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À travers les plaines du Sud-Est, le vol lourd des corbeaux suivait l'armée en déroute. Carmen et ses troupes avaient été forcées de faire demi-tour avant d'arriver à Quito, où les aurait cueillies Eugenie Morgan. Sa chevalerie seule aurait suffi à submerger entièrement l'armée de Guarida.
« Nous ne pouvons pas faire demi-tour une seconde fois. D'après les derniers rapports, la duchesse Morgan -qui est de nouveau princesse à votre place, maintenant, elle a récupéré un vassal- est repartie vers Valentia. Elle a plus de temps et de troupes qu'il n'en faut pour nous intercepter. »
Le conseil de guerre se faisait en armure, à peine descendu de cheval le soir. Une armée talonnée par l'ennemi ne s'arrête que pour dormir. Et Podeszwa savait que les hommes qui se payaient un aller-retour sur un tiers de la largeur du royaume en avaient besoin.
« Nous sommes acculés, ma dame. Il nous faudrait un miracle, ou une erreur de Morgan. Autant vous dire que des deux, le plus probable est le miracle...
-Il nous reste bien une dernière carte à jouer ?
-Vous pouvez encore abandonner le duel.
-Pardon ? »
Le général qui avait dit ça baissa les yeux. Mais il n'était pas le seul à le penser. Le chef des strolatz reprit à sa suite :
« Si vous lui concédez la victoire maintenant, Morgan devra interrompre sa poursuite et vous restituer Valentia. Vous pouvez même demander à vos vassaux de monter un ost pour la cueillir sur la forteresse, ou sur son retour au Nord, avec un peu de chance. Le Sudord peut devenir une nasse pour son armée, dés le moment où on lui opposera des effectifs suffisants, et....
-Si je ne me suis pas défilée devant sa provocation en duel, ce n'est pas pour esquiver la défaite par des magouilles de saxon.
-Nous allons vers un désastre !
-Et ça vous fait peur ? Vous étiez plus fringant cette nuit, général Lopez... »
Des sourires apparurent sur les visages des autres généraux. Vieux soldats poivre et sel, sinon grisonnants, ils voyaient l'ascension de ce Lopez d'un mauvais œil. Général ducal à trente ans à peine... De leur avis, il ne pouvait être qu'un opportuniste de la pire espèce. Surtout depuis qu'il s'était vanté, dans le dos de Carmen, d'être son amant. L'intéressée l'avait appris, alors qu'elle avait obtenu promesse de discrétion. Elle le remettait à sa place. Et d'une pique, deux coups, elle en profitait pour rassurer son état-major : ses affaires intimes n'empiéteraient pas d'un pouce sur sa manière de diriger.
C'était un soir étrange que celui-là. Des soldats s'étaient rassemblés petit-à-petit autour du conseil d'état major, et sur leurs visages, l'idée de la défaite ne faisait aucun doute.
« Écoutez, fit-elle à ces hommes qui se préparaient déjà mentalement à la boucherie dans laquelle ils joueraient le rôle de la viande. Je n'ai pas honte d'être vaincue par des forces trois fois supérieures aux miennes. La défaite aurait sans doute pu être retardée, mais notre armée ne pouvait que courir autour de l'arène en attendant que Morgan s'essouffle. Maintenant il est trop tard pour s'apitoyer. Après cette bataille, si Podeszwa le veut, nous aurons une nouvelle reine. Nous n'allons pas nous battre pour gagner, c'est certain. Mais nous nous battrons pour l'honneur. Pour le panache. Pour la gloire et l'épée ! »
Dernière modification par Zyakan (2017-04-27 16:51:35)
Du haut de son blanc destrier, Eugénie Morgan ota son heaume. Elle fixait les ruines de la capitale Guarida, le regard vide, pensive. Beaucoup de corps sans vie gisaient sur le sol rougit tandis qu'on percevait encore le râle des blessés qui agonisaient. Les guerres et les batailles portent toujours leur lot d'horreurs. Le calme qui régnait maintenant tranchait de la terrible tempête qui se déchaina quelques heures auparavant.
L'armée de la Duchesse Carmen rencontra celle de la Princesse Morgan avant d'atteindre l'abri des murs de Guarida.
Les vaillants guerriers du Cygne n'avaient pas faibli. Pas même lorsque le ciel devint noir de flèches et qu'ils s'écroulèrent par dizaine de milliers sous les projectiles Nordiens.
La charge de la cavalerie Araldienne fut interceptée par les courageux Chevaliers du Sudord mais surtout par les Strolatz qui infligèrent de lourdes pertes à la chevalerie Araldienne qui tint bon malgré tout.
Puis ce fut la terrible mêlée. Les piétons s'affrontèrent et tombèrent par milliers de part et d'autre. Les épées s'entrechoquaient dans un vacarme assourdissant, des cris de rage et des hurlements de douleur s'entendaient partout sur le champ de bataille. L'armée du Cygne débordée fut bientôt acculée sur les murs de sa propre forteresse au moment même où les engins de siège commençaient à la pilonner.
Dans le silence qui suit la tempête, Eugénie descendit de sa monture et s'avança au-devant de sa garde personnelle qui escortait le général de l'armée et la Duchesse Carmen faite prisonnière.
" Merci général, c'est une belle victoire, je vous félicite ! Préparez le départ, nous pouvons retourner chez nous dans le Nord, commanda Eugénie Morgan qui se tourna ensuite vers Carmen. Duchesse, vous avez été une valeureuse adversaire. Vous n'avez rien cédé malgré l'avantage numérique dont je disposais. Pour tout vous dire je vous admire. Eugénie Morgan fit signe aux soldats et demanda d'une voix forte : détachez-là, Carmen ne sera pas retenue prisonnière plus longtemps. Duchesse, mes troupes vont lever le camp, votre forteresse de Valentia vous sera rendue. Notre duel est terminé. "
Eugénie Morgan s'inclina devant son adversaire, lui rendant hommage. Au même moment un soldat aux couleurs d'Arald se présenta devant la Princesse :
" Votre altesse, nous venons de recevoir un pigeon de la part des Grands d'Okord ! Ils ont entendu parler de la bataille, de votre grande victoire ! s'écriait l'homme essouflé. Il dit que... euh! ils... en fait la couronne est votre, à la place du Prince Gron !
- La couronne ? Je vais donc devoir régenter le Royaume en l'absence de Galactic... "
Eugénie Morgan fixa le regard de Carmen, plongée à nouveau dans ses pensées. Elle se devait maintenant de siéger à la Tribune du Royaume, voici donc quelle serait sa prochaine destination...
Dernière modification par Eugenie Morgan (2017-04-27 15:38:19)