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#1 2018-07-31 14:09:11

Di Pinardi

La taverne à la Hure

Mon fils, cesse donc de laver ses verres et apporte un broc à ton vieux père. Le dernier client est parti, viens t’asseoir à mes cotés. Tu finiras de ranger plus tard. Je sais que depuis tout petit tu te poses beaucoup de questions, et que tu n’as eu que de très maigres réponses. Sers-nous à boire, il est temps que je te raconte l’histoire du plus beau des pays. Loin de la province de Westeros,  aux limites du grand fleuve se trouve une île chargée de brume et de traditions, où vit un peuple fier.

Cette île si petite comparée à l’étendue du monde, est pourtant immense de ses richesses et de sa générosité. Le voyageur qui débarque au Sud de l’île Cénomane, dans les basses terres, ne verra pas de grandes différences qu’avec l’Est du royaume. Une terre humide, grasse et riche qui permet si la crue est douce de battre des montagnes de blés. Remontant la vallée plate au gré des sillons fluviaux, le regard de l’intrépide pédestre croisera très vite la cime des hautes terres, amas de collines et de petites montagnes austères. Le climat y change de tout au tout, passant de la douceur à la rigueur d’une couverture rêche. Oscillant entre les roches, et les pentes, le voyageur peinera à trouver âme qui vive, tant celles-ci sont tapis dans les versants. En sortant des cols des hautes terres, Le pèlerin sera frappé devant l’ étendue forestière qui s’affronte à lui, rempart de verdure contre l’homme. Devant lui s’ouvre la Speyside et ses mystères. Terre sylvestre et de clairières par excellence, cette partie de l’île est le territoire de la brume et des mystères. En ce lieu L’homme des villes se sent mal à l’aise et sent son âme scruté par les dieux eux-mêmes.

Si les dieux ont façonné cette île si différemment c’était pour y faire vivre des hommes au tempérament extrêmes. Mais dans sa fraternité, Yggnir a unit ses hommes au sein d’un même peuple, d’un même sang, la tribu Cénomane.
Les hommes des clans du sud, sont des hommes pragmatiques et ouverts sur le monde. Fiers comme tous les autres guerriers de la tribu,  ils sont ceux qui se sont le plus adaptés aux invasions et aux changements culturels. Il est rare aujourd’hui de voir des hommes du clan Gordon ou Fraser porter intégralement le Tartan clanique. Propriétaires fonciers, faisant bon gré mal gré de l’occupation continentale, il a noué alliance, apprit la langue, pris les habits d’Okord et même parfois adopté son Dieu. Pourtant dans son cœur, au son des cornes et des tambours, rugit encore l’homme libre et ses lois ancestrales.

Rien de doux ne sort des montagnes. Il en va de même pour les clans montagnards. Guerriers farouches et intrépides, n’ayant que leur liberté à perdre,  les hommes du clan Donald sont querelleurs mais peuvent se targuer en près d’un millénaire d’existence de ne jamais avoir courbé l’échine devant quiconque d’autres que le seigneur de guerre. Fiers porteurs des couleurs de leurs clans, vivant de l’élevage et des rapines, ces hommes rustres sont comme la roche de leur montagne, éternels et indéracinables.
Les clans du Nord sont aussi mystérieux que leurs forêts. Pays des marais et des sources, mais aussi pays des druides et des fées, ces hommes ont toujours vécu en marge de leur monde, sortant de l’obscurité pour combattre l’envahisseur et célébrer Yggnir.

Malgré toutes ces différences, une seule langue unit ces clans, un seul sang fait palpiter leurs tempes, et un seul cri les unit, celui de la Liberté.  Dans la gloire passée et les humiliations récentes, dans la soumission ou l’insurrection, chacun à sa manière, habitant des basses terres ou du Speyside, tous répondent à l’unisson au nouveau zénith qui se lève.
Mon fils, tu n’as jamais trouvé ta place dans cette ville. Tu n’as jamais pleinement cru dans les enseignements religieux de ta mère vis-à-vis du dieu de lumière. Tu ne comprenais pas pourquoi l’emblème de notre taverne est une hure de Sanglier et pas ces nombreuses ramures de cerf. Car en toi hurle le sang d’Yggnir et l’appel incessant de ta terre.

Ton vieux père, Boldric Jambe torve, n’a pas été rendu infirme sous le poids d’une charrette renversée. J’étais plus jeune que toi lorsque Aedric le chuchoteur, chef de guerre du clan Scott, reforma la tribu cénoman et lança les clans à l’assaut de l’oppresseur. Descendant de nos montagnes, nous le clan Donald, répondions à l’appel millénaire de notre dieu et de nos ancêtres. Unis, nous affrontâmes l’ennemi carapaçonné, et nos cornes défiaient leur pauvre dieu de venir nous remettre les chaines.

J’étais dans le dernier carré de notre seigneur quand la chevalerie d’Okord balaya nos rangs et tua la fine fleur de notre noblesse. Ma jambe droite fut écrasée par un destrier et je fus fait prisonnier. C’est couvert de chaine que les survivants furent baladés à travers le royaume pour aller pourrir dans des geôles. Le temps passant et les épidémies aidant, nous fumes assigner à l’ingrate tache de serf et nous commençâmes une nouvelle vie. A coups de petites économies, j’ai racheté ma liberté et rencontré ta mère. Elle ne sut jamais rien de notre passé et d’où nous venons, elle ne pourrait pas même comprendre. Mais toi mon fils, tes ancêtres te parlent à travers ton sang, car le sang ne ment pas.

Il y a plusieurs lunes de cela, les anciens se sont réunis dans le bois sacré, les chefs de guerre ont été convoqués et un seigneur a été choisi pour reformer la tribu Cénoman. Ces nombreux voyageurs suspects que tu apercevais dans les ombres de la grande salle, ce sont les messagers qui battent le rappel de tout un peuple. J’ai attendu ce jour tout le restant de ma vie. Je suis maintenant un infirme qui ne peut plus brandir la Claymore, mais je me tiendrais debout, pique à la main, parmi les miens pour repousser les charges furieuses.

Mais toi mon fils, ta jeunesse appelle la vengeance, jette à bas ces symboles d’idolâtrie  et laisse la flamme d’Yggnir te submerger. Nous partirons bientôt pour le dernier voyage, celui de la mort ou de la grandeur retrouvée. Ta place est dans le carré du chef, et si par tes exploits tu couvres de gloire tes ancêtres, c’est dans le carré du Seigneur que dans le sang tu feras resplendir notre lignée.

Mon fils, ta mère et tes sœurs ne comprendraient pas, car le sang ne leur parle pas. Elles ne peuvent entendre l’appel des sources et des bois, le rugissement des haches contre le bouclier et ce besoin de liberté. Maintenant que tu connais la vérité, que tu connais ton passé et ton destin, tu ne peux plus vivre comme avant. Nous partirons avant la prochaine lune.

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