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#1 2019-12-13 12:59:39

Maelys

La curiosité est un vilain défaut ?

(hrp : ce texte fait suite à des échanges épistolaires initiés lors de la Guerre Sainte d'Yggnir, ici

Edit : Ambiance musicale)

La silhouette féminine dansait dans le contre-jour projeté par les bougies qui éclairaient le petit autel derrière elle, tandis qu'elle s'en éloignait d'un pas incertain. Les flammes éclairaient la coupe contenant du lait, bordée de quelques épis de blés; le tout était abrité du vent dans un bâtiment encore sommaire qui ne tarderait pas à s'améliorer avec le temps.
Ses prières à Botia n'avaient apporté aucune paix à son esprit échauffé, qui s'amusait à sautiller d'une idée à l'autre sans lui laisser de répit. Peut-être que Daeth l'aurait en pitié et lui inspirerait un peu de sa sagesse ? Avec un soupire, elle songea qu'il faudrait rapidement élever un autel en son honneur également, si elle voulait qu'il daigne un jour poser son regard sur elle.
Un petit frisson courut le long de sa nuque : quelle vanité que d'aspirer au regard des dieux ! Son esprit repartait dans ses méandres, à peine distrait par la froideur de la nuit qui tombait.

Quelques jours auparavant, une missive au triple triangle était apparue sur son bureau, porteur d'une réponse qui lui avait donné l'impression de reprendre son souffle après une trop longue apnée.

Dame Maelys,

Il est vrai que j'ai pris les armes.
Pour servir Yggnir et Le couvrir de gloire.

En tant que Fort et Tokva, je me dois de répondre à Son divin appel et montrer l'exemple aux membres du culte. Mais la Guerre Sainte qui va résonner dans tout Okord ne brisera pas l'attention, et la bienveillance, que je te porte.

Le tribut exigé par Yggnir est réservé aux pleutres qui fuient les combats et se terrent en leurs cités. Tes nombreux combats abreuvent le sol du sang des trépassés et emplit Yggnir de joie. Les échos de tes victoires réjouissent Son cœur, et je ne peux m'empêcher de penser que ta vaillance et ton courage le contentent. Malgré ta foi en de faux dieux décatis, Yggnir te reconnais comme digne de Lui et te prête Sa puissance.

Ne te tracasse pas au sujet d'une quelconque rançon dont tu serais redevable, tes soldats et toi avez déjà payé le prix du sang !

Nieumant
Protégé de Sassinaï, Tokva d'Yggnir

Il ne l'attaquerait pas, et il ne demandait aucune rançon. Son peuple était sauf, au moins pour l'instant.
Mais était-ce vraiment la raison de son soulagement ? Maelys se mordit les lèvres en passant le pas de la grande porte de ce qui lui servait de palais.  Le bâtiment était très sobre, uniquement surmonté de la bannière qu'elle s'était choisie en prenant la tête de Caerdyn, la chouette dite pourpre sur son fond d'argent pur. La priorité des efforts de construction avait été donnée d'abord aux habitations du peuple et aux infrastructures nécessaires pour les nourrir. Malgré tout, Caerdyn commençait à avoir bonne figure et Maelys se réjoussait chaque jour de voir les ruelles pleines de vie, le marché bien achalandé et les échoppes laissant échapper des bruits d'activité continue.

Elle passa la porte de son bureau, notant les chandelles allumées sur son bureau : surement une attention de Dorélia, qui l'avait vu arriver et se doutait qu'elle retournerait travailler aussitôt. Elle eut un bref sourire, suivi d'un autre soupire lorsque ses yeux tombèrent à nouveau sur la missive du Tokva d'Yggnir. Que faire ? Il fallait qu'elle lui réponde au moins par courtoisie, non ? Elle en mourrait d'envie, pour des raisons encore obscures, mais préférait se mentir en se cachant derrière les convenances.

Elle s'installa à sa table, observant le courrier d'un air rêveur. A quoi ressemblait-il, ce Tokva ? Etait-il un homme, comme le laissaient penser ses missives, ou une bête comme le disaient tant de rumeurs ? La Dame de Caerdyn mourrait de curiosité à son égard, et les gentillesses dont il la couvrait ne faisaient qu'attiser cet élan et relancer la danse folle de ses pensées. Etait-il généreux avec tous les jeunes seigneurs d'Okord ? Une pensée traversa son esprit et fit monter le rose à ses joues. Elle se releva brutalement, manquant de faire tomber la chaise qu'elle venait de quitter, et fit les cent pas dans la pièce en jouant d'un doigt nerveux dans ses longs cheveux d'argent. A quoi pensait-elle donc ?

Rha... Stupidités ! Reprends-toi, Maelys, c'est n'importe quoi. Vraiment n'importe quoi !

Elle tourna quelques instants avant de revenir à sa chaise, se mordillant nerveusement la lèvre inférieure avant de soulever la plume avec une infinie prudence, comme si cette dernière avait le pouvoir de la mordre. Puis, enfin, la plume plongea dans l'encre et vint à la rencontre du parchemin. Une fois lancée, elle gratta sans plus s'arrêter ni hésiter.

A vous, Marquis Nieumant, Tokva d'Yggnir

La lecture de votre missive m'a plongée dans un bien curieux désarroi. Si le mépris que vous affichez vis-à-vis de mes dieux m'indiffère, et si les volontés d'Yggnir me sont totalement étrangères, je ne peux être insensible à la bienveillance dont vous faites preuve à mon égard.
Dans ma naïveté, j'ose croire que c'est vous qui louez la vaillance et le courage de mes hommes et qui cherchez peut-être, à votre façon, à nous protéger de cette guerre qui n'a pour mes gens et moi aucun sens.

Quelle qu'en soit la raison, votre geste et vos mots me confortent dans l'idée qu'il y a bien plus en vous que la folie meurtrière du Tokva d'Yggnir. Pour cela, et parce que le courage de mes gens coule aussi dans mes veines, je vous annonce que j'ai pris la décision d'installer une ambassade en vos terres : la bien nommée Cheangal. Voyez-y un gage de ma confiance et un bien maigre moyen de payer ma dette en chassant de chez vous les éventuels indésirables qui souhaiteraient s'y établir.

Si votre dieu vous l'accorde, vous reviendrez saint et sauf de cette guerre. Et si les miens le jugent bon, nous nous rencontrerons peut-être entre les murs de Cheangal, si d'aventure vous êtes curieux de découvrir quelque chose qu'Yggnir ne peut vous offrir...

Recevez mes amitiés sincères.
Respectueusement,
Dame Maelys

La lettre finit, elle la sabla et la scella dans la foulée, sans prendre le temps de se relire ni de réfléchir. Il ne le fallait surtout pas, sinon elle savait qu'elle n'aurait pas le courage de l'envoyer. Elle ouvrit la porte de la pièce et appela d'une voix forte, un peu brusque.

Dorélia !
La servante arriva au pas de course avec son sourire maternel habituel. Alors qu'elle s'approchait de Maelys, son expression se peignit d'une stupéfaction totale : pourquoi donc sa maîtresse avait-elle les joues si rouges ? Mais avant que le moindre mot ne sorte de sa bouche, Maelys reprit.

Fais porter cette lettre à MOËTIHALL sans délai. File.

Elle se retourna et ferma la porte derrière elle, espérant ainsi échapper aux questions qu'elle avait lues dans le regard de sa servante. Puis elle se dirigea vers la fenêtre et l'ouvrit grand, laissant entrer l'air maintenant glacial de la nuit. Pourquoi diable faisait-il si chaud, ici ?
Les chandelles vacillèrent avant de s'éteindre sous le coup d'un courant d'air plus fort que les autres, et Maelys bénit à la fois la fraîcheur et la nuit, replongeant dans ses pensées en observant les lueurs de Caerdyn peindre un paysage qui ressemblait fort au ciel étoilé au dessus de sa tête.

Dernière modification par Maelys (2019-12-13 23:05:52)

#2 2019-12-16 08:57:26

Gro Nieumant
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Re : La curiosité est un vilain défaut ?

La tente de commandement dressée à distance raisonnable de Damas fourmille comme une ruche. Les balistes et trébuchets ont parlé, les murailles de la sainte cité des podeszwites sont tombées. Les ordres sont donnés aux capitaines qui rejoignent leurs compagnies pour partir à la bataille, les officiers d'intendance s'agitent pour trouver de quoi approvisionner cette armée, et Nieumant, enfin, peut s'asseoir et souffler un moment.

Il relit encore une fois la missive de Dame Maelys, depuis trois jours qu'elle est arrivée de la lointaine province de GoëtiHall, il sent que son esprit n'est pas complètement tourné vers la Guerre Sainte qu'il est en train de mener. Quel étrange sentiment, lui le guerrier, l'adorateur d'Yggnir, lui le Général et le Tokva, il n'arrive pas à savourer le spectacle qui se déroule devant ses yeux. Tant qu'il n'aura pas répondu, il ne se sentira pas libéré.

Alors refoulant la fatigue qui l'accable et reléguant au plus profond de lui son instinct belliqueux, il prend une plume et se penche sur le parchemin.

Dame Maelys,

Pardonne-moi de m'être montré bien silencieux ces derniers temps, mais la Sainte Guerre que mes frères adorateurs d'Yggnir et moi-même menons requiert toute mon attention. Sans parler de la bataille que je suis en train de mener contre les infâmes podeszwites.

C'est également pour cette raison que les hommes disposés à te rejoindre pour établir tes nouveaux fiefs se font rares. Tous ont à cœur de prendre les armes pour se battre au nom d'Yggnir, et mourir pour Lui si c'est là Sa volonté. J'espère que les nouveaux fiefs que tu as fondés sur les provinces que je détiens, comme tes cités plus éloignées, sauront se développer et prospérer.
Il semblerait par ailleurs que tes campagnes d'éradications des bandits commencent à porter leurs fruits puisque mes éclaireurs me rapportent une baisse sensible du nombre de bandes qui ravagent la région.

Le fait qu'Yggnir apprécie tes efforts et ta bravoure n'en diminue pas moins l'estime que je te porte. Et si tu t'es fourvoyée dans des croyances impies, il n'en reste pas moins évident que tu prouves ta valeur et ton engagement au quotidien. Pour être un fervent croyant, j'essaye malgré tout de n'être pas aveuglé par mes convictions. Dès que je serai libéré de mes obligations religieuses, et ma bataille remportée, qu'Yggnir me prête Sa puissance dans mon combat, je souhaite de tout cœur entretenir et cultiver notre relation, et me montrer digne de la confiance que tu me porte.

Le combat m'appelle, car bien que guidés et inspirés par Yggnir, mes soldats ont besoin de leur général !

Nieumant.

Le message est rapidement cacheté, et placé avec le reste du courrier, il partira aux première lueurs de l'aube.
Le cœur plus léger, Nieumant s'autorise un léger sourire : on dirait que ces échanges courtois, mais prometteurs, renforcent sa volonté et affermissent sa détermination. Bien sûr il se bat pour Yggnir... mais pas que.

Dernière modification par grogoire (2020-01-28 10:00:04)

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#3 2019-12-18 17:01:15

Maelys

Re : La curiosité est un vilain défaut ?

(Edit : Ambiance musicale)

La servante secoua la tête d'un air perplexe et navré. C'était absolument incompréhensible... Pourtant, elle avait dans l'idée que tout ceci n'était pas totalement étranger à ce courrier au triple triangle d'or qu'avait reçu sa maîtresse peu de temps auparavant. Sinon, comment s'expliquer ses interminables ruminations, ses soudaines rougeurs et ses séances de cent pas dans le bureau ? Un petit grognement d'incompréhension lui échappa tandis qu'elle s'éloignait avec le plateau du déjeuner vide.

Dans le bureau, Maelys relisait à nouveau cette pauvre lettre qui menaçait de bientôt se déchirer.
"L'estime que je te porte"... Ces mots lui étiraient les lèvres d'un sourire heureux.
"Je souhaite de tout cœur entretenir et cultiver notre relation, et me montrer digne de la confiance que tu me portes."

"De tout cœur", il a dit... "Entretenir et cultiver notre relation"... Notre relation, mmmh...
Non, tu te fais des idées ma grande. Arrête ton char.

Il n'empêche que son sourire et ses joues roses ne mentaient pas. Elle songeait à la lettre qu'elle lui avait envoyée en réponse.

A Vous, très cher Nieumant, Tokva d'Yggnir,

Vous n'avez aucunement à vous justifier de disposer de vos hommes comme il vous sied. Je n'ai que trop abusé de votre générosité jusqu'ici, sans pouvoir vous rendre la pareille comme il se doit.

Je me réjouie grandement de savoir que notre estime est mutuelle, et j'entends votre réponse comme une acceptation de mon invitation, ce qui me remplit d'aise.
J'espère que ce courrier vous trouvera en bonne santé et je prie pour que notre rencontre arrive bientôt.

Amitiés,
Maelys

Le ton de la lettre était un peu moins formel que d'habitude, encouragée par celui employé par le Tokva. Le courrier était plus court également, tant elle craignait de se laisser aller à écrire des sottises.

Tu auras l'air bien fine s'il ressemble à un gros ours mal léché.
Et après ? Qu'est-ce que ça pouvait bien faire ? Peu lui importait l'apparence de son illustre correspondant, là n'était absolument pas la question. Quelle que soit son apparence, il ferait un allié précieux pour assurer l'avenir de son peuple en Okord. Et puis, au nom des gens qu'il lui avait confiés et qui faisaient maintenant partie intégrante de son peuple, elle se devait bien de lui montrer toute sa gratitude et de l'accueillir comme il se fallait. Oui, voila, c'était de la gratitude totalement justifiée, et rien d'autre. Et peut-être un peu de crainte et d'appréhension à l'idée de le recevoir, qui faisait battre son cœur de façon aussi erratique. Quoi d'autre ?

Son visage s'assombrit tandis qu'elle s'approcha de la fenêtre, regardant la ville en contrebas sans la voir. En parlant de crainte, elle ne pouvait s'ôter de l'esprit les dernières rumeurs qu'elle avait entendu. On parlait d'une montée en puissance fulgurante du Tokva, d'un changement de Roi assez soudain. On disait aussi que le Tokva avait été fait prisonnier... Etait-ce vrai ? Etait-il toujours en vie ? On racontait que le siège de Damas avait drainé de nombreuses armées de part et d'autres, et que les batailles avaient été sanglantes. Si Yggnir existait, il devait être absolument ravi.

Le Tokva recevrait-il la lettre qu'elle lui avait envoyée ? Ou serait-elle interceptée par les gens de Damas ? Elle ne savait pas quand, comment... ou même si un jour il en prendrait connaissance. Son visage s'était fait aussi grave qu'il avait été enjoué l'instant d'avant.

C'est alors qu'on frappa à la porte.
Ma Dame ! Ma Dame ! Il y a de la fumée en direction de Pailteas* ! Je crois que la ville est attaquée !

Le sang quitta les joues de Maelys tandis qu'elle se tournait brutalement vers la porte. A grandes enjambées, elle traversa le bureau et croisa le soldat sans s'arrêter, tout en répondant d'une voix ferme.

Que l'on rassemble mes capitaines dans la demi-heure. Préparez mon cheval ainsi qu'un chariot de vivres, nous allons partir pour Pailteas dès la fin de mon conseil de guerre. Allez !

La tornade de sa chevelure d'argent tournoya comme une bannière tandis qu'elle s'en allait au devant de sa première bataille.

(*Ndt : Abondance)

Dernière modification par Maelys (2019-12-18 22:50:39)

#4 2020-03-09 06:55:29

Gro Nieumant
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Messages : 376

Re : La curiosité est un vilain défaut ?

Dame Maelys,
C'est malheureusement depuis les geôles de Damas que je te réponds enfin. Le seigneur Baudoin a en effet accepté de me permettre d'entretenir ma correspondance personnelle.

Tu te doutes qui si je t'écris depuis une cellule, c'est que j'ai été fait prisonnier. Mon dernier assaut s'est achevé plus rapidement que prévu, et avec trois flèches qui me décoraient le dos. Les armées du Samarien n'ont plus eu dès lors qu'à me ramasser et m'amener ici encore inconscient. Je suis prisonnier, et engeôlé depuis plusieurs jours, et loin d'être cajolé.

Mais il me faut reconnaître que les médecins de Damas ont œuvré avec moi comme avec leurs propres blessés, et me voilà, sinon guéri, au moins hors de danger. Et si j'en crois les rumeurs qui me parviennent, c'est presque rétabli que je vais assister impuissant à la défaite de l'armée d'Yggnir.

Voilà qui retardera quelque peu notre rencontre, que j'espère tout de même prochaine. Et c'est avec plaisir et honneur que je viendrai te visiter en ta cité de Cheangal dès que je jouirai de la pleine possession de mes moyens, et de ma liberté. Nous aurons alors l'occasion d'échanger, faire connaissance et partager quelques coupes de calvok.

D'ici ce jour, je souhaite de tout cœur que toi-même et ton peuple puissiez continuer à vous développer et vous renforcer, et que le fracas de la Sainte Guerre ne vienne pas trop vous troubler.

Et même en mon absence, je suis persuadé que mes baillis sauront accéder aux quelques demandes d'assistance que tu pourrais leur faire parvenir. Je puis t'assurer qu'ils feront preuve de générosité, et encore plus à ton égard, sachant très bien l'estime la plus haute que je te porte, ainsi que de ma bienveillance envers ton peuple.

Nieumant,
Tokva d'Yggnir.

Le prisonnier pose sa plume et cherche un instant la cire à cacheter, mais il se souvient bien vite qu'il n'est pas chez lui, et que scellé ou pas, le pli sera lu par les hommes de Baudoin.

Samarien ! La voix est moins puissante que voulue, et un déchirement dans le dos le fait grimacer. Aux remords d'avoir été capturé, s'ajoutent les douleurs de ses blessures. Touché aussi bien physiquement que moralement, le Tokva fait peine à voir.

Ah soldat, tu feras porter ce pli à Caerdyn, à l'attention de la baronne Maelys ! ... Et dis moi, comment se déroule la bataille dehors ?
Le prince va gagner la bataille messire, c'est Podeszwa qui le guide et le protège, vos barbares sanguinaires n'y pourront rien.

Au temps pour lui, pas vraiment la plus fiable des informations. Ça promet encore de nombreuses heures de doutes et de ruminement, à tendre l'oreille pour essayer de glaner quelques birbes d'informations. Il était pourtant sur d'avoir vu les étendards de Staras et Andécout avant de tomber... mais le voilà qui doute de tout.

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