme se raidit. Se jeter contre le mur de lances reviendrait à y trouver une mort certaine. Ne pas le faire reviendrait à renier les enseignements de son père, chevalier lui aussi, et mort avec les honneurs sur le champ de bataille. Ne pas le faire reviendrait à désobéir au Vicomte. Non. Impossible... Il ferma les yeux, murmura une courte prière et se jeta à grand galop. A sa suite le Vicomte et les rares survivants.
La charge désespérée du condamné à mort permit d'enfoncer les premiers rangs et au Vicomte de se retrouver en face du seigneur ennemi. Immédiatement, il jeta son arme et mit genou à terre:
Moi, Vicomte Deadsir, je me rends!

Le temps que lui et ses hommes soient enchaînés, il jeta un dernier regard au jeune chevalier:
Pauvre fou. Que n'es tu resté à téter le sein de ta mère...

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