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Otto rirait, de façon spasmodique et saccadé, en regardant le triste spectacle face à lui.
La Commanderie d’Aguilar, fief de Charles de la Pétaudière et temple podeszwiste, brûlait.
Le champ de bataille était jonché de cadavres. Les lamentations des mourants faisaient écho aux fracas des armes des vivants.
Un petit contingent défendait encore la place, porté par l’énergie du désespoir.
Otto ‘Gladio’ Septim riait frénétiquement.
Devant le refus de Charles d’accéder à sa requête de rejoindre la maison du duc Arkeon, Otto avait ordonné à ses hommes de tuer tout le monde : “Que nul vivants, Hommes ou bêtes, ne respirent après notre passage.”
D’un mouvement brusque, les yeux exorbités et un rictus lui traversant le visage, Otto vint placer son visage à quelques centimètre de celui du jeune Charles.
“Votre dieu est mort, Charles ! Et en cachant votre orgueil derrière votre foi, vous venez de condamner tout votre populace.
Vous regarderez votre cité brûler, ses habitants massacrés, tous ! Pas de quartiers !”
Otto se redressa d’un geste vif, écartant les mains vers le ciel.
"Leur mort sera le terreau d’une nouvelle ère !”
Après un long et sinistre rire, Otto baissa les yeux vers Charles.
Et enfin, lorsque votre idole ne sera qu’un tas de cendre à la merci du vent, vous serez jeter aux oubliettes. La nuit pour maison, et les rats pour compagnon.”
Charles était prostré. Sa belle cuirasse dorée était maculée de sang, on lui avait arraché son heaume et son épée. Il était à terre, à la merci de ce misérable chien d'Otto. Son armée était anéantie. Ses braves chevaliers avaient été fauchés par les nuées de flèches et de carreaux d’arbalètes. les derniers défenseurs se battaient pour l'honneur et mourraient en criant Podeszwa.
C’en était trop pour son esprit. Comment pouvait-il admettre sa défaite. Son dieu n’avait pu l’abandonner. C’était une ruse ! Recroquevillé, n’entendant même plus les rires de son ennemi, il psalmodiait une prière en balançant la tête. Il était l’élu. Podeszwa ne tarderait pas à descende sur son char de feu pour anéantir les ennemis de la vraie foi.
Oui, c’est cela, ce n’était pas une défaite, c’était un piège et Otto était tombé dedans.
Il commençait à sourire intérieurement. Quel bon tour il avait joué à ce lourdaud d’Otto, ce disciple d’Yggnir qui pensait avoir gagné alors même que sa défaite était inscrite sur son front.
Oui Podeszwa viendrait ! Il en était persuadé maintenant. Il châtierait les impurs, les feraient bruler éternellement dans les feux de l’Enfer. Il montrerait au monde sa puissance et lui, Charles, serait sauvé !
Il se mettait à rire maintenant. Un rire hystérique.
Comment avait-il pu douter de son Dieu.
Il riait à gorge déployée.
Il riait et son rire se mêlait à ses pleurs.
Enguerrand était assis dans sa chambre, une pièce située au somment du Preskoleny et qui lui offrait une vue dégagée sur la campagne environnante. Assis en tailleur sur une planche de chêne, brute de sciage, placée sur deux montants hauts d’une coudée, il s’adonnait à la pratique de la contemplation.
Il avait maintenant plus de soixante ans. Ses cheveux blanchis se faisaient rares et la barbe qu’il avait laissé pousser lui arrivait à la taille. Il était aussi perclus de rhumatismes, mais il arrivait à les oublier devant la splendeur du spectacle qui s’offrait à ses yeux. Chaque détail du paysage lui faisait monter les larmes aux yeux ; depuis les pics enneigés qui entouraient la vallée, jusqu’au déferlement de la forêt qui explosait de couleurs en ce mois d’Octobre. Il louait Podeszwa de lui avoir donné la vie pour contempler sa création.
Soudain sa concentration fût brisée par un léger toussotement.
Sans même tourner la tête, il s’enquit de la requête de l’importun.
« Qu’y a-t-il de si urgent que vous veniez troubler mon heure de quiétude, frère Thierry ?
- Un messager est arrivé tout à l’heure de Terreneuve, frère Enguerrand. Il apporte des nouvelles de la bataille.
Le sourire d’Enguerrand se figea. Bien que plongé dans la méditation et la prière, il était au courant des évènements graves qui étaient en train de se dérouler à Aguilar. Le départ de la garnison d’Himmesldorf en était la preuve. Son fils Charles avait besoin de toutes les troupes du comté. Les soldats avaient été salués par la foule. Tous étaient confiants dans l’issu de cette guerre que les barbares d’Yggnir imposaient aux Podeszwites. Leur Dieu ne permettrait pas la victoire des impies.
Mais les cloches ne sonnaient pas et c’était un mauvais présage. L’arrivée du messager n’avait soulevé aucune liesse dans la population.
« Il a été battu ! » Devina-t-il sobrement, avant même l'annonce de frère Thierry.
« Hélas, Frère Enguerrand ! On parle d’un grand massacre. Votre fils a été capturé.
Enguerrand ferma les yeux. Il prit une grande inspiration pour contrôler les battements de son cœur.
Un silence de plomb figea le temps.
« Podeszwa donne, Podeszwa reprend ! » Dit-il enfin.
Puis, comme si la nouvelle était déjà loin, comme s’il l’avait effacée au moyen de sa concentration, comme si son détachement du monde importait plus que son propre fils, il ajouta :
« Merci, frère Thierry ! Vous pouvez me laisser, maintenant. Je n’ai pas fini ma contemplation."
Otto fit un signe de main au garde, qui asséna un violent coup à Charles.
Celui ci tomba lourdement au sol, mais son corps, secoué de spasmes, continuait de rire et de pleurer.
“Sa faiblesse me répugne ! Emmenez le loin de moi ! Et mettez lui un collier d’esclave, il marchera jusqu'à Ensérune ! Cela lui passera l’envie de rire.”
‘Gladio’ regarda autour de lui : “Et où est Haroun ? Il n’est toujours pas revenu ?!”
***
Plus tard.
Le caporal Haroun, de retour de la grand messe d’Yggnir, stoppa son cheval à quelques centaines de mètres de la plaine.
Des soldats entassaient des corps : femmes, hommes, animaux et enfants sans distinction.
Des bûchers parsemaient la plaine..
*Mon Dieu ..Que s’est il passé ici …?*
Il talonna son cheval et entreprit de slalomer entre les corps.
L’odeur qui planait retourna les tripes du vétéran, qui eut du mal à retenir son dégoût.
Il en avait vu des horreurs au cours de sa longue carrière, mais jamais de telle.
En voyant les ruines de la Commanderie d’Aguilar, il comprit.. Son jeune maître avait ordonné le massacre pur et simple de la ville.
Le vétéran n’en revenait pas, et se rappela des paroles de feu Sévère Septim, père d’Otto, lors d’une longue soirée d’hiver :
*Mon fils est un homme doué, ambitieux et intelligent. Mais il lui manque la compassion.
Les guerres ne sont gagnées que dans le respect de l’ennemi. Sinon elle durent et épuisent le peuple. Estybril en fût un bel exemple.
J’ai failli en laissant sa mère déverser sa fillonnerie en lui…
Un jour, je ne serais plus là. La loi veut que lui, Otto ‘Gladio’ comme il aime se faire appeler, prenne les rênes de mes fiefs. Pourtant, je doute que ce soit une bonne chose..*
Le vieux seigneur avait raison, la tristesse envahit le cœur d’Haroun.
Après plusieurs minutes, qui lui parurent bien trop longues, il arriva devant la tente de son jeune maître.. Qui dégustait un repas face au charnier.
Descendant de cheval, le caporal Haroun s’approcha..
“Te voilà enfin, caporal ! Quelles sont les nouvelles ?!" demanda Otto, sans autre forme de politesse.
“Messire, qu’avez vous fait ?”
“SILENCE !” Le jeune seigneur renversa la table devant lui et, se levant brusquement, vint toiser le caporal.
“Garde tes jugements pour toi, soldat ! Sinon nous te trouverons une place sur le bûcher. Maintenant parle-moi du nouveau Tokva."
Ravalant sa fierté, le caporal fit le récit de l’élection du Tokva d’Yggnir.
“Gro Nieumant ? Je le ne connais pas…mais soit ! Espérons que ce ne soit pas une grosse larve inutile, comme sa maîtresse.
Tout en prononçant ces mots, il fit un signe de la main, et un page accourut, portant un petit plat rempli d’eau. Otto s’y lava les mains, tranquillement.
La scène était totalement surréaliste dans la tête du Caporal. *Comment pouvait-il faire comme si de rien n'était ?*, pensa-t-il.
Otto ‘Gladio’ se détourna de l’homme, fit quelques pas et héla les quelques hommes devant lui
“Soldats ! Vous vous êtes vaillamment battus , Yggnir est fier de vous !
Mais avoir nettoyé ce lieu de son impureté ne suffit pas ! Vous avez encore du chemin à faire, des branches mortes à couper ! Ce lieu n’était qu’un parmi d’autres. Votre présence est requis partout en OKORD !
Avec vous à mes côté, JE CHASSERAI LES FAIBLES DE CETTE CONTRÉE ! Afin de mettre en place un nouvel ordre ! Celui des forts ! Ne doutez jamais de cela, car les faibles finiront brûlés !”
Des hourras s’élevèrent, et le rire frénétique d’Otto vint se mêler à eux.
Le caporal resta silencieux, la tête basse.
Après un moment, Otto revint vers lui :
“Caporal ! Préparez-vous à mettre l’armée en mouvement. Nous allons à DAMAS !
Bonniface, vient ici ! J’ai un message à envoyer."
Le jeune mestre s'avança, blanc comme la neige, titubant.
Otto s’approcha et le secoua violemment.
“Reprends toi, imbécile !
“M..m..mais…"
Excédé, Otto lui asséna une gifle et le repoussa un coup de pied.
“Tu es faible, Bonniface. Je ne sais ce que le vieux mestre de mon père te trouve.
Je ne veux plus te voir, DEGAGE !”
Sans autre forme de procès, Otto se tourna et visa le page au bol du doigt.
“Toi ! Tu sais écrire ?"
Le page, effrayé et désemparé, hocha rapidement la tête en s’inclinant nerveusement..
“Tu seras mon nouveau mestre. Prend une plume et un parchemin."
Le serviteur lança un regard désespéré vers Haroun.
“MAINTENANT !” hurla Otto.
Le pont levis s'abaissa avec une lenteur inexorable, avant de s'arrêter, sonnant le glas d'un après-midi d'automne. Ansbert de Karan se tenait devant les douves. Cintré dans une armure aux couleurs des Léopards, il ne laissait rien transparaître. Sa main gauche reposait sur son flan. La droite, prothèse dorée, ultime cadeau de Maël d'Arald aux Karan, reposait sur Lame d’Étoile.
L'armée qu'il avait amené s'organisait dans son dos, dressant les dernières tentes, creusant les fossés. Trois milles soldats de Falcastre, deux milles Lions Dorés, sélectionnés par son frère. Les Karan ne regardaient jamais à la dépense.
Ansbert répugnait à rendre service à son frère. Ce dernier voulait dangereusement ressembler à leur père. Mais les exactions de l'armée des Septim l'avaient fait vomir. Le message du Maître du Palais était clair : Charles de la Pétaudière, unique héritier du Seigneur Enguerrand devait être libéré. Par tous les moyens possibles. Ansbert connaissait parfaitement ces moyens ; il les avait en horreur.
-Caporal Haroun.
Le vieux vétéran répondit à Ansbert d'un lent mouvement de tête. Le Seigneur de Port Karan jaugea les arbalétriers juchés sur les murailles d'Ensérune puis s'avança sur le pont.
-Je viens ici pour parlementer. Je le jure sur mon honneur.
Seigneur de Ténare ; Marquis de Falcastre
Maître du Palais ; Gardien du Trésor Royal
Chevalier au Léopard ; Chevalier de l'Ordre des Fondateurs royaux
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Des ordres fusaient, criés du haut des remparts. Des hommes se mirent à courir.
On préparait l’huile bouillante et on entassait des pierres, proches des mâchicoulis. Les torches s’allumèrent sur le chemin de ronde, éclairant l’atmosphère lourde de la soirée.
Haroun restait silencieux, fixant et jaugeant l’homme face à lui. Il avait déjà ouïe des histoires à son propos, et le vieu vétéran avait bien conscience que l’homme ne partirait pas la main vide. Mais qu’en était il du ‘Gladio’ ?
Après un moment, le brouhaha sur rempart s’estompat.. Un son de cor fendit la soirée. Par deux fois. Les troupes se mirent au garde à vous, et le silence s’installa. Otto apparu au-dessus de la grande porte.
Jetant un regard, dédaigneux et plein de haine, vers Ansbert.
Le vieux vétéran regarda vers son seigneur, puis se tourna vers le lion doré. Il inspira lentement.
- Parlez, messire. Parlez fort, que mon seigneur vous entende. Et pesez vos mots avec sagesse, mon seigneur n’apprécie guère avoir une armée devant chez lui.
Dernière modification par Carmas (2019-11-20 11:49:43)
En apercevant Otto Septim sur les remparts, Ansbert maudit ses éclaireurs. Il croyait le Seigneur du Serpent d'Or à Castèl-les-Grains, avec le reste de son ban. Les dévots d'Yggnir étaient connus pour leur goût prononcé du pillage après une longue campagne.
Le fils de Sévère possédait déjà une solide réputation, Ansbert aurait préféré parlementer avec le Capitaine Haroun et non avec son maître, aussi jeune que fanatique. Il compris qu'il devait changer ses plans.
-Je suis un soldat, Capitaine Haroun. Répondit le Seigneur de Port Karan, sa fausse main posée nonchalamment sur le pommeau de Lame d’Étoile. Mon frère serait sans nul doute venu dans un char cerclé d'or, discuter autour d'une coupe d'altevin. J'ai préféré venir avec une armée. Ansbert se risqua à avancer de trois pas sur le pont-levis. Il leva les yeux vers Otto Septim. Monseigneur, je suis venu négocier la libération de Charles de la Pétaudière pour le compte de son père. Vous vous êtes vaillamment battu et vous avez gagné, votre victoire sur les rives Est est actée. Mais ne condamnez pas l'avenir d'une Maison par vengeance. Les yeux du Seigneur de Port Karan revinrent sur le visage buriné d'Haroun. Je ne doute pas que vos murs soient épais et vos greniers bien garnis. Mais mon armée est préparée, ses lignes d'approvisionnement sont sûres. Ne nous lançons pas dans un siège pénible. Réglons cela en seigneurs honorables.
Le siège. La hantise de tous les soldats retranchés dans un château. D'abord l'ennui, ensuite la famine et enfin l'horreur. Ansbert en avait été témoin de ses propres yeux.
Seigneur de Ténare ; Marquis de Falcastre
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Du haut des murs, Otto Gladio Septim toisait l’homme sur son pont levis.
Le jeune seigneur avait les dents serrées. Il avait entendu les mots d’Ansbert, et ses yeux se portèrent sur l’armée, au loin. Plusieurs milliers de torches, dans la nuit, illuminaient la plaine .… Il resta un instant interdit.. Ses conseillers l'avait exhorté à éviter le siège. Ansbert avait la réputation de fin stratège, et ses hommes étaient des guerriers aguerris.
De plus, le temps lui manquait. La grande croisade d’Yggnir était en marche, et rester bloqué à Ensérune n’était pas envisageable. Il n’avait pas les moyens de tenir un siège…Des convois de ravitaillement étaient déjà partis au frontières des provinces pour préparer l'avancée de l’armée. La plupart de ses greniers étaient vides, et de la quasi totalité de ses cavaliers s'en était aller.
Maudit De Karan ! Otto l'avait cru trop occupé à la cour pour sortir de ses terres. Et voilà qu'il était à ses portes !
Le visage crispé et le regard noir, il se tourna vers un garde et, grinçant des dents, il gronda:
“Qu'on leur donne le prisonnier !”
Comme le garde, incrédule ne bougeait pas. Il le saisit par le col.
"As-tu entendu, maraud? Allez chercher le podeswites et donnez-le à ces chiens. Mais pas avant que mon bourreau ne lui laisse un dernier souvenir de ma part!" Après quoi, il le repoussa en criant "Va!"
Le garde, terrifié, partit ventre à terre exécuter l'ordre.
Haroun soupira longuement, en secouant la tête :
“Messire Ansbert, croyez bien qu’un siège ne nous fait pas peur… Je doute que forcer la main à mon seigneur soit la bonne option. Si m'en croyez....
C'est alors qu'un page arriva derrière lui en courant. Le vieux soldat se tut pour entendre ce que le gamin lui murmura à l’oreille.
Haroun opina, puis regarda Ansbert. La nouvelle le destabilisait au point qu' il chercha ses mots.
“Il semblerait que mon maître ait décidé d’accepter votre requête. Le prisonnier va vous être livré.“
Les deux soldats se fixèrent un moment, entre incertitude et soulagement. Ils patientent de longues minutes, sans dire un mot.
Tout à coup un cri vint perturber le silence.. Un cri aigu de douleur, un cri de cochon qu'on égorge.
Haroun risqua un oeil derrière lui, inquiet de ce qui venait d’arriver.
Il esquissa un sourire à l'intention d'Ansbert, pour signifier que tout allait bien et que le prisonnier arriverait bientôt.
Il s'écoula encore de longues minutes avant que deux gardes, tenant un homme à la tête couverte d'un sac de jute, apparaissent à la poterne. Incapable de marcher, le prisonnier était soutenu par les bras et on le trimbalait comme un animal mort. Ses habits naguère luxueux, étaient en lambeaux, il avait les pieds nus et sanglants. Les deux gardes traînèrent le malheureux jusqu'au milieu du pont levis, et le jetèrent au sol comme un vulgaire colis.
Les trois hommes effectuèrent aussitôt un repli prudent vers la poterne
Ansbert s’approcha du prisonnier gémissant, et lorsqu’il fut assez prêt, ota le sac qui lui couvrait la tête. Un sentiment d’effroi lui parcouru l’échine lorsqu'il découvrit le visage de Charles de la Pétaudière.
Le symbole des Trois triangles d’Yggnir avait été marqué au fer rouge sur le front du jeune Podeszwiste. Encore chaud, un odeur de chair grillé s’en dégageait. Délirant face à la douleur, Charles marmonnait des phrases incohérentes.
Le vieux lion chercha quelques mots de réconfort, et tenta de relever le jeune homme avec sa main valide, ce qui provoqua une vague de rire et d’insultes en provenance des murailles. Ansbert hurla un ordre et deux pages restés non loin accoururent pour le soulager de son fardeau.
Jetant un dernier regard vers le rempart, il put distinguer Otto, un sourire narquois sur les lèvres, en train de le saluer.
“Au plaisir de vous revoir, De Karan !”
Le pont-levis était déjà en train de se relever, avalant les rires des gardes et le visage fermé du caporal Haroun.
L'horreur était là.
Ansbert avait arpenté maints champ de bataille et contemplé la monstruosité sous diverses formes. Pourtant, certains hommes parvenaient encore à le surprendre.
Les yeux du Seigneur de Port Karan se posèrent sur le caporal Haroun. Le vétéran semblait étranger à cette farce macabre. Des remparts vomissaient de rire les barbares. A ses yeux, ces hommes n'avaient foi en rien. Ils ne vivaient que pour voir le monde brûler. Les blasons, les temples et les rançons importaient peu pour eux. Si la bonté habitait jadis leurs cœurs, elle avait disparu il y a fort longtemps.
Ansbert connaissait le vieux Seigneur Enguerrand. Il savait que la vue de son fils unique lui saignerait l'âme. Mais ce que ces suppôts d'Yggnir avaient fait au fils de cette vieille maison de l'Ouest, n'était sans doute rien en comparaison du mal qu'ils répandraient bientôt en Okord.
Le karanien ne jeta pas un regard à Otto Septim. Il repartit d'abord à reculons, sa main valide sur le pommeau de Lame d'Étoile. Il songeait à l'homme de bien au service des monstres.
-Caporal Haroun, je vous souhaite bonne chance pour les guerres à venir.
Ansbert se retourna enfin, soulagé de quitter le chantre de l'abomination.
Seigneur de Ténare ; Marquis de Falcastre
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