Vous n'êtes pas identifié(e).
Hector marchait d’un pas appuyé dans l’épais manteau neigeux qui ne faisait que de croitre tant la neige tombait à grands flocons. Ses yeux s’étaient habitués à l’obscurité lui permettant désormais de percevoir les formes fantomatiques des arbres autour de lui. Maudite soit cette lune qui était trop timide pour l’aider davantage. Mais il fallait avancer, coûte que coûte.
La progression était difficile, ses chausses de cuir n’étant visiblement pas adaptées à la situation. Il sentait le froid lui grignoter les orteils. Malgré cette température glaçante, Hector sentit des gouttes de sueur perler sur son front, quelque chose n’allait pas. Un profond sentiment d’oppression s'accompagna d’une accélération de sa respiration, son coeur se mit à tambouriner dans sa poitrine sans qu’il ne sache vraiment pourquoi. Mais il fallait avancer, coûte que coûte.
Alors qu’il marquait le pas avec entrain, il fut alerté par un bruit de branches cassées derrière lui, au loin. Non. Ce n’est rien, se dit-il. Quoi de plus banal qu’une branche cassée dans une forêt… Il reprit sa route sans attendre. L’impression d’être suivi, épié et surveillé le saisit soudainement. Quelqu’un ou quelque chose le poursuivait, il en était certain ! C’était là ,tapi dans l’ombre, tapi dans la neige immaculée ! Mais il fallait avancer, coûte que coûte.
Les bruits de branchages qu’on écrase recommencèrent à se faire entendre. Ils se faisaient de plus en plus proche, là, quelque part. Hector accéléra à nouveau, il sentait bien qu’il n’était pas du tout en mesure de faire une mauvaise rencontre, pas ici, pas maintenant.
Haletant, l’homme devenu proie s’accrochait au moindre tronc d’arbre pour l’aider dans sa fuite désespérée. Sa respiration courte et précipitée ajoutée au brouhaha de sa course ne dissimulaient même plus les bruits alentours. Hector n’arrivait plus à jauger de leurs provenances, ils étaient partout autour de lui. Il s’arrêta et se retourna brusquement pour jeter un oeil. Il porta sa main à sa ceinture, mais hélas, elle ne portait aucun fourreau. Il observa alors attentivement autour de lui en reprenant son souffle.
Il aperçu deux ombres de formes humaines à une dizaine de toises derrière lui. Des cris étouffés de loups brisèrent soudainement le silence de la forêt.
Avalant sa salive frénétiquement, apeuré, il reprit sa course à grandes enjambées dans la direction opposée.
Dans son souffle saccadé, Hector chuchota deux mots… ULF… HEDNAR...
Les ombres d’autres assaillants apparurent sur sa droite et sur sa gauche.
Durant sa ruée, Hector focalisa son regard sur le chemin qu’il empruntait. Il se remémora alors une des histoires qu’aimait raconter son père Roddrick à lui et à ses frères. L’histoire des guerriers-loups des montagnes du nord, des monts orageux et des steppes glacées. La légende expliquait que les forêts des neiges éternelles étaient défendues par des shamans, des Ulfhednars. Ces guerriers-loups attaquaient en meute, les yeux révulsés, criant dans un état de transe, pour défendre leur territoire et chasser les étrangers.
Il sortit de ses pensées et jeta un coup d’oeil sur sa gauche. Il l'aperçu alors distinctement, là, à côté de lui. Un guerrier d’une toise de haut, barbe fournie, peau de loup sur la tête et le dos, hachette à la main, la peau intégralement recouverte de tatouages. Ce dernier courait à ses côtés, dans la même direction, sans même lui lancer un regard. Un autre guerrier les rejoignit, puis un autre, puis un autre. Ils furent bientôt une dizaine à courir les uns à côté des autres sur le même chemin. Hector ne comprit pas ce qui se tramait mais une chose était sûre, il fallait continuer d’avancer, coûte que coûte.
Un nouveau guerrier arriva à grandes enjambées sur sa droite. Sans arrêter sa course, Hector l’observa se rapprocher. Une fois à sa hauteur, ce dernier tourna la tête et plongea profondément ses yeux dans les siens. L’homme cria dans un dialecte incompréhensible vers Hector et lui tendit une hachette de la main gauche. Dans le même temps, de son autre main, il lui montra quelque chose en pointant du doigt.
Hector tourna la tête dans la direction indiquée. Il fut soudainement aveuglé par une lumière intense.
Sire ! Sire !
Hector, en eau, s'éveilla en sursaut dans son lit. Les draps mouillés témoignaient de sa nuit agitée.
Sire ! Excusez-nous, vous avez crié… nous avons dû…
Reprenant ses esprits, le marquis remarqua que la porte de sa chambre avait été enfoncée. Les deux gardes tout penauds qu’ils étaient, tentaient désespérément de la remettre en place.
Laissez moi, maintenant ! leur aboya Hector en faisant un grand geste de la main.
Il se leva d’un bond laissant tomber sa chemise de nuit sur le sol puis il fouilla dans une grande malle et en sortit un petit coffre décoré de gravures enfantines.
Il s'asseya en tailleur par terre au milieu de la pièce, nu, puis il ouvrit le coffret avant d’en sortir une petite figurine de bois… un Ulfhednar.
Dernière modification par HernfeltMayer (2019-02-27 17:51:32)
Le petit homme s’éloigna des bâtiments pour s’approcher des fourrés. Il se toucha le pantalon au niveau de l’antre-jambe et en sortit son sexe puis il commença à uriner en dessinant des petits cercles dans la neige.
Pendant ce temps, ses deux comparses continuaient à déblayer l’amas de poudreuse qui bloquait la double porte de la grange. Cette maudite météo les avait déjà bien retardé sur les tâches dont leurs vies dépendent. Vivre au beau milieu d’un col en haute altitude laisse peu de chance de survit aux fainéants.
Très concentré sur l’effort énorme que le dessin à l’urine sur manteau neigeux nécessitait, le type n’aperçu même pas dans les buissons qui lui faisait face qu’une dizaine de paires d’yeux l’observaient, sans un bruit, sans un mouvement.
Après avoir fini son oeuvre, il la contempla non sans un sourire de satisfaction puis il rangea ses “outils”.
“C’est qu’il fait froid, vindiou !” se dit-il.
A peine avait-il tourné le dos aux buissons pour revenir sur ses pas qu’il fut pétrifié par des cris de bêtes qui, en très grand nombre, surgirent derrière lui. Il ferma les yeux par réflexe en serrant ses poings.
Après quelques secondes d'apnée, il ouvrit les yeux…
… devant lui, ses compagnons gisaient au sol, baignant dans une neige devenue pourpre par leur propre sang. Trois créatures géantes portant des fourrures de loup s'acharnaient à leur asséner des coups de haches découpant leurs chairs dans un affreux bruit d’os écrasés.
Dans un sursaut d’instinct de conservation, il tenta de s'éclipser en repartant vers la forêt. Ce fut peine perdu puisqu'il tomba nez à nez avec une des créatures, plus petite que les autres, portant elle aussi une peau de loup sur le dos. Le visage noirci, recouvert de boue ou de peinture, ne laissait paraître aucune émotion.
Pitié ! cria t-il en s’effondrant à genou devant elle.
La hache fit un bruit sec en s’enfonçant dans son épaule brisant ses côtes et détachant l’omoplate du reste de son buste. Le petit homme mourut sur le coup.
Brandissant sa hache ensanglantée vers le hameau endormi, Hector ordonna l'assaut
Angrebet Ulfhednar !
Les guerriers se divisèrent en petits groupes de deux. Fracassant les portes de fortune des taudis composant le petit village, ils sortirent les habitants les uns après les autres, les jetant dans la neige avant de les tuer froidement.
Le silence revint peu à peu. Une jeune femme habillée de haillons sortit soudainement de la cachette sommaire qui lui avait permit de survivre à la mise à sac. Hector stoppa sa course en la saisissant par le cou.
Il serra si fort que son petit corps frêle arrêta de gigoter.
Sire ! Sire !
Le Marquis laissa tomber le corps de sa concubine sur le lit.
Il observa le corps puis ses propres mains...il venait de l’étrangler.
Sire ! Que se passe t-il ?! cria les gardes derrière la porte de sa chambre.
Encore…
Dernière modification par HernfeltMayer (2019-03-11 21:19:57)
Hector ne sentait plus ses jambes, elles étaient gelées, engourdies dans l'eau glacée.
Caché dans les rochers et les hautes herbes du bord de la rive, il attendait impatiemment.
Quoi ? Il ne saurait le dire. Il attendait, c'est tout.
Au dessus d'eux, un imposant édifice militaire posé à même la roche millénaire.
Composé d'une construction établie sur chacun des côtés du fleuve, le complexe donnait à son propriétaire un contrôle total sur les navigations. Il était alors possible pour ce dernier de faire pleuvoir sur les navires une pluie de projectiles venant des deux côtés, ne laissant aucune chance de survit. Un édifice prodigieux.
Mais qu'attendaient-ils ?
Une attaque, comme sur le village en altitude ? Non, impossible. De si puissantes pierres devaient contenir un régiment entier et que pouvait une dizaine de guerriers contre un régiment entier...
La nuit tomba doucement sur le groupe. Les Ulfhednars ont cette capacité surprenante, voire super-naturelle, de rester immobile des heures entières sans un sourcillement de paupière ni même un soupire. Hector commençait à respirer comme eux, à être l'un des leurs.
Une fine pluie vint balayer leurs visages, nettoyant partiellement les peintures tribales des guerriers.
Le plus vieux du groupe rompit le silence pour s'approcher d'Hector. Il leva alors un doigt vers la plus haute tour du fort et annonça : Magalas Lagus.
Hector ouvrit grand les yeux en scrutant la tour, comme le lui avait demandé l'ancien.
Daobim Raez'hu !
Mon destin...se demanda t-il.
Il aperçu alors une grande ouverture portant des barreaux, et accroché à ces barreaux, son père Roddrick fumant sa pipe derrière un petit nuage de fumée !
Père ! chuchota t-il, toujours à croupie dans les roseaux.
Le vieux acquiesça d'un hochement de la tête, Hector était arrivé au bout de son rêve...
Comment est-ce possible... se demanda t-il
Je dois aller le... Une lourde main se posa sur son bras. Le Ulfhednar d'une toise et demi de haut qui attendait à sa droite lui fit un signe de tête. Le vieux continua : Vega Iktangar !
Ce qui est fait ne peut être défait. chuchota Hector à nouveau reprenant son observation dans le calme
De son poste d'observation, il ne pu distinctement voir ce qui se passait, mais il distingua cependant que son père affaissait le long des barreaux jusqu'à s'allonger au sol puis disparaître. Puis plus rien durant quelques minutes. Une fumée noire commença alors à s'échapper de la tour.
Hector ne comprenait pas ce qui se passait, où était son père ? Quel était cette fumée ?
Les Ulfhednars, dans leur impressionnante impassibilité, le maintinrent caché dans les hautes plantes du bord de la rivière.
Trois hommes s'avancèrent sur une corniche sous la tour. Hector cru reconnaître l'allure de l'un d'eux, un vieux mercenaire, un vieil ami de son père, qui portait le même nom que son frère, Euserb...
Hector se retira de l'étreinte de son voisin et se leva en criant EUSERB ! alors que ce dernier basculait dans le vide avec un des deux autres, visiblement aidé en cela par le troisième.
Le grand Ulfhednar bondit alors comme un loup dans son dos.
Il sentit en une fraction de seconde ses grosses mains lourdes s'appuyer sur ses épaules le précipitant face contre sol... ou plutôt face dans la rivière.
Excusez moi... Marquis... Hector s'éveilla en sursaut, entièrement trempé.
Un jeune garde visiblement interloqué lui faisait face en portant le vase destiné aux ablutions.
Excusez moi Marquis... vous émettiez des cris... étranges... j'ai pris peur...
Hector se leva et s'approcha de la fenêtre pour y prendre l'air. Approche toi petit, je ne t'en veux point.
...je... je m'excuse Marquis... puis-je vous quitter Sire... je dois...
Approche toi, n'est pas peur, je n'ai jamais mangé personne !
Le jeune garde s'approcha d'Hector qui le saisit alors par le pourpoint avant de l'envoyer violemment dans le vide.
Il farfouilla alors dans un bureau et en ressortit la lettre posthume de son père.
Alors c'était ça... partir au Gundor... mourir par la main d'Euserb... Nous abandonner...
Il pris alors une bougie et y mis le feu.
Ce qui est fait ne peut être défait ! se dit-il