Vous n'êtes pas identifié(e).

#1 2016-10-30 20:12:54

Andior

Le Cygne mis à l'épreuve

Seuls les membres du Cygne sont autorisés à poster ici, merci.


Les Forts s’étaient rassemblés au Sanctuaire pour élire la personne qui serait le premier Tokva d’Okord, et qui succèderait donc à la tâche qu’Aäkran Peau-de-Serpent remplissait jusqu’alors. Le vote s’acheva sur une égalité parfaite : les seigneurs Rhaegar, Zadams, et Andior étaient à égalité, à la grande surprise de ce dernier. En effet, s’il avait beaucoup combattu dans sa jeunesse, cela faisait plus d’un an déjà qu’il s’était mis en retrait de la vie politique okordienne, se consacrant à l’éducation de son fils Viserys, et laissant les rênes de la confrérie du Cygne à son camarade Zyakan.
Et pourtant, le résultat était là. Il était aux côtés de Zadams, qui avait vaillamment combattu seul contre la Tour avant de devenir leader du Dragon, et de Rhaegar, qui avait capturé cinq seigneurs de la confrérie de la maison Ayla, passant de Vicomte à Duc, et sauvé sa peau à chaque fois. Aäkran décida qu’ils devraient s’en remettre aux voix des Initiés pour les départager.

Ils passèrent devant la magnifique cascade surplombant la clairière, puis devant le Lac des Braves. Au fur et à mesure, de nombreux huskarls et fidèles d’Yggnir s’ajoutaient au nombre réduit de Forts avançant en direction du Sanctuaire des Initiés. Enfin, ils arrivèrent à la vallée, encadrée par les immenses statues reptiliennes.
Aucun des trois seigneurs ne tenta de convaincre les Initiés de voter pour lui. Chacun savait que seule la Force dégagée par chaque participant compterait, et ils ne s’abaisseraient en aucun cas à implorer ceux qui n’avaient pas encore prouvé leur force pour obtenir leur vote.
Aäkran exposa la situation aux Initiés, et les fit voter afin de déterminer qui serait le Tokva. Deux candidats se détachaient assez nettement par rapport au troisième, et finalement, une seule voix les départagea. La voix d’Aäkran retentit avec force lorsqu’il annonça le résultat.

« Le Tokva d’Okord est le Fort Andior. »

Durant une fraction de seconde, un air de franche incrédulité passa sur le visage d’Andior, puis il se reprit. Pourquoi avait-il été choisi, en dépit de l’année qu’il avait passé à reconstruire son armée, et à rester en retrait ? Soudain, la réponse lui apparut comme une évidence. C’était sans aucun doute dû à la raison qui l’avait poussé à se mettre en retrait. Malgré une infériorité numérique évidente, et très peu de chances de s’en sortir, il avait refusé de laisser tomber son vassal, sacrifiant son armée jusqu’au dernier homme pour le défendre. La force qu’il montra lors de la défaite de ce jour-là l’avait mené à sa victoire d’aujourd’hui. Il regarda autour de lui, les seigneurs Zadams et Rhaegar, qui ne parurent pas s’opposer au résultat du vote. Il était bel et bien le premier Tokva d’Okord.
Comme l’avait souhaité Aäkran, un huskarl s’avança pour être sacrifié en l’honneur du nouveau Tokva. Toutefois, avant que le rituel ne soit effectué, Andior prit la parole d’une voix assurée.

« Fidèles d’Yggnir, je vous remercie pour votre confiance, et je me montrerai à la hauteur de vos attentes. Le Sanctifié Aäkran avait la tâche de nous mettre sur le chemin de la Force, et il l’a réalisée avec brio. Maintenant que c’est fait, il est temps pour nous de montrer à Okord qui est Yggnir.
Tous les seigneurs devenus Forts l’ont fait, mais vous êtes nombreux, face à moi, à ne pas encore avoir prouvé votre Force. Toutefois, nous n’allons pas vous attendre éternellement.
Initiés d’Okord, je vous donne une mission. Vous devez détruire la Forteresse Troglodyte de Senneville, l’immondice que les strolatz ont construite pour Podeszwa, le faux dieu mangeur d’or.
Montrez leur que les pierres ne sont rien, et qu’ils ne peuvent rien contre notre force. Arrêtez de verser le sang des huskarls en vous battant entre vous, et concentrez-vous sur les Faibles qui nous prennent de haut, pensant que nous ne sommes rien de plus que des guerriers avides de sang.
Ceux qui participeront à la destruction de la honteuse cathédrale pourront espérer devenir Fort. Bien entendu, l’ancienne voie pour accéder à la Force est toujours possible.
Lorsque vous serez devenus Forts… Alors vous pourrez réellement participer à la grandeur d’Yggnir. Okord tremblera lorsque l’on prononcera le nom du guerrier suprême. A présent, au lieu de verser le sang d’un noble huskarl, je vous propose autre chose. »

Un homme entouré de deux huskarls, fut emmené à côté du Tokva. L’emblème de Podeszwa avait été gravé sur son torse à même la peau, manifestement récemment.

« Souhaitez la bienvenue à notre camarade Strolatz, qui a eu le malheur de croiser le chemin de mes huskarls. En l’honneur des actes que vous allez effectuer contre son faux dieu, c’est lui qui sera sacrifié. Rassurez-vous, il s’est bien battu. Je ne vous donne pas le sang d’un paysan quelconque. »

Tout en disant cela, Andior trancha la gorge du malheureux, et remplit un bol du sang qui s’écoula. Il en but une gorgée, puis le passa à son voisin, qui était jusqu’à récemment un concurrent pour devenir Tokva. Une fois que celui-ci l’eût pris, Andior, prenant exemple sur ce qu’Aäkran avait fait au sanctuaire des Forts il y a quelques années, arracha le cœur encore chaud du Strolatz. Il croqua dedans, puis le lança au milieu des Initiés qui se tenaient face à lui.

« Maintenant, je demande aux Forts de me rejoindre au Sanctuaire intérieur. Nous devons parler. »

Sans plus attendre, Andior quitta le Sanctuaire des Initiés, suivi d'une poignée de fidèles.

Quelques jours plus tard

Le Tokva avait donné ses ordres, et plusieurs adeptes de Podeszwa étaient désormais ciblés par les fidèles d'Yggnir. Tandis que les Initiés étaient persuadés que détruire la Katadra était primordial, et que le culte de Podszwa s'affairait à la renforcer, d'autres fidèles, dignes de confiance, préparaient leurs assauts contre de grands noms parmi les adorateurs du bouffeur d'or.
Son discours avait été très apprécié, et de nombreux seigneurs de tout bord se rallièrent à sa cause. Bien plus que ce qu'il avait imaginé, en réalité. Quoi qu'il en soit, il devait maintenant prévenir le Cygne. Les seigneurs Ixarys et Luscan lui avaient déjà prêté allégeance afin de réaliser des attaques à ses côtés, mais la moitié de la faction était composée d'adorateurs de Podeszwa, ce qui compliquerait fortement les choses.

Fort heureusement, Zyakan était absent, et le Tokva comptait bien en profiter pour ramener l'intégralité de la faction derrière lui...

#2 2016-10-30 21:06:04

Carmen

Re : Le Cygne mis à l'épreuve

« Alors ? »

Le messager couvert de poussière reprenait bruyamment son souffle, les mains sur les genoux. Tous les yeux de la salle du conseil étaient rivés sur lui.

« Messire  votre ..han...  père est sur ..han.. le retour. Il a dit -h- d'att... d'attaquer les ser..viteurs d'Yggnir sans .h... l'attendre.
- Tous ?
- Tous. »

Carmen poussa un vif soupir de soulagement. Il était évident que son père voudrait défendre l'Église, et ce n'était pas pour rien qu'elle avait fait se rassembler ici les capitaines et les conseillers. Mais la question de s'en prendre ou non à son compagnon d'armes, au chef véritable du Cygne, à leur prétendant au trône, cette question-là était critique. Ils venaient tous d'être éclaircis sur ce point. Pas de pitié pour les sanguinaires.

Elle avait passé son enfance à jouer avec Loth et Viserys, et leur père était comme un oncle pour elle. Jamais elle n'aurait imaginé une telle folie fanatique de la part du seigneur Andior. Il était Tokva, Tokva d'Yggnir. Chef et meneur d'une secte de dégénérés prêts à répandre la mort et les flammes sur un mot de lui... Et visiblement, ce mot, il l'avait prononcé. Si rien n'était fait pour le contrer, et vite, le royaume allait être déchiré en deux, le Cygne en faisait déjà les frais. Et c'était à elle de s'en charger !

Son père avait magnifiquement choisi son moment pour une lune de miel sur la mer des Fournaises.

Mais, en fait, tant mieux. Ça faisait un certain temps qu'elle rêvait de faire ses preuves. Cette guerre lui servait l'occasion sur un plateau d'argent.

Elle sentait les regards de la quinzaine de capitaines et de conseillers en train de la scruter, de la jauger, les sourcils gris arqués, le silence pesant. C'était le moment de montrer qu'elle savait faire autre chose que bien porter une robe.
Elle prit une grande bouffée d'air, et, avec toute l'assurance nécessaire, déclara :

« Envoyez un message au duc Arcadio, pour l'assurer de notre soutien. On rassemble l'armée, et on convoque les vassaux fidèles de Podeszwa en ost ici même ! Demandez à Elverid et Houbiffi de se joindre à nous. Le Cygne doit redevenir entier au plus vite. On doit capturer Andior, à n'importe quel prix. »

Les vieux briscards s'échangèrent quelques regards, deux ou trois murmures peu enthousiastes, et au bout de quelques secondes étranges, l'un deux se tourna vers elle, sans hésiter.

« Non. »

Carmen écarquilla les yeux.

« Que. Pardon ?
-J'ai dit non. »

L'ébahissement de la jeune femme était d'autant plus grand que l'homme qui lui opposait ce refus, c'était Gonzales, le plus vieux compagnon d'armes de son père. Il poursuivit sans la laisser se ressaisir :

« On en a discuté entre nous. On ne va pas te laisser prendre la direction de notre armée.
- De VOTRE armée ? Carmen refréna le bouillonnement de son sang, qui était parti au quart de tour passée la seconde d'incompréhension. C'est l'armée de mon père, et vous êtes ses capitaines. Sous MES ordres. Et d'abord, fit-elle, acerbe, je te demanderai de me vouvoyer, Cristobal.
- Ton père n'est pas là, Carmen. Et pour moi tu n'es rien d'autre que sa fille. Je refuse de suivre tes ordres. Tu n'as pas les épaules, tu nous mèneras au désastre.
- Je.. Vous refusez tous ? »

Le silence de la salle lui répondit lui-même. Carmen recula d'un pas, instinctivement.

« DIEGO ! »

Diego avait senti l'ambiance devenir hostile d'un coup, sans comprendre vraiment ce qui était en train de se passer. Il s'était rapproché instinctivement, la main sur le manche de sa masse d'armes.

« Carmen, c'est une mauvaise idée. Nous sommes à seize contre deux. Et tu n'as qu'une dague et pas d'armure.
- GARDES !
- Tu as oublié un détail, corrigea Cristobal en prenant le ton du vieux professeur désabusé. C'est moi qui commande la garnison de Guarida. »

Carmen serra les dents à s'éclater la mâchoire pour s'empêcher de pleurer. Elle avait sorti sa dague, mais le groupe restait à distance. Les capitaines s'étaient déployés lentement, jusqu'à les entourer. La moitié se retrouvait maintenant derrière eux, reculant lentement vers les portes du fond, certains avec une expression presque timidement gênée.

« Je vais tous vous faire pendre comme les putain de traîtres que vous êtes, hacha-t-elle consonne par consonne.
-Tu vas avoir du mal.
-ALORS MON PÈRE LE FERA !
-C'est bien pour ça que tu vas rester sagement ici, comme garantie pour quand il reviendra. D'ici là, on va se ranger sous les bannières d'Andior »

Carmen béa une nouvelle fois. Sa bouche laissa échapper un « Quoi ? » étouffé.

« Tu voulais que le Cygne soit uni, non ? »

La porte se referma sur ces mots, emportant le sourire narquois de Cristobal.

Dernière modification par Zyakan (2019-06-23 22:20:10)

#3 2016-10-30 21:14:05

Elverid

Re : Le Cygne mis à l'épreuve

Elverid avait décidé de réunir le Conseil du Clan au grand complet. En avançant vers la salle commune, elle repassait dans sa tête l'enchaînement des derniers évènements.
Le Seigneur Andior avait été élu Tokva du culte d'Yggnir. Qu'avait-il dit aux adeptes exactement ? Elverid n'en savait rien et cela ne la regardait pas. Depuis toujours, les matriarches du Clan du Hibou ne se mêlaient pas des questions religieuses ni des affaires des prêtes et des druides, et elle ne comptait pas le moins du monde rompre avec cet usage. Et cependant...
Depuis l'accession d'Andior à la plus haute fonction de son culte, plusieurs adeptes d'Yggnir avaient attaqué des fidèles de Podeszwa. Le Marquis Enguerrand avait été capturé par les armées de Dame Merwynn Amon, et le Seigneur Zalfos, par les troupes de la maison Spleen. La Confrérie de la Tour avait répliqué sans attendre en engageant toutes ses forces dans l'affrontement. Plusieurs seigneurs connus pour avoir conservé les anciens cultes, et qui n'étaient donc pas vraiment concernés par cette guerre de religions, avaient même décidé de rejoindre l'ost du Prince Arcadio. Et la cible désignée était le nouveau Tokva : Andior.
Dans un premier temps, et afin de respecter la tradition de non-ingérence dans les affaires religieuses, Elverid avait décidé de tenir son clan à l'écart des affrontements. Mais la situation était devenue plus complexe qu'un simple combat de prêtres : Andior, son suzerain historique, le guide de la grande migration vers Okord, l'ami personnel de la défunte matriarche Helyanor, était directement menacé. La loyauté d'Elverid lui commandait d'intervenir... mais pour une décision aussi lourde de conséquences, il fallait l'accord du conseil.
Au moment où elle franchissait la porte de la salle commune, Elverid fut rattrapée par un messager de la maison de la Guarida.
"Dame Elverid ! Mes salutations. J'ai un message urgent de la part de Dame Carmen.
- Urgent comme d'habitude ?
- Non. Je crois que ça concerne la guerre..."
Elverid ouvrit le pli sans attendre. Elle avait souvent été appelée au chevêt du Sieur Zyakan au lendemain d'un banquet, mais cette fois, l'affaire était beaucoup plus sérieuse : le message parlait d'une révolte des armées.
La jeune matriarche entra dans la salle ou les sages du conseil l'attendaient déjà, et commença à leur exposer la situation immédiatement après avoir pris place.
"Bonjour à toutes. Comme vous le savez déjà, le Prince Andior a été élu Tokva du culte d'Yggnir, et une guerre s'est déclarée aussitôt contre les adeptes de Podeszwa, sans doute sous son impulsion. Il avait été convenu que notre clan n'interviendrait pas, puisque nous ne sommes en rien concernées par les affaires religieuses. Cependant, le conflit a pris des proportions imprévues avec l'implication de plusieurs seigneurs adeptes des anciens cultes au côté des podeszwaniens, la situation a échappé à tout contrôle et Andior est pourchassé de toutes parts. Je pense qu'aucune d'entre vous n'a oublié ses actions passées : notre clan lui doit jusqu'à son existence. N'avons-nous pas le devoir, en tant que maison vassale, de lui apporter notre aide ?"
La question d'Elverid sema la confusion parmi les membres du conseil. Quelques-unes affirmaient qu'Andior était devenu un fanatique d'Yggnir et que le Clan du Hibou ne devait pas se compromettre dans une guerre de religion. D'autres leur répondaient qu'il fallait lui rester loyaux quelles que soient les circonstances, mais la plupart hésitaient et ne savaient pas quoi penser de la situation. Seule Séraphina, la doyenne, se taisait et regardait Elverid qui écoutait tout et réfléchissait. Elle finit par s'adresser à voix basse à la jeune matriarche :
"Tu dois bien déjà avoir ton idée sur cette question épineuse...
- Que ferait la Matriarche Helyanor à ma place ?
- Que veux-tu faire, toi ?
- M'engager avec notre armée aux côtés d'Andior, participer aux combats s'il le faut, l'aider à trouver une issue diplomatique si c'est possible. Quelles que soient les raisons qui l'ont poussé à déclencher cette guerre et la validité que je leur accorde, ça n'efface pas ce que nous lui devons. Je ne peux pas me résoudre à rompre mon serment de loyauté envers lui.
- Et quelles nouvelles as-tu reçues de Dame Carmen ?
- Elle a voulu engager ses armées aux côtés des Podeszwaniens, mais les généraux de son père ont refusé de lui obéir. Ils se sont soulevés et rejoignent les rangs d'Andior. Elle demande mon aide pour rétablir la situation. Il va falloir que je trouve quelque chose à lui répondre..."

Dernière modification par Elverid (2016-10-30 21:16:46)

#4 2016-10-30 22:37:14

Andior

Re : Le Cygne mis à l'épreuve

Le clan du Hibou et son vassal Houbiffi s'étaient rangés du côté d'Andior, tandis que Carmen avait vivement protesté par missive interposée. Fort heureusement, Andior avait pris ses dispositions, anticipant la réaction de la jeune femme. En effet, au fil du temps, Zyakan et lui étaient devenus de bons amis, mais surtout, il avait pu discuter à de nombreuses reprises avec les membres de son conseil militaire. Si la plupart paraissaient très fidèles à Zyakan, ils avaient moins de considération pour Carmen qu'ils jugeaient encore comme une gamine, et étaient bien moins intéressés par la religion de Zyakan que par ses ambitions.
Ces hommes avaient participé à toutes les guerres du Cygne, et la petite ne pourrait pas les mettre de son côté si facilement, contrairement à son père...

C'est pour cela qu'avant même de contacter les autres membres du Cygne, il avait invité Cristobal Gonzales, un des principaux organisateurs de l'assaut contre Foxhound durant la guerre d'émancipation, à Blancherive.
Il lut de l’avidité dans le regard du général lorsqu'il lui présenta son plan. La réputation des soldats de Solède pourrait en sortir grandement améliorée, et si Zyakan constatait qu’il avait acquis de solides relations avec les alliés d’Andior dans l’histoire, il lui pardonnerait peut-être son geste. La seule condition était de maîtriser les velléités de Carmen, qui poserait sans aucun doute problème à ce niveau-là, mais Cristobal lui assura qu'il s'en chargerait.

Lorsque Cristobal arriva à Morthal avec l'armée de Solède et ses vassaux, Andior en fut enchanté et l’accueillit chaleureusement. Il s'assura simplement que Carmen de la Guarida était en bonne santé, sans se soucier des détails du coup d'état militaire. Moins il en savait, moins Zyakan pourrait lui reprocher des choses, après tout. Mais l'heure n'était pas à ces considérations-là. Si l'armée personnelle d'Andior avait été détruite lors de sa courte victoire durant la bataille de Blancherive, son ost était des plus conséquent. L’intégralité du Cygne, grâce à Cristobal, était déterminée à l’aider sans sa quête, et les Sans-Bannière s’étaient aussi rangés sous ses couleurs.
Assez conséquent pour envisager une capture du bigot en chef adverse, le Prince Arcadio. S'ils réussissaient,  il pourrait enfin s'asseoir sur le trône d'Okord, et ce vieux bougre de Zyakan ne pourrait pas lui reprocher ses actes. Et s'il osait le faire, il le regretterait amèrement.

Dernière modification par Andior (2016-10-30 22:39:26)

#5 2016-10-31 00:04:13

Logaraum Ixarys

Re : Le Cygne mis à l'épreuve

Tandis que le Triumvirat du Cygne se déchirait, le duo Logan-Raum avait en tête un objectif bien plus simple : profiter de la guerre pour croiser le fer avec des adeptes de Podeswa et gagner en prestige au sein de la noblesse Okordienne.

L'occasion offerte était fabuleuse : Nerkhulum arborait un large sourire lorsqu'il lui présenta son rapport :

- Nous avons débusqué une cible parfaite : Amaury de Lusignan. C'est un jeune baron, tout comme vous, et tous s'accordent à vous juger comme son homologue en terme de puissance. Il est également un adepte de Podeswa, et il est indépendant ! Nous savons sa position : Saint Mars. Si nous réunissons nos troupes, c'est une victoire assurée !

C'est satisfait que Logan prit la tête de la flotte en partance pour Saint Mars, pour une longue traversée du Canal. Ses espions avaient jaugés les forces adverses, et tous ses commandants jugeaient que la bataille serait âpre et sanglante, mais que la victoire pour Logaraum serait assurée. Un bain de sang, exactement comme l'apprécierait Yggnir et ses adeptes les plus zélés.



Logan savoura une dernière bouffée d'air avant de partir à la rencontre de ses éclaireurs. Dans quelques minutes, il donnerait l'ordre de charge sur Saint Mars à près de 2 000 hommes.

Ne m'oublie pas
Bien sûr que non ! Le combat va être intense, tu vas être heureux.
Oui... Cela fait longtemps que je n'aurai pas fait combattu aussi longtemps...
Bonne chasse.

Le chef des éclaireurs, un homme barbu et costaud arriva jusqu'à lui.

- Alors mon brave, lança Logan d'un ton enjoué. Nos ennemis sont toujours là, prêts à se faire massacrer ?
- Bhein justement, M'seigneur... Y'a un problème... fit l'éclaireur en se grattant la nuque, l'air gêné.
- Et... ? répliqua Logan en fronçant des sourcils.
- L'baron Lusignan, y'est plus là. Ni ses hommes. Ni les habitants d'Saint Mars. Tous les paysans du coin m'disent la même chose : Lusignan a quitté l'royaume, avec tout son monde.

Seuls les réflexes de Raum et un contrôle par celui-ci des muscles faciales de son hôte empêcha Logan d'effectuer une imitation remarquablement réussi du dernier des abrutis.

Dernière modification par Ixarys (2016-10-31 00:04:46)

#6 2016-11-06 12:38:55

Zyakan

Re : Le Cygne mis à l'épreuve

« CRISTOBAL ?!? »

Zyakan parut prendre dix ans d'un coup dans l'estomac, alors que l'écho de sa voix se répercutait à quinze lieues à la ronde dans les rues endormies de Pech d'Ixar. La dame qui l'accompagnait, que Rafael ne connaissait pas, se pressa vers lui. Il se ressaisit et la repoussa d'un geste contenu. À la lueur des torches, au milieu de la cour du château, couvert de la poussière du voyage, le comte avait brusquement quitté son visage de voyage de noces pour celui de chef de guerre.

« Et mes vassaux ont suivi ?
-C'était présenté comme une guerre du Cygne contre la Tour. Et l'ordre était censé venir de vous. Apparemment, ça les a convaincu. Le seigneur Kenath était réticent, mais Carmen a... « insisté ». Elle n'avait pas tellement de choix.
-Et les strolatz ont suivi ?
-Oui, sans faire de problème. Tout le monde s'est reposé sur Cristobal en attendant votre retour. Ils sont même pas au courant que m'zelle Carmen est prisonnière. Cristobal a ses fidèles. C'est eux qui gardent votre fille et mon frère.
-Ses fidèles ? Zyakan eut un rire amer. Ça devrait être les miens... 'Deszwa de merde, on peut vraiment faire confiance à personne. »

Une ombre de révolte passa sur le visage du colosse, où la barbe tardait encore à pousser. Zyakan le remarqua, et le rassura d'une tape sur l'épaule.

« Toi c'est pas pareil, Rafael. »

Si l'armée n'était au courant de rien, il y avait encore de l'espoir. Il lui suffirait de réapparaître et tout le monde se rangerait sous ses ordres. Le problème, c'était que tant que Cristobal tenait Carmen, il le tenait lui. Un couteau sous cette gorge tiendrait en respect toutes les épées du royaume. Il fallait agir vite. Avant que la rumeur de son retour ne se répande.

« Ils sont où, en ce moment ?
-Dans l'ost d'Andior, à Corberoc.
-Va réveiller un domestique pour trouver une chambre à ma dame et rejoins-moi, je selle les chevaux. On n'a pas de temps à perdre. »



Les deux hommes arrivèrent en vue de l'énorme ost du Cygne juste avant l'aube. La gigantesque ville de tentes et d'oriflammes débordait sur tous les côtés de la vraie ville et ses murailles pourtant imposantes, mais rendues dérisoires en comparaison. Zyakan avait récupéré un haubert rouillé avec camail et un casque à nasal, il y avait peu de chances qu'on prête attention à lui, et encore moins qu'on le reconnaisse.

La partie du camp qu'ils visaient ne fut pas dure à repérer, adéquatement placée à l'opposé des tentes des hordes de huskarls. Les étendards de Carmen et de ses vassaux se distinguaient dans ce qu'il restait d'obscurité, à travers la petite brume du matin, qui n'allait pas tarder à être dissipée par la brise du Canal.

Arrivés au petit trot, ils démontèrent en silence devant la tente la plus imposante du campement du vicomte Kenath. Zyakan se présenta aux deux chevaliers en faction.

« J'ai un message urgent de la comtesse Carmen. »

Les soldats échangèrent un regard. L'un deux fit signe de patienter, pendant que l'autre rentrait précautionneusement jeter un coup d’œil à l'intérieur, et prévenir le vicomte s'il était réveillé. Il l'était, Zyakan put entrer.

Ils répétèrent l'opération chez le vicomte Armadas, le vicomte Loken et le baron Xilou. À chaque fois, il ôtait son casque, était reconnu, et expliquait succinctement la situation, en omettant certains détails. Le Prince Andior avait abusé d'eux, il était en train de se servir du Cygne pour nourrir ses seules ambitions, et il allait jusqu'à renforcer ses rangs de leurs strolatz pour l'aider à gagner une guerre contre les fidèles de Podeszwa. Le comte ne fit absolument aucune mention de la -hum- réorganisation forcée qu'avait subie sa fille. Ses interlocuteurs n'étaient visiblement pas au courant. Cristobal avait fait son affaire dans le feutré. Tant mieux. Le moins de gens sauraient, le moins cette  faiblesse de sa fille pourrait servir à la discréditer plus tard, un jour ou l'autre, à l'un ou l'autre moment critique où on a plutôt besoin de tous les soutiens possibles.

Les seules choses qu'il demanda à ses vassaux furent de garder le secret sur son retour jusqu'à nouvel ordre, et de le suivre sans hésiter dans ses prochaines actions.

Le soleil était levé entièrement, maintenant. Les soldats commençaient à l'être aussi, dans toutes les directions. Rafael et Zyakan mirent leurs montures au galop et stoppèrent devant la tente de commandement au guépard pourpre. Le comte sauta à bas de son cheval, se précipita vers l'entrée de la tente :

« Message urgent du prince Andior, laissez passer ! »

Les gardes eurent une seconde d'hésitation mais ne l'empêchèrent pas de les bousculer.

« Capitaine Gonzales ? »

Le capitaine était devant son brau, à faire sa toilette. Il se redressa, surpris. Et tomba visiblement des nues en voyant qui se tenait devant lui. Il laissa tomber son gant de crin et se précipita vers Zyakan, avec une chaleur sincère.

« Enfin tu es revenu ! Je vais t'expliquer pour Carmen, ne t'inquiète p/

Le gantelet de mailles qui lui balaya la face coupa la fin de sa phrase. Zyakan lui mit un autre coup en plein visage, un direct cette fois, et un troisième dans le bide. Alors que Cristobal, plié en deux, chancelait et menaçait de tomber en arrière, il le poussa à la renverse et le suivit à terre, appuyant sa main gantée sur la gorge du capitaine, et posant vigoureusement son genou sur son torse nu.

-Tu ne vas rien m'expliquer. Tu vas la libérer tout de suite. Et après je te tuerai.
-Je savais que tu réagirais comme ça... grogna Cristobal en crachant un caillot de sang.
-Tu réagirais comment, à ma place ? Susurra Zyakan à quelques centimètres du visage tuméfié de son plus fidèle compagnon d'armes, de son plus vieil ami. Tu as raison, il va falloir que tu m'expliques. Mais plus tard. » termina-t-il en le libérant de son entrave.

Il se releva et défourailla son épée. 

« Habille-toi. »

Cristobal s'exécuta de mauvaise grâce, et ils allèrent pour sortir. Mais tout à coup, sentant une seconde de distraction, le vieux soldat tenta une dernière action avant de franchir la toile de tente. Il se retourna, agrippa la main qui tenait l'épée et gueula « Gardes ! ».

Un choc sourd, comme un "POF" lui répondit. Immédiatement, une interjection d'étonnement, suivie d'un autre choc sourd, un peu plus teinté de "CRAC" que le précédent. Et cela s'acheva par le bruit de deux corps en armure qui tombent au sol.

Zyakan se marra franchement en voyant l'incompréhension déconfire le visage du capitaine. Il le poussa à l'extérieur d'une bourrade, en rigolant. Là, Cristobal put constater la position de ses gardes, face contre terre, et le sourire de Rafael qui se tapotait tranquillement la main de sa masse d'armes, sous les regards étonnés des deux ou trois soldats qui avaient assisté à la scène de loin, et ceux, indifférents, de la vingtaine de strolatz de confiance qui s'était ramenée discrètement devant le pavillon.

« J'ai pas réussi à les convaincre d'aller prendre une pause, messire, s'excusa Rafael, faussement contrit. La conscience professionnelle, c'est vraiment quelque chose d'assommant. »

Ils se dirigèrent jusqu'à la tente de derrière. Là, c'était beaucoup plus lourdement gardé. Quatre chevaliers ensommeillés barraient l'entrée, appuyés contre les poteaux de la tente. Ils se redressèrent en voyant Cristobal arriver, et en reconnaissant le comte derrière lui. Une demi-douzaine d'autres était à ses ablutions matinales et fit de même. Les regards se firent un peu plus intrigués et suspicieux vis-à-vis des strolatz qui les suivaient, mais on n'entendit pas un mot de protestation.

« Réfléchis bien avant de dire une bêtise, chuchota Zyakan : à qui tes hommes décideront-ils d'obéir, si tu meurs ? »

L'épée avait été rengainée, mais la lueur amusée qui frétillait dans les yeux de Rafael était un argument de dissuasion en soi.

Cristobal ne dit rien. Ses hommes les laissèrent entrer. S'ils avaient pu être convaincus de suivre le capitaine, c'est que ça n'allait pas vraiment frontalement contre la volonté du comte. Ils n'oseraient pas s'opposer directement à lui. Du moins l'espérait-il de tout son cœur alors qu'ils rentraient, à deux plus Cristobal, dans la tente occupée par quatre autres chevaliers en armure, et par les deux prisonniers de marque, dont les visages s'illuminèrent.

« Père ! »

Carmen refréna manifestement l'envie de sauter dans les bras de son père. La situation n'était pas claire. Il était prisonnier lui aussi ? Gonzales était debout, sur ses deux jambes, même s'il semblait l'avoir mauvaise.

Le comte la rassura d'un signe de tête. Il prit à partie deux des chevaliers présents :

« Vous deux, donnez-leur vos armes ! »

Rafael mit une franche bourrade sur l'épaule de son géant de frère. Zyakan sentait la mâchoire crispée de Cristobal, et voyait que ses hommes le sentaient aussi très bien. Il fit signe de ne pas s'éterniser, et ressortit à reculons.

Sitôt dehors, ils réquisitionnèrent les montures attachées à la tente, et piquèrent des deux. Les camps du Cygne qu'ils traversèrent étaient déjà en plein branle-bas de combat. Ses vassaux avaient bien donné l'ordre de se préparer à décarrer en vitesse ou se battre, ses propres troupes devaient être en train de faire de même en ce moment.

Rejoints par Xilou, Loken, Armadas, Kenath et leurs escortes, ils galopèrent jusqu'à rentrer dans la ville de Corberoc elle-même, franchissant les portes imposantes sans être inquiétés. Les rues que la petite troupe grimpèrent à bride abattue étaient déjà en pleine effervescence, ils durent se faire le chemin à grands coups de gueule. Ils devaient être suffisamment rapides pour compenser la perte de discrétion.

Les huskarls de garde s'écartèrent à leur passage dans le château, Carmen qui marchait en tête ne leur laissa pas le temps de réfléchir. Ils foncèrent droit vers la grande salle du donjon, là où ils étaient "attendus" pour le conseil de guerre du prince. Cristobal était poussé de force entre Diego et Rafael, une dague entre les omoplates.

Les deux battants de la grande porte s'ouvrirent à la volée. Les strolatz s'engouffrèrent dans la pièce et prirent position sur tout le pourtour, l'arbalète en mains.

Zyakan prit la nuque de son capitaine dans sa main gantée, s'avança face à Andior et tous les seigneurs rassemblés ici, et poussa violemment Cristobal vers le sol.

« Ce déchet t'appartient, je crois. »

Dernière modification par Zyakan (2016-12-13 18:21:12)

#7 2016-11-08 20:19:17

Andior

Re : Le Cygne mis à l'épreuve

  « Zyakan. »

Andior ne se leva pas. Il se trouvait à la place opposée à l’entrée, assis comme les autres autour d’une grande table ronde centrale.
La vingtaine d’autres seigneurs et généraux parurent surpris, et surtout contrariés, d’être dérangés de la sorte. Surtout en voyant les strolatz mettre chacun d’entre eux en joue avec leurs arbalètes, en ayant pu passer la garde sans souci. Deux strolatz pointaient leur arbalète sur Andior, menaçant de tirer au moindre mouvement en direction du râtelier d’armes. Il allait falloir la jouer fine. Aucun d’entre eux ne portait de marque de combat, et Andior pensa donc qu’ils avaient passé les gardes de la ville sans être arrêtés. Toutefois, ses hommes avaient pour ordre de se montrer très méfiants envers les strolatz, et nul doute que la procédure de sécurité avait été respectée.
Cristobal venait manifestement de passer un mauvais quart d’heure. Il leva des yeux implorant vers Andior, espérant que celui-ci puisse rétablir une situation avantageuse pour lui, et surtout, dans l’immédiat, sauver sa peau.

« Vous m’aviez assuré que vous sauriez gérer la situation, général Gonzales, je suis déçu. Votre incompétence nous met dans une situation contrariante. »

Un léger frottement contre le mur, semblant venir de l’extérieur, confirma à Andior que la procédure de sécurité était prête. Il tira sur un petit levier placé sous la table, et un grondement provenant des murs fit tourner la tête à tout le monde. Une rangée de briques avait pivoté, laissant apparaître des meurtrières tout autour de la salle. On pouvait simplement voir des pointes de flèches en dépasser, pointées sur chaque strolatz. Andior eût un sourire.

« Tu pensais sincèrement que tu pourrais tous nous prendre en otage sans conséquences ? Si un seul d’entre nous est blessé, aucun d’entre vous ne sortira d’ici vivant. Bon. Cependant, nous sommes entre personnes civilisées. Je vous propose donc d’ajourner cette séance, je vous recontacterai lorsque nous aurons réglé ce… différend.
Zyakan, si tu pouvais dire à tes soldats d’arrêter de pointer leur arbalète sur nous… »

Le Comte s’exécuta de mauvaise grâce, et la tension retomba d’un coup.

« Merci. Une réunion du Haut Conseil du Cygne me semble nécessaire, pour régler cela. Je laisse Gonzales entre les mains de tes hommes, c’est ton général, pas le mien. »

La pièce se vida, et rapidement, ils ne furent plus que trois présents : Zyakan, Elverid, et Andior. Le Triumvirat du Cygne allait devoir régler ses problèmes, sans quoi la confrérie risquait la dissolution… Et elle n’en avait jamais été aussi proche.

#8 2016-11-09 10:24:09

Zyakan

Re : Le Cygne mis à l'épreuve

Zyakan était debout près de l'entrée, Andior toujours assis sur son siège. Elverid, un peu au milieu, restait assise en observant ce qui allait se passer. Elle n'y comprenait pas grand-chose pour l'instant... Andior finit par rompre le silence qui s'était installé.

« Bon, je t'écoute.
- C'est depuis quand, exactement, que tu as décidé de privilégier ton dieu de merde à l'intérêt du Cygne ?
- Si je n'avais pas tenu compte de la confrérie, ta fille serait venue s'écraser contre nos armées, en nous divisant par la même occasion.
- En nous divisant ? Tu mets le royaume à feu et à sang et tu viens me parler de division ?
- N'oublie pas que c'est Carmen qui a voulu s'engager contre moi, pas l'inverse.
- Sur mon ordre. Le Cygne ne se mêlera pas de religion, on était tous d'accord sur ça. Tu t'en mêles, et pas qu'un peu. »

Andior se leva, adoptant un ton méprisant et écartant les bras.

« Ben mon pauvre, j'ai un tel charisme que j'ai été élu Tokva sans même l'avoir souhaité. Alors j'ai agi en fonction, et j'ai fait en sorte que ça me soit profitable. C'est de la politique, il suffit de regarder les participants à la guerre pour s'en rendre compte.
- Suupeeerbe. Tu es devenu le chef d'une bande de fanatiques et d'arrivistes. Tu feras un roi très honorable. La stabilité, la paix et la justice incarnées.
- Ca ne semblait pas te gêner quand je t'ai réveillé de ton sommeil profond pour te proposer le premier défi à relever de ta vie, en rejoignant le Cygne. Spleen et ses vassaux, le Dragon, Rhaegar.... On parle de nos alliés de confiance. Leur religion ne semblait pas te gêner auparavant.
- Tu ne sais rien de ma vie. J'ai accepté de te suivre parce que je croyais que tu avais les épaules pour sortir ce royaume de bouseux du bourbier dans lequel il est plongé depuis des dizaines d'années. Visiblement, je me suis trompé.
- Pourtant, de plus en plus de personnes veulent me mettre au pouvoir. Loth a prouvé mon ascendance. Mon père s'opposait au premier Roi d'Okord. Qui de mieux que moi pour mettre un terme à cette misérable tradition de poser ses fesses sur le trône pour ne rien y faire, depuis Godefroy? J'ai déjà prouvé ma capacité à diriger. Le Cygne, le culte d'Yggnir, ...
- Et ta capacité à rassembler, tu viens de la mettre au cul de basse-fosse. »

Zyakan applaudit lentement.

« Le jeu en valait la chandelle.  Tu aurais imaginé voir un ost de cette taille un jour, guidé par l'un d'entre nous ?
- Ah, ça, c'est sûr. Pour ce qui est de la taille... Pour ce qui est de ton titre, aussi. Prince, c'est joli. Mais en admettant que tu arrives à abattre la Tour, ce sera qui, ensuite ? Le Lys ? Le roi en personne ?
- En temps voulu, oui.
- Et combien de temps avant que tes fidèles réclament la tête des Podeszwites qui encombrent ta faction ?
- Je suis Tokva. Les fidèles d'Yggnir me respectent, et hormis quelques rares phrases de Rhaegar, ne contestent aucune de mes décisions. Si je ne les lance pas sur vous, ils ne vous attaqueront pas.
- Tant que tu as d'autres sur qui les lancer. »

Andior s'avança à quelques pas de Zyakan, une lueur de défi dans les yeux.

« Et alors quoi, tu as peur pour tes miches alors que c'est un allié qui est Tokva ? Tu préfères que je laisse la place à quelqu'un d'autre, qui n'aurait aucun scrupule à diriger Yggnir contre toi ? »

Zyakan se rapprocha à son tour. Leurs visages étaient à quelques centimètres l'un de l'autre.

« Tes huskarls, je me torche avec. Les leurs pareil. Traite-moi encore de lâche et je me torche avec ta figure aussi.
- Tu préfères trouillard ? »

À ces mots, Zyakan saisit Andior à deux mains par le haut de son pourpoint, et les deux hommes s'empoignèrent violemment.

Elverid essayait depuis quelques minutes déjà d'interrompre leur dispute, en vain. Ils étaient trop occupés à s'invectiver pour lui prêter la moindre attention. Si elle voulait couper court à ça, il n'allait pas falloir faire dans la dentelle... La jeune femme regarda autour d'elle, avisa une hache de combat posée sur un râtelier, s'en saisit, et la planta de toutes ses forces dans une poutre juste au-dessus de la tête d'Andior et de Zyakan. Les deux hommes s'arrêtèrent net de lutter, regardèrent la hache dont le manche vibrait encore, puis tournèrent la tête vers la matriarche, abasourdis.

« Vous avez l'air fins, tous les deux. On dirait deux pochtrons dans une gargote qui se disputent le dernier pichet de vinasse. Dois-je vous rappeler que nous dirigeons ensemble une confrérie qui regroupe une douzaine de seigneurs, que la plupart d'entre eux est derrière cette porte et vous entend vous battre comme des chiffonniers ? Avec le Cygne, nous avons réussi à construire une unité entre des seigneurs ayant des origines et des coutumes très diverses. Toutes les religions y sont représentées et coexistaient sans problème jusqu'à présent. Vous ne pensez pas que ça vaut le coup de chercher une solution pour que tout le monde, et en premier lieu notre confrérie, puisse sortir de ce bourbier sans dommage, au lieu de régler vos comptes au pugilat ?
- Je n'ai jamais souhaité briser l'unité du Cygne. Force est de constater que Zyakan n'est pas foutu de retenir son envie de me casser la gueule. Faut croire que le dernier tournoi ne t'a pas suffi.
- Tiens, oui, bonne idée. Andior, on réglera ça toi et moi, d'homme à homme, sur la lice.
- Si ça peut vous soulager dans l'immédiat, pourquoi pas ? Mais il faudra surtout trouver une solution pour restaurer notre unité de façon durable. »



[Texte et dialogue écrits à six mains]

Dernière modification par Zyakan (2016-12-03 20:06:09)

#9 2016-11-28 23:57:58

Elverid

Re : Le Cygne mis à l'épreuve

La nuit était tombée depuis longtemps quand Elverid quitta enfin le château de Corberoc pour retourner à son campement. Tout en marchant, elle repassait dans son esprit La discussion avec Andior et Zyakan, qui avait été particulièrement tendue et duré des heures.
Il avait d'abord fallu argumenter longuement pour dissuader les deux hommes d'aller s'entre-tuer tout de suite sur la lice après que Zyakan avait réclamé un combat à mort. La jeune matriarche avait tout de même fini par leur faire admettre que le moment était mal choisi pour affaiblir le triumvirat du Cygne alors que la paix avec la confrérie de la Tour n'était pas encore signée. Mais ce maudit duel n'était que remis à plus tard. Il ne restait plus qu'à espérer que la tension s'apaiserait quelque peu entre temps...
S'en étaient suivies des palabres interminables sur l'avenir de la confrérie. Que devrait-il arriver après que les deux principaux chefs de guerre auraient fini de régler leurs comptes ? Une scission en deux entités distinctes, au moment où le Cygne commençait enfin à avoir une influence politique et militaire significative en Okord, était tout simplement absurde : cela contraindrait chacun des deux groupes à s'imposer à nouveau séparément, avec le risque qu'une grande faction opportuniste en profite pour tenter de les annexer ou de les déposséder de leurs terres. Aussi, Elverid avait fortement insisté pour que soit trouvé un moyen de restaurer l'unité de façon durable, et finalement, peu après la tombée de la nuit et après moult discussions stériles, Andior avait enfin réussi à émettre une proposition : marier son fils aîné Loth avec la jeune Carmen.
Une solution à laquelle Elverid n'aurait jamais pensé. Les mariages arrangés pour des motifs politiques n'existaient pas dans les traditions de son clan. Zyakan, quant à lui, avait tout d'abord semblé réticent à cette idée. Cependant, il connaissait cette coutume très répandue en Okord et elle ne le choquait pas outre mesure. Il avait fini par accepter, en fixant certaines conditions : Carmen conserverait la pleine propriété de l'héritage de son père et aurait un pouvoir de décision équivalent à celui de son époux sur les affaires communes. Afin de garantir une parfaite neutralité vis à vis des religions, il avait également été convenu que la cérémonie du mariage devrait être présidée par Elverid.
Ce dernier point mettait la jeune matriarche assez mal à l'aise. Dans les traditions de son clan, il n'y avait pas de rites de mariage bien établis. Les deux personnes concernées décidaient simplement de s'installer ensemble, officialisaient la chose si elles le souhaitaient en l'annonçant publiquement, celles qui pratiquaient un culte prêtaient serment devant un prêtre ou un druide, et c'était tout.
Cependant, selon les traditions okordiennes, un mariage entre les héritiers de deux maisons nobles n'était pas une simple union privée, mais également une alliance solennelle, totale, entre deux puissances politiques et militaires. Et dans ce cas précis, La pérennité d'une confrérie en dépendait. Il fallait donc construire un cérémonial à la hauteur de toutes ces implications.
Et il restait encore à savoir comment Loth et Carmen accueilleraient la nouvelle de ce mariage décidé sans les consulter : certes, les deux jeunes gens se connaissaient depuis l'enfance et s'entendaient bien la plupart du temps, mais cela suffirait-il à établir les bases d'une union solide et harmonieuse entre ces deux tempéraments enflammés ?

#10 2016-12-02 00:59:11

Zyakan

Re : Le Cygne mis à l'épreuve

Il lui avait demandé de ne pas crier.

C'est beau, comment, parfois, l'esprit se lance dans des espoirs absurdes, des utopies libérées de l'entrave du réel. Ahurissant de candeur.

De manière assez évidente, l'efficacité de cette demande se révélait... relative. Très, très relative. En fait, à peu près nulle. Négative, même, vu que ça l'avait mise sur ses gardes dés le début. Et du coup, à cette heure, le camp entier devait avoir eu un aperçu auditif de ce qu'il se prenait dans la tronche depuis cinq bonnes minutes.

« Alors ça c'est la meilleure ! Il te trahit ! Il fait séquestrer ta fille pendant que tu as le dos tourné, et toi tu n'as pas d'autre choix que de t'écraser et de me marier à son fils.
-Je me charge d'Andior, tempéra Zyakan par-dessus la voix de sa fille. Notre duel est toujours d'actualité, poursuivit-il avec un regard mauvais. Mais le mariage, c'est pour ce qui se passera après le duel. Pour le Cygne. Pour que tout ce qu'on a construit jusque là ne tombe pas à l'eau à la mort de ce taré. Ou à la mienne. »

Carmen partit à tourner en rond dans la tente, fulminante. Elle s'arrêta soudain, face à son père, les bras croisés, avec, presque calme, l'air le plus naïf du monde :

« Et si je refuse ? »

Putain de merde c'était reparti. Pire que sa mère. Zyakan fit un immmense effort sur lui-même pour garder son sang-froid.

« Tu n'as pas le choix.
-Tu me vends -tu me donnes !-, et je ne dois rien dire ? Pourquoi est-ce que tu te maries pas directement à Andior, toi, tant qu'à te faire-
-Ne me pousse pas à bout, c'est déjà assez dur comme ça !
-Oh, oui, pardon, désolée pour ta conscience de chevalier juste et honorable, papa, toi le grand défenseur de la veuve et de l'orphelin. C'est peut-être ça que je vais faire, d'ailleurs ? Pondre un héritier et poser une savonnette en haut des marches pour mon très cher nigaud de mari ! Tu te soucieras peut-être un peu plus de mon existence à ce moment-là !
-Carmen, ça ne dérangera personne de voir que la mariée a les joues rouges.
-Et bien vas-y, frappe-moi ! Tu auras plus de chances contre moi que contre Andior ! »

La gifle partit et imposa le silence, mais aucun coup n'aurait pu faire siffler les oreilles de Carmen aussi fort que celles de son père à cet instant.

Dernière modification par Zyakan (2016-12-02 12:22:07)

#11 2016-12-02 17:33:18

Andior

Re : Le Cygne mis à l'épreuve

« Un mariage. C’est la seule option.
- Tu crois, Viserys ? Il peut y avoir d’autres possibilités pour réconcilier nos maisons…
-Non, j’y ai longuement réfléchi, c’est la solution la plus plausible. Zyakan n’aurait pas accepté une simple compensation en or, il n’est pas vénal. Père n’aurait jamais accepté de se constituer prisonnier envers Zyakan, ou de lui céder quoi que ce soit d’autre que de l’or, d’ailleurs.
-Mais peut-être qu’Elverid a pu le convaincre de céder, non ? »

Les deux demi-frères étaient pensifs. Loth avait d’abord pensé que leur père les avait convoqués pour leur donner les détails du traité de paix avec la Tour, mais Viserys l’avait convaincu que le timing était parfait pour qu’il leur révèle comment le Cygne survivrait à ce conflit.

« Notre père est de plus en plus difficile à convaincre. Il est devenu imprévisible au fil du temps : qui, il y a dix ans, aurait pu penser qu’il serait à la tête d’une guerre religieuse ? Je plains ses ennemis. Non, il n’aurait accepté une idée que si elle venait de lui, surtout pour l’avenir de la confrérie pour laquelle il a consacré énormément de temps.
- Et donc, un mariage entre un de nous deux et Carmen est le plus probable… Mais lequel aurait-il proposé ?
- Assurément, il préfèrerait que ce soit moi. Tu es son premier héritier, tandis que je ne prendrai peut-être jamais la tête de notre maison, sauf s’il t’arrive un malheur. Ce mariage sert les ambitions de notre famille, mais sera une épine dans notre pied si Carmen est ingérable, ce qui risque d’être le cas.
- Ca va, tu ne t’en tires pas si mal si c’est le cas, Carmen est plus qu’attirante !
- Certes… Mais bon. Peut-être que Zyakan ne s’est pas laissé abuser par notre père.

Andior entra dans la pièce sur ces mots. Après avoir salué ses fils, il leur annonça :

« La guerre est terminée ! Nous sortons vainqueurs, je vous donnerai une copie du traité de paix qui est grandement à notre avantage. Mais je ne vous ai pas réunis pour cela…
- Alors, qui c’est ? Loth ou moi l’interrompit Viserys, impatient de voir si sa théorie était bonne. Cela avait coupé le souffle d’Andior.
« De quoi tu parles ?
- Eh bien, le mariage avec Carmen !
- … Ca m’étonne toujours. Vous avez tout compris, hein ? Tu as raison Viserys, nous avons bien décidé d’un mariage. C’est Loth qui a été choisi.
- Oh, alors tu as perdu.

Les réactions de Viserys mettaient toujours Andior mal à l’aise. Il avait tendance à être extrêmement franc, et ne prenait pas de pincettes pour ménager la sensibilité de ses interlocuteurs. Loth, quant à lui, semblait bien prendre la nouvelle. Carmen lui avait toujours plu, même s’il la considérait comme une membre de sa famille. Il avait déjà risqué sa vie pour l’honneur de sa famille, ainsi, ce mariage n’était pas une grande épreuve pour lui. Andior répondit à Viserys d’une voix douce.

« Le Cygne va perdurer, donc je n’ai pas perdu.
- Pardon, père. Je voulais dire que Zyakan s’était rendu compte que si Carmen m’épousait, elle n’aurait pas autant d’importance que si elle épousait Loth.
- Tu as tout compris. Mais je ne vous ai pas tout dit. Il y aura également un duel entre Zyakan et moi… Un duel à mort. »
-QUOI ?? »

Ses deux fils avaient parlé d’une même voix. Aucun des deux n’avait anticipé que la rancœur de Zyakan envers Andior puisse être si tenace. Celui-ci haussa les épaules d’un air maussade.

« Je l’ai battu lors du dernier tournoi, mais globalement, il m’a battu plus souvent que l’inverse. Nous verrons bien. Si mon heure est venue, alors je rejoindrai la Grande Armée Divine. Ne me regardez pas comme ça, ajouta-t-il d’une voix dure, vous en auriez fait de même. Aucun fidèle d’Yggnir, et surtout pas le Tokva, n’a le droit de refuser un duel. J’ai déjà prouvé ma force à de maintes reprises, je le ferai une fois de plus…
- Si tu gagnes, tu le tueras ? Tu en es capable ?
- Je ferai le nécessaire. Le mariage aura lieu dans une semaine, vous feriez mieux de commencer à penser à cela. »

Dernière modification par Andior (2016-12-02 21:45:15)

#12 2016-12-03 20:08:13

Elverid

Re : Le Cygne mis à l'épreuve

Le grand jour était arrivé : celui du mariage. Elverid avait fait préparer la grande salle du conseil pour la cérémonie qu'elle s'apprêtait à présider devant tous les seigneurs de la Confrérie du Cygne. Les invités commençaient à arriver au Clan du Hibou, et en particulier les deux jeunes promis et leur famille.
C'était une journée importante, à bien des égards. Le tournoi entre Andior et Zyakan devait suivre immédiatement les noces, ce qui rendait l'atmosphère anormalement pesante pour un évènement censé être une fête. La jeune matriarche était perdue dans ses pensées lorsqu'elle entendit derrière elle une voix familière.

"Elverid, mes salutations ! Est-ce que Carmen est arrivée ?
- Non, pas encore, Messire Loth. Mais je suis sûre qu'elle ne saurait tarder. Les gardes aux portes de la ville me font prévenir immédiatement lorsqu'une délégation arrive, et la bannière du Seigneur Zyakan a été aperçue au loin il y a quelques minutes."
Le jeune homme, vêtu d'une armure d'apparat rutilante, paraissait ravi d'épouser son amie d'enfance. Il était accompagné de son père et de son frère cadet. Andior salua la matriarche d'un signe de tête. Il semblait tendu, bien qu'heureux pour son fils. Le jeune Viserys, lui, affichait une mine sombre. Son frère ainé le secoua amicalement.
"Hé, souris un peu ! C'est un mariage, tu te souviens ?
- Et le tournoi, tu l'as oublié ?"
Le jeune garçon s'éloigna. Elverid le suivit.
"Vous vous inquiétez des suites de ce duel, n'est-ce pas ?
- Oui... Je trouve ça absurde ! Comment deux hommes comme mon père et Zyakan peuvent-t-ils marier leurs enfants et se battre à mort juste après ?
- C'est difficile à comprendre, en effet, mais le différend qui les oppose est trop profond pour être résolu autrement que par les armes. Cela dit, je pense... du moins j'espère qu'ils n'iront pas jusqu'au bout. Quant au mariage, hé bien... il est dicté par des intérêts collectifs à long terme : Loth et Carmen auront la lourde tâche de perpétuer l'oeuvre que leurs pères ont commencé ensemble, puis failli détruire.
- Oui, je sais, la Confrérie du Cygne... Il y a vraiment des jours où je regrette qu'Helyanor ne soit plus là pour... heu... Pardonnez-moi, je ne voulais pas ...
- Je comprends. Je dois dire que j'ai eu la même pensée quand j'ai assisté à leur dispute. A chaque décision difficile, je me demande quel choix elle ferait.
- Mon père dit que vous lui ressemblez de plus en plus.
- Vraiment ? C'est un grand honneur qu'il me fait... Nous devrions retourner sur le parvis avant l'arrivée de la mariée. Il faut que tout le monde soit présent pour l'accueillir."

Viserys et Elverid rejoignirent les autres juste à temps pour voir arriver la délégation du Seigneur Zyakan, qui s'arrêta à quelques dizaines de pas de la salle commune. Zyakan descendit de cheval et ouvrit le rideau de la carriole décorée de rubans dans laquelle était installée sa fille.
"Carmen, nous sommes arrivés."
Quelques secondes passèrent.
"Carmen, descends."
Finalement, la jeune fille se décida à paraître, resplendissante dans sa somptueuse robe de velours pourpre brodée d'argent et de perles. Ou tout du moins, elle l'aurait été si elle avait consenti à sourire.
Sans saluer personne, elle traversa l'esplanade en ligne droite jusqu'à l'entrée de la salle, aussi vite que ses encombrants jupons le lui permettaient. En passant devant Elverid, elle maugréa à voix basse à son intention :

"Allons-y, et qu'on en finisse vite avec cette stupide cérémonie !"
Derrière elle, son père faisait des efforts visibles pour paraître détendu et d'humeur légère. Toutefois, lui et Andior échangèrent un regard noir.
Ignorant l'atmosphère tendue, Loth voulut s'avancer vers sa fiancée pour l'accueillir avec une parole aimable, mais elle lui marcha presque sur les pieds en passant devant lui sans s'arrêter.

"Elle est comme ça depuis que je lui ai annoncé son mariage." commenta simplement Zyakan devant le regard étonné de son futur gendre.
Tous les seigneurs conviés était désormais arrivés et commençaient déjà s'installer dans la salle. Il était de commencer la cérémonie.
Elverid entra la première, et prit place face à l'assistance, derrière un écritoire de bois sculpté sur lequel étaient disposés trois parchemins. Puis la mariée fit son entrée, accompagnée de son père. Enfin, ce fut le tour de Loth. Andior entra en marchant quelques pas derrière son fils, mais le jeune Viserys préféra contourner par le côté pour gagner sa place discrètement.
Loth et Carmen se tenaient à présent debout côte à côte, face à Elverid. A quelques pas derrière eux, sur les fauteuils du premier rang, se trouvaient, d'un côté de l'allée, Zyakan, et de l'autre, Andior et Viserys.
La matriarche prit la parole.

"Nous sommes réunis en ce lieu pour célébrer officiellement le mariage entre Carmen de Guarida, fille du Comte Zyakan de Guarida, et Loth Hallgeirr d'Orcanie, fils du Duc Andior Hallgeirr. Cette union n'engage pas seulement ces deux jeunes gens dans la construction d'une vie commune. Elle scelle également un pacte solennel entre deux maisons dirigeantes de la Confrérie du Cygne. Un pacte qui devra garantir et consolider notre unité afin que plus aucun évènement, intérieur ou extérieur, ne puisse la compromettre, afin qu'aucune des différences qui peuvent exister entre nos clans ne puisse plus devenir un facteur de division ou de discorde.
Carmen de Guardia, Loth Hallgeirr, comprenez-vous tous les enjeux et toutes les implications de votre engagement ?
"
- Oui.
- Oui.
- Les acceptez-vous en toute conscience, devant tous les seigneurs ici présents ?
- Oui.
- Oui.
- Alors votre union est scellée."
Loth, avec un grand sourire, se tourna vers Carmen et posa ses mains sur les épaules de la jeune fille. Cette dernière reçut son baiser sans résistance, mais sans enthousiasme, puis les deux jeunes mariés passèrent derrière l'écritoire pour signer les parchemins. Andior et Zyakan s'avancèrent et y apposèrent à leur tour, l'un après l'autre, leur paraphe et leur sceau, après les avoir relus soigneusement. Enfin, Elverid fit de même, puis les trois dirgeants du Cygne prirent chacun l'un des exemplaires du pacte.

Dernière modification par Elverid (2016-12-03 20:11:47)

#13 2016-12-04 01:25:32

Zyakan

Re : Le Cygne mis à l'épreuve

Zyakan se releva lentement de sa prière. Il commençait à sentir le poids des années dans ses muscles et ses articulations. Son espoir était que Andior le sentait aussi.
Que Podeszwa lui accorde toute ses forces.

Le duel.

Ils y étaient.

Il sentait les regards de ses hommes sur lui. L'ambiance n'était pas celle des tournois normaux. Là, pas de brouhaha constant de la foule pour lui battre les tempes. De foule, d'ailleurs, pas l'ombre. Les gradins étaient presque vides. Seuls les seigneurs du Cygne étaient dans l'assistance. Par terre, quelques strolatz de confiance d'un côté, quelques huskarls de l'autre, et des soldats du Clan du Hibou pour éviter la guerre civile. La longue bande de terre, séparée en deux dans sa longueur, attendait silencieusement sa ration de choc et de sang.

Sur la tribune, ironiquement, c'était le couple tout juste formé qui présidait, aux côtés d'Elverid. Quoi qu'il advienne, la relève était prête. Un sourire lui vint en voyant la tête que faisait Carmen. Même s'il devait mourir aujourd'hui, il n'aurait pas voulu être à la place de Loth.



Les trompes retentirent.

Zyakan se hissa sur son cheval de tournoi. Il jeta un dernier regard à sa fille, qui ne le lui rendit pas. En face, de l'autre côté, Andior était déjà prêt. Le comte coiffa son heaume, saisit la lance et l'écu qu'on lui tendait, et leva la lance.

Les trompes retentirent de nouveau.

Les cavaliers s'avancèrent chacun à leur bout de la lice.

Le cérémonial avait été réduit au strict minimum. C'était un duel à mort. Joute, passe d'armes, lutte, dans les règles, pas plus. Pas de tour de piste en caracolant, pas d'énumération de titres, pas de bruit dans les gradins. On savait déjà qui allait se battre, et on savait qu'au moins un des deux allait mourir.

Un instant de vrai silence.

Trompes.

Les chevaux s'élancèrent en même temps, piqués aux flancs. Zyakan sentit se concentrer dans son bras toute la haine qu'il éprouvait en ce moment précis pour la masse rouge et noire qui fonçait vers lui. Au dernier moment, il releva l'extrémité de sa lance et pivota d'un degré sur sa selle... Le choc glissa sur son écu, alors que sa lance s'enfonçait littéralement dans la masse noire. Andior fut projeté violemment en arrière et vida les étriers.

Arrivé au trot au bout de la piste, soulagé d'un poids -pas seulement le bout brisé de la lance, la joute était toujours ce pour quoi il avait le plus d'appréhension- Zyakan se retourna et fut déçu de constater qu'il ne savait plus viser pour tuer. Andior se relevait.

Il sauta lourdement à bas de son cheval. La masse d'armes contre la hache, maintenant. Andior avait  absolument voulu se battre avec sa foutue arme de huskarl, grand bien lui fasse, mais il était hors de question que Zyakan se soumette à ça. Ils s'étaient entendus pour faire une entorse à la règle des armes égales, et ça serait sans doute le dernier accord de leur vie. Le sort exhibait une fois de plus son sourire carié.

Ils étaient debout à cinq pas l'un de l'autre, les trompes sonnèrent.

Zyakan fonça et frappa sans attendre, violemment. Détruire le bouclier. Profiter de la force de frappe. Acculer l'adversaire. Frapper encore. Andior reculait, se cachant derrière l'écu qui commençait déjà à montrer des signes de faiblesse. Rester attentif. Continuer à frapper. Ne pas baisser sa garde. Tout pouvait se régler là, avant la fin du temps réglementaire.

Il vit tout d'un coup la lame de la hache se reculer, le bras partir en arrière. L'occasion à saisir. Il lança sa masse pour frapper en verticale, atteindre le casque ou l'épaule. Mais Andior était réactif : il leva son bouclier, qui éclata enfin en deux sous le choc, sa hache chopa le haut de l'écu de son adversaire, et le tira vers lui. Surpris, pas prêt à donner un deuxième coup, Zyakan vit venir le heaume d'Andior tête baissée et subit de plein fouet le DONQ sonore. Il recula de deux pas, déboussolé, et para de justesse un coup aux jambes avec son écu libéré. Il répliqua à l'aveuglette, toucha l'épaule gauche, pas assez fort. Andior tapa à la hanche. Zyakan fut déconcentré par le choc, et se prit un coup de pied dans le ventre sans avoir le temps de réagir. Il était à deux doigts de perdre l'équilibre, quand les trompes déchirèrent la lice de leur meuglement triste.

Andior laissa tomber sa hache au sol. C'était l'heure de la lutte.

Les deux frères d'armes ennemis s'écartèrent de nouveau à cinq pas, et leurs écuyers s'empressèrent de les débarrasser de leur cotte de mailles et de leurs pièces d'armure. La hanche était douloureuse, mais il allait falloir passer par dessus. Il allait falloir donner toute la rage qu'il avait en réserve. Le comte étira ses bras, mains jointes, et les ramena en roulant ses épaules.

Trompes.

Torses nus, les deux hommes commencèrent à se tourner autour. Cette fois, ils se jaugèrent pendant plus longtemps... Andior attaqua en premier : crochet du droit, qui fit un petit courant d'air à deux centimètres du nez, évité de justesse. Il se mangea en réponse un méchant direct à l'épaule gauche, là où ça faisait mal, et eut le réflexe d'y porter la main sous la douleur.

Zyakan enchaîna avec un coup de pied dans le ventre, mais Andior réussit à contenir le choc et à lui attraper la jambe, et à la retourner. Zyakan n'avait pas vu le mouvement venir et pivota sur lui-même trop tard pour éviter la torsion. Le craquement sourd fut sa punition instantanée.

La douleur n'avait même pas eu le temps de lui remonter entièrement dans les dents qu'Andior enchaînait avec un nouveau direct au visage. Et un deuxième. Et un troisième dans le bide, un quatrième, un cinquième à la hanche et le coup de genou dans la tête d'un Zyakan plié en deux, qui chancela, voulut résister, et s'effondra.

Les nuages valdinguaient dans tous les sens. Ça allait pleuvoir dans la journée. C'était quoi, le truc chaud qui lui coulait du nez sur les joues, c'était chaud, c'était doux, il n'entendait plus rien. Il voyait Andior qui avait ramassé sa hache.

Qui était au-dessus de lui, c'était la fin.

Qui levait le bras, Carmen, sois forte.

Il voyait la hache qui venait vers lui tellement vite. Le goût des lèvres de...

Tellement vite.

Dernière modification par Zyakan (2016-12-04 20:08:33)

#14 2016-12-04 16:27:38

Carmen

Re : Le Cygne mis à l'épreuve

Carmen s'était levée. Sans réfléchir. Elle avait senti le craquement de la jambe, trop loin pour entendre quoi que ce soit mais elle l'avait senti jusque dans ses tripes. À ce moment précis elle réalisa qu'elle aurait dû au moins faire semblant de lui pardonner. Lui souhaiter bonne chance. Au cas où ; se quitter réconciliés. Mais pourquoi, de toutes façons, il ne pouvait pas perdre, ce n'était pas possible, il ne pouvait pas perdre. Il allait se redresser, il allait. Il n'allait pas tomber ! Il n'allait pas tomber ! Non ! Non. Non. Il allait se relever. Non ! Putain mais père relève-toi, relève-toiiiii !

Ses mains serraient la rambarde à y creuser des rainures.

Elle voyait Andior, marcher, lentement, lentement, inexorablement, sous les cris des huskarls en furie, vers sa hache. La prendre. Ses muscles ne répondaient plus. Elle voulait de toutes ses forces étrangler Loth debout à côté d'elle comme un otage, sauter sur la lice ou s'enfouir dans un coin pour fuir ce mauvais rêve. Et elle se retrouvait happée par ce qu'elle voyait, à ne pouvoir faire ni l'un ni l'autre ce n'était pas possible.

La hache se planta.

Carmen entendit son cœur s'arrêter de battre.

Andior leva le bras, éreinté et victorieux. Les huskarls de l'autre côté de la lice l'acclamaient. Et derrière lui, le comte Zyakan de Guarida était étendu, la hache plantée au sol à côté de sa tête.

Tout le monde mit un temps à comprendre. Le sang de Carmen quitta ses veines, les frissons la déchirèrent et le sang revint. Elle se sentit imploser sous la chaleur. Il ne l'avait pas tué. Son père n'était pas mort. Il ne l'avait pas tué et son père était vivant.

« La victoire est au Duc Andior Hallgeirr. » fit résonner la voix du héraut.

Andior tendit la main à son adversaire. Resta en plan quelques secondes. Et finalement, Zyakan accepta la main. Les deux hommes conjuguèrent leurs forces, et le comte se releva péniblement, il avait pris dix ans. On pouvait lire d'ici qu'il devait faire autant d'effort pour tenir debout que pour avaler son humiliation. Les écuyers arrivaient enfin pour aider leurs seigneurs, Zyakan chassa d'un geste irrité ceux qui commençaient à s'empresser autour de lui et s'écarta en claudiquant, laissant le Duc s'avancer vers les gradins pour prendre la parole.

« Yggnir m'a fait gagner ce duel, entama-t-il avec la morgue du vainqueur.Mais aujourd'hui, ce n'est pas moi qui suis victorieux. C'est le Cygne. Aujourd'hui, la querelle fratricide qui nous séparait peut enfin se terminer. »

Alors qu'Andior allait enchaîner, Carmen vit tout à coup le regard de son père être attiré par quelque chose du côté des soldats, et faire un mouvement réflexe vers le Duc en criant « Non ! ». Andior se retourna, surpris, et se cabra d'un coup sec, la tête propulsée en arrière par un carreau d'arbalète.

Le strolatz qui avait tiré était resté interdit une demi-seconde, comme étonné d'avoir réussi. La chute d'Andior dans la poussière eut le temps de faire comme un écho dans le silence total. L'instant d'après, Loth et Viserys avaient bondi, l'ordre d'attraper le tueur claquait déjà dans l'air, glapi par Zyakan ou quelqu'un d'autre. Les huskarls, passé l'instant de stupéfaction, se ruèrent en hurlant vers les strolatz, commençant déjà à déborder les soldats de la comtesse Elverid, sautant par dessus la barrière de la lice pour les contourner. Elverid elle-même avait dégringolé les gradins et s'était précipitée au chevet du Duc, rejointe par des écuyers, le strolatz meurtrier qui gueulait le nom de Podeszwa était empoigné même par ses frères d'armes. Carmen, spectatrice immobile et sans voix, regardait le monde entier se hurler dessus dans tous les sens. Finalement, dans le vacarme, Diego, ou Rafael, agrippa le tireur et le fit passer vigoureusement de l'autre côté de la barrière, alors que l'autre jumeau repoussait -retardait- à grand-peine les huskarls partis pour le lynchage.

Le jumeau géant posa sans ménagement l'homme à genoux aux pieds de Zyakan, qui se tourna vers Elverid et le corps d'Andior.

Le regard que lui renvoya la jeune matriarche était sans équivoque.

Le Duc Andior était mort, un carreau en plein front.

Zyakan serra les poings. Carmen le voyait de là. Il se dirigea vers la hache qui était restée plantée au sol, à côté de l'endroit où sa propre tête était restée sans force. La hache de son adversaire. La hache du Duc, du chef du Cygne. Son frère d'armes. Il allait tuer l'assassin. Loth s'interposa au moment où sa main se posait sur le manche de l'arme. Zyakan recula. Carmen vit sur le visage de son nouvel époux la détermination d'un chef.

Loth saisit la hache, la brandit haut devant tous, et déclara d'une voix qui ne tremblait pas :

« Mon père est mort. Moi, Loth, son fils aîné, je revendique son titre ! Si quelqu'un ici souhaite s'opposer à moi, qu'il s'avance ! »

Personne ne bougea.

Loth baissa sa hache. Les huskarls, puis tous, l'acclamèrent.

« Le strolatz est à moi. », dit-il sobrement en direction de Zyakan.

Pied de page des forums

Propulsé par FluxBB