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#1 2017-10-27 12:44:28

Triste Sire

Chronique du Triste Sire

L’Hiver soufflait un vent glacial descendant directement des montagnes de Nouvelle-Samarie. Le Baron regarda de son balcon la neige fouetter les passants qui cherchaient refuge le long des murs. Retourné à l’intérieur, il se posa à son pupitre et d’une plume d’oie commença à écrire ce qu’il aurait dû faire depuis longtemps.

L’histoire de la maison Tarbelle remonte certainement plus loin que mémoire d’homme mais restera toujours un grain de sable face à la majesté des arbres millénaires qui nous ont vu naitre. Les forêts du sud Osterlich ont su veiller sur notre modeste famille à l’abri de leur frondaison, vivant du commerce des peaux et du bois, réputé comme le plus solide. Respectueux des ancêtres et de la tradition le culte des anciens Dieux a toujours eu une place centrale entre les bosquets sacrés et les sources de vie. Avons-nous brillé à travers les âges et semé la mort dans notre sillage ? Nullement. Mais je considère qu’exister après le passage de tous les fléaux est une marque de gloire que mérite notre blason.

Les conquêtes de Baldir Ie ont épargné nos terres qui furent en marge du royaume d’Osterlich, et les premières propagations de Podeszwa furent tolérantes envers les autochtones et la noblesse locale. Nous vécûmes en paix durant des siècles jusqu’à ce que le déclin du royaume fit s’abattre le temps des troubles. Les défaites militaires lancèrent un grand mouvement de fanatisme, le clergé accusant les garants de la tradition d’infidélité envers le roi. Il est vrai que l’abandon du Sudord plaçait nos terres à cheval sur deux royaumes.

Mais qui se souciait de ses régions sylvestres abandonnées ? était-ce notre faute, nous qui vivions ici depuis des siècles ? La Guerre civile, les cavaliers d’Yselda et la famine, poussa à l’exode ou à la conversion bon nombre de la noblesse locale. Ma maison ne brilla pas différemment des autres, et c’est en dispute fraternelle que je pris la lourde décision d’abandonner mon frère dernier gardien du tombeau de nos ancêtres pour partir avec les miens en sécurité.

Je n’ai à ce jour aucune nouvelle de ceux resté envers et contre tout fidèle à notre foi. Puisse t-il surmonter le temps des troubles ou reposer paisiblement avec nos aïeux.


Saedor, 30e phase de l'hiver de l'an IX de l'ère 17

C’est par une pluie humide et glaciale que nous quittâmes définitivement l’orée de nos forêts pour venir échouer sur le rivage des Rivebrutes. Le voyage fut éprouvant et nous contâmes nos morts face aux embuches. C’est autour d’un bivouac sommaire que nous enterrâmes nos morts selon notre tradition sous des jeunes pousses de chêne qui laisseront je l’espère un nouveau bosquet en Rivebrutes, demeure éternelle d’une partie des notres.

Nous ne connaissons que très peu de ce royaume, où notre conception géographique s’arrêtait au Grand Canal. Achetée à un bourgmestre, la carte me révélait un vaste royaume peuplé d’inconnus avec leur rancune, leurs violences et leurs ambitions. Comment et où emmener une maigre troupe d’exilés pour trouver la paix et la prospérité ? les Dieux nous prirent peut être en pitié, car nos rencontres furent toute pacifique et j’eu la providence de rencontrer un homme bon et honnête, le baron Des Armoises. Malgré les différences culturelles, nos valeurs faisaient de nous des égaux.

M’entretenant longuement avec lui, j’appris les réalités de cette nouvelle terre et c’est garant de mes gens que le Baron m’introduisit au près du Duc Bauduin de Samarie. Il nous était offert un avenir, une intégration, du mérite à écrire une nouvelle page de notre histoire.
En brûlant les dernières offrandes devant les pousses de chêne, nous prenions notre décision, partir et ne jamais oublier.  «  gloria non moritur mairum »,  « gloire de nos ancêtres ne meurt pas ». Notre serment fut d’un jour revenir et de réinstaller les notres près de nos ancêtres pour que puissent vivre les anciens Dieux. De notre Deuil naquit la maison du Triste Sire.


Vendor, 6e phase du printemps de l'an X de l'ère 17


En montant dans les caraques, nous nous engagions corps et âmes dans un péril nautique de plusieurs mois, pour remonter vers l’inconnu, les zones frontalières du grand Nord. Après de longues discussions, le Duc de Samarie avait trouvé terre à notre utilité, les froides marches de la Nouvelle Samarie. Aux pieds de la chaine de montagne, mes gens, vestige d’un autre peuple découvraient leurs nouvelles terres, une vallée à la terre brune s’ouvrant sur la province de Mongolie. Il nous avait été affirmé que les barbares adeptes d’Yggnir s’étaient calmés depuis des décennies, mais que des raids à travers les montagnes n’étaient pas à exclure.

Nous construisîmes notre foyer, puis un second avant d’ensemer la vallée de nos bourgs et maintenant d’une magnifique cité. Les bosquets ont fleuri et c’est une petite osterlich que nous avons pu recréer, malgré l’absence rassurante de nos forêts. Les premiers contacts avec les autochtones n’ont pas été des plus faciles, et il serait mentir que d’affirmer que mes gens ne forment plus qu’un seul peuple maintenant. Sudordiens et samariens forment deux communautés qui coopèrent et se tolèrent au gré des sujets. Notre intégration à la politique de l’ancien royaume se fait pas à pas, et déjà pour la mise en valeur des terres octroyées, notre maison fut récompensée du titre de Baron.

Nous ne connaissons pourtant que peu de chose, de nos voisins, des rancunes, des combats à venir. Pourtant une certitude demeure, plus jamais nous n’abandonnerons à nouveau nos ancêtres et nos dieux. Moins d’un an après notre arrivée en Okord, nos devoirs nous appelâmes  à l’Ost de notre suzerain pour une dette d’honneur. Fort heureusement le sang ne fut pas versé, mais cette expérience m’a convaincu que mes gens devront défendre par eux-mêmes leur liberté et le droit de prospérer.

C’est dans la froide vallée de Nouvelle-Samarie que se forgera l’avenir de la maison du Triste Sire.
Je suis Anselme Tarbelle, Baron de la vallée de Beauce, premier baron de la Maison du Triste Sire,  héritier survivant de la dynastie Tarbelle, et par mon action la gloire de mes ancêtres ne mourra pas.

#2 2017-10-29 15:30:45

Anselme de Triste Sire

Re : Chronique du Triste Sire

La colonne remontait le chemin sous la neige. La troupe peinait à apercevoir le donjon de Chatillon en Dunois, malgré sa proximité, la cause au temps hivernal caractéristique de Nouvelle Samarie. Ereintés les hommes franchir la herse et s’engouffrèrent dans la petite cité descendirent le matériel aux abords du château. Emmitouflé dans un manteau en fourrure de Cerf, le baron descendit à leur rencontre malgré le froid.

-«  mets les hommes au plus vite au bivouac Harransson, et rejoins moi près de l’âtre, je suppose que la campagne a dû être rude. »

Son regard compta inconsciemment les hommes revenus. Bien moins qu’à leur départ regretta t-il. La Nouvelle Samarie n’avait rien d’un paradis, mais la province n’était pas l’enfer qu’il avait quitté. La Vallée offrait pitance à tous les siens, et même de s’enrichir par le commerce frontalier. Des peaux, des minerais et des hommes contre des objets manufacturés ou du grain, l’échange éternel entre la civilisation et le monde barbare. Mais les hivers étaient rudes ici. La Neige tombait tôt dans la saison et drue, le froid pénétrait les pierres et les os et les barbares…

Le baron secoua la tête quand son lieutenant Harransson le rejoignit devant le feu avec d’autres hommes liges. Le vin commença à être servi et tous s’assirent au plus près de l’âtre.

- «  Mon seigneur, la campagne a été un succès. Nous leurs sommes tombés dessus au crépuscule et les avons empêchés de s’organiser. Vos hommes ont fait preuve d’une grande expérience. »
- « Combien d’hommes avons-nous perdu ? »

Le lieutenant pinça les lèvres.

-«  Peu mon seigneur, 8 hommes sur cet accrochage, bien moins que le grand affrontement en Providence. »
-«  c’est toujours trop, notre troupe fond à vue d’œil combat après combat, et le peuple souffre de devoir les remplacer. A ce rythme il ne restera plus un originaire de Sud osterliche en Baronnie de Beauce. Rien que la semaine dernière nous avons perdu 311 des nôtres dans une bataille rangée en Mongolie, les pillards deviennent incontrôlables et de plus en plus téméraires. La guerre civile ainsi que celle en Carovar doit les inciter à passer la frontière. »

Un homme, le plus âgé de l’assistance s’agita mal à l’aise.

-«  parle mon bon Léopold, tu es l’homme le plus expérimenté de mes liges, tu es celui qui m’a tout appris de la guerre. »

-«  Mon Seigneur, depuis notre arrivée en Nouvelle-Samarie nous combattons de plus en plus souvent et durement. Nous
savions qu’étant province frontalière nous aurions un rôle de marche à remplir, mais nous avons tous été témoins de ce qu’il en est. »

-«  où veux tu en venir ? »

-«  ces hommes… ces pillards… ce ne sont pas pour leur majorité des barbares. Je veux dire ils ne viennent pas du Gundor ou des terres de Trakbalaard. Nous n’avons jamais vu un de ces gueux manier correctement une arbalète ou encore mener des charges de chevaliers. Non Messire, les hommes que nous avons affronté la semaine dernière sont des okordiens, sans nul doute des routiers ou des déserteurs. Ils ne sont pas bon à grand-chose mais il excelle dans le maniement de l’arbalète, cette arme sans noblesse. »

Des hommes commencèrent à se lever, natif samariens, okordien corps et âmes.

-«  assez ! » dit le baron. « toutes les traditions militaires se complètent. Nous fûmes heureux d’avoir nos frères d’arme maniant l’arbalète sur le champs de bataille. Osterlichois ou okordien nous ne faisions plus qu’un sous la bannière des gardiens de Cerbère. Mais ta remarque n’est pas insensée, nous n’avons combattu aucun Huscarl et bien trop de chevaliers renegats. »

Le baron se leva et scruta les braises ardentes de la cheminée.

-«  Nous avons perdu plus de 500 hommes, dont plus de 300 dans le guet-apens des Blanches Collines. Ce sont des pertes irremplaçables pour une baronnie aux si maigres ressources que les nôtres. Léopold demain vous entamerez la formation des nouveaux effectifs pour combler les pertes. Messieurs, nous sommes ici pour défendre les nôtres, notre honneur, les terres de notre Seigneur le Duc et le royaume d’Okord. Nous ne faillirons à aucun de ces devoirs et paieront tous les sacrifices nécessaires pour que la maison du Triste Sire reste immaculée de tout déshonneur. »

Le temps s’était assagit, permettant à un embryon de vie de reprendre cours dans les rues de la cité. Autour du donjon se répercutaient le long des murs les bruits d’une armée en entrainement. Le baron prit le temps d’une pause pour observer les hommes qui composaient son nouveau foyer. Une troupe d’archers s’entrainait contre des cibles sous le regard furibond de Léopold.

-«  ce ne sont que des bons à rien mon seigneur, pardonnez-moi de le dire, mais il raterait le gros cul de ma grognasse de femme même à deux pas. Les okordiens ne connaissent rien à l’art de l’archerie, nous devrions concentrer nos efforts sur nos gens, eux ne sont pas des empotés. »

-«  sélectionne les meilleurs, et bascule les autres dans un corps d’arbalétriers et de lanciers. Nous ne sommes plus dans nos forêts mon vieil ami, nous devons assimiler les méthodes de guerre de nos hôtes, si nous voulons triompher. »

Leopold râla d’exaspération :

-«  mais ce sont des brutes, ils ne valent pas mieux que les barbares !  donnez leur une arbalète et ils chargent avec l’infanterie au lieu de rester en retrait. Non ces bougres font un unique tir et après charge dans la mêlée. Nous n’avons rien à apprendre d’eux messire. »

Le lieutenant Harransson se porta à leur rencontre :

-«  Mon seigneur, un messager nous est arrivé  de Beauvoir sur Samarie. Le Baron Moustacky vous offre la tête du sire Gerberge, le pillard responsable du guet-apens. Ces hommes auraient mis en déroute sa troupe en Nouvelle Samarie, vengeant ainsi nos morts. Des éclaireurs nous ont rapporté la formation d’un camp de pillard, l’un des plus gros qui nous a été permis de voir depuis notre arrivée, c’est une véritable petite armée de campagne. »

- «  où ça ? »

-«  en Goetie Méridionale, mon seigneur. Nous parlons de 2 500 hommes, dont 700 archers, et pas moins de 100 chevaliers. Ces hommes vont faire des ravages. "

Le vieux Léopold s’immisça dans la conversation :

-«  Si je puis me permettre messire, ceci ne répond pas de notre juridiction, et ce ne sont pas nos gens qui vont souffrir. Nous n’avons pas à aider les inconnus quand notre peuple est menacé par des raids barbares et l’apparition constante de camps. »

« - Nous ne pouvons laisser vivre l’affront de notre défaite aux blanches collines. Faites seller les chevaux et réunir la troupe, nous partons dès que possible pourfendre cette engeance. »

-«  et pour les camps qui sévissent en Nouvelle-Samarie, mon seigneur ? »

-«  Harransson menera la garnison à leur contact pendant que vous prendrez la fonction de chatelain. Je mènerai la troupe à la bataille. »

Les deux lieutenants surpris objectèrent :

« - C’est déraisonnable, messire,  vous vous aventurez loin de vos terres, chez un seigneur inconnu, et si la bataille tournait à votre désavantage ? Permettez moi de vous rappeler que nous n’avons toujours pas arrangé les droits de succession. Votre perte plongerait notre maison dans le plus grand des Chaos. »

-«  il suffit, les Tarbelles n’ont jamais été les gardiens de Cerbères en restant derrière leurs murs.  La gloire de nos ancêtres ne doit pas mourir et il en sera toujours ainsi. »

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