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Brocas Helm - Cry of the Banshee
Vendor 14ème, été de l'An VI
Premier jour de la phase, Neuf heures du matin
Chemin de ronde de la forteresse du Nid de Griffon
« Oh, le bleu, qu'est-ce que tu fous à te pencher comme ça au créneau ?
-Comment, sergent ?
-Fais gaffe, le bleu, par temps de brume, la pierre glisse... et si tu tombes, on n'ira pas te chercher, hein sergent ?
-Pour sûr que non. Ça prendrait trop de temps de ramasser tous les bouts.
-Haha, bien dit sergent ! Parce que tu vois, le bleu, ici, on est tellement haut que si tu tombais en hurlant, t'aurais le temps de te casser la voix avant d'atterrir.
-Bon, gamin, t'as fini de rêvasser, tu reviens avec nous ?
-Pardon sergent, c'est que j'avais l'impression de voir quelque chose là-bas. Avec la brume j'ai du mal à discerner.
-Tu as vu quelque chose ?
-Euh... Je saurais pas dire, sergent. J'ai eu l'impression de voir quelque chose.
-Hah, v'là qu'il a des visions, sergent. Y a jamais personne qui pointe le bout de son nez par là-bas, c'est la route du Nord. Y aurait qu'une armée ennemie pour venir de là, et personne n'assiège Nid de Griffon. Ça leur coûterait bien trop cher et ça vaut pas le coup. T'as trop passé de temps à regarder dans le brouillard, gamin, tu vas pas tarder à voir des fantômes.
-C'était pas des fantômes, ça fait longtemps que je crois pas aux fantômes.
-Je vais jeter un coup d’œil.
-Comment ça, le bleu, tu crois pas aux fantômes ? C'est pas une question d'y croire ou de ne pas y croire. T'es pas au courant qu'il y en a un qui se balade sur le chemin de ronde ?
-De quoi ? C'est même pas vrai, c'est encore une de tes blagues.
-Ah pas du tout. Juré. Promis. Craché. Croisé compte pas. Ptuh.
-Attends, c'est vraiment sérieux ?
-Personne t'a jamais raconté l'histoire de la veuve des remparts ?
-Euh, non...
-Tah, les cons. Je comprends, ils voulaient pas te faire peur, mais quand même c'est pas propre, à partir du moment où t'es de garde sur le chemin de ronde, faut que tu sois au courant de ce sur quoi tu peux tomber.
-De ce sur quoi je peux tomber ?
-Oui, c'est vrai c'est marrant dit comme ça, j'y avais pas pensé. C'est marrant parce que figure-toi, justement, la veuve des remparts...
-Les petits gars.
-Oui sergent ?
-Oui sergent ?
-C'est pas des fantômes.
-Quoi ça sergent ?
-Le truc qu'a vu le gamin. C'est pas des fantômes.
-Ah !
-Ben c'est quoi alors ?
-C'est une armée.
-Hein ? Mais jamais personne n'aurait ce qu'il faut en armes de siège pour nous attaquer !
-La brume commence à se lever. Regarde toi même si tu veux. Essaie de les compter si t'y arrives, y a quelque chose qui me chiffonne dans ce que je vois. Toi, le bleu, va prévenir en bas.
-Il faut que je descende tous ces escaliers ?
-Oui, et tu reviendras pour qu'on te dise le décompte des troupes ennemies.
-Il faut que je remonte tous ces escaliers ?
-Oui.
-...
-Tu veux mon pied au cul pour descendre plus vite ?
-Nnnonon non sergent j'y vais j'y vais.
-AU PAS DE COURSE, GAMIN ! C'EST LA GUERRE, SI T'AS PAS COMPRIS !
...
-Tss. Ces bleu-bites, bons à rien foutre. Alors, qu'est-ce que tu vois ?
-Une armée, sergent.
-Ah.
- ...Ils sont nombreux.
-Jusque là on est d'accord. Ensuite ?
- ...Environ vingt mille chevaux.
-Dans ces eaux-là, oui. Mais encore ?
- ...Une grosse masse de piétaille.
-C'est tout ?
-Et ben... C'est très bizarre. Quelques centaines d'armes de siège, pas plus. En tous cas, sûrement pas de quoi faire tomber nos murs.
-Bien. Je suis pas le seul à voir que quelque chose cloche. Va dire ça aux pégus d'en bas.
- ...Attendez, sergent, c'est pas au bleu de faire ça normalement ?
-Si, mais là il est déjà parti.
-Ça veut dire qu'il faut que je descende tous ces escaliers ?
-Oui, et tu reviendras vite après, soldat, j'ai besoin de gens aux créneaux.
-Il faut que je remonte tous ces escaliers ?
-Soldat, tu descends ou je te descends.
-Je descends, je descends, sergent. »
Saedor 15ème, été de l'An VI
Sixième jour de la phase, Trois heures du matin
Palais de Guarida
« Nyyaaaahw... Bonsoir, marquise.... Tu demandes à me voir en pleine nuit... ? ...Yasmine ne te suffit plus ?
-Sieur Cordero.
-Tu... me vouvoies ?
-Pouvez-vous m'expliquer ceci ?
-Euh... Oui, sans doute, fais voir- Enfin, faites voir, comme tu veux... Qu'est-ce que c'...
...
-Alors ?
-Je... ne... Je ne comprends pas.
-Vous ne comprenez pas ? L'Empereur vient de prendre Nid de Griffon et c'est tout ce que vous, mon maître-espion, vous trouvez à dire ? Vous ne COMPRENEZ pas, Cordero ?
-C'est-à-dire que...
-Alors vous devriez concevoir que si même VOUS, la personne qui prétend être au courant de tout ce qui se trame dans le royaume, vous ne "comprenez pas" comment K-Taas Trof peut avoir rasé les murs de MA FORTERESSE, alors qu'il n'avait pas LE SIXIÈME des armes de siège nécessaires, MOI NON PLUS, JE NE COMPRENNE PAS.
-Ce doit être une erreu-
-Ce n'est pas une erreur.
-Je vais- je vais trouver une explication.
-Pas la peine.
- ... Comment ça ?
-J'ai eu l'explication.
-L'explication ? De quoi-de... qui ?
-L'explication, c'est que vos rapports, Cordero, qui donnaient une armée assaillante de vingt-mille cavaliers, trente-cinq mille piétons et quelques centaines d'armes de siège diverses, étaient exacts sur tous les points...
- ...
-Sauf...
-Sauf... ?
-Un.
-Un ?
-Un point.
- ...
-Ces trente-cinq mille piétons.
-...je crois que
-Ce n'était pas trente-cinq mille piétons.
-je crois que je vois où
-Ils étaient bien trente cinq mille, c'était tout ce qu'il y a de plus exact, bravo.
-marquise, je crois que je vois
-Mais ce n'était pas des piétons.
- ...
-C'était des incendiaires.
...
-Savez-vous, mon bon Miguel, que cette forteresse a été bâtie, et m'a été cédée, par l'honorable comtesse As'Gryf, la fille du comte Luscan, qui, tous les deux, le père puis la fille, ont combattu aux couleurs du Cygne depuis la naissance de la Confrérie ?
-Marquise, je vois parfaitement d'où est venu le problème. J'aurais dû faire vérifier l'information une seconde fois, placer des guett...
-Miguel. Avez-vous la moindre idée, en tant que... Quels qu'aient été vos... Vos exploits passés, que je ne veux pas connaître. Avez-vous la moindre idée de ce que peut représenter la notion de COMPAGNONS D'ARMES ?
- ..J'imagine que oui...
-Vous imaginez. Bien. Pouvez-vous, dans ce cas, faire l'effort de vous figurer l'image d'un cadeau fait par un COMPAGNON D'ARMES, bâti au long de plusieurs années, au coût faramineux, ...Figurez-vous l'image de ce cadeau, qui part -littéralement- EN FUMÉE, POUR RIEN, sur UNE ERREUR, parce que "vous n'avez pas fait vérifier l'information" ?
-Marquise, je te supplie de m'excuser, je
-N'essaie même pas de me toucher.
-pardon, c'était. Je pensais -oh, jolie dague.
-Il me faut une réparation éclatante de ceci, je vous en préviens, monsieur Cordero.
-Ouiouioui.
-Je veux que la solde et les primes que je vous verse, et que l'affection que je vous ai portée jusqu'ici, me profitent enfin.
-Ouiouiouiouioui.
-D'autres que vous seraient déjà charriés par le système d'égouts très performant que nous avons ici à Guarida.
-Douce-doucement avec la dague.
…
-Dans quelques heures, une aube nouvelle va se lever, Miguel. Je vais battre le rappel de mes vassaux. Et avant ce soir, je veux tout savoir sur Taas Trof. »
Dernière modification par Zyakan (2019-06-23 13:24:28)
Vendor 14ème, été de l'An VI
Premier jour de la phase, Neuf heures du matin
Taas Trof avait fait les choses en grand, il avait vu les choses en long et en large.
Les cavaliers progressaient au pas, 4000 montures alignés sur plusieurs centaines de mètres de long, sur seulement 5 lignes.
Derrière eux les piétons tiraient les incendiaires flambants neufs au bout des longues cordes, presque 40 000 incendiaires...
Une marée de ces armes de sièges, du bois à perte de vue, protégé par les silencieux cavaliers revêtus de leur armure dorée.
Taas Trof leva sa Hache 'K', signal du pouvoir de la maison K, signal pour les piétons qu'ils étaient en position pour installer le siège.
Un seul tir... tout devrait disparaitre en un seul brasier.
Un brasier immense qui atomiserait les fondations, faisant s'écrouler les hautes murailles du Nid de Griffon.
Intérêt stratégique ? Aucun.
Intérêt politique ? Aucun.
L'intérêt était simplement d'ordre artistique, ces murailles n'avaient qu'un seul défaut : elles gâchaient la vue de Taas Trof lorsqu'il observait le Sud depuis ses terres.
Saedor, 15e phase de l'été de l'an VI de l'ère 19
10 heures du matin
Un garde tambourinant à la porte de la chambrée en Oseberg
- Votre Altesse Trof ! Un message nous informe que Dame Carmen attaque notre province du Sudord !
- Hummph ?... J'arrive.
- Bien messire !
Taas Trof s'étira doucement dans les draps.
Kalie En'té passa sa main sur le torse de Taas.
- Le Fort du Sud ? Qu'est ce qu'on s'en fout de ce coin paumé.
- Mouais. C'est sûr que c'est pas la province la plus stratégique.
Kalie se redressa et regarda Taas.
- Toi tu comptes quand même y aller !
- Je vais quand même pas abandonner des terres même si elles rapportent pas grand chose non ?
- Mmmm... Mouais... C'est plutôt que t'as bien envie de la revoir la Dame Carmen hein ? Avoue.
Taas Trof répondit par un sourire amusé.
- Je ne peux vraiment rien te cacher à toi hein !
Le souverain attrapa Kalie par la nuque et l'embrassa vigoureusement... la bataille pouvait bien attendre son roy encore quelques minutes...
Lignée des Trofs, et autres successeurs
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Brocas Helm - Children of the Nova Dawn
(et un titre chipé, un !)
Saedor 15e, été de l'an VI
Onzième jour de la phase, Neuf heures du matin
Fort du Sud qui Dort
La rive sudordienne était battue par les vagues. Les murs timides de ce Fort au nom provocateur s'élevaient non loin de la plage. Ce matin-là, le vent tiède amenait, avec ses parfums d'iode et de pin coutumiers, des effluves de sueur et de crottin.
C'était l'odeur de l'armée de Solède.
L'amère fragrance de ses onze mille cavaliers et leurs onze mille montures, ses trois mille arbalétriers Seinois, ses six mille archers d'Orykhan et d'EstHerz, et ses quatre mille lanciers d'un peu partout. Mais ceux qui puaient le plus étaient ces quelques milliers de piétons désorganisés, ramassés dans les rigoles, les bauges et les tripots. Des gens à l'hygiène douteuse et à la dentition aléatoire.
À leur décharge, en quelques jours, ils avaient fait du chemin. Ils avaient même fait la traversée du canal, ce qui d'ailleurs participait pour beaucoup à l'odeur. Pour la plupart de ces pauvres bougres, c'était la première fois qu'ils mettaient le pied sur un bateau. C'était sans doute aussi la première fois qu'ils y rendaient un repas.
Pour ne rien arranger, la traversée, ils l'avaient faite dans les deux sens. Une fois, depuis la Veluscia, du Sudord vers le continent, pour aller reprendre Nid de Griffon, et le retour, sans même prendre le temps de débarquer, après que la duchesse ait changé ses plans.
Carmen avait choisi de forcer l'empereur au mouvement.
Le Fort du Sud qui Dort, Sudord In Air... Cette forteresse et sa province avaient des noms qui appelaient au meurtre. Le temps était venu de les renommer correctement.
Et si Taas Trof souhaitait l'en empêcher, qu'il vienne.
L'armée de Solède prit donc le temps qu'il lui fallait pour monter un siège en règle de la forteresse, couper les routes et l'approvisionnement en nourriture, et déployer une flottille de petites galères pour bloquer le port et les bateaux de pêche.
Pendant ce temps, Esteban Gomez, le très reconnaissable balistère en chef, supervisait l'abattage des forêts environnantes et la construction d'armes de siège en quantité suffisante pour raser cette forteresse. La légende raconte qu'il déclara à la duchesse « Donnez-moi six jours ! ».
Le problème, c'est que l'empereur fut plus rapide que cela à réagir. Ses troupes ne tardèrent pas plus de quelques minutes avant de se mettre en route. Leur arrivée, en masse, était prévue pour quatre jours plus tard.
L'aspect de Gomez au naturel faisait déjà peur. Personne n'aurait voulu voir Gomez en colère. Ses bûcherons et ses charpentiers de siège furent les plus zélés des hommes.
Et le jour dit, l'armée de Solède déploya ses trébuchets flambant neufs, et s'avança vers les murailles du Fort du Sud.
L'armée de l'empereur, quant à elle, débarqua sur une plage non loin et se pressa à la rencontre des assaillants. Les rapports faisaient état d'une force nettement supérieure en nombre, aussi la duchesse Carmen ordonna-t-elle de tenir un front défensif, visant simplement à protéger les trébuchets jusqu'à ce qu'ils aient rasé la forteresse.
L'armée impériale arriva enfin, et se déploya.
Ils assistèrent alors sans rien pouvoir faire au tir des trébuchets et des balistes [et des béliers]. Une pluie de rochers et de pierres [et de troncs d'arbres] s'abattait sur le Fort du Sud. Les manœuvres et les balistères [et les écossais] s'en donnaient à cœur joie.
Le calme revint. Celui avant les tempêtes.
Quelques restes de donjons tenaient encore debout. Gomez se mordit la main, et envoya ses hommes réparer en hâte quelques centaines de leurs trébuchets de fortune.
La duchesse partit avec sa cavalerie vers les flancs ennemis.
Dans les rangs solédans, on s'attendait à une avancée des archers impériaux. On ordonna de reculer la ligne de front.
Mais à la surprise générale, l'armée de l'empereur recula elle aussi.
L'empereur lui-même et ses arbalétriers repartaient vers la plage pour embarquer, selon les éclaireurs.
Les rumeurs bruissaient bon train au sein de la troupe. Mais du côté de l'état-major, il n'y avait rien de plus que quelques soupirs de soulagement. Tout se passait comme prévu.
L'empereur devait avoir enfin eu des nouvelles d'une autre attaque sur ses terres...
Une nouvelle attaque sur Nid de Griffon.
Enfants d'un nouveau commencement.
Des cristaux de glace pour cotte de maille.
L'ost.
Dernière modification par Zyakan (2019-06-24 00:42:05)
(Le même thème que Carmen précédemment)
Taas Trof avait étalé les différentes cartes sur la table ronde, il s'était semi allongé sur la grande chaise, les pieds croisés sur la table et jouant à lancer au dessus de lui une pomme verte en attendant les différents lieutenants.
- Nous sommes tous là votre Altesse.
- Bien, alors allons y. - Taas Trof se mit debout, la pomme sur la table.
- Nous sommes attaqués sur trois fronts, sur trois forteresses. Chaque Lieutenant responsable de sa forteresse présenta sa situation.
-Ici en Fort du Sud qui dort nous devrions pouvoir contenir l'armée principale de la duchesse malgré le départ d'une grande partie des arbalétriers parti renforcer Nid de Griffon. Si vous restez avec nous je suis presque sûr que nous gagnerons cette bataille.
- L'ost en Nid de Griffon réuni 4 armées contre nous avec des renforts probables dont nous ne connaissons pas encore la composition totale.
- Carmen a lancé un troisième assaut, sur Luthall, avec suffisamment de troupes pour prendre la forteresse car nous n'y avons aucune troupe.
Les Lieutenants attendaient une réponse, une décision de leur souverain.
Taas Trof passait de carte en carte en silence quelques longues secondes avant de prendre la pomme et de croquer dedans.
- Ch'est chimple, chuffit d'éclater Ca'men ichi au chugord... il avala sa bouchée Pis après on verra pour aller protéger Tuthall et Nid de Griffon.
Taas Trof releva la tête des cartes et chercha du regard Sparr Hoff
Sparr, tu vas diriger les troupes en Nid de Griffon.
- Bien. Quelles sont les consignes ?
- Carte Blanche. Tu leur rentres dedans ou tu défends, comme tu veux. Tant que tu tiens la forteresse jusqu'à ce qu'on arrive je m'en fous.
Sparr Hoff inclina la tête en signe d'approbation. Taas Trof faisait le tour des visages.
Des questions ? ... Alors à vos postes.
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Taas Trof voulait provoquer Carmen et l'emmener à la faute.
Il était sorti auprès des archers, volontairement escorté par le porteur du fanion impériale bien visible.
Il espérait ainsi que Carmen avancerait directement ses troupes vers lui.
Mais elle ne le faisait pas. Son armée progressait doucement, évitant de trop se mettre à portée de tir des archers et des arbalètes.
Quelques flèches volaient parfois sur quelques imbéciles un peu trop avancé de part et d'autres, mais rien qui n'influerait spécialement sur l'issue de la bataille.
Taas Trof restait concentré et vigilant concernant les strolatz et les archers qui semblaient vouloir contourner par le flanc nord.
- Harcelez les ! Tirez avant même qu'ils soient à portée ! Faites leur peur pour retarder leur progression !
Taas Trof haranguait ses troupes, les maintenant sur le qui-vive attendant une charge adverse pour lancer la cavalerie.
Cette période d'observation et de vigilence dura quelques heures, jusqu'au moment où ...
- Votre Altesse ! Ils chargent, la cavalerie charge !
Taas Trof plaça sa main en visière et chercha d'où était lancé la charge...
Il ne voyait aucun mouvement au nord ni en face...
- Où ça ils chargent ? Je vois rien avec ce putain de soleil dans la gueule !
- Là mon Roy ! Ils nous ont pris à revers !
L'archer pointait du doigt... derrière la ligne de défense ! La cavalerie de Carmen avait contourné les positions par le sud !
- Le drapeau ! C'est Carmen ! Carmen est avec eux ! Elle mène sa cavalerie !
L'archer avait vu juste, Taas Trof reconnu le drapeau et se jeta dans une course effrénée vers sa cavalerie.
- Chargezzzz !!! Putain mais qu'est ce que vous attendez !!! Chargezzzzz !!!
La cavalerie dorée ne resta pas en reste, elle pivota comme un seul corps et se lança en direction de la cavalerie du Cygne.
Taas Trof courrait pour rattraper les cavaliers les plus lents... mais aucun ne songea à arrêter leur souverain.
- Whoooo !! Putain du nord mais attendez moi !!!
Un cavalier se retourna sur sa selle en entendant son Roy et tira sur les rênes. Il descendit aussitôt et aida Taas Trof à grimper sur la monture.
- Merci ! ... Putain mais y vont pas m'attendre ces cons !!
Taas Trof lança sa monture au galop en direction du combat qui venait de débuter.
- Laissez la moi !! Je la veux vivante !! Laissez la moi !!
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Brocas Helm – Time of the dark
Autour de Carmen, devant la ligne de front solédane, les chefs s'échangeaient des sourires et des blagues.
Le plan fonctionnait parfaitement.
Les rapports qu'avait fournis Cordero donnaient des chiffres très imposants pour l'armée de l'empereur. Beaucoup trop imposants. Taas Trof avait presque le double des archers de Carmen, et presque le triple de ses arbalètes. L'armée de Solède ne pourrait jamais obtenir une victoire de front.
Carmen avait rongé son frein.
Elle avait décidé d'un plan. Le seul à ses yeux qui puisse permettre une victoire, même minime.
Trois batailles, sur trois forteresses.
La première, au Sudord, pour attirer le gros de l'armée de l'empereur, et la coincer là.
Taas Trof était loin d'être un imbécile, et il avait laissé trois mille cavaliers sur Nid de Griffon, s'attendant bien à ce que la duchesse de Guarida veuille reprendre son fort. Ces trois escadrons auraient pu voltiger pendant des jours, jusqu'à ce que des renforts arrivent.
La deuxième bataille sur Nid de Griffon serait donc, malheureusement, elle aussi une attaque de diversion. Ce serait le rôle de l'ost. Le comte Ismaël Saraeli, prompt à chercher l'honneur, et la baronne Sheeana, sortie de sa retraite, auraient à charge de tenir le terrain à tout prix, quels que soient les renforts adverses. Le comte des Armoises, loyal rempart de Méridion, s'était joint à eux, la fleur aux dents. Ses armes de siège raseraient les nouvelles fortifications du Nid.
La troisième attaque, la seule vraie, se ferait sur une forteresse faiblement défendue, plus au Nord. LutHall.
Une fois que les armées de l'empereur seraient engagées à Fort du Sud et en Luscanie, un petit contingent, mené par Luis de Guarida, prendrait le fort par surprise, avant qu'elles n'aient le temps de rompre le contact et d'intervenir.
Et tout ce plan se déroulait parfaitement.
Mieux que ça, même : Alors que tout du long de la préparation, les généraux étaient anxieux sur la capacité des solédans à tenir assez longtemps sur Fort du Sud pour permettre aux autres batailles de se dérouler comme il fallait, il s'avéra que l'armée impériale faisait des va-et-vient, et n'avançait pas. Stratégiquement, c'était une situation parfaite. Il suffisait de se maintenir à distance, et d'attendre, patiemment, avant de se retirer en bon ordre.
Mais ce n'était pas du goût de Carmen.
La duchesse de Guarida serrait les dents sous son haubert de mailles. Attendre.
Elle faisait volter sa monture de part et d'autre de la ligne de front, guettant la moindre faille dans le roc du Balafré.
Laissons les avancer, il n'y aura qu'à attendre qu'ils fassent une erreur. Attendre.
Taas Trof, en face, fanfaronnait sous son gonfanon. Il s'était placé pour galvaniser ses archers, empêchant toute avancée solédane, même après le départ du gros de ses arbalétriers.
Ses cavaliers restaient bien trop près de lui pour qu'ils ne soient pas un danger.
En vérité, il n'y avait que ses arbalétriers qui ne soient plus en supériorité numérique fatale.
Et Carmen les observait attentivement.
Surtout ceux de l'aile gauche.
Ils étaient tentants. Peu nombreux. Hors de portée d'être défendus par les archers impériaux.
Carmen jura.
« Joder. »
Elle enfila son heaume, et dégaina son épée.
« Duchesse ?
-...Cavalerie, avec moi ! On y va !
-Duchesse, non ! »
Et la cavalerie s'élança.
Au galop.
Coupant à travers les blés hauts qui frôlaient le ventre de son cheval, Carmen percevait derrière elle la force de vingt-deux mille naseaux fumants. De quoi se sentir invincible.
La duchesse contourna la petite colline sur la droite des impériaux. Ils avaient le soleil dans le dos.
Galopa encore. Et déboucha dans le dos des arbalétriers, par surprise.
La situation rêvée pour une attaque éclair, pour désorganiser les rangs ennemis, les forcer à se réangler puis disparaître comme on est apparu.
Mais au moment où la prudence -la raison- aurait commandé de faire volte-face, Carmen continua tout droit. L'empereur. Il était toujours avec ses archers. Une cible facile pour une charge éclair. C'était peut-être la seule occasion qui se présenterait. La manquer aurait été un crime.
La vision trouble à travers les trous du heaume.
La sueur qui coule dans les yeux.
Les coups qu'on donne à tout ce qui vient en face sans discernement.
Sans comprendre comment, Carmen s'était enfoncée dans une nasse. Ce qui devait être une razzia sur des rangs d'archers s'était transformé, le temps de cligner des yeux, en mêlée de cavalerie informe. Une bouillie de meurtre.
Le cheval qui hennit, se cabre.
Les pieds qui s'éjectent eux-mêmes des étriers. Sauter, alors que le destrier s'affaisse sur le flanc.
À pied, on donne l'impression d'être une cible facile pour les cavaliers.
C'est vrai.
Dans la mêlée, il faudrait avoir des yeux dans le dos et quatre bras pour se parer de tous les coups qui peuvent venir.
Mais être sur un cheval à l'arrêt, ça n'est pas beaucoup mieux qu'être à pied. Et le cavalier doré qui avait mis sa monture au pas pour s'acharner sur un soledan démonté, à quelques toises de là, l'apprit à ses dépens, en recevant une épée bâtarde dans la cuisse, et en se retrouvant à plat ventre au sol quelques secondes plus tard, alors que la duchesse grimpait sur sa nouvelle monture et l'éperonnait.
Les coups qu'on donne, et les coups qu'on pare, du mieux qu'on peut.
Carmen était très bonne à ça.
Elle avait une très bonne épée, et une excellente cotte de maille.
Mais face à vingt mille hommes, cela ne suffisait pas.
Autour d'elle, les adversaires devenaient plus nombreux que les alliés. Les hommes de sa garde tombaient un à un.
Nul ne saurait dire combien d'adversaires Carmen abattit ce jour-là.
Vingt, trente, cinquante.
Cent.
Beaucoup.
On lui ordonnait de se rendre.
Elle était de nouveau à pied, entourée de cavaliers.
Le souffle difficile.
Les membres courbaturés. La cotte de maille déchirée. Des contusions partout.
La gorge brûlée à gueuler des ordres.
De la sueur dans les yeux, du sang dans la bouche, des ampoules aux mains.
Carmen ne s'était jamais sentie aussi bien.
Elle était dans son élément. Elle aurait pu faire ça toute la journée. Toute la vie.
Il fallait que ça continue.
Se rendre ?
Pourquoi ?
Elle répondit d'un coup d'épée dans le tibia d'un cheval. Enchaîna avec la jambe d'un autre cavalier. Puis le ventre d'une troisième monture.
Les cavaliers étaient à l'arrêt. Ils se coinçaient eux-mêmes. Les chevaux paniquaient, ruaient.
Plusieurs cavaliers mirent pied à terre comme ils le purent pour affronter la furie qui les taillait en pièces. Ils eurent toutes les peines du monde à approcher. Les cadavres de chevaux encore agités de spasmes offraient une protection inespérée à Carmen, empêchant ses ennemis de l'encercler comme ils l'auraient voulu.
Un cri la surprit, elle connaissait la voix.
« Je la veux vivante ! »
Elle reconnut Taas Trof qui déboulait et sautait de sa monture.
« Taas Trof ! » Gueula-t-elle avec ce qu'il lui restait de voix, à travers son heaume. « Vous et moi, un duel ! »
Carmen eut le temps de finir sa phrase.
Quand elle baissa la tête sur la droite pour voir ce qui lui refroidissait soudain le ventre, elle vit deux mains qui tenaient la poignée d'une épée. Elle ne vit pas la lame. Puisqu'elle était à l'intérieur.
Un sans-gêne avait profité de cet instant d'inattention pour lui percer le flanc, à un endroit où sa cotte de maille avait subi trop de coups.
C'était fort peu chevaleresque.
L'importun avait encore les mains sur son épée, et l'épée enfoncée. Il ouvrait des grands yeux, figé sur place. Il était surpris d'avoir réussi. Et il devait être en train de faire le lien avec le « vivante » de son empereur.
Carmen envoya un revers d'épée balayer ce loqueteux. Mais ce n'est pas ça qui se produisit. Au lieu de ça, elle vit le sol partir vers le bas, les têtes autour d'elles se renverser, les nuages lui passer au-dessus, et elle entendit un choc sourd. Sa tête contre l'herbe.
Elle sentit sa main se desserrer autour du pommeau.
Carmen lâchait son épée.
Autour, à l'extérieur de son casque, des formes s'agitaient. Parlaient. Se baissaient sur elle. Des mains s'activaient sur sa jugulaire. Les parois d'acier déformées par les coups glissèrent sur ses tempes.
Elle revit le ciel.
Il était blanc.
Là haut, un cygne noir volait.
Les lèvres de Carmen remuèrent.
Un son s'en échappa, à peine audible, presque un soupir.
« ..Pour la gloire et l'épée.. »
Sur la joue pâle de la duchesse Carmen, coulait une dernière larme.
[Cry of the Banshee]
Banshee howling in the city means a knight has died
For what reason, for what glory?
Who knows for what pride?
Country king or criminal?
War or vengeance, what the Hell
Death is all the same
If he died in shame or honor
Who on Earth can tell?
Dernière modification par Zyakan (2019-06-21 15:36:05)
Luis donna un petit coup du bout de sa botte dans ce qu'il restait du fort de LutHall. Le caillou roula chaotiquement sur quelques mètres.
LutHall.
Cette blague.
Un paisible fortin posé au bord des collines saxonnes. Jolie vue sur les conifères.
Des murs qu'on aurait pu passer à l'échelle avant même qu'ils ne soient rasés.
Et pas un chat en face.
Tu parles d'une bataille.
Les effectifs ennemis : trente mulets et un espion. Étrangement, ils avaient fui.
Au moins Luis commandait, c'était déjà ça. Il avait enfin eu le plaisir d'avoir une armée -même ridicule- sous ses ordres. Pas un morceau d'armée. Pas une troupe au milieu de la bataille, aux ordres d'un -d'une- générale -sa mère. Une armée. ...Un détachement, mettons.
L'intérêt stratégique, Luis le comprenait parfaitement : un objectif risible en attendant de pouvoir faire mieux. Mais sa seule fierté ce jour-là serait d'avoir déployé ses troupes en ordre, et d'avoir pris le fort dans les temps prévus.
L'affaire avait été vite pliée.
Le cheveu noir à l'air, le tabard flottant sur la maille luisante, le jeune homme promenait son regard sur le champ tranquille qui aurait dû être un champ de bataille. Il avait le pied sur les ruines du fort. La poussière des fortifications n'avait pas encore tout à fait fini de tomber. Les capitaines -ses capitaines- lui faisaient l'état des pertes -nulles-, pendant que les soudards autour d'eux fouillaient les décombres dans l'espoir de trouver quelque chose à se mettre sous la dent. Le butin aussi était maigre.
« Messire Luis ! »
Un cavalier arrivait au triple galop, traînant un panache de poussière. L'ennemi était en vue, sans doute. Ou bien c'était l'annonce que la retraite était sonnée à Fort du Sud ou à Nid de Griffon, et que tout se passait selon le plan.
Le messager était lui-même choqué par la nouvelle qu'il portait. Et comme il ne savait pas comment l'annoncer, il commença par raconter ce qu'il s'était passé à la bataille de Fort du Sud, pas à pas, jusqu'à ce que son jeune seigneur ait compris qu'il se passait quelque chose de grave. Et finalement, il le dit.
Carmen était morte.
Le visage de Luis se figea.
L'ironie distraite qu'il arborait quelques secondes auparavant avait disparu.
Autour de l'orphelin, personne ne pipait mot.
Le messager baissait la tête en signe de respect.
Les capitaines étaient choqués.
Un ou deux n'étaient même pas sûrs d'avoir bien compris.
Alentour, les soldats s'étaient arrêtés de fouiller.
Le vent saxon décida de souffler. Un vent du Nord, froid. Il emporta ce qu'il restait de la poussière de gravats.
C'est un deuxième cavalier au galop qui rompit le silence.
« Messire Luis ! »
Le courrier sauta à terre sans prendre la mesure de l'atmosphère qu'il venait de percer. Les regards de l'état-major s'étaient tous tournés vers lui.
« On vient d'prendre trois espions du vicomte Jaymerd, m'sire ! Les éclaireurs ont r'péré des mouvements de cavalerie pas loin d'ici ! »
Les regards se tournèrent vers Luis... Qui prit un petit temps pour assimiler la nouvelle situation. On attendait de lui qu'il donne les ordres. Ceci était nouveau.
Les yeux perçants, il répondit, sans hésiter plus :
« Redéployez l'armée. Si Jaymerd ou d'autres opportunistes de son espèce viennent, nous avons de quoi tenir. Il faut garder cet endroit tant que nous ne savons pas ce qu'il en est des autres batailles. »
Les capitaines acquiescèrent. Ils allaient partir pour rassembler leurs hommes, quand un troisième messager intervint. À pied, lui. Un vieux sergent d'Amariz, d'ordinaire bourru et fort en gueule.
« Euh... M'sire Luis ? … »
On aurait dit qu'il avait avalé une couleuvre. Il était pâle et tout penaud.
« Qu'est-ce qu'il se passe ?
-Les hommes, msire.
-Et bien ?
-...Jcrois qu'ils veulent pas se battre.
-Pardon ?
-Ils disent que c'est pas comme ça que ça se passe normalement, y disent que maintenant que le fort est pris, il faut rentrer.
-Mais.. c'est absurde.
-Ouais, mais voyez msire... J'crois qu'ils sont secoués par la... la mort... de vot'mère, sauf vot'respect, msire. »
Le jeune messire ne répondit rien, et se mit à gratter les poils de barbe qu'il avait aux joues.
« Qu'est-ce qu'on fait, messire ? »
Luis tiqua. Son capitaine reçut un regard qui le dissuada d'insister. Il soupesait la situation.
Le moral de la troupe n'était pas bon.
Ils étaient en plein milieu d'un territoire inamical, et on commençait déjà à leur envoyer des espions.
Leurs effectifs étaient loin d'être impressionnants.
Ils ne pouvaient pas se payer le luxe de désertions.
Sa mère venait de payer une dernière fois le tribut dû aux décisions inconsidérées.
Il fallait recoller les morceaux.
Luis ordonna.
« On se replie. Je vais demander un armistice à l'empereur. »
Et il ajouta, amer.
« Il me doit bien ça. »
« A-t-on des nouvelles de Jaymerd ? »
Luis venait de rentrer dans le donjon de Guarida.
Des bâtiments du palais, c'était un des seuls qui ait conservé son allure guerrière. Une solide et lourde bâtisse de pierre donnant droit sur l'à-pic qui surplombait la ville. Son utilisation guerrière subsistait elle aussi. C'est là que les chefs de l'armée tenaient conseil, dans la salle d'armes, à la lumière des lampes à huile.
Miguel Cordero, un air angélique aux lèvres, ouvrit les mains en signe d'impuissance.
« Le vicomte n'a toujours pas répondu à votre offre, messire.
-Vous appelez ça une offre ? »
Le général Sanchez laissait paraître son irritation. Comme beaucoup des vétérans de l'état-major, les manières du Ressynien l'agaçaient.
« "Rendez-moi LutHall ou je viens le chercher." C'est un ultimatum, pas une offre.
-Disons que c'est l'offre d'une porte de sortie ? »
Le maître-espion arborait un air des plus innocents en disant cela.
« Vous jouez sur les mots, Cordero. »
Sanchez se mangeait la moustache. Il était nerveux.
À cent toises à peine de là, la duchesse recevait sur son autel de pierre les adieux des gens qui l'avaient aimée. Sanchez n'était pas encore bien remis. La plupart de ceux qui avaient connu Carmen de près ne l'étaient pas non plus.
Mais Luis ne fit pas grand cas de l'humeur du vieux général. Il passa la main dans les petits rouleaux de parchemin qui s'étalaient sur la grande table. Il semblait las, comme si cette affaire de forteresse était déjà réglée pour lui, ou bien sans importance.
« J'ai survolé vos rapports, Cordero. J'ai cru y voir quelques villages sans défense.
-Oui messire. Trois.
-Et bien, Sanchez, envoyez nos cavaliers, pour commencer.
-Messire... Mmm.
-Qu'y a-t-il, Sanchez ? »
Sanchez était gêné. Il n'avait jamais su cerner le fils de la duchesse. Le petit était imprévisible. Un matin il jouait du luth en faisant de la poésie, deux heures plus tard on le voyait en sueur dans la lice, une épée à la main, et si on détournait le regard une minute, il avait déjà disparu Podeszwa savait où. On l'avait déjà vu rester plusieurs heures assis sur un rocher face à des marais.
« Messire... Jaymerd n'est qu'un vicomte, et il a une piètre armée. Votre mère l'aurait ménagé.
-Sans doute. »
Luis fixa ses yeux dans ceux du général. Son regard était innocent comme une question, mais son ton n'avait appelé aucune réponse. Luis n'était pas sa mère. L'argument était nul.
Sanchez se mangeait la moustache, et le jeune duc attendait la suite. Pour un peu il aurait eu l'air de s'amuser.
« Il y a autre chose, Sanchez ?
-Et bien... À dire vrai, je vous trouve bien prompt à interpréter le silence du vicomte. »
Luis sourit.
« Quant à moi, j'ai trouvé le vicomte bien prompt à se saisir de LutHall. »
Il allait poursuivre, mais se ravisa. Un éclair fugace passa dans ses yeux. Le jeune duc croisa soudain les bras sur sa poitrine et se mit à dévisager un à un tous les hommes présents dans la pièce.
L'état-major de sa mère. Des vétérans, des hommes de terrain, qu'elle avait élevés aux postes de commandement trente ans plus tôt pour remplacer les traîtres qui lui avaient opposé un coup d'état.*
Aujourd'hui, des vieux soldats dévoués, qui avaient passé leurs vies à combattre pour le Cygne, puis pour le Cygne d'Azur. Accoutumés aux humeurs Carmeniennes. L'orage et le panache. La défaite et la gloire. Ils avaient dû finir par aimer cela.
Les temps changeaient. Il leur faudrait un moment pour s'y faire. D'ici là, sans doute serait-il bon de les ménager un peu, et d'expliquer convenablement son point de vue.
« Messieurs, je sais que cela doit être dur pour vous, mais la confrérie du Cygne est morte et enterrée depuis quinze ans. Ma mère continuait à arborer ses couleurs par affection. En ce qui me concerne, je laisse le cygne aux Azuriens et aux anciens du Baswen. Pour ceux d'entre vous qui ne l'ont pas encore vu, mon blason n'a que le guépard des Guarida et le rouge de mes intentions. »
Luis désigna la table des opérations d'un petit mouvement de menton.
« Jaymerd est vicomte, certes. Mais sa maison est reconnue comme aussi puissante que la mienne. S'il n'a pas d'armée, ou s'il n'est pas capable de défendre ses paysans convenablement, c'est son problème. Il a décidé malgré tout de venir contrecarrer mes intérêts, il assumera. »
Le silence qui lui répondait était assez éloquent. Les vieux entêtés cherchaient des choses à objecter, mais n'en trouvaient pas. Luis sourit encore une fois. Il venait de décider d'être conciliant.
« Sanchez... Si vous avez des états d'âme à faire de la rapine, je vous autorise à ne piller que les richesses des fiefs. Laissez leurs vivres aux pauvres serfs de ce petit seigneur. »
* Voir le RP « Le Cygne mis à l'épreuve »
Dernière modification par Zyakan (2019-06-24 18:55:29)
Les langues blanches du feu lapaient jusqu'à plus soif la sève des jeunes cèdres. Les veines de bois vert claquaient sans s'arrêter.
Un hurlement très court, et très sec.
Le seul de la journée.
Les moucherons dansaient autour du feu de camp. Quelques moustiques aussi, attirés par le sang. La moiteur de ce jour si long n'avait pas eu de prise sur eux. Luis les chassait sans y penser. Ses yeux se promenaient de sa gamelle au feu.
Tout autour s'élevait le fumet des rôts que l'on donne aux soudards pour les soirs de victoire. Mais les sons de ce soir-ci n'avaient pas les éclats qu'on attend d'une fête. L'atmosphère de grillade, relevée de résine, frissonnait d'une brise tiède. Ce vent, sans force, timide, avait de la peine à rafraîchir l'air nocturne. Le soir ne savait plus où se coucher. La nuit portait en elle une vieille peine, qui mitigeait tout l'air.
Luis porta sans y croire la cuillère à sa bouche.
Mitigée, cette fin de guerre l'était.
C'était une défaite, assurément. Nid de Griffon était aux mains de l'Empereur, et Fort du Sud, rasé, n'avait pas pour autant été pris.
Mais la mort de Carmen avait frappé plus fort les esprits de ses hommes que n'aurait pu le faire un constat stratégique.
Une flamme du Sud avait été soufflée.
Quant à LutHall...
LutHall. Cette plaisanterie.
Douce, et tragique plaisanterie.
Ce bout de terre verte peuplé de pommes de pin n'avait intéressé Carmen de Guarida que parce qu'il était prenable. Il n'intéressait Luis que parce qu'on le lui avait repris sous le nez... Et qu'il avait admis qu'il n'aurait pas les moyens de menacer Taas Trof avant quelques années. Mais étrangement, des gens semblaient vouer à ces terres -que tout bon Sudordien voyait comme la lisière du Grand Nord- un amour sincère.
C'était le cas de Bürlocks, deuxième de son nom. Sans prévenir, ce fils de saxon avait dû décider de reprendre la terre de ses ancêtres.
Cela fit que l'armée de Solède, après avoir ravagé sans penser à mal trois villages du vicomte Jaymerd, était arrivée au Fort de LutHall... Et avait découvert que le vicomte du Hall était aux prises avec un autre adversaire. Les troupes de Jaymerd devaient déjà être mises à rude épreuve. Quand elles virent les bannières de trente mille hommes de plus arriver sur leur flanc, elles se débandèrent.
Dans la confusion, personne n'aurait su dire si Jaymerd était mort ou avait fui hors des terres d'Okord. Seule chose certaine : il avait disparu. Ses fiefs étaient à l'abandon.
Luis achevait d'extraire ce qu'il pouvait de viande d'une côte de porc. Il jeta l'os à l'un de ces chiens errants qui rôdent dans les camps. Le roquet décharné s'en alla tout content vers un coin d'obscurité, son repas dans la gueule.
Évidemment, Luis avait laissé de bon cœur le fruit de toute cette plaisanterie à Bürlocks le Fougueux.
Tout ça pour ça.
Son repas le lassait. Il le laissa par terre. Comme il s'étirait en se levant, sentant bien dans ses muscles la journée de cheval, il surprit dans l'air du soir un écho familier, à l'odeur d'épilogue.
Un son mélancolique, cher au chœur des soldats, soutenu au tambour, et chanté tous ensemble.
Parmi ces fières gorges, ce soir, peu qui ne tremblent.
Luis, en s'approchant, joignit son cœur à leurs voix.
Sing for the glory
Dream of yesterday
Just sing a song of love and joy
In your heart
Brocas Helm - Drink the Blood of the Priest
Dernière modification par Zyakan (2019-06-27 00:24:07)