Vous n'êtes pas identifié(e).

#1 2015-04-25 22:58:23

Lhassa

Osterlich

"Ma Dame, je crains que nous ne soyons pas bien accueillis en ces terres d'Osterlich. Ces gens sont rudes et ils ont beaucoup souffert des réprimandes sanglantes des seigneurs d'Okord."

  La femme qui se tenait près du vieil homme lui assura :
  "Je sais qu'il n'y aura pas d'effusion de joie à notre arrivée. Ces gens sont réservés. Mais j'ai confiance en eux et, quand on gagne leurs cœurs, c'est pour la vie."

  Le vieillard se retourna brusquement :
  "Faire confiance à ces barbares de l'Est !"

  "Et pourquoi pas ? De toute façon, j'ai envoyé mon plus fidèle lieutenant ainsi qu'un groupe de cavaliers loyaux. Je n'ai pas été avertie du moindre problème. Il paraît même que les chantiers avancent rapidement. Enfin, celui de la chapelle, en particulier."

  La femme noble monta sur le pont du navire et admira la terre qui se dévoilait progressivement.

  "Tu vois, devin, ce rivage est sauvage et mystérieux. Il est encore plus beau que dans les récits qu'on en fait !"

 
  Quand la Vicomtesse Lhassa posa le pied en territoire d'Osterlich, elle respira cet air chargé d'embruns. L'odeur de l'iode était vivifiant. Elle se mit en selle et c'est sur son cheval noir qu'elle entra dans Sombre Rivage.

  Le village paraissait désert. Aucun ouvrier n'était à son poste. Le devin prit peur :
  "Ma Dame, les barbares sont partis ! Nous avons été trahis !"

  Soudain, le lieutenant apparut. Il salua la Vicomtesse avant de faire son compte-rendu :
  "L'agrandissement du marché vient d'être achevé. Des marchants de fruits séchés et de seigle y ont pris place, en plus des actuels vendeurs de galettes de blé, de fruits frais, de légumes, de fromages, d'épices et d'herbes sauvages. Il n'y aura bien sûr ni boucherie ni poissonnerie.
  "Les fermes n'arrivent pas encore à produire en quantités suffisantes. Nous vous remercions d'ailleurs pour les envois réguliers de blé et de châtaignes.
  "Tous les habitants sont logés dans des maisons traditionnelles en terres et pailles. Deux familles se sont installées dernièrement."

  "Je te remercie, mon brave, dit la Vicomtesse, le sourire aux lèvres. Mais, où sont les habitants, les ouvriers, les paysans ?"

  "Ils sont dans la chapelle, votre seigneurie. Il est quinze heures. Ils prient leur dieu. Le sermon dure une heure. C'est tous les jours comme ça."

  "Ah... Bien. Montrez-moi mes appartements, je vous prie."



  La salle était vaste mais assez vide. Les murs blanchis à la chaux reflétaient la lumière qui passait par les deux petites fenêtres. La planche de la table était appuyée dans un coin plus sombre et les tréteaux étaient repliés dessus. Des femmes cousaient la nappe et les rideaux, assises sur les bancs. Les braises rougeoyaient dans la cheminée.
  La chambre était aussi austère : un lit clos, une malle, un guéridon avec une cuvette d'eau. Et toujours les même murs blancs, très jolis.


 
  Il fut décidé que les provinces détenues par Bélial seraient reprises puis confiées aux gens d'Osterlich. Des érudits s'étaient réfugiés à Hurle-Vent au début de la guerre entre les Strolatz et les seigneurs d'Okord. Quand la paix était revenue, ces hommes et femmes avaient demandé à rentrer chez eux et à administrer leurs provinces d'origines. Malheureusement, le Vicomte Bélial y avait érigé deux forteresses : Cürüme et Cehennem.

  "Nous n'avons pas d'autres choix que de les prendre, déclara le capitaine de la garde. Aucune négociation n'est envisageable."

  Dame Lhassa acquiesça.

  Le devin intervint :
  "Ma Dame, c'est suicidaire ! Ce seigneur Bélial a le bras long. Son suzerain est puissant. Il est le bras droit du roi. Il dirige le Grand Conseil. Il pourrait monter une alliance contre nous et mettre le feu à nos terres."

  "Peu importe ! s’exclama la Vicomtesse. Toute pensée concernant ce seigneur est désagréable. Enfin, ce n'est pas le seul. Et j'espère que c'est réciproque. Je n'ai pas peur. Même si les armées qu'il pourra réunir sont trop puissantes pour nous, j'aurais agi en tant que seigneur libre, en mon âme et conscience. Et même si je suis faite prisonnière, mon esprit part dans quelques jours pour une contrée lointaine. Là-bas, je n'aurai pas besoin de cette enveloppe charnelle."


  Un grand bruit se fit entendre dans la cour du fief. Le lieutenant arriva essoufflé dans la salle.
  "Le représentant du Vicomte Jeyangel vient d'arriver !"


 

  L'attaque sur Cehennem avait été confiée aux hommes du Vicomte Jeyangel. Dame Lhassa avait planifié l'attaque.

  Ce soir-là, le devin tournait en rond comme un fauve en cage.
 
  "Qu'as-tu donc, vieil homme ? Tu vas me donner le tournis !"

  "Dame Lhassa, le Grand Conseil... Ne faudrait-il pas envoyer une déclaration pour l'attaque ?"

  "Une déclaration ? Pour attaquer une forteresse ?"

  "Hé bien, Ma Dame cela peut passer comme un acte de guerre."

  La Vicomtesse prit un papier épais, une plume et de l'encre. Elle marqua quelques mots, puis demanda :

  "Nous n'avons pas de coursier de disponible à cette heure tardive ? Bien. Allez chercher une bouteille en cuisine et apportez là."

  Le devin s'exécuta avec étonnement. A son retour, il vit la Vicomtesse mettre le papier dans la bouteille, la refermer, et la cacheter hermétiquement. Ensuite, elle le prit par le bras.

  "Marchons. L'air salin est excellent pour la santé."

 
  Du haut de la falaise, Dame Lhassa laissa tomber la bouteille dans les vagues.



  A son réveil, la Vicomtesse eut l'information que Cehennem était tombée mais, qu'à cause d'une erreur de commandement, les troupes l'avaient quittée, laissant la place vide pour les cavaliers du seigneur Bélial.

  Dame Lhassa ordonna la reprise de la forteresse. Ce qui fut un succès. Le messager apporta une autre bonne nouvelle le midi : Cürüme était tombée.

  La Vicomtesse annonça ces deux nouvelles aux gens d'Osterlich durant l'office de quinze heures. Elle modéra leur joie en leur disant qu'il fallait s'attendre à des représailles de la part du Vicomte Bélial et de ses nombreux soutiens.


  Celles-ci ne se firent pas attendre...

Pied de page des forums

Propulsé par FluxBB